Je rejoins le plateau alors que rien ne m'y oblige, je ne fais plus parti des candidats depuis une semaine. Pourtant je fais l'effort de m'y rendre, enfin l'effort c'est exagéré, je m'y serais rendu de toute façon. Pour Candace, elle a ses chances ce soir et je crois en elle. Je ne suis peut être pas le plus objectif mais peu importe, j'assume. Néanmoins, je sens que cette soirée va être merdique à cause de la révélation des secrets. Je n'ai pas préparé mon texte, je ne sais pas par quoi commencer. D'autant que ce secret, il n'est pas bref. Ce n'est pas ce qui me caractérise le plus. Je fais l'effort de bien m'habiller pour ne pas faire tache en compagnie de ma femme. Elle sera élégante, elle l'est toujours. Je fume un peu avant. Je rentre et je constate avec surprise qu'il y a peu de monde. C'est bizarre. William et Candace sont là, assis côte à côté, comme d'habitude. Je souris parce que cette situation ne me dérange pas tellement. J'avance tout sourire vers eux. « Bonsoir mon coeur. » J'adresse un sourire à Will puisque c'est lui que je regarde finalement, je me penche pour embrasser Candy. Elle est belle. Cupidon intervient, on va connaître le nom des finalistes au long de l'aventure : tant mieux. Par contre, on va devoir dévoiler nos secrets, je le savais, mais tout de même. Ca fait chier. Je me penche vers William, je sais qu'il n'en est pas fier. « Ca va aller mec ? » Je pose une main sur son épaule puis m'assieds de l'autre côté de ma femme. Je la regarde parce que je n'ai pas envie d'entendre ce qu'elle a à dire ce soir. Je crois que je n'y suis pas préparé.

J'arrive un peu en retard sur le plateau, enfin j'imagine que je dois être en retard sans en être complètement sûre, mais le fait que la majorité des candidats restants est déjà présente, et qu'ils ont tous l'air d'être installés là à papoter depuis quelques minutes est un indice que je ne néglige pas. Je m'avance et vais prendre place aux côtés de William, qui se trouve, sans grande surprise, assis à côté de Candace ; je leur dédie au passage un rapide sourire à tous les deux avant de me laisser choir sur le canapé. Cupidon intervient alors, c'est que je ne dois pas être si en retard que ça donc – je n'ai pas dû louper grand-chose. Je ne saurais trop dire quel effet son annonce me fait. J'ai la sensation d'être comme anesthésiée, ce qui me convient assez dans la mesure où je préfère afficher une expression doucement neutre que le vague air courroucé que je me suis trimballé toute la semaine. Je rabats les pans de mon perfecto sur ma poitrine et ramène mes genoux contre moi, partant du principe qu'on n'allait pas m'en vouloir de poser les pieds sur le canapé. Tout en posant un regard curieux sur Malik, qui s'apprête à nous faire sa révélation, je viens attraper au passage la main de William en lui adressant momentanément un sourire en coin, avant de reporter mon attention sur l'égyptien.

Dans une semaine jour pour jour, je mettrais à l'épreuve mon instinct et pourrais en vérifier, ou non, l'exactitude. Parce que depuis quelques semaines maintenant j'avais à l'esprit le nom d'un potentiel gagnant, mais encore fallait-il que cette personne se qualifie pour le carré final ce soir. À mon sens une telle chose avait toutes les chances d'advenir, mais on était jamais sûr de rien néanmoins. Tandis que j'assistai à la venue sur le plateau de certains candidats mis sur leur trente-et-un pour la grande majorité, Raphaël décida de me tenir, à nouveau, compagnie ce soir. « Comment te sens-tu ? Un peu fébrile sans doute, hm ? » Fébrile... Et bien oui, plus ou moins. Et en une telle occasion il y avait quand même de quoi l'être. Reportant le regard sur le grand brun et esquissant un sourire, je tirai nerveusement sur l'une des manches de ma veste, avant de répondre. « Je suis nerveux oui, mais pas pour les résultats... » Je ne m'en faisais pas pour mon sort, il était déjà scellé et dès dimanche dernier je m'étais considéré hors compétition. Cupidon intervint alors, pour nous annoncer que tout au long de la soirée les secrets restants allaient être révélés. Et hop, j'allais passer le premier de toute évidence. De quoi faire monter subitement la pression en moi. Cette révélation me stressait bien plus que d'apprendre, tout au long de la soirée, qui se qualifierait et qui ne se qualifierait pas.

