Emilien était hésitant, compréhensible, je pense qu’à sa place je me serais logiquement demandée si mon interlocuteur ne cherchait pas à me bourrer la gueule pour abuser de moi ou une connerie dans le genre mais ce n’était pas le cas, je ne comptais pas attendre qu’il soit complètement ivre et incapable de faire le moindre geste sans avoir des vertiges pour pouvoir m’installer à califourchon sur son corps que j’aurais au préalable déshabillé pour prendre mon pied d’une manière totalement malsaine. Je n’étais pas une fille qui aurait le cerveau suffisamment déglingué pour y penser et encore plus pour le mettre en application, à mes yeux il fallait vraiment être sacrément désespéré et taré pour en arriver à un stade aussi préoccupant qui relevait presque de la pathologie mentale. Passons, j’engloutissais le verre en deux petites secondes le laissant surpris de voir que je pouvais tenir la route de cette manière, mes meilleures amies n’étaient pas des filles qui connaissaient l’amusement sans alcool pour aider, au contraire je m’étais donc habituée à tenir le choc sous l’influence de l’alcool. Après bien des hésitations il saisissait finalement le shooter que je lui avais rempli et l’avalait cul sec non sans m’offrir une grimace qui trahissait le fait qu’il soit novice en la matière, je souriais amusée le regardant remplir à nouveau les deux shooters, devais-je en conclure qu’il était d’accord pour recommencer ? « Tu n’as pas l’air de l’apprécier… » Harlow ? Je ne l’aimais pas du tout en effet. « Je ne la connais pas personnellement mais les filles qui prennent les hommes pour des morceaux de viande que l’on jette dès qu’on a fini de s’en servir et qui n’ont pas honte d’être des vraies garces ça ne passe pas… » Je m’emparais de mon shooter l’attendant pour que nous puissions boire en même temps.

Il ne savait pas pourquoi il revenait sur le sujet ‘Harlow’. Il l’avait bien vu que Alecia ne l’appréciait pas, qu’elle ne la portait pas dans son cœur. Il avait pu constater cela en écoutant les mots employés pour décrire la jeune fille. Et comme pour oublier sa stupide question, il se reversa un peu d’alcool. Malheureusement, sa question n’était pas tombée dans l’oreille d’une sourde. Elle aurait pu ne pas écouter à cet instant précis où il lui demandait ça. « Je ne la connais pas personnellement mais les filles qui prennent les hommes pour des morceaux de viande que l’on jette dès qu’on a fini de s’en servir et qui n’ont pas honte d’être des vraies garces ça ne passe pas… ». Emilien hocha timidement de la tête. Il était un peu d’accord sur cela. Il attrapa le shooter qu’il s’amusa à faire tourner entre ses longs doigts fins. Il observa Alecia boire une nouvelle fois d’une traite le contenu de son petit verre. « Je l’aimais bien, moi… J’pensais qu’elle n’était pas comme elle le montrait devant tout le monde, mais… apparemment je me suis trompé… J’suis vraiment con d’avoir cru ça, quand même. » souffla-t-il. « Je sais même pas pourquoi je te raconte ça, en plus. ». Il marqua une pause et but d’une seule et unique gorgée l’alcool que contenait son shooter. Comme si le simple fait de boire l’apaiserait un peu, juste un peu. Tout petit peu. C’était stupide de penser cela. L’alcool ne fera rien d’autre que de lui donner un vilain mal de crâne à la fin. « Fais-moi une confidence, Alecia. » déclara-t-il alors, tout en s’apprêtant de les servir une nouvelle fois. Ca devenait vraiment du n’importe quoi avec cette bouteille. « Fais-moi entrer dans ton jardin secret. ».

