Il lui fallait se calmer. C'était impératif. Il le fallait. Parce qu'il ne pouvait assurément pas rester dans un tel état. Une profonde panique s'était emparée de lui quelques instants plus tôt, et il ne parvenait plus à la contenir. Il avait peur. Pire que ça, il était effrayé. Il venait de cauchemarder et il ne s'en remettait pas. Ni son esprit, ni son corps ne s'en remettait. Son être tout entier en était traumatisé. Il avait beau tâcher de contrôler sa respiration, penser à autre chose, rien n'y faisait, il restait profondément apeuré. Ses membres tremblaient, sa tête tournait, tout ce qu'il voulait à cet instant précis, c'est mourir. Mourir pour échapper à cet état de pré-démence. Mourir pour ne plus avoir à supporter ce genre de situations absurdes. Mourir pour ne plus avoir à le supporter. Il venait d'en rêver. Il l'avait poursuivi, l'avait attrapé, lui avait fait du mal, tant de mal. Et maintenant qu'il était éveillé, qu'il avait eu le temps de reprendre conscience, il en venait à craindre que la réalité rejoigne sa rêverie et qu'il s'attaque à lui pour de vrai. Maintenant en larmes, il ne parvenait plus à bouger. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était ouvrir ou fermer les yeux. Alors un coup il les ouvrait pour faire disparaitre ses sombres songes, un coup il les fermait pour tâcher de se rendormir et oublier ce mauvais rêve, bien en vain hélas. Alors finalement, lorsque ses membres se laissèrent de nouveau contrôler, lorsqu'il retrouva un semblant de libre arbitre, il se tourna vers une Candace profondément endormie, et ne souhaitant assurément pas qu'il la dérange en plein sommeil. Mais il le fallait. Il n'avait personne. A cet instant précis, il n'avait qu'elle. Et puis, Candace était sa partenaire. Un lien qui lui tenait à cœur, mine de rien. Alors, il déposa bientôt une main sur l'épaule de sa camarade, qu'il agita avec douceur, malgré l'état dans lequel il se trouvait. Il ne voulait pas lui faire peur, qu'elle s'imagine qu'il y avait le feu. Ça n'était que lui. Lui et ses problèmes insignifiants. Comme sa mère, elle l'enverrait probablement balader, prétextant qu'il était trop grand pour avoir besoin de réconfort après un cauchemar. Oui, probablement. « Can ... Candace ... » fit-il, tout en continuant de secouer son épaule. « J'ai peur » reprit-il, plus paniqué, et toujours en pleurs. « Prends-moi dans tes bras ... s'il te plait ... » Il n'insisterait pas en cas de rejet. Il en pleurerait davantage, mais clairement, il n'insisterait pas.

Je ne suis épuisée, si épuisée. Et pour cause, je ne suis toujours pas parvenue à trouver le sommeil, un vrai sommeil réparateur s'entend, hors des bras de mon mari. Je dors ailleurs qu'on se le dise, mais c'est un sommeil sans grand intérêt, un sommeil agité. Pourtant ce soir je me suis endormie et bien plus tôt que d'ordinaire. J'ai pris garde à ne pas réveiller Raphaël qui dormait déjà à points fermés. Et puis je me suis endormie rapidement. Il s'agit d'un de ces sommeils réparateurs, sans rêve, sans rêve conscient du moins. Je me rappelle uniquement avoir fermé les yeux, et au bout d'un moment, je ne sais combien de temps néanmoins, j'ai senti une pression sur mon épaule. Une douce pression. Je n'ai pas tardé à me réveiller. J'entends mon prénom et je ne tarde pas à reconnaître la voix de mon partenaire me secouant toujours. J'ouvre les yeux, il fait noir, il me faut quelques minutes pour m'habituer et rapidement, je constate qu'il est entrain de pleurer. Je ne suis pas le genre de personne câline, celle qui prend dans ses bras pour réconforter les autres. Pas naturellement du moins. Il me dit qu'il a peur, pourtant je garde le silence. Il doit sans doute se dire que je vais l'envoyer balader. Sauf que non. « Oui... Oui bien sûr. » Je murmure et l'attire vers moi. « Calme toi, ça va aller Raphaël. Tu ne risques rien du tout ici. » Je le sers contre moi et caresse ses cheveux comme une mère pourrait le faire. Je pense qu'il en a besoin alors je m'exécute. Et finalement, même si ce n'est pas naturel et que je n'ai aucune fibre maternelle, je ne me force pas vraiment pour agir ainsi avec lui. « Est-ce que tu veux m'en parler ? » Je murmure à nouveau, je ne sais pas trop quoi dire dans ce genre de situations. « Tu sais que tu peux me parler. » Je dépose un baiser sur son front. Nous ne sommes pas vraiment très proches, je ne sais pas grand chose de lui, il ne sait pas grand chose de moi. On se parle rarement, ou pour ainsi dire jamais. Pourtant, nous sommes partenaires et ce lien est important pour moi.

