S'il y avait bien une pièce qui restait totalement inconnue à Mado mais que la jeune femme était relativement curieuse de découvrir, c'était évidemment la pièce vérité. Déjà, rien que le titre suffisait à l'intriguer. Elle imaginait un drôle d'endroit, très lugubre, avec des types en toge, un éclairage suspect, de la fumée verte, mais aussi de la fumée bleue, avec des inscriptions douteuses sur tous les murs de la pièce et une musique de fond à la Era. Ouais, voilà, elle s'attendait à peu de choses près à foutre les pieds dans le repère d'une secte satanique, en fait. Parce que franchement, l'idée qu'elle se faisait de la "vérité" en général n'était pas bien concrète. Elle, elle n'aimait pas le mensonge. Elle préférait dire les choses telles qu'elle était, se montrer honnête et assumer le moindre de ses mots. Pour autant, il lui arrivait de juger qu'un peu de manipulation n'était pas toujours condamnable. Mado appréciait effectivement quelques fois de solliciter l'imagination des autres, pour une glisser une sorte de réalité alternée, et ainsi servir ses intérêts personnels. En cela, est-ce qu'il lui arrivait de mentir, à proprement parlé ? Elle se permettait d'en douter. Car les seules véritables fois où des faits non véridiques s'échappaient de sa bouche, c'était lorsqu'elle charriait, et donc, qu'elle plaisantait. A ses yeux, un mensonge dit sur un ton humoristique, voire ironique, n'en était plus franchement un. En tout cas, telle était son opinion. Mais tandis qu'elle s'était mise en route et qu'elle approchait dangereusement de la porte de cette intrigante salle, Mado en venait à penser que Cupidon, lui, avait peut être une toute autre opinion de la chose. Ainsi donc, disons qu'elle allait tenter, aussi durement que possible, de dire la vérité, et rien que la vérité, et ce, quel que soit le ton qu'elle choisirait d'utiliser. Sait-on jamais qu'il y ait une couille dans le potage et que les sœurs Halliwell ne soit pas suffisamment rapides pour s'interposer ... Hm, bref. Mado pénétra donc dans la fameuse pièce, et ne tarda alors pas à tomber sur Israël, constatant par la même occasion que la salle était finalement toute blanche, bien loin en soi de l'idée qu'elle s'en était faite. A la question de son camarade, la jeune femme lâcha un rictus. Oh oui putain, elle repensait à la pomme tout à coup. « Promis, je n'ai rien gâché depuis la dernière fois. Je pense que notre discussion m'a fait réfléchir. » Et c'était vrai. Elle n'en était pas devenue écologique ou protectrice de l’environnement, mais effectivement, elle tâchait de faire plus attention. Cela ne lui coûtait rien, après tout. « Tu es déjà venu ici ? » demanda-t-elle alors, en détaillant la pièce du regard, puis en le reportant sur son camarade. Si ça se trouve, il allait lui mentir. Le pire, c'est qu'elle n'aurait techniquement aucun moyen de le savoir. Mais Cupidon, lui, saurait. Alors elle comptait sur lui pour lancer le diable aux trousses d'Israël si jamais il la jouait comme ça. 'Faut pas déconner non plus, merde.