Harlow n’était pas une fille qui m’intéressait, tragique mais hélas bien réel. Malgré toutes mes tentatives pour faire connaissance avec le maximum de candidats sans avoir de jugement trop arrêté je ne pouvais pas m’empêcher de croire que cette fille n’était qu’une trainée qui n’avait pas de cœur. Récemment elle m’avait tout sauf prouvé le contraire d’ailleurs et je me portais donc très bien sans elle. Voir comment elle avait parlé à Emilien m’avait sincèrement fait du mal, j’étais très attachée à ce petit jeune et le voir souffrir à cause d’une connasse ne m’avait guère plu, bien au contraire si je n’avais pas été moi-même torturée par un homme je n’aurais pas hésité à lui rafraichir le cerveau à l’aide de mon cocktail. Emilien me faisait croire un temps que la jeune femme ne lui importait pas vraiment mais au fond je savais très bien qu’il mentait, oh oui, il l’aimait bien, je ne pouvais pas dire s’il en était amoureux mais en tout cas il s’était entiché d’elle et n’arrivait pas à décrocher, dans le cas contraire il n’aurait pas mis le sujet sur le tapis. « Je l’aimais bien, moi… J’pensais qu’elle n’était pas comme elle le montrait devant tout le monde, mais… apparemment je me suis trompé… J’suis vraiment con d’avoir cru ça, quand même. » Ma main venait instinctivement, et sans idées déplacées, se poser sur celle du petit brun qui avalait son second shooter de vodka, il semblait progressivement se faire au goût du liquide puisqu’il ne grimaçait plus énormément. « Tu n’es pas con, tu as juste pensé que les apparences pouvaient être trompeuses… Parfois ce n’est juste pas le cas ! » Je souriais, parfois il fallait se prendre quelques gamelles pour gagner en maturité, c’était un peu le cas pour cette expérience avec Emilien, il s’en remettrait, j’en étais certaine. « Je sais même pas pourquoi je te raconte ça, en plus. » Je n’ajoutais rien de plus, il avait tout simplement besoin de se confier à quelqu’un et j’étais cette personne aujourd’hui, en parler le soulagerait, j’en étais certaine. « Fais-moi une confidence, Alecia. » Je levais la tête surprise qu’il souhaite en entendre davantage sur moi, qu’est-ce que je pouvais bien lui raconter, un truc joyeux ? Le problème c’est que ma vie ne l’était pas vraiment. « Fais-moi entrer dans ton jardin secret. ». Je souriais prenant mon shooter réfléchissant à ce que j’allais bien pouvoir lui dire qui n’impliquerait pas trop ma vie, il pourrait trop rapidement être mené à mon secret sinon. « Euhm… J’ai été mis à la porte par mes parents lorsqu’ils ont appris que j’étais enceinte à l’époque où je me trouvais au lycée. » Je prenais mon verre l’avalant cul sec. « A toi ? »

Con, il l’a été. Il avait cru penser qu’elle n’était pas comme cela, qu’elle était différente, qu’elle l’aimait bien elle-aussi. Mais toutes ses espérances s’étaient écroulées en une poignée de secondes lors du prime. Pourtant Alecia réfuta ses propos. Il n’était pas con, selon elle. Bien sûr que si… il l’était. Emilien secoua doucement la tête de droite à gauche, montrant alors son certain désaccord avec cela. Il était con. Idiot, bête, stupide pour être un peu moins familier, si vous préférez. Un soupir quelque peu bruyant fusa de la bouche du jeune garçon. Il le