/w Charles-Emmanuel

Une étendue de ciel, à perte de vue. Étoiles scintillantes, bleu nuit et aurores venues du sud se succédaient pour constituer ce qu'on appelait communément l'aube, mais qui, à mes yeux, demeurait en tout et pour tout un somptueux spectacle. Cela devait faire vingt bonnes minutes que j'étais là, à observer les étoiles. Qu'avais-je cherché, dans leurs étincelantes formes ? Un sourire, un visage ... Le souvenir de rires et de soupirs. Lorsque je peinais à dormir, la raison variait peu : il s'agissait souvent d'un mal du pays qui se traduisait en un besoin de les revoir ... Eux. Car si j'avais coupé les ponts, si j'étais parti, comme un voleur dans la nuit, sans laisser de mot ni prendre la moindre photographie ... Si j'avais essayé de tout recommencer, à partir de zéro, je me rendais peu à peu compte que penser et dire quelque chose équivalait rarement à le faire ; qu'il n'était pas aussi facile que cela, de se séparer et de se distancer entièrement de sa propre famille ; de la famille qu'on avait nous même fondé et bâtie. J'étais donc venu, dans la nuit, gravir les escaliers jusqu'à la tour de verre, afin de pouvoir profiter et de l'air frais, et de la nuit, et de la vue ... Car ces étoiles étaient mes albums photos ; souvenirs défilaient à profusion dans mon cerveau en ébullition. Je voyais leurs visages, j'entendais leurs voix, et chaque pique-nique, chaque après-midi passé au parc et chaque promenade familiale me revenait subitement de façon vive et précise. Alors piqué d'une profonde nostalgie, la solitude me sembla tout à coup difficile, voire, même, insurmontable ... Si seulement Hadatt était là, avec moi, lui aussi. Il aurait su quelle connerie dire pour me changer les idées, c'est sûr. Je l'aimais bien, malgré tout, mon père. Je le montrais peu, mais cela ne changeait pas pour autant les faits indéniables : j'aimais bien mon père. C'est alors qu'une lumière se mit à s'élever, vers l'horizon ... La promesse de l'aube. Une émergence de couleur. Le lever du soleil n'allait pas tarder, par dessus les montagnes d'Hollywood, et je serais l'un des rares spectateurs debouts pour admirer l'évènement.

Les marches menant au sommet de cette tour de verre avaient été annoncées comme étant un supplice ; un véritable obstacle fort difficile à surmonter. Mis j'y étais parvenu, avec du temps, du courage et de l'énergie ... Et il fallait avouer que le défi était moins imposant pour un homme athlétique comme moi. Je n'étais pas non plus rapide au point de devenir sprinteur Olympique ; néanmoins, mon endurance était considérablement élevée, et donc, à mon avantage. L'air est doux, ce matin ... C'est tant mieux. C'est sûr que du sommet de cette tour, il ne serait pas chaud-bouillant, aussi. L'altitude était responsable pour une faible distance de température avec celle au sol, c'était un fait. J'inspire profondément ; j'aimais ça, moi, la fraicheur : on avait l'impression de pouvoir en inspirer plus, toujours plus ... C'est alors qu'une voix m'interrompt dans mes songes. Une voix d'homme. Je crois en plus qu'il s'agit de celui qui fait l'aventure avec Odessa, là ... Charles truc chose. Il parle doucement, pour moi ; enfin, il ne beugle pas à pleins poumons quoi. Et c'est tant mieux : comme ça, il ne brise pas le silence que j'avais apprécié et dans lequel je m'étais baigné jusqu'à présent. La nuit n'était pas encore officiellement terminée.

- Non, non ; et puis, ce serait salaud de te faire redescendre toutes ces marches. plaisantais-je alors. Il me dit alors qu'il venait voir le lever du soleil, et je me contentais d'hocher de la tête en guise d'accord. Finalement, une question survient. Étais-je un lève tôt ?

- Disons que je ne sais pas me rendormir. répondis-je, un sourire aux lèvres. J'aime beaucoup le plateau mais ... Ça me manque, quand même. fis-je nostalgique.