En repensant à la fois où elle avait bien failli gâcher une petite pomme à peine entamée, Mado se trouvait un brin égoïste. Parce que oui, elle avait pris conscience que beaucoup aimeraient avoir ne serait-ce qu'une petite pomme à manger, en ce monde. Donc effectivement, sa discussion de l'autre jour avec Israël l'avait faite réfléchir. Pas au point qu'elle en soit devenue la première concernée par l'environnement et la faim dans le monde, mais suffisant sans doute pour qu'elle juge préférable de faire plus attention, histoire de ne plus entamer ce qu'elle ne pourrait pas finir. Rien que ça, ça devrait améliorer ses rapports avec son karma, non ? En tous les cas, Israël sembla agréablement surpris d'entendre que sa camarade pouvait effectivement avoir réfléchi à tout ça, s'être posée des questions, et les bonnes. Se contentant de lui adresser un vague sourire, la jeune femme ne tarda pas à chercher à savoir si son camarade s'était déjà rendu dans une telle pièce. Elle avait tendance à penser que si lui aussi s'y rendait pour la première fois, ce serait préférable au fait qu'il y soit déjà venu. En effet, il n'aurait aucun avantage sur elle, serait peut être tout autant perturbé par la nouveauté des lieux et serait moins disposé à tenter de l'embrouiller. Parce que oui, naturellement, Mado se méfiait de lui. Elle se méfiait de tout le monde en fait, mais surtout en ces lieux. Partant du principe que personne n'essaierait de mentir, elle ne pouvait s'empêcher de supposer que les plus malins y parviendraient malgré tout. Pourquoi ? Er bien, parce qu'elle ne faisait confiance à personne pardi. « De même, c'est la première fois. » Et donc, l'un comme l'autre découvrait les lieux. Israël, lui, demanda à sa camarade si celle-ci allait bien. Une question surprenante qu'elle ne capta pas tout de suite. Il faut dire qu'il était rare que l'on s’acquière de son état. « Bah disons que j'ai connu mieux, mais que j'ai aussi connu pire. » Aussi peu précise soit cette réponse, elle était exacte. Elle n'avait simplement pas tellement envie d'en parler, sans doute. « J'ai pensé, un court instant, à te retourner la question, mais ça voudrait dire que j'en ai quelque chose à foutre, or ça n'est pas le cas. Et prétendre que ça m'intéresse, je suppose que ça reviendrait plus ou moins à mentir. » Bref, elle espérait simplement qu'il allait bien, mais n'attendait pas de lui qu'il le lui confirme. En vrai, elle se passait plutôt bien de le savoir. « Tu trouves que je fais vieille ? » demanda-t-elle spontanément, sans elle-même trop savoir pourquoi. Oh, sans doute repensait-elle aux propos de Mason, lors de la première semaine. Elle-même trouvait parfois que la pression qu'elle se mettait avait un tantinet tendance à la vieillir. Mais elle avait besoin d'un regard extérieur sur la chose. Et pas de celui d'un petit con immature, cela va de soi.

Non, elle n'allait certainement pas demander à Israël comment il pouvait aller. Non pas qu'elle s'en foute ou quoi, mais ... si, un peu quand même. Mais de toute manière, elle n'aimait pas poser ce genre de questions. C'était encore pire, à ses yeux, que d'y répondre. Parce que les gens n'allaient jamais bien, en soi. Alors soi ils mentaient en prétendant que ça roulait, soit ils le disaient tout net. Et vu qu'ici, il était plutôt déconseillé de mentir, disons qu'elle avait préféré éviter toute plainte malvenue. Car oui, Mado partait du principe qu'en grand insatisfait qu'il était toujours, l'Homme se plaindrait éternellement de son sort. Elle, elle parvenait la plupart du temps à s'en satisfaire, heureusement. Mais elle soupçonnait chez beaucoup d'autres une plus grande facilité à se lamenter. Après, elle ne partait pas forcément du principe qu'Israël était de ces gens capables de s'apitoyer sur leur sort à tout va, mais dans le doute, disons qu'elle n'avait pas franchement envie de vérifier. A place, elle opta pour une question moins attendue, peut être un peu malvenue en soi, mais qu'importe, elle avait eu envie de la poser. Mais le plus intéressant ici, c'était qu'elle savait que son camarade serait forcé de lui répondre honnêtement. Elle n'avait donc pas à craindre qu'il la dupe ou essaye de ne pas la froisser. Toutes les vérités sont bonnes à entendre, parait-il. Ainsi donc, elle jugea astucieux - enfin, si on veut - de lui demander s'il trouvait qu'elle faisait vieille. Dans un premier temps, elle put remarquer sa question l'intriguait. Il faut dire qu'elle sortait un peu de nul part, aussi. Pour autant, Mado voulait être fixée. Est-ce qu'un lifting s'imposait ? A son âge, ce serait malheureux, quand même. D'autant plus qu'elle préférait se transformer en momie que de tomber dans ce genre de conneries. Très peu pour elle, vraiment. « Un petit con m'a donné dix ans de plus que mon âge. Dix ans de plus, rends-toi compte ! Non mais en fait, je m'offusque, alors que j'en ai rien à foutre. C'est juste pour le principe, tu vois. Y'a quand même des choses qui ne se disent pas. » Alors que Mason, il était à deux doigts de lui prendre une carte vermeille, hein, qu'on se le dise. Un vrai petit con, donc, oui. Ah vraiment, elle se ferait un plaisir de lui apprendre la vie, à celui-ci, un de ces jours. Maintenant, Mado n'était pas certaine de vouloir lui donner son âge. Mais elle ne pouvait pas mentir, bien qu'elle fut tentée de le faire, pour le coup. Donc, hm ...« Officiellement, vingt-six. Physiquement, trente-six, semble-t-il. Mentalement, quarante-six. » Enfin bref, c'était déprimant tout ça, hein. Oui, très déprimant. Surtout que bon, en soi, tout le monde devait pas mal se foutre de son âge, et ça, elle commençait à le comprendre. « T'as envie de faire quoi ? » Oui parce que s'ils partageaient cette fascinante découverte qu'était celle de la pièce vérité, autant faire quelque chose de précis. Parler, ils pouvaient le faire, mais plus de l'âge de Mado, disons.

