Ainsi, il aurait peut-être mieux fait de ne pas la réveiller. Ou tout du moins, ne pas la réveiller comme il l’avait si joliment fait, avec ce doux baiser. Il aurait sûrement mieux fait d’utiliser les grands moyens, les moins délicats et les plus grossiers. Comme par exemple, la pousser du lit, et la faire tomber par terre. De ce geste, il en aurait grassement ri. Oui, parce que Valeri rit de tout. De tout et de rien. Il rit du bonheur des uns, et du malheur des autres. Il s’en fiche que ce soit bien vu ou pas lui, il est comme ça. Il rit. Il rit toujours, et ça l’amuse. Il ne fait rien de mal. Ce n’est qu’un rire. Un rire d’un innocent de la vie. En y réfléchissant, il aurait sûrement mieux fait d’utiliser cette optique-ci. Au moins, il ne se serait pas encombrer avec cette fille, avec cette gamine. Mais il était trop tard à présent. Trop tard pour faire machine-arrière, et le voilà entrain de l’interroger sur son comportement, ses réactions qu’elle avait bien pu avoir à son égard. Il était certain que s’il était conduit trop vilement, on lui aurait collé l’étiquette du vilain garçon, du méchant, du connard de service, du merdeux qui fait tout pour exister. Oui, parce qu’à chaque geste, à chaque mot, à chaque réaction, on nous donnait une image, on nous attribuait une étiquette. Celle du timide, ou du réservée, ou bien celle du courageux, du téméraire, du connard, ou de la salope. On portait tous une étiquette, et on en attribuait tous. C’était comme ça. Ainsi, il ne voulait pas se voir accoler le nom du « merdeux » de la semaine. Surtout pour cette première semaine au sein de ce nid. Peut-être que finalement, il avait été trop gentil avec elle. Trop gentil ? Gentil ? Il déposa son regard sur cette petite timide, sur cette enfant aux airs d’ange. Elle ne semblait pas pour autant décidée de lui répondre malgré les avertissements de Valeri. De gentils avertissements, certes. Il la scruta longuement, avec cette curiosité imprévisible. Et enfin. Enfin, elle avait articulé un mot. Un mot, oui. Un mot et c’est tout. Il devait donc se contenter de ce peu qui n’allait guère rassasier son appétit. Pardon, avait-elle dit alors. Pardon ? Pardon de quoi ? Il était certain qu’elle n’allait pas lui parler plus que cela, et qu’il allait donc devoir supposer seul, tout seul. Pardon ? On s’excusait lorsque l’on faisait une grossière erreur, lorsqu’on faisait une connerie. Oui, là, dans ces cas-ci, on s’excusait, et on se faisait pardonner. Là, qu’avait-elle fait ? Elle s’était déjà excusée pour avoir colonisé son lit le temps d’un sommeil. Mais là, elle n’avait pas à s’excuser. Pardon. Il sourcilla doucement, avant finalement de décider de changer de sujet. Il était peut-être mieux ainsi, mieux pour lui et pour son esprit qu’il ne se prenne pas la tête pour si peu. Surtout pour un simple mot prononcé, un mot sans signification particulière dans ce contexte d’énonciation. Ainsi, ça se passait bien avec son partenaire. Tout comme, ça se passait bien entre Jaileen et Valeri. Il n’allait pas mentir, en disant que ça se passait mal, et en évoquant des problèmes inexistants. Il aurait très bien pu le faire, pour rendre son discours un peu plus intéressant, un peu plus croustillant. Alors, il n’allait pas s’en plaindre. Il n’allait pas se plaindre de cette jeune fille. Il finit par acquiescer de la tête, finalement son regard se dévia sur le livre qu’il tenait entre ses mains. Il caressa quelques temps la couverture, se demandant alors quand il allait bien pouvoir continuer sa lecture. Sûrement quand elle sera partie. Il releva la tête, observant doucement Opaline, puisque c’était ainsi qu’elle se prénommait, peu à l’aise, sur le bord des larmes. Il fronça doucement, sans un mot. Regardant sa réaction. Il pouvait regarder quelques larmes perler sur son visage. Elle pleurait. Valeri cligna des yeux, se demandant bien alors sur quel genre de filles, il venait de tomber. Certainement pas l’une de celles qu’il côtoyait dans son quotidien parisien. Celles-là étaient pleine de joie et d’espoir. « Euh… » lâcha-t-il. Il se gratta la nuque, jetant un coup d’œil sur la porte d’entrée. Il priait à cet instant l’arrivée d’un autre candidat, pourquoi pas de Jaileen. Elle saurait peut-être mieux réagir que lui, dans cette situation. Une fille pleurer. Il n’en avait jamais vu avant, enfin… si la dernière en date était sa dernière conquête qu’il avait lamentablement jeté ou plutôt qu’il avait fuguait de son histoire avec son ancienne conquête. Il lâcha un soupir, blasé par la réaction de la jeune fille. Il se releva alors, allant ramasser un tee-shirt d’un autre candidat qui trainait autour du lit voisin. « Tiens, prends ça ! Et essuie tes larmes. » souffla-t-il, en lui tendant le tee-shirt. « Pleurer t’enlaidit, tu devrais arrêter. Puis viens t’asseoir… ». Il l’attrapa par la main et la fit s’asseoir dans son lit. Il ne savait vraiment pas s’il se conduisait bien avec elle ou non, ou s’il enchainait les faux pas. Mais il faut avouer que Valeri n’avait jamais été très affectueux comme garçon, et encore moins très consolateur dans son genre.

