Il n'y avait pas grand chose d'intéressant à faire ici. Du moins, pas intéressant à tes yeux. Alors tu te contentais de te promener, encore et toujours, une clope au bec et une main dans la poche, légèrement nonchalant. Tes pas te guident jusque devant la pseudo gare. Si seulement vous pouviez réellement partir dans un train, ça serait mieux. Tu ne comprends d'ailleurs pas pourquoi une gare se trouve ici, mais qu'importe. T'as pas trop le temps de penser et de maudire la production, puisqu'une jolie rousse fait son apparition. « C'est un peu étrange une gare, comme ça, ici. Et sans train surtout, c'est... » Elle n'a pas le temps de finir sa phrase, et tu n'as pas le temps d'en placer une qu'un petit train pour gamin fait son apparition. Ah. Pourquoi pas, après tout. « Et bien si, il y a un train, très mignon d'ailleurs. Hum. Tu veux y faire un tour ? » Tu la dévisages un peu, parce que tu ne t'attendais pas à cette proposition. Un tour en petit train, trop cool. T'hésites entre l'envoyer se faire paître, ou... « Viens. » que tu dis tout simplement, d'un ton assez froid qui t'es pourtant naturel. Tu sens que tu vas regretter d'avoir accepter cette offre, mais peu importe, tu te diriges vers le dernier wagon. Parce que les mauvais élèves sont toujours au dernier rang, n'est-ce pas ? Bien que tu n'aies jamais été un mauvais élève en soit, mais seulement un glandeur et un arrogant hors pair. Bref. Tu attends qu'elle s'installe à son tour, tout en tirant une latte de ta clope, rejetant la fumée en tournant la tête, histoire de ne pas l'intoxiquer. Car bien que tu sois loin d'être l'homme le plus poli de la terre, tu savais que ce n'était pas forcément sain. Tu poses finalement ton regard impassible sur la jolie personne à tes côtés. « Tu parles pas beaucoup j'espère. » que tu lances le plus naturellement du monde. Toujours dans la finesse, du Sandro tout craché. Puis tu te rends compte que tu étais dans le même mini wagon qu'elle pour un temps indéterminé, et que c'était sûrement une erreur de commencer votre "grand voyage" comme ça. « Enfin... c'est pas ce que je voulais dire. » Bien sûr que si, c'était ce que tu voulais dire. Mais bon. Bref, bref. Tu commençais bien, toi.

Tu étais loin du genre de mec avec qui on aimait passer du temps. Tu n’étais pas bavard et très sociable. T’étais un homme solitaire. Si les femmes aimaient justement rester avec toi, c’était pour ce côté qu’elles qualifiaient de « mystérieux ». Mais elles se laissaient bien vite. Ça ne te dérangeait pas, toi. Du temps qu’il y avait des femmes, peu importe le temps qu’elle restait. Tu ne désirais pas t’attacher à quelqu’un. C’était pour les faibles. Bref, tu te savais être une mauvaise compagnie. Tu t’étonnas donc toi-même quand t’acceptas d’aller dans ce train. Et aux paroles de la jolie rousse, tu ne peux pas t’empêcher de lâcher un rire. Rire qui sonnait faux au creux de tes oreilles, si bien que t’aurais voulu être sourd pendant ces quelques petites secondes. « Il me faudrait une bonne raison d’être enthousiaste. Tu en as une à me donner, peut-être ? » Sait-on jamais, qu’elle te mette de bonne humeur. En attendant, tu restais tel quel. Comme le Sandro de toujours. Vous montez finalement dans le petit train. Et tu dis quelque chose que tu n’aurais peut-être pas du dire. Tu poses ton regard dans le sien, écoutant ses dires. Ah. Et bizarrement, un petit sourire se forme sur tes lèvres quand elle se présente. Odessa. Toi qui n’avais pas vraiment l’habitude de sourire, il y a effectivement une bonne raison à ça. « Odessa.. Comme la chanson. Celle des Caribou. » Ça te rappelait de bons souvenirs. Raison de ton sourire – pas trop grand, le sourire. Tu te souvenais de tous ces moments avec tes amis en Afghanistan.. Bref. Tu arrêtes de sourire pour le coup, revenant dans le présent. « J’ai pas l’habitude d’être en compagnie d’autres personnes, comme ça… J’suis loin d’être bavard, et j’ai un caractère de merde. Les gens ne me supportent pas bien longtemps. » déblatères-tu le plus naturellement du monde. C’est une sorte d’excuse pour ce que tu as pu dire quelques minutes plus tôt. Entre autre. Car tu ne prononcerais jamais le mot « désolé » pour quelque chose comme ça. Les excuses, c’était bien trop précieux à tes yeux. « Je m’appelle Sandro. » déclares-tu au bout du compte.