C'était grandement paradoxal. D'un coté, Mado se fichait éperdument de son âge et de celui que l'on pouvait lui donner. Mais d'un autre coté, prendre dix ans dans la tronche simplement à cause d'un petit merdeux, disons que ça la faisait un peu chier quand même. Elle avait donc beau se foutre de ce qu'on pensait d'elle et de l'âge qu'elle pouvait faire, il est certain qu'elle partait du principe que certaines chose se disaient et d'autres non, et qu'un peu de subtilité n'avait jamais fait de mal à personne. Bref, ça n'allait pas la tuer. Elle était heureusement moins susceptible qu'elle était rancunière, hm. « Mason. Tu sais, le gamin immature et mal élevé pour qui des baffes on du se perdre au fil de temps ... Je ne sais pas s'il voulait me contrarier ou s'il trouve que je fais véritablement beaucoup plus vieille que mon âge, mais ce que je n'ai pas tellement apprécié, c'est qu'il en rajoute une couche à chaque fois. Tu sais, un peu comme s'il avait eu face à lui Cher qui chercherait à se donner vingt-six ans. » Parce que bon, elle voulait bien croire que ses contrariétés et son naturel de grande stressée lui avaient précocement donné de vilaines petites rides, mais elle osait tout de même espérer que Mason n'avait fait que preuve que d’exagération. Oui, disons qu'elle préférait vraiment le prendre comme ça. « Le pire, c'est que je l'ai senti capable de me sortir que j'aurais pu être sa mère, et là je pense qu'il s'en serait pris une. » Et une grosse. Parce qu'elle voulait bien se la jouer peu susceptible la plupart du temps, il ne fallait pas non plus abuser et aller trop loin. Clairement, tout chez elle avait des limites, en particulier sa patience. Bref. Israël disait alors qu'il lui aurait donné son âge, ou environ, puisqu'il avait justement un an seulement de moins qu'elle. Et là, elle imaginait Mason débarquer et s'écrier « Ah bah, on dirait pas, hein ! » Trou duc'. Effectivement, vingt-cinq ou vingt-six ans, c'était pareil, ou très proche en tout cas. En tous les cas, ils avaient suffisamment parlé d'âges comme ça, hm. Mado se demandait désormais ce que son camarade aimerait faire. Parce que bon, elle ne voyait aucun inconvénient à rester ici avec lui, mais ça n'aurait pas grand intérêt s'ils se contentaient de se niquer les yeux en fixant le blanc immaculé de la pièce, hm. Des questions loufoques, donc ? Bizarrement, elle aimait l'idée. Cela changerait des questions typiques et trop prévisibles. La première question étant alors : quel était le pire film qu'elle ait jamais vu ? Oula, excellente question. Et ça lui demandait un minimum de réflexion, quand même, puisqu'en toute logique, elle ne l'avait vu qu'une fois. « Sans aller jusqu'à dire que c'est le pire film que j'ai vu de ma vie, je me suis profondément faite chier devant PS : I love you. Il est passé un soir à la télévision et bizarrement, le titre ne m'a même pas laissé penser que ça pouvait être un navet dégoulinant de niaiserie. C'est finalement à la fin que j'en suis venue à la conclusion que j'avais perdu deux heures de ma vie. Je sais, ça n'est pas une réponse courante, car je crois que c'est un film très populaire, mais ... moi, j'ai franchement regretté d'avoir regardé jusqu'au bout. » Elle s'était dit qu'il y avait peut être une chance que ça devienne moins chiant au bout d'un certain temps, bien en vain hélas. Une mauvaise expérience, donc. En soi, elle n'avait pas de "pire film" en mémoire. Celui-ci lui paraissait simplement disposé à emmerder ceux qui n'étaient pas friands de guimauve et de ridicule, hm. « Je ne vais pas te retourner la question, ce serait trop facile et trop attendu. Je préfère savoir à quel âge tu as connu ton premier baiser. » Oui, elle était sérieuse. Et oui, elle avait bien conscience que c'était une question embarrassante. Oh, et oui, naturellement, elle n'en avait rien à foutre.