C'était LE moment, celui que j'avais particulièrement redouté ces derniers jours. Je ne savais pas exactement ce qui me faisait si peur. À la base, je n'étais pas un grand timide. Prendre la parole en public, sentir une multitude de regards se poser sur moi, ça ne m'avait jusque là jamais dérangé ni mis mal à l'aise. Seulement, j'avais véritablement l'impression de m'être affaibli au cours de cette aventure, comme si on m'avait dérobé le peu de confiance que j'avais en moi, comme si également l'omniprésence des caméras, les reproches fusant de toutes parts et quasiment quotidiennement, ainsi que la paranoïa grandissant chaque jour un peu plus, m'avaient fait perdre en assurance, en entrain, au point que j'en étais presque devenu poltron, ce qui initialement ne me ressemblait pas. Je n'avais jamais autant stressé que ce soir. Il allait m'être demandé, dans les prochaines minutes, de révéler mon secret et clairement, à l'heure d'aujourd'hui, j'en avais honte. Pourquoi ? Et bien parce que pendant douze semaines, j'avais entendu toutes sortes d'histoires, parfois terriblement dramatiques et désolantes. Au milieu de tout ça, je me demandais quelle était ma place, ou plutôt ce que je fichais ici avec un secret pareil. Avant que je ne sois amené à faire cette émission, je n'avais jamais considéré ce secret comme étant honteux, ridicule ou que sais-je encore. Seulement depuis, les choses avaient changé, je n'avais plus le même point de vue sur celui-ci et le révéler ce soir en exclusivité m’embarrassait beaucoup, vraiment beaucoup. J'avais tout de même une minuscule once de fierté en moi, celle d'être parvenu à le garder pendant deux mois et demi sans que jamais personne ne me buzze, n'expose de sérieuses pistes à mon sujet. Mais quand même, je n'avais pas envie de lever le voile sur ce que j'avais dissimulé à mes camarades durant tout ce laps de temps. Hélas, je n'avais guère le choix, et si je refusais de leur en faire part, la production le leur livrerait cash et je préférais encore le leur annoncer moi-même. J'avais de toutes manières des choses à dire. Mon nom fut prononcé, je sursautais à son entente. Me levant de mon siège, les jambes lourdes et le dos en compote, je vins prendre place face à tout ce petit monde, claquant des dents par peur d'être définitivement perçu comme l'original, que dis-je, le cinglé du nid. « Bon et bien, c'est parti hein... Hum, j'irai droit au but. Parce que c'est mieux, parce que je ne veux pas monopoliser votre attention ni la parole, et parce que mon secret ne vaut clairement pas la peine qu'on s'étende trois quarts d'heures dessus. » Bien que me connaissant, j'allais très certainement blablater encore, et encore, pour finalement peiner à me stopper. Car quand j'étais lancé, difficile de m'arrêter. « Dans un premier temps je souhaiterais dire que ma présence dans ce jeu n'est en aucun cas due à mon secret. Je suis ici parce qu'on m'a incité à tenter ma chance, parce que je voulais vivre une aventure comme celle-ci, nécessitant au quotidien de faire des rencontres car étant très sociable. Je ne cherche donc pas à faire passer un message, ni à vous convaincre de quoi que ce soit. J'ai mes convictions, elles m'appartiennent, et vous êtes de votre côté libres d'avoir les vôtres, sans que personne ne tente de contrôler celles-ci. Ça n'a jamais été mon intention, je ne suis pas comme ça. » Ils savaient maintenant que mon secret avait un rapport avec mes convictions. Et pas mes convictions religieuses, qui étaient semblables à certains candidats dans