Tu ne sais pas, tu n’as pas vraiment été enthousiaste à l’idée d’être accepté. En fait, depuis longtemps, tu n’es plus enthousiaste pour rien du tout. Peut-être parce que depuis longtemps, tout l’espoir qu’il y avait en toi avait disparu. Non, tu n’espérais plus, toi. Ce n’était pas de ta faute, si t’étais comme ça. C’était plus fort que toi. « Parce que t’as sauté de joie, toi, quand t’as su que t’étais prise ? » Une question comme une autre, hein. Si ça se trouve, oui, elle avait vraiment sauté de joie. Pas toi. T’étais resté impassible, comme si c’était une chose comme une autre. Un peu comme le robot que tu étais devenu. Quant au train rouge, tu ne fais aucun commentaire. Ça n’avait rien d’exceptionnel, d’être dans un petit train rouge. A sa question, tu hausses les épaules. Tu te souviens pas trop. Tu te rappelles seulement que c’était une chanson qu’un de tes potes adorait. Un militaire. Tu ne l’as d’ailleurs jamais revu depuis ton retour. « En gros, c’est une meuf qui souffre à cause de son copain, et qui le quitte.. le truc bateau. » Voilà, en clair c’était ça, dans tes souvenirs. Ça faisait au moins trois ans que tu n’avais pas écouté cette chanson. Et puis, la fameuse Odessa te pose une question à laquelle tu serais incapable de répondre. Enfin, c’était surtout parce que tu n’avais pas envie de le dire. « Pour tourner une page. » te contentes-tu de répondre. Ce qui voulait tout dire, sans rien dire. Tu ne voulais pas en rajouter. Et puis sa référence quant à ton prénom te fait arquer un sourcil, et tu lâches même un léger rire. Très léger, le rire. Une femme restait une femme. « Ouais.. cette boutique excessivement chère qu’on trouve à chaque coin de rue dans Paris. » en fait, tu ne savais pas si Sandro existait autre part qu’à Paris, toi, tu n’avais visiter que la capitale de la France, et l’Afghanistan. Et mis à part toi, il n’y avait pas d’autre Sandro en Afghanistan, ça, t’en étais certain. « On m’a déjà ruiné dans ce magasin. » fais-tu remarquer plus à toi-même qu’à Odessa, en fait.