Quatre ans d'âge mental. Oui vraiment, Raphaël agissait présentement comme un gamin, comme un petit garçon effrayé par le redoutable croque-mitaine. Mais rappelons tout de même qu'il était un jeune homme de vingt-trois ans, qui n'avait clairement plus du tout l'âge de prendre peur après un cauchemar, et encore moins de réveiller sa partenaire au beau milieu de la nuit, pour réclamer une étreinte réconfortante. Pourtant, c'est précisément ce qu'il venait de faire, en secouant délicatement son épaule, puis en lui adressant quelques douces paroles, toutefois clairement teintées de peur et d'effroi. Sa camarade s'éveilla alors progressivement. Bon, puisqu'elle ne le frappait pas immédiatement, c'est que le pire avait été évité. Mais maintenant, il était fébrile à l'idée qu'elle puisse l'engueuler et le prier de se rendormir sagement, comme sa mère l'avait souvent fait de son temps. Mais non, contre toute attente, sa camarade ne tarda pas à accepter de lui offrir le câlin dont il avait tant besoin. Elle l'attira doucement contre elle, et il se laissa faire, s'abandonnant aux bras de la jeune femme, qui était décidément douce et compréhensive à son égard. Elle lui intimait de se calmer, et il essayait justement de reprendre un certain contrôle sur ce corps meurtri et épouvanté, de ralentir sa respiration, de s'empêcher de pleurer davantage. Ne risquait-il vraiment rien du tout, comme elle semblait l'avancer ? Rien n'était moins sûr aux yeux du jeune homme. Car il craignait encore et toujours que son cauchemar prenne vie, qu'il devienne réel, et que l'objet de ses craintes se matérialise face à ce lit, se jette sur lui et lui fasse amèrement regretter d'être ce qu'il était. Tandis qu'il tâchait de calmer ses pleurs, qu'il fermait les yeux pour profiter pleinement de cette agréable étreinte, il sentit la main de sa camarade caresser ses cheveux. Il poussa un petit soupire, autant parce qu'il se trouvait pathétique que parce que sa camarade parvenait à le rassurer. Candace l'invita alors à parler, en déposant un baiser sur son front. Il rouvrit les yeux et releva les yeux vers elle, confus. « J'ai juste fait un cauchemar, et je ... je ne parviens pas à m'en remettre » soupira-t-il, profondément honteux d'avoir besoin d'un câlin à son âge. « Je suis désolé de t'avoir réveillée, mais ... mais j'avais besoin de quelqu'un, de toi, pour me calmer. » Et pour sûr que lorsqu'elle voudrait se rendormir, il la laisserait enfin tranquille. Il en avait déjà assez fait comme ça.