ce nid. Non il était question d'autres convictions qui, je le pressentais, n'étaient celles de personne d'autre ici. M'éclaircissant la voix, et essuyant d'un revers de la main les gouttes de sueur perlant sur mon front, je repris bientôt. « Il y a trois ans, mon quotidien a été brutalement chamboulé. En juillet 2009, pour être tout à fait exact. Quelques jours plus tôt, le monde entier pleurait un grand monsieur de la pop américaine, Michael Jackson. Sa mort a créé un ras-de-marrée médiatique sans précédent et a fait la une des journaux télévisés comme des magazines. Personne n'a pu y échapper, les hommages à travers le monde ont été nombreux... Mais moi, de mon côté, je n'en connaissais que les chansons et encore, ça ne me disait pas grand chose. Je n'étais pas ce qu'on peut appeler un "fanatique" du chanteur, et pourtant mon secret a bel et bien un rapport avec lui. » Certaines personnes de mon âge avaient grandi sur les chansons de Michael Jackson. Or en Égypte, je n'avais pas souvent l'occasion de pouvoir entendre ces chansons... j'avais pris pas mal de retard sur les jeunes de ma génération mais, depuis, celui-ci avait considérablement été rattrapé. Et pour cause. « Quelques jours après l'annonce de sa mort, je me suis rendu sur le net comme cela m'arrivait de temps à autres, dans un cybercafé à Shubra El-Kheima, et je suis tombé par hasard sur un site web véhiculant certaines rumeurs, selon lesquelles Michael Jackson avait mis en scène sa propre mort. J'ai refusé d'y croire sur le moment, mais il ne m'a pas fallu bien longtemps pour me convaincre du fait que tout ce qui était sous mes yeux mettait en lumière une énorme mascarade. Les jours suivants d'autres thèses allant dans ce sens ont enflé sur la toile, mais les médias n'ont pas ébruité l'affaire en dehors du net. Ce jour-là en tout cas, j'ai eu "ma révélation". Celle qui fait qu'à l'heure actuelle une partie de ma vie est consacrée à Michael, à cette mort à laquelle je ne crois pas. Ce qui est fou car avant cela, je ne savais rien de lui. Aujourd'hui, je suis juste incollable sur sa vie, sa musique,... sa famille également. Je... Vous allez me prendre pour un fou, j'en suis conscient, si ça n'est pas déjà fait d'ailleurs, mais je... » M'arrêtant un instant, je sentais certains regards se faire particulièrement insistants, ce qui faillit me faire perdre tous mes moyens. Seulement je devais aller au bout de cette explication, afin qu'ils sachent exactement ce dont je m'étais persuadé. « J'en suis aujourd'hui convaincu, il n'est pas mort. J'ai rejoint peu de temps après avoir eu ce "déclic" une communauté regroupant des personnes ayant les mêmes convictions que moi. On les nomme les Believers. Ces personnes sont, comme moi, certaines du fait que Michael Jackson a mis en scène sa propre mort et vit reclus quelque part dans ce monde, en attendant de faire, prochainement, son grand retour. On nous dit optimistes, beaucoup trop, car espérant depuis trois ans maintenant qu'il daigne ressurgir. Mais nous ne perdons pas espoir, il est encore en vie, quelque part, et tôt ou tard il reviendra. Je le sais, je le sens. » Était-ce utile d'évoquer également le fait que selon nous, le clan Jackson était mis dans la confidence, depuis le début ? Ainsi que les amis artistes de la star ? Et Dave Dave... Conrad Murray... Mon dieu, j'avais tant de choses à dire encore. Mais le temps ne me le permettait pas ce soir, là clairement j'allais devoir faire plus concis. « Je ne pourrais pas vous donner toutes les preuves dont nous disposons, car