Ce n'est que dans cette chambre que les choses sont palpables, prennent tout son sens. Nous sommes à l'abri dans ses draps, loin des regards indiscrets. Je me blottis contre elle, fermant les yeux et humant les effluves que dégagent son cou gracile. Des effluves qui me réconfortent dans ma torpeur latente. Je ne dors pas, je somnole légèrement, mes sens en alerte constants et consciente du corps de l'autre. Un corps que j'étreins avec une extrême délicatesse de peur de le briser. J'enfouis mon visage au creux de son cou et caresse avec légèreté sa chevelure flamboyante. Je n'ai pas envie qu'elle s'en aille. Je n'ai pas envie de la perdre tout simplement, donc je m'accroche tant que je peux à elle. Ma moitié, mon âme soeur dans le sens platonique du terme. Elle est ma partie manquante. Celle qui connaît mes plus noirs secrets. C'en est presque désarmant d'apprécier autant quelqu'un. De l'aimer à un point où mon cœur vacille, se déchire. Je veux qu'elle reste avec moi. Elle est mon seul et véritable pilier dans ce nid, mon point d'ancrage dans ce monde cruel. Sa présence me rassure, brisant mes craintes et mes indécisions. J'ai peur de la perdre. Depuis Dimanche soir, ça me hante. Je n'arrive pas me ôter cette idée de l'esprit. Elle me trotte dans la tête. Elle est persistante, accablante plombant mes humeurs, m'empêchant de sombrer dans un sommeil implacable. De la lumière filtre à travers la fenêtre. Les rayons du soleil caressent mon visage. J'ouvre les yeux brutalement. Je jette un regard apeuré autour de moi, puis effleure le visage éthéré de la rousse. Elle est encore là. Je l'attire à moi et la serre contre moi. J'éclate en sanglots. - Je n'ai pas envie que tu partes., murmurai-je à bout de souffle. Je resserre mon étreinte, des larmes coulant à flot sur mes joues. Je sanglote. Je me sens impuissante face à ce qui l'attend au prochain prime.

Je n’ai pas beaucoup dormi depuis le début de la semaine. Pas parce que les bras de Morphée me repoussent et me dédaignent, mais bel et bien parce que moi je leur tourne le dos, volontairement. Cela fait partie de mon nouveau régime de vie. Il ne me reste peut-être qu’une semaine à passer au nid, et je veux en profiter pleinement. Je déteste la façon dont ça s’est passé. La façon dont je me suis sentie manipulée. On joue avec mes nerfs pour booster l’audience. Et les dilemmes n’étaient évidemment pas équitables, ce qui finissait de me persuader que la production me haïssait. Lors du prime, je n’avais pas pu m’empêcher de mauvais sentiments de m’envahir, et je m’étais prise en flagrant délit, et je détestais me sentir si ombrageuse ; j’avais éprouvé de la rancœur pour les candidats dont les dilemmes m’étaient apparus bien plus faciles, et je m’en étais voulue de me montrer si mauvaise. J’en venais à penser qu’il ne serait pas plus mal que je quitte le nid. J’en venais à penser que Rousseau avait raison. Que la société corrompait l’homme. J’en venais à penser que j’étais bien mieux seule, et je voulais rentrer chez moi. Un homme a dit un jour "Tout notre mal vient de ne pouvoir être seuls : de là le jeu, le luxe, la dissipation, le vin, les femmes, l'ignorance, la médisance, l'envie, l'oubli de soi-même et de Dieu" et j’ai retenu cette phrase dans un coin de ma tête, mais elle ne prend tout son sens qu’aujourd’hui. Je soupire en y pensant. Il est six heures du matin, j’ai voulu assister au lever du soleil, et maintenant je retourne me coucher. Je m’endors rapidement, et n’émerge que bien plus tard. Le visage d’Elliot est la première chose que j’aperçois, et un sourire vient spontanément prendre place sur mes lèvres. Mais elle ne sourit pas. Elle m’enlace, dans une étreinte désespérée, et je suis prise de court par l’intensité de ses émotions, qui me paraissent transpercer sa peau et imprégner ma chair en me percutant de plein fouet. Je caresse doucement sa chevelure à la douceur inégalable, et love mon visage contre le sien avec délicatesse. « Doucement, doucement… Ça va aller… » je murmure avec sérénité, essayant de me montrer aussi apaisante que je pouvais l’être. Et puis, j’ai beau être persuadée depuis dimanche dernier que je vais quitter le nid cette semaine, j’ai beau en être convaincue, j’ai beau en avoir envie, j’oublie tout, j’efface tout, et j’en décide autrement. « Ça tombe bien, j’ai prévu de rester. » je souffle avec un sourire rassurant. C’était faux. J’avais prévu de partir. J’avais prévu de tout faire pour. Mais face à la détresse de ma partenaire, il m’est impossible de considérer cette option comme étant envisageable, soudainement. Je pensais qu’il ne servait à rien que je reste, parce que je savais d’ores et déjà que je ne gagnerai pas ce jeu. Mais Elliot avait ses chances, et elle avait besoin de moi à ses côtés, et plus j’y songeais, plus je réalisais que cela me déchirerait le cœur de suivre son aventure via l’écran télévisé, sans pouvoir interagir directement avec elle, sans pouvoir me jeter dans ses bras quand j’en ressentais l’envie ou la nécessité. Alors je décide que je vais rester. Quoi qu’il m’en coûte. Pour Elliot.