Est-ce que j'aurais pu envoyer Raphaël sur les roses pour m'avoir tiré de mon sommeil durement trouvé ? Oui très certainement, j'en aurais été totalement capable. Peut être pas avec Raphaël néanmoins. J'ai toujours agis avec gentillesse et douceur avec lui. Parce que c'est ce dont il a besoin, je n'ai aucune envie de le traumatiser, d'être méchante avec lui. Je ne suis jamais méchante volontairement de toute façon. Je n'éprouve aucun plaisir à maltraiter les gens, et avec mon partenaire ce serait de la cruauté extrême. Alors même si j'aurais préféré dormir encore un peu, profiter de cette nuit pour me ressourcer et bien je ne dis rien. J'agis avec une gentillesse insoupçonnable. Une fois encore je m'adapte. Même s'il fait nuit dans cette chambre plongée dans l'obscurité, j'arrive à distinguer la peur sur son visage, il n'a certainement pas besoin qu'on l'envoie sur les roses, il a besoin de réconfort et je suis prête à lui en donner. J'agis comme une mère avec lui, je le sers dans mes bras, je lui caresse les cheveux pour l'aider à ce calmer. J'ai vu ma mère agir de cette façon avec ma soeur à de nombreuses reprises lorsqu'elle se réveillait au beau milieu de la nuit, et à chaque fois elle parvenait à se calmer et à retrouver le sommeil. Il paraît qu'il n'y a rien de mieux que la tendresse d'une mère. Je ne suis pas sa mère c'est certain, je ne serais jamais la mère de personne par ailleurs néanmoins j'essaye de reproduire ses gestes qui semblent totalement naturels. Peut être parce que c'est facile avec Raphaël. J'agis, je lui demande de me parler, en général lorsque l'on parle ça va toujours mieux. Il relève la tête vers moi. Je lui souris. « C'est fini maintenant, rien de tout ça était réel, tu es en sécurité avec moi. » Je murmure tout en tentante de lui sécher ses larmes. Il s'excusa ensuite. « Pas de problèmes, je suis là pour toi, quoi qu'il arrive. » Nouveau baiser sur sa tempe, c'est totalement le genre de personne qu'on a envie de câliner. Je l'observe un moment, il est clair que c'est trop tôt pour dormir. « Est-ce que tu veux qu'on parle ? Pour te changer les idées ? De ce que tu veux. Je n'ai plus aucun secret pour toi de toute façon. » Je réplique légèrement amusé, évidemment, il a une information importante me concernant, comme moi sur lui, et quoi qu'on en dise c'est important.

Raphaël se sentait incroyablement bien dans les bras de Candace. Il savait depuis le premier soir de l'aventure que la jeune femme pouvait se montrer compréhensive et attentionnée, et il en avait une fois encore la preuve. Le suisse ignorait comment elle pouvait se comporter avec leurs camarades, mais il savait qu'elle était toujours d'une grande amabilité, d'une grande gentillesse à son égard. Pour preuve, alors qu'elle aurait pu l'envoyer promener quelques instants plus tôt, elle avait eu la bonté de le serrer contre elle, de tenter de le tranquilliser, de l'apaiser. Naturellement, Raphaël se sentait coupable et gêné d'avoir de la sorte réveillé sa camarade, mais il ne pouvait tout de même pas nier le fait qu'il était grandement tranquillisé maintenant qu'il savait qu'elle était là pour lui. Elle avait cette voix rassurante qui lui rappelait un peu celle de sa sœur Mélina. Parce qu'il va de soi qu'il n'avait jamais pu compter sur sa mère - et encore moins sur son père - pour calmer ses angoisses nocturnes. Mélina, elle, avait souvent tâché de le tranquilliser dans ce genre de moments délicats. Et tandis qu'il se trouvait dans les bras apaisants de sa partenaire, Raphaël en venait à penser à ses sœurs, ce qui le rendit nostalgique, mais moins triste qu'il l'aurait pensé. Cela le calmait, également. Il savait qu'aucune d'elles n'aurait voulu le voir dans cet état, alors cela l'incitait à faire des efforts. Et comme le disait Candace, il était en sécurité avec elle. Il le savait et il lui était clairement reconnaissant de sacrifier de son temps de sommeil pour l'aider à se calmer. Elle n'était pas obligée de faire ça, mais elle le faisait. Il avait une partenaire rêvée, comme il avait déjà eu l'occasion de le dire, notamment à Ismay. Il lui sourit tendrement, avant que Candace ne reprenne, affirmant qu'elle était là pour lui, et ce, quoi qu'il arrive. Il en eut momentanément les larmes aux yeux, qu'il referma doucement, tout en se blottissant davantage contre elle. « Merci, Candace. Pour tout ce que tu fais pour moi, merci » articula-t-il d'une petite voix, et très sincérement. Il la remerciait pour son aide, que ce soit à cet instant précis, ou au début du jeu. Ils s'étaient presque perdus de vue entre temps, et il trouvait ça dommage. Il était particulièrement ému de la retrouver. Après un baiser sur la tempe qui le fit partiellement rougir, Raphaël rouvrit les yeux et sourit quelques peu à la proposition de sa partenaire. Elle avait raison. Il savait d'elle ce que d'autres ignoraient, et vice versa. « Je ne sais quasiment rien de toi, Candace, mis à part que tu es mariée à un homme très charismatique et que tu es adorable avec le nigaud qui te sert de partenaire. » Il émit un petit rire d'auto-dérision, étant véritablement désireux d'en savoir plus à son sujet. Il connaissait peut être d'elle un point important la concernant, mais du reste, il ne savait rien.