voulait lui. Il voulait que malgré tout ses apparences soient trompeuses, qu’elle n’était pas comme elle le montrait. Mais il fallait qu’il se rende à l’évidence. Les gens n’étaient pas aussi bons qu’il l’aurait voulu. Puis, pourquoi ? Pourquoi lui racontait-il cela ? Tout cela. Il n’avait pas à lui en parler. C’était stupide de parler d’elle, aussi. Tout était stupide. Un nouveau soupir s’échappa de sa bouche lorsqu’il lui fit remarquer cela. Il buvait comme le pilier du bar. Alors qu’il savait qu’il ne tiendrait pas. C’était stupide ça aussi. Alors, spontanément, il demanda qu’elle lui fasse une confidence. Qu’elle lui en fasse une à son tour. Après tout, en lui parlant d’Harlow, il venait un peu de faire cela, non ? De se confier un peu. Il lui avait avoué qu’il l’aimait. Qu’il l’aimait bien. Qu’il la pensait différente. Oui, voilà, il s’était confié. Peut-être était-ce parce qu’il en avait ressenti le besoin. Peut-être qu’Alecia, elle, n’avait pas envie de cela. De se confier, de parler d’elle, de se dévoiler. Emilien le comprendrait. En temps normal, il était comme cela, lui aussi. Lui aussi n’aimait pas parler de lui, se dévoiler… « Euhm… J’ai été mis à la porte par mes parents lorsqu’ils ont appris que j’étais enceinte à l’époque où je me trouvais au lycée. ». Emilien écarquilla quelques secondes les yeux, avant de les cligner subitement. Comment des parents pouvaient-ils mettre leur enfant à la porte ? Emilien ne concevait pas cette idée. Jamais son père, ni ses frères, ne le ferait. Ils tenaient bien trop au petit Emilien. Puis, un Emilien hors de la maison, c’était comme un petit chiot que l’ont abandonné lâchement au bord de la route. Même s’il était enceinte… enfin il ne le sera jamais. C’est tout simplement physiquement impossible. « Co… comment t’as fait ? Tu t’es retrouvée dans la rue ? » lui demanda-t-il, intrigué, ou un peu choqué par cette confidence. Elle aurait quand même pu lui raconter quelque chose de plus joyeux que cela, n’est-ce pas ? Comme par exemple, quand elle était petite, elle coupait les cheveux de ses barbies et se les collaient dans les siens pour avoir les cheveux comme la poupée. Oui, ça c’était drôle comme confidence au moins. Elle lui demanda alors à son tour de se confier. « Je n’ai jamais été enceinte, moi… » dit-il comme pour détendre l’atmosphère. « … Mes frères m’ont toujours surprotégé. Ils m’ont toujours considéré comme le petit Emilien, celui qu’il fallait protéger des aléas de la vie, et des mauvaises personnes. » souffla-t-il, haussant légèrement les épaules. « J’espère quand même que je ne leur fais pas trop honte devant leur téléviseur… ». Il ne l’espérait pas, lui. Parce que c’était à cause d’eux s’il était là. Emilien se saisit du shooter qui était en face de lui. Il le regarda un instant. Il ne savait déjà plus au combientième de verres il en était, mais il savait qu’il ne devrait pas tarder à arrêter. « T’as des frères et sœurs, toi ? » lui demanda-t-il alors. Il ne savait rien d’Alecia. Rien du tout. Juste qu’elle s’appelait Alecia, qu’elle était bel et bien une femme (puisqu’il avait pu le constater sous la douche), qu’elle n’aimait pas les salades pas assaisonnés et qu’elle adorait danser devant un écran de télévision.