Pleurer l’enlaidissait, clairement. Peut-être aurait-il mieux fait de s’abstenir de son commentaire. Comme si Valeri était du genre à s’abstenir. Une fille pleurer, il ne trouvait pas cela vraiment joli à voir. Une fille sourire, une fille rire, une fille chanter jusqu’au bout de la nuit. Ca, c’était beau à voir. Mais une fille qui pleure était tout sauf beau. Certains trouvaient peut-être cela « beau ». Valeri ne faisait pas partis de ces hommes, en tout cas. Il aurait très bien pu trouver autre chose à lui, dans ce cas-là, dans cette situation précise. Mais quoi ? Des mots rassurants ? Des mots consolateurs ? Des mots pour consoler des maux ? Il ne savait pas faire lui. Il était un maladroit avec toutes ces choses-là. Alors, il y allait de sa franchise maladroite. On ne pouvait pas lui jeter la première pierre pour cela, n’est-ce pas ? Après tout, il faisait des efforts pour tenter bien agir avec elle, même s’il semblerait qu’il ne faisait qu’accumuler les faux pas et les erreurs avec elle. Il la convia finalement à venir se rasseoir dans son lit. Il n’allait tout de même pas la laisser debout, à pleurnicher, avec un tee-shirt entre les mains en guise de mouchoir. Oui, un tee-shirt comme mouchoir… pris au dépourvu, le biélorusse avait pris le premier morceau de tissu qu’il lui tombait sous la main : l’habit d’un de ces camarades. Ce dernier n’en saura rien de toute façon. Il n’y verra que du feu, ou peut-être que lorsqu’il voudra le mettre, il aura un peu de morve sur lui. Je vous l’accorde que ces images fictives ne sont guère appétissantes. Une nouvelle fois, Valeri se grata la nuque, cherchant que faire. Cette situation, il ne l’avait jamais connu jusqu’à présent. Avoir une fille en sa compagnie qui pleurait. C’était… nouveau pour lui, cela. Sur ces deux jambes, il regarda autour de lui. Attendant, peut-être patiemment la venue d’un candidat qui lui sauvera la mise. Franchement, il ne se voyait pas rester au chevet de cette gamine pleurnichant et à attendre qu’elle se calme. Il avait sûrement mieux à faire que cela. Tout du moins, selon lui. Il finit par reporter l’attention sur cette jeune fille, alors qu’elle venait de prendre la parole. Ces quelques mots prononcés le firent revenir à la réalité, et à cette situation actuelle. Quelques mots inaudibles. Elle ne voulait pas l’agacer, dit-elle. Il secoua légèrement la tête de gauche à droite. « Tu ne m’agaces pas… » souffla-t-il, dessinant un léger sourire sur ses lèvres. Il y avait certainement une part de vérité là-dedans, ou de mensonge. Mensonge ou vérité ? Telle était la question. De toute façon, personne ne le saurait. A moins qu’il existe des détecteurs de mensonges dans ce jeu ? C’est possible ça, vous croyez ? Personne ne le saura de toute façon. Ni vous, ni elle… ni lui. Il avait dit ces quelques mots à tout à hasard, sans même prendre la peine de réfléchir. De réfléchir à ce qu’il allait bien pouvoir lui dire, pour la rassurer ou pour la jeter bien méchamment. Il ne savait pas. Il ne savait même pas ce qu’il voulait d’elle. Enfin… s’il voulait se montrer agréable et conciliant avec elle, ou bien… le contraire. Il ne savait pas. Il ne savait plus. Elle était étrange cette fille, quand même. Trop étrange quand même. Il finit par s’accroupir devant la jeune fille. « Tu es certaine que tu ne veux pas te reposer un peu ? Ça te ferait du bien, je pense. » lui dit-il alors. Il posa son regard sur ce visage qui se voulait fuyant. Il cherchait juste à la mettre un peu à l’aise. Un petit rictus en coin s’esquissa sur ses lèvres, venant