En quelques semaines, j'ai vu des gens que j'appréciais énormément quitter l'émission. Les différents départs m'ont beaucoup affecté. J'ai l'impression de perdre de plus en plus mes repères. Je me demande même si je mérite encore d'être parmi eux. J'ai presque envie de prendre mes valises et partir tout simplement. Mais je ne peux pas. J'ai promis d'aller jusqu'au bout quoiqu'il arrive. Dimanche dernier, les dilemmes ne nous ont pas épargné. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, je ne suis pas du tout rassurée cette semaine. Dagga est nominée. Je ne peux pas l'accepter, car elle a choisi de me sauver. Inévitablement, ça me déchire le coeur. De plus, elle a les pleins pouvoirs pour les nominations de cette semaine. Il n'empêche qu'elle est également sur la sellette. Cela m'angoisse, cela me ronge depuis des jours. Surtout la nuit quand je me couche à ses côtés. Je ne peux m'empêcher de me blottir contre elle, m'imprégnant de son odeur à loisir jusqu'à l’excès même. J'ai tellement peur de la perdre elle aussi que c'en est devenu viscéral. J'ai mené une vie solitaire pendant très longtemps. Je me suis attachée à très peu de monde. En vérité, j'avais peur des autres. En venant sur Fake Lover, je pensais qu'en étant entourée de monde, je pourrais me faire une place dans une communauté. Maintenant que j'y suis, je ne pensais pas que ce serait difficile de voir certains candidats partir. Je m'en rends compte que mon attachement pour eux a été profond. Là, il me reste encore des personnes auxquelles je tiens énormément. Ses doigts viennent tendrement caresser mes cheveux. Des larmes ne cessent de couler. Je suis prise par une sorte de tristesse incontrôlable. Ses murmures me parviennent : - Doucement, doucement… Ça va aller… Sa voix m'apaise tout de suite. Je ne sais pas comment elle fait ça. Ou par quelle charme elle est parvenue à me calmer. Ça marche. Mon corps se détend lentement. Je m'empresse de sécher mes larmes comme je peux, car c'est ridicule. J’entrevois un sourire serein sur ses lèvres. - Ça tombe bien, j’ai prévu de rester. Je lui rendis son sourire et la prends dans mes bras. Je la serre contre moi pour sentir de nouveau son odeur rassurante. Je ne veux pas qu'elle parte. - Tu sais que tu passeras toujours avant tout le reste hein ? , dis-je d'une voix douce. Je caresse sa chevelure flamboyante. Je ne me suis jamais autant ouverte à quelqu'un qu'avec elle. - Tu seras toujours ma priorité. Quoique tu décides, je te soutiendrai. Je lui relève la tête pour contempler son visage et ses magnifiques tâches de rousseur. Ce soir, il y aura les nominations. Elle a sans doute déjà fait ses choix. Je ne vais pas la dissuader pour autant. Je lui fais confiance, je sais qu'elle fera le bon choix. Même si ça sera douloureux.

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