Emilien se sentait véritablement con d’avoir pu croire que la jeune femme qu’était Harlow était différente de l’image que tout le monde avait d’elle dans le jeu. Ce qu’il avait pourtant oublié c’est qu’ici nous avions tout de même une plus forte objectivité puisque nous vivions ensemble en permanence, de quoi tisser des liens très forts et très rapidement mais également d’apprendre à connaitre certaines personnes sans leur adresser la parole, c’était le cas pour Harlow qui ne m’intéressait tout simplement plus, la semaine dernière je m’étais montrée presque prête à lui accorder le bénéfice du doute mais aujourd’hui il n’en était plus question. Emilien descendait un nouveau verre de vodka et je me disais qu’au fond il avait peut-être été réfractaire pour dire de l’être et de ne pas être pris pour un amateur de boissons alcoolisées. Je pouvais le comprendre et je préférais le voir comme ça plutôt que d’avoir l’air constipé même s’il l’avait rarement été avec moi. Il choisissait cet instant pour me quémander une confidence, je m’étais donc laissée aller à une véritable confidence bien que très peu joyeuse, pourquoi lui raconter quelque chose qui n’aurait aucune utilité pour apprendre réellement à nous connaitre ? Je voyais son étonnement à mes propos, il faut dire que très peu de parents étaient aussi inconscients, jamais plus je n’avais eu l’occasion de leur reparler depuis, j’avais fait le premier pas en leur envoyant une photo de mon bébé une fois l’accouchement derrière-moi mais je n’avais jamais eu la moindre réponse, je comptais en quelque sorte sur cette aventure pour leur faire ouvrir les yeux. « Co… comment t’as fait ? Tu t’es retrouvée dans la rue ? » Cette partie de ma vie avait été très sombre, plusieurs fois j’avais pensé que c’était la fin pour moi mais au final je m’en étais plutôt bien sortie. « Je suis allée voir mon petit copain qui m’a mis la porte au nez… Après ça j’ai dû passer quelques nuits dans des squats hideux, une nuit dans la rue mais j’ai trouvé un travail et j’ai pu me sortir de cette merde comme une grande. J’ai subi de très longues journée entre mes études de médecine, le travail, m’occuper de mon fils mais au final j’ai réussi et c’est la leçon principale à retenir de la vie. » Jusqu’à la mort de mon fils cet été les choses avaient vraiment été simples, je m’étais amusée et même si le rythme éreintant qui encadrait ma vie je peux vous dire que je ne m’étais jamais sentie fatiguée. « Je n’ai jamais été enceinte, moi… » Je levais la tête explosant de rires, heureusement pour lui, sinon il y aurait vraiment anguille sous roche ou une couille dans le pâté. « … Mes frères m’ont toujours surprotégé. Ils m’ont toujours considéré comme le petit Emilien, celui qu’il fallait protéger des aléas de la vie, et des mauvaises personnes. » Il en avait de la chance, au moins quelqu’un veillait sur lui et faisait en sorte qu’il puisse être heureux, ça n’avait pas été mon cas et maintenant ça l’était à petite dose grâce à mes trois meilleures amies dont ma collègue d’ambulance avec qui je passais la majorité de mon temps. « J’espère quand même que je ne leur fais pas trop honte devant leur téléviseur… » Je me rendais compte qu’Emilien était un garçon qui était vraiment très attaché au regard des autres et qui se rabaissait très régulièrement, en quelques minutes il venait de le faire deux fois, une fois avec Harlow et une fois avec ses frères. « Je pense plutôt qu’ils sont très fiers de toi ! » Je le pensais très sincèrement. « T’as des frères et sœurs, toi ? » Je souriais, j’aurais voulu en avoir, une petite sœur sur qui pouvoir veiller mais jamais mes parents ne s’étaient décidés à avoir un second enfant, c’était dommage mais pas plus mal quand on voyait comment ils avaient abandonné leur fille. « Non, je suis fille unique, et toi, tu as combien de frères ? »