à sculpter une petite fossette. « Je peux même te lire une histoire, si tu veux. ». Les gamins aimaient cela les histoires, n’est-ce pas ? Alors pourquoi pas elle. Il est certain que le livre de Valeri n’avait rien d’un conte de fée, avec des princesses, des princes, un royaume et des méchants. Il finit par se relever alors, se dirigeant alors vers sa valise pas encore défaite. Il prit alors un tee-shirt et un vieux jogging qui lui appartenait. Il faut dire que les habits de Valeri n’avait rien de… moderne, de stylé, de… quel était déjà ce mot que l’on entendait partout déjà ? Ah oui, voilà. Swag. Il n’avait rien de « swag » comme ils le disaient tous. Tu parles d’un mot, mais refermons cette parenthèse dans notre récit. Ainsi, il apporta son linge plié (et repassé et qui sentait très bon qui plus est) à Opaline. « Tiens, au cas où tu as changé d’avis, princesse Opaline ! » souffla-t-il alors.

Parler sans réfléchir, ça ne lui ressemblait pas tant que cela. Agir, parler, demandait toujours un soupçon de réflexion. Il lui disait qu’elle ne l’agaçait pas, que ça ne l’agaçait pas qu’elle sanglote dans sa chambre, dans son lit qui plus est. En y réfléchissant (vous voyez, il s’agit encore de réflexion là) de plus près, ça l’agaçait. Un peu, beaucoup… Il aurait très certainement dû réagir autrement dès le début, et cette conversation muette et désuète aurait très certainement pris une autre tournure. Et le voilà qu’il lui proposait une nouvelle fois de se reposer sous ses draps, dans son lit. Ça lui ferait du bien, avait-il argumenté. Il lui proposait même de lui conter une histoire, ou plutôt de lui lire quelques lignes de ce roman qu’il avait déposé dans son lit. Cette proposition soulignait plus le caractère enfantin de son interlocutrice plus qu’autre chose à vrai dire. Peut-être avait-il proposé cela pour se moquer un peu d’elle, en fait… ou peut-être pas, à vrai dire. Il faudrait des heures pour tenter de comprendre les attentions de Valeri à l’égard de cette jeune fille. Alors sans réponse de la part de son interlocutrice, il partit à la quête d’habits qu’il lui prêterait. Un simple jogging, et un tee-shirt qui avaient traversé les âges. A vrai dire, il ne savait pas vraiment si elle avait accepté sa proposition ou non, puisqu’elle n’avait rien dit, aucun son n’était sorti de sa bouche. Comment pouvait-il deviner dans cette situation présente ? Et comme le dirait si bien la maxime : qui ne dit rien consent. Elle avait peut-être sommeil et avait donc envie de se reposer, dans son lit. Il ne serait pas contre un peu de compagnie. Il revint finalement avec ses habits qu’il lui tendit. Il ponctua ses quelques dires par un Princesse Opaline. Un petit sobriquet qui le fit sourire légèrement, sûrement amusé par sa plaisanterie. Il ne se moquait pas pour autant d’elle. Cela faisait juste référence à… ce baiser, à ce bref baiser, à l’image de ce conte pour enfant que l’on racontait à toutes les jeunes filles. Cette princesse endormie, et ce prince qui la réveille d’un baiser. La suite, on la connait tous : ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. Les contes de fée se finissaient toujours comme ça, ils se finissaient toujours bien. A l’instar de cette réalité. Sa princesse n’avait rien d’une princesse, ou tout du moins pas en apparence. Mal habillée, aucune confiance, et quasi-muette. Tout cela n’avait rien d’une histoire d’amour vu et revu dans les contes de fée, dans les films ou les romans. Finalement, elle décida de prendre la parole. Elle devrait plutôt dormir dans son lit, lui