elles sont trop nombreuses. Néanmoins je vous invite à vous documenter sur le sujet, à entreprendre vos propres recherches. Nous ne sommes pas des illuminés, nous savons ce que nous avançons, et par ailleurs nous sommes des millions. Si à vos yeux je ne suis qu'un fou allié, alors dites-vous que je ne suis pas le seul. Et sachez que la communauté que j'ai rejoint ne croit pas non plus aux morts de célébrités comme Lady Diana et Elvis Presley. Pour ne citer qu'eux. J'aurais tendance à les suivre sur ces pistes-là, également, bien que je me consacre exclusivement au fait de prouver l'actuelle présence de Michael, quelque part sur cette planète, bel et bien en vie. Peut-être nous observe-t-il, allez savoir... Hum. L'intitulé de mon secret est donc le suivant : "Believer, je réfute la mort de plusieurs célébrités". » Un intitulé bien général, d'ailleurs. Détournant le regard pour finalement poser celui-ci sur une certaine rousse, je repris, confus. « Dagga, je m'excuse. Je t'ai quelque peu menée en bateau dans la salle aux indices l'autre jour mais c'était pour protéger mon secret. J'espère que tu ne m'en veux pas. » Je n'aimais pas mentir. Or c'est à plus ou moins ce que j'avais fait devant la rouquine, lorsque nous avions tous deux eu accès à la salle aux indices et que je m'étais devant elle questionné sur un indice se rapportant à Michael. Je n'avais pas eu d'autre choix, et il m'avait été bien difficile de faire comme si cette image ne me disait rien... « J'en ai fini. Merci pour votre écoute, et votre attention. » Ouuf, voilà, c'était dit. Reprenant ma place sur le côté du plateau, je soupirai longuement, essayant par la même occasion de ne pas croiser les regards encore et toujours fixés sur moi. Je savais pertinemment qu'à partir de ce jour, je ferais office de dégénéré, de type à interner à leurs yeux et je ne pouvais rien faire contre ça. Mon secret n'en était désormais plus un. J'étais l'un des seuls Believers dont l'identité était révélée. Et ça me faisait tout drôle, par ailleurs. Bien, j'espérais que tous ici passeraient rapidement à autre chose. Y'avait clairement pas de quoi rester là-dessus pendant des lustres. C'était juste une histoire aussi tordue que moi.

Je ne reste pas seule très longtemps. Rapidement, je suis rejointe par William. Je ne sais pas si je suis contente ou non. Après notre rencontre houleuse de cette semaine j'ai pris le soin de l'éviter parce qu'il m'a vexé, et pas qu'un peu. Pourtant, je ne suis pas rancunière et il dépose un baiser sur ma joue. Je fronce les sourcils. Bon, c'est bon on s'en fiche, je vais me venger d'une certaine façon plus tard. Même si ce n'est pas vraiment une vengeance, bref. Il me congratule. « Je te fais toujours la gueule. » Mensonge mais j'ai envie de voir sa réaction. J'ai pas envie de jouer la chieuse, juste qu'il culpabilise un peu plus encore. Je souris néanmoins. « Pour une fois que t'es canon ça te change. » J'ajoute finalement parce que mine de rien, j'ai de l'humour et comme je ne lui fais pas vraiment la gueule. Enfin bref. Callan nous rejoint, je lui souris. Il s'adresse à William, il ne parle qu'à William et je le sens nerveux. Heureusement qu'il m'embrasse je pourrais presque me sentir vexée. Presque. Il s'assied. Je lui prends la main et ne les calcule plus vraiment puisque j'écoute Malik et l'explication de son secret. Un de ces masos comme on en croise souvent aux USA. Bref, je me retiens de tout commentaire puisque clairement, ce n'est pas mon problème, et puis j'aime bien Malik so. Je me tais.