C’est vrai quand y réfléchissant, tu n’avais même pas été content d’être accepté dans Fake Lover. Ou peut-être que tu l’avais été, mais la joie avait été si minime que tu ne l’avais pas réellement ressentie, voyez-vous. Mais si tu n’avais pas été pris, t’aurais pas aimé ça. C’était idiot comme réaction. Si tu ne l’avais pas, tu te serais mis en colère, mais ça t’était presque égal d’y être là maintenant. T’étais bizarre, comme personne, au fond. Ta manière de pensée était beaucoup trop différente des autres, et ça te portait préjudice. « Ah, je vois… Hm.. Non, pas vraiment. J’ai juste fait ma valise. » T’avais pas crier au téléphone, ni souris bêtement. Rien de tout ça. Peut-être qu’on t’avais fait subir une ablation du cœur. Peut-être que ce sentiment de bonheur et d’euphorie, tu ne le connaîtrais plus jamais. Quant à la chanson, tu doutais fortement qu’elle soit prémonitoire ou quoi, c’était des conneries tout ça. « Ce ne sont que des paroles idiotes de chanson, hein… » Stricte vérité, hein. Et puis, elle était jolie, cette Odessa, elle tombait sûrement sur des bons gars. Pas des gens comme toi, quoi. Elle te pose d’ailleurs une question qui te plaît pas trop, il faut dire. Ton regard se pose dans le sien. « Plusieurs pages.. J’ai pas envie d’en parler. » dis-tu plus sèchement que tes autres paroles. Tu ne voulais pas parler de toi, parler de tout ça. Puis Odessa te parle de la fameuse marque Sandro. Ta sœur t’avais souvent emmené là-bas, pour ses cadeaux d’anniversaire au lycée, par exemple. Parce qu’elle pouvait pas se permettre de s’acheter quoi que ce soit avec son argent de poche trop peu élevé. Après, tu ne savais pas si c’était bien coupé ou quoi, et t’en avais un peu rien à faire. « Non, effectivement, je ne vois pas l’intérêt de dépenser plus de 30 euros dans un vêtement.. » Tu achetais des trucs simples. Bien, mais simple. Bref. « Je suis entraîneur de boxe depuis peu. » Enfin, quelques mois, quoi. T'étais le coach qui gueulait sûr les gens, ouais. Mais peu importe. Tu préférais qu’elle parle d’elle. « Et toi ? »

T’es sûrement pas comme les autres, tu dois pas ressentir les mêmes trucs. Tu sais pas trop. Ce n’est pas de ta faute si tu ne ressens pas de joie. Ce n’est même pas comme si tu faisais exprès pour faire chier ton monde, non. Toi tu préférais rester tranquille, ouais, tu voulais pas faire chier ton monde. Par contre, quand on venait te souler, ça ne te plaisais pas. Alors tu pouvais commencer à faire chier ton monde. Bref, là n’était pas la question. Et puis tu lui parles de la chanson à son nom, et elle n’a pas vraiment l’air d’apprécier les paroles de celle-ci. Ce n’était que des paroles, même si certes, l’histoire était plutôt commune. Une rupture, c’est fréquent. On s’en remettait toujours, plus ou moins. Les gens ne pouvait décidemment pas être heureux tout le temps, tout de même. « C’est comme ça que ça se passe, les gens se séparent tout le temps. » tu hausses les épaules, comme si c’était une évidence pour toi. Ca l’est. Tu ne connaissais personne qui n’avait pas vécu de rupture. Peut-être était-elle l’exception, si elle prenait la chose comme ça. M’enfin. Tu ne fais pas de commentaire en ce qui concerne les pages que tu voulais tourner. Tu n’aimais pas parler de ça, et tu n’en parlerais pas. Jamais, sûrement. Quant aux vêtements, peut-être exagérais-tu légerement en ce qui concernait les 30 euros, mais c’était seulement pour montrer que tu n’irais pas dépenser 200 euros pour un manteau, ou quelque chose comme ça. Ces choses étaient inutiles. « Ce sont juste des fringues… » dis-tu simplement. Non, ça ne te faisait pas plaisir de faire du shopping, contrairement à toutes ces femmes. En fait, peu de chose te faisait plaisir. Mis à part quand tu faisais du sport, il n’y avait presque jamais de moment où tu te sentais réellement bien. Et alors que le train continue à faire le tour de l’endroit, Odessa t’explique en quelque sorte son métier. Dans l’évènementielle, donc. Mais en bas de l’échelle, d’après elle. Tu plisses un peu les yeux, et sors quelque chose sans vraiment réfléchir : « En gros, tu fais les barmitsva pour les SDF ? » c’était possible, après tout. Tu savais pas trop, toi.