fit-elle remarquer donc. Il hocha la tête. Il est évidemment qu’elle devrait dormir dans son lit, dans celui qu’on lui a imposé. « Hum… ouais » souffla-t-il, tout en continuant de hocher la tête. « Tu n’as qu’à garder ces habits, tu auras un petit souvenir de moi comme ça. Pas besoin de m’en remercier, hein. » reprit-il. Oui, voilà. Il lui en faisait cadeau de ces habits, après tout ce n’était pas comme s’il y tenait à la prunelle de ses yeux. Et elle n’avait même pas besoin de le remercier pour cela. Il recula alors, croisant les bras contre son torse. Voilà, et maintenant qu’allait-il se passer ? Elle allait se relever du lit, faire quelques pas et partir de cette chambre, sans même oser poser un seul regard sur lui. Curieux de voir sa réaction, il reporta toute son attention sur cette jeune fille qui se trouvait encore assise, pour le moment. Lorsqu’elle se releva, il ne put s’empêcher de sourire discrètement. Alors qu’elle s’apprêtait à faire quelques pas, il ne put s’empêcher de reprendre la parole. « Oh, s’éssoufla-t-il à articuler. Et ne me remercie pas non plus pour le baiser, Princesse Opaline ! » ajouta-t-il, en riant doucement de cette remarque.

Ainsi, tout se passait comme il l’avait imaginé dans sa tête. Elle venait de se relever sous ses yeux, puis elle avait avancé, fait quelques pas, légèrement timorée. Elle avança, encore et toujours, jusqu’à ce que la voix de Valeri l’interpelle une nouvelle fois dans la chambre silencieuse. Il ne put s’empêcher de lui lancer une petite réflexion au sujet de ce baiser, de ce baiser voler. Oui, ce baiser était vraiment voler, à proprement parler. Il ponctua une nouvelle fois sa remarque d’un princesse. Ca l’amusait de l’appeler comme ça. Oui, il trouvait ça drôle, parce qu’au fond, elle était un peu sa princesse. Il ne put d’ailleurs s’empêcher de rire. De rire naïvement à sa remarque. Il était évident qu’elle ne comprenait pas vraiment et qu’elle ignorait ce qu’il évoquait dans ces quelques paroles. Elle n’avait certainement pas eu conscience de ce baiser lorsque ses lèvres s’étaient furtivement déposées sur les siennes. Il pouvait lire l’incompréhension sur le doux visage de la jeune fille. Ce qui le fit sourire un peu plus. Ces rires s’étaient atténués, et il arborait un large sourire à présent. Sûrement n’allait-elle pas faire attention aux paroles et aux rires de Valeri. Peut-être. Ou peut-être pas finalement, puisqu’elle avait pris la parole. Hésitante encore une fois. Quel baiser, lui demanda-t-elle alors. Il était certain que son interrogation était légitime, mais est-ce que Valeri allait lui répondre sincèrement ? Il reprit un air sérieux, avant de prendre une nouvelle fois la parole. « Ce n’est rien ! » souffla-t-il, tout en chassant de la main ses paroles. Ce n’était rien. Juste un simple baiser. Un simple baiser volé. Elle n’allait pas lui en vouloir pour si peu, n’est-ce pas ? Ce n’était qu’un baiser. Puis, elle n’en était pas morte. Non, ça l’avait juste réveillé. Comme la Belle au Bois Dormant. « Allez ! Va te coucher, avant que je décide de retenir une nouvelle fois ! » souffla-t-il, en dessinant un sourire amusé sur ses lèvres. On ne sait pas, il pouvait subitement avoir changé d’avis, et la vouloir encore un peu à ses côtés. Oh non, ce serait trop tordu comme idée tout de même. La vouloir à ses côtés. Une fille comme elle. «Dors bien » dit-il calmement alors, avant de s’en retourner en direction de son lit. Il allait enfin pouvoir faire ce qu’il avait prévu de faire initialement : de lire.

sujet terminé pour valeri.