Emilien n’avait jamais eu à se plaindre de sa famille. Jamais, il ne s’en est plaint. Il les aimait trop pour cela. Emilien était ce genre de garçon attaché à ses proches, peut-être un peu trop. Alecia, quant à elle, ne semblait pas avoir été eu de la chance avec sa famille. Elle n’avait pas l’air d’avoir eu une belle vie. Tout du moins au vue de ce qu’elle lui avait confié. « Je suis allée voir mon petit copain qui m’a mis la porte au nez… Après ça j’ai dû passer quelques nuits dans des squats hideux, une nuit dans la rue mais j’ai trouvé un travail et j’ai pu me sortir de cette merde comme une grande. J’ai subi de très longues journée entre mes études de médecine, le travail, m’occuper de mon fils mais au final j’ai réussi et c’est la leçon principale à retenir de la vie. ». Et voilà ce qui venait à consolider un peu plus les pensées du jeune garçon. Elle n’avait pas dû être gâtée par la vie. Voir ses proches vous demander de quitter le nid familial, devoir se débrouiller seule, toute seule, avec un petit être dans le ventre. Puis réussir à continuer ses études tout en élevant son enfant. Si Emilien était une fille, jamais il n’aurait réussi à faire tout cela. Il aurait été bien trop faible pour cela. Puis Emilien en fille, vous l’imaginez vous ? Déjà, il ne s’appellerait pas Emilien, mais Emilienne. « Ton fils a de la chance de t’avoir comme mère, je te trouve courageuse. Et il doit être fier de toi !... comment s’appelle-t-il ? » lui demanda-t-il comme cela. Et il était sincère lorsqu’elle lui disait qu’il avait de la chance de l’avoir comme mère. Elle devait avoir un caractère fort pour s’être battu comme cela, contre la vie. Beaucoup n’y seront pas parvenus. Emilien, le premier. Ce dernier prit la parole lorsqu’Alecia lui demanda de lui faire une confidence à son tour. Afin pour détendre l’atmosphère, et montrer l’étendue de son humour, il lui confia que lui n’avait jamais été enceinte. Encore heureux, allez-vous me dire. Cette remarque fit rire Alecia, et c’est tant mieux. Un petit rictus se dessina alors sur le visage du jeune garçon. Enfin, finit la rigolade. Il prit une petite inspiration et se confia alors. Evoquant alors ses frères et de leur surprotection maladive. Ils avaient même réussi à le pousser à s’inscrire pour participer à ce jeu. Fake Lover. Il n’y avait que le mot « lover » qui correspondait à Emilien. Pas le « fake ». Il n’avait pas vraiment compris pourquoi il n’avait pas réussi à se rebeller contre ses frères. Mais il était trop tard pour faire marche-arrière, maintenant, il était là. Cela faisait combien de semaines déjà ? Emilien en avait presque oublié toute notion du temps en venant ici. Tant pis. Il espérait que malgré tout ses frères, son père, soient fiers de lui. Malgré les événements récents qui s’étaient passés. « Je pense plutôt qu’ils sont très fiers de toi ! ». Emilien haussa légèrement les épaules. « Je l’espère… enfin là, tout de suite, maintenant, je crois qu’ils ne seraient vraiment pas fiers de me voir boire ! » fit-il remarquer en pointant du menton la bouteille de vodka qui se vidait au fur et à mesure de la conversation. Voir leur petit Emilien boire, comme le pilier du bar, image improbable pour ses frères. Il se saisit alors du shooter et but d’une traite son contenu. Emilien demanda alors à Alecia si elle avait des frères et sœurs. C’était fort possible. Enfin, il ne savait pas. Elle lui répondit alors qu’elle était fille unique. Peut-être qu’elle aurait voulu avoir un frère, un petit frère, ou bien une sœur, une petite sœur. « J’ai deux grands frères. Ils ont la belle vie, je les envie… Plus tard, je voudrais être comme eux. ». Oui, parce que depuis tout petit, ses frères étaient une sorte de super modèle pour lui, des espèces de super héro, le type de garçons intouchables qu’Emilien enviait.