Raphaël n'est pas du tout le genre de personne qu'on a envie d'envoyer sur les roses, il est doux et adorable. Il a cette innocence et cette fragilité que possèdent ces enfants que l'on a envie de cajoler. Enfin si tant est qu'on aime cajoler des enfants, moi je ne les supporte pas, ils sont envahissant, dégueulassent, oui les enfants sont très sales et indisciplinés. Je ne les supporte pas. C'est pour cette raison, et aussi parce que je suis beaucoup trop égoïste pour consacrer ma vie pour un enfant alors que je refuse d'en avoir. Mais là n'est pas la question puisque Raphaël n'en est pas un. C'est simplement un adulte qui a besoin d'un peu d'aide et ce soir, dans ce lit, je fais ce que je peux pour qu'il se sente mieux. J'essaye de le rassurer, j'essaye de lui donner du réconfort et je pense que ça fonctionne un peu. Et malgré tout, je me moque d'avoir été tiré de mon sommeil, je ne dors pas beaucoup de toute façon, et puis on ne fait rien de très éreintant qui mérite de passer une nuit complète à dormir. Il me remercie, je lui souris. « C'est normal, j'imagine que tu n'hésiterais pas à faire la même chose pour moi si c'était nécessaire. » Ca ne le sera pas, jamais, il n'y a aucun risque que je me mette à pleurer, que je sois en proie aux doutes, simplement parce que ce n'est du tout mon genre. Mais je présume qu'il ne m'enverrait pas sur les roses, bref. Je prends le parti de lui changer les idées alors je lui propose de parler d'autre chose, je lui laisse même le choix de la conversation. Il veut en savoir plus sur moi, et c'est compréhensif parce que finalement on ne se connait pas du tout. Je souris suite à son rire. « Et bien si tu étais vraiment un nigaud, je pense que je ne serais pas si gentille avec toi. » Je ris une nouvelle fois. Qu'est ce que je pourrais lui dire ? Je ne sais pas trop, j'imagine que tout sera faussé parce qu'il sait. Je ne sais pas. « Je ne ne sais pas trop ce que je pourrais te dire, tu connais le principal, plus que la majorité de mes proches. Alors, je ne sais pas. J'habite dans le Colorado depuis toujours, je suis avocate comme mon père. J'ai un frère, j'avais une soeur mais elle est morte. J'ai toujours dit que je me marierais jamais alors que je le suis depuis plus de six ans avec un homme que je connaissais à peine. Mon mariage s'est toujours déroulé sans le moindre accro, pourtant il m'a fallu deux, trois semaines ici pour tromper mon mari, puisque non ce n'est pas une habitude pour moi. Et, je fais preuve d'une honnêteté déconcertante avec toi alors que je suis plus souvent habitué aux mensonges. » Je n'aime pas parler de moi, pas en étant sincère du moins parce que je le suis totalement. Je ne sais pas ce qui en ressortira mais voilà, je lui ai répondu. Je lui souris. Je ne suis pas honteuse parce que c'est ma vie, une infime partie de ma vie en réalité. « A ton tour Raphaël. »