Parfois j’étais envieuse, peut-être même aigrie de voir que certains avaient eu droit à un bonheur parfait, jamais le moindre nuage très sérieux au niveau familial alors que moi je n’avais jamais eu cette chance. Mes dix-huit premières années étaient celles pendant lesquelles j’avais été la plus chanceuse si ce n’est les quelques années suivantes auprès de mon fils que je ne pouvais tout de même pas renier. J’aurais pensé que mes parents reviendraient vers moi lorsque tout était arrivé, cet horrible drame cet été mais non, ils n’avaient rien fait, même pas le moindre message et c’est là que mon cœur s’était le plus brisé. Avoir du soutien de ceux à qui je ne tenais pas encore complètement rigueur de l’abandon qu’ils avaient commis froidement aurait été important pour que je puisse facilement me remettre mais non, j’en avais été privée et c’est là que j’avais compris que de toute manière nous n’avions plus grand-chose, ils n’étaient plus mes parents à présent, à mes yeux mes parents étaient morts et je suppose que c’était la même chose de leur côté, je n’en savais strictement rien et je ne tenais pas à la savoir qui plus est. Après avoir vécu à un rythme aussi effréné je me rendais compte que je ne pouvais plus éprouver une certaine forme de pitié, de compassion comme ça pouvait être le cas auparavant vis-à-vis de ceux qui se plaignaient d’avoir une vie fatigante alors qu’ils ne faisaient pas la moitié de ce que moi je devais faire pour m’en sortir. Avec le décès de mon fils il ne me restait plus que mon travail mais je ne me plaignais pas, jamais je ne l’avais fait de toute manière et ça ne changerait surement pas maintenant, il en était hors de question. « Ton fils a de la chance de t’avoir comme mère, je te trouve courageuse. Et il doit être fier de toi !... comment s’appelle-t-il ? » Ne lui avais-je donc pas confessé qu’il était décédé ? Je l’avais déjà dit à quelques candidats et je pensais qu’Emilien était parmi eux mais non. « Il s’appelait… Aiden… Il est décédé cet été ! » Je ne pouvais hélas pas entrer dans les détails, c’était de toute manière quelque chose de difficile à raconter pour moi, je retrouvais toute mon émotivité comme si sa mort remontait à hier lorsque j’en parlais trop. Je me faisais couler un énième verre de vodka, j’avais déjà arrêté de compter, je l’avalais cul sec espérant y trouver un certain réconfort, je ne voulais pas casser l’ambiance mais je pense qu’une annonce comme celle-ci faisait son petit effet quand même. Par chance Emilien choisissait le parfait moment pour me faire rigoler, il sortait une blague sur le fait d’être enceinte alors qu’il ne pouvait pas l’être, ça me permettait de changer de sujet de gagner en légèreté plus facilement. Il me parlait de ses frères qui veillaient sur lui, j’aurais été heureuse d’avoir une grande sœur d’ailleurs, peut-être qu’elle m’aurait permis de ne pas finir à la porte, elle aurait été là pour me soutenir peu importe ce qu’elle pouvait penser mais ça n’avait pas été le cas. Emilien pensait qu’ils n’étaient pas fiers de lui, je ne pensais pas comme ça, bien au contraire, il avait de quoi être plus que satisfait de son aventure. « Je l’espère… enfin là, tout de suite, maintenant, je crois qu’ils ne seraient vraiment pas fiers de me voir boire ! » Je souriais amusée, il est vrai que je devais être considérée comme la garce de service qui pervertissait leur petit frère mais bon, ça ne pouvait que lui permettre de se livrer plus facilement et de passer un peu le temps. « Je pense qu’ils ne vont plus trop m’aimer dans ce cas. » Le jeune homme descendait un nouveau verre de vodka et je le suivais de près. « J’ai deux grands frères. Ils ont la belle vie, je les envie… Plus tard, je voudrais être comme eux. » Je souriais m’apprêtant à répondre lorsque la fameuse musique que je redoutais retentissait dans la pièce, je levais les yeux regardant Emilien qui avait aussi bien compris de quoi il était question que moi, je buvais cul sec mon shooter me relevant pour pouvoir lui faire face. « Désolée… » Mes lèvres trouvaient rapidement le bon chemin pour venir se plaquer contre celles du beau brun qui, admettons-le, avait très bon goût.

C’était la première fois qu’une personne se confiait autant à lui. Ou tout du moins une personne qui lui parlait de son passé, de son vécu. Vécu douloureux, certes. Emilien ne se rappelait pas d’une autre personne qui aurait pu lui offrir de telles confidences. Non. Alecia devait être la première. Peut-être que sans cet alcool qu’ils s’ingurgitaient, jamais elle ne lui aurait parlé de cela. Il fallait peut-être mettre tout cela sur le dos de l’alcool. Oui, voilà. C’était de la faute à l’alcool. C’était simple de dire cela, n’est-ce pas ? Elle lui racontait alors ses mésaventures de jeunesse, sa grossesse, ses proches qui lui avaient tourné le dos au moment où elle en avait le plus besoin et son quotidien de jeune fille et mère. Son fils devait être fier d’elle, Emilien le pensait très sincèrement. Un enfant est toujours fier de sa mère, de celle qui lui avait donné vie. Emilien était fier de la sienne, aujourd’hui encore il était fier d’elle. Même si de là-haut, elle lui manquait terriblement. Tout naïvement, il lui demanda alors comment s’appeler le prénom de ce garçon qui était fier de sa mère. Aiden, il s’appelait. Alecia ajouta une information. Il était décédé cet été. Décédé ? Son fils était… mort ? Un air désolé se peignit aussitôt sur le visage du jeune Suisse. Il s’en voulait aussitôt de lui avoir demandé cela. « Je suis désolé… » lâcha-t-il en baissant les yeux. Il ne pouvait pas savoir. Il ne savait pas. Il s’en voulait, il se trouvait presque idiot de lui avoir demandé cela. Et le simple fait d’avoir évoqué le prénom de son fils, son passé, et même le décès de son fils devait faire naître certains souvenirs douloureux chez Alecia. Emilien ne put s’empêcher de tenter de détendre cette atmosphère. Il ne pouvait pas que cette fin d’après-midi se termine sur une mauvaise note. A en entendre le rire qui résonna dans la pièce, il avait réussi. Et il en était fier. Très fier, même si sa blague n’était pas d’un niveau digne des plus grands humoristes. Il évoqua finalement ses frères. Ses deux grands frères. Ils l’avaient toujours protégé. Comme si Emilien n’avait jamais été assez grand pour apprendre à se débrouiller seul, sans que ses frères soient derrière lui. Peut-être que cette aventure l’émancipera de ses aînés. Peut-être… Puis il voulait qu’ils soient fiers de lui. Mais cela, il en doutait. Avec tous les événements qui s’étaient enchainés, Emilien se doutait que ses frères soient fiers de lui. L’histoire de ce baiser avec Ezra, puis Harlow. Puis maintenant Alecia avec qui il buvait. « Je pense qu’ils ne vont plus trop m’aimer dans ce cas. ». Certainement. Ils n’avaient jamais apprécié les personnes qui auraient pu avoir une mauvaise influence sur leur petit Emilien. Et c’était tout à leur honneur. A leur place, peut-être qu’Emilien serait pareil. Enfin, il ne pouvait pas s’imaginer à leur place. Il n’était pas comme eux. Malheureusement. Il avait toujours envié ses frères. Beaucoup trop. Il partagea alors quelques pensées, avec Alecia. Lui disant qu’il aimerait être comme eux. Un petit silence s’installa entre eux. Un maigre silence. Bien trop mince pour permettre à Cupidon de faire entendre sa chanson. Emilien ne cilla pas une seconde. Pensant un moment qu’il avait dû rêver. Rêver que la chanson de Cupidon allait retentir. N’importe quoi, n’empêche. Il fit tourner son shooter encore plein entre ses mains, alors qu’Alecia se leva pour se diriger vers lui. Emilien fronça légèrement les sourcils. Elle lui dit alors qu’elle était désolée. Il fronça alors un peu plus des sourcils, ne comprenant plus vraiment ce qu’il se passait autour de lui. Avait-il bien rêvé d’avoir entendu cette musique ? Cette foutue musique ? Il cligna des yeux, comme pour chercher un soupçon de réponse, au même moment où Alecia vint alors déposer ses lèvres sur les siennes. Emilien ferma les yeux. Sans trop savoir ce qu’il faisait. Il passa ses mains autour du cou de la jeune femme, et prolongea le baiser. Après quelques minutes, ses lèvres se détachèrent de celles d’Alecia. Il cligna des yeux, et secoua doucement la tête. « Je… j’ai mal à la tête. » déclara-t-il alors. « Ton baiser m’a donné mal à la tête… ». Ou bien était-ce un effet de l’alcool qui commençait à se faire sentir. Emilien se pinça les lèvres, et tourna la tête.

Je commençais à être habituée d’avouer que mon fils était décédé, au début j’étais très gênée, je ne voulais pas que l’on puisse penser que j’étais une mauvaise mère, que c’était pour ça qu’Aiden était décédé alors qu’il n’avait que douze ans, il n’en était rien, même si je travaillais énormément pour nous offrir une vie confortable j’étais très proche de lui, une mère exemplaire qui aurait décroché la lune pour les beaux yeux de son fils. Il était ma seule famille et lorsqu’on m’avait fait cette réflexion avant mon entrée dans l’aventure je peux vous assurer que je n’avais pas été tendre, la fille qui avait osé me dire ça avait surement perdu toutes ses injections de botox en recevant mon point sur la gueule. Peut-être que la violence ne résolvait rien, je devrais le savoir mieux que quiconque mais ça m’avait vraiment pris par surprise, je ne pouvais pas concevoir que l’on m’imagine tellement mauvaise mère que mon fils en était mort, c’était terrible et ça ne se disait tout simplement pas. Passons, aujourd’hui j’éprouvais nettement moins de sentiments qui auraient pu me faire fondre en larmes lorsque je l’évoquais, mon deuil était en phase finale, j’étais prête à poursuivre ma vie et même si j’aurais toujours mal en pensant à lui. Ainsi je voyais bien l’expression du visage d’Emilien devenir plus, disons ennuyée, il ne savait pas vraiment comment réagir et il s’en voulait même probablement d’avoir parlé un peu trop en profondeur alors qu’il n’avait rien à se reprocher. « Je suis désolé… » Je souriais, il était gentil de le dire en tout cas. « Merci, ne sois pas mal à l’aise cependant, je vais bien maintenant. » Je préférais le préciser, sait-on jamais s’il décidait de prendre des pincettes avec moi subitement, je ne voulais surtout pas ça, au contraire il n’y avait pas plus battante que moi avec la volonté d’être prise comme une autre et pas comme une fille instable moralement depuis le décès de son fils dans d’horribles circonstances. Après bien des conversations, notamment sur ses frères qui n’allaient pas vraiment apprécier que je pervertisse Emilien en lui faisant boire de la vodka en plein milieu de la journée, la musique favorite de Cupidon vint à retentir dans la pièce, je savais très bien ce que cela impliquait, la semaine dernière je m’étais cassée les dents sur le parquet en embrassant Mason qui l’avait très mal pris, au début du jeu ça avait été Mickey et je peux vous dire que je redoutais toujours autant cette putain de chanson, avec Emilien je semblais néanmoins avoir moins de chances d’être envoyée balader. Je l’espérais en tout cas parce que ça n’était qu’un jeu, ce n’est pas comme si je le faisais dans un objectif personnel. Me levant après avoir englouti mon dernier verre de vodka je l’avais embrassé, à la surprise générale il avait prolongé le baiser et ça n’était pas désagréable, ma langue rejoignait bien rapidement celle du beau brun, je fermais les yeux appréciant pleinement la chose jusqu’à ce que je finisse par rompre notre baisé un peu sonnée et partagée par plusieurs sentiments, les choses étaient étranges, j’avais vraiment envie de recommencer et… L’alcool faisait-il effet ? « Je… j’ai mal à la tête. » Je relevais la tête, il n’était pas habitué à boire de l’alcool comme ça, c’était presque normal. « Ton baiser m’a donné mal à la tête… » Ouh le vilain, je répondais du tac au tac avec un air indigné. « Hey, mes baisers ne donnent pas mal à la tête ! » J’étais prête à le lui prouver s’il me poussait, l’alcool me donnait subitement des ailes.