Je me demande si les autres filles ont vraiment besoin d'autant de maquillage. Je suis devant les lavabos et je crois que la présence d'autant de cosmétiques ne m'a jamais autant sauté aux yeux. C'est sans doute parce qu'elles ont mis le paquet hier pour le prime et qu'elles n'ont pas rangé depuis. Sans doute, je n'en sais rien. Je regarde autour de moi, il y a bien plus de produits que je ne saurais en citer. Elles ont vraiment besoin de tout ça ? Je n'arrive même plus à retrouver mes affaires tout ça. Mon dentifrice et ma brosse à dent, c'est tout ce que j'ai amené dans cette salle de bain et tout ce qui m'appartient. Toutefois je décide de me montrer curieuse, j'ouvre un de ces trucs qu'elles se mettent sur les yeux. Je me demande comment ça marche, et je me demande aussi pourquoi elles ressentent le besoin de se mettre de la poudre sur les yeux. Je n'en sais rien. J'en mets un peu sur mon doigt puis sur ma paupière pour voir comment ça marche. Ah un bout de ma paupière est marron maintenant. Je l'étale un peu, ça ne ressemble à rien du tout. Comment ça s'enlève ce truc ? Je cherche autour de moi un produit pour effacer ce que je viens de faire quand la porte s'ouvre. C'est Lena, je reconnais ses cheveux, la candeur qui s'affiche sur son visage. Je sens mes joues s'empourprer légèrement. « Je voulais voir ce que ça faisait, et ... Et voilà le résultat, je suis désolée si c'était à toi d'ailleurs. Maintenant j'aimerais beaucoup enlever ce que je viens de faire. » Je ris légèrement pour paraître plus détendue. Je ressens le besoin de me justifier maintenant que l'on dirait que j'ai un coquard sur un de mes yeux. Ça ne doit vraiment pas être beau à voir.

Je ne comprends pas à quoi servent tous ces produits de beauté. Elles ne peuvent pas avoir besoin d'autant d'artifices quand même. Je n'en sais rien, de toute ma vie je ne me suis jamais maquillée. Je n'en ai jamais ressenti le besoin. Je ne sais pas à quoi peuvent bien servir tous ces cosmétiques. Elles ont dû dépenser beaucoup d'argent là-dedans, et je trouve ça inutile. Non elles n'en ont pas besoin. Enfin je suis bien mal placée pour juger de cela, de la beauté, et tout ce qui va avec. La beauté pour moi elle est avant tout intérieure parce que je ne peux voir que celle-là, et quelque part je m'en estime chanceuse. Et c'est bien le seul point positif dans tout ça. Mais je suis curieuse en voyant tout ce maquillage, je ne peux pas m'empêcher de l'être. C'est tellement nouveau pour moi, tellement inconnu. Et j'ai trente-trois ans. Si j'estime avoir raté beaucoup de choses dans ma vie, vraiment passer des heures dans la salle de bain ça ne m'a jamais réellement manqué. Je prends un peu de poudre pour les yeux, je ne sais pas comment on appelle ça réellement et j'essaie de m'en mettre sur la paupière. J'essaie de l'étaler comme je peux, mais c'est une véritable catastrophe. Ça ne ressemble vraiment à rien. Il faut que je remédie à cela. Je regarde autour de moi quand la porte s'ouvre. Lena apparaît dans mon champ de vision, elle a une attitude qui lui est propre et qui me permet de la reconnaître sans trop de difficulté. Je lui souris, même si je suis un peu gênée de la présente situation. J'essaie de lui expliquer tant bien que mal. Je me sens un peu moins gênée que ce soit elle qui soit entrée à ce moment là. Elle me confirme que le maquillage n'était pas à elle, tant mieux. Elle trouve du coton et un flacon qu'elle me tend. Mais je vais ... Je vais m'en mettre dans l’œil non ? Elle me propose de me l'enlever elle-même. « Oui ... Je veux bien si ça ne te dérange pas. » Je souffle. Je ne suis même pas capable de me démaquiller toute seule, j'espère qu'elle ne se moque pas trop de moi au fond d'elle. « Et, hum ... Tout va bien pour toi, tu te sens un peu mieux ? » Je l'espérais, je ne savais pas si la révélation de son secret l'avait libéré un peu ou pas. Je n'avais pas réellement discuté avec elle depuis. Je voulais m'assurer qu'elle allait bien.

Je n'aime pas me maquiller c'est vrai, je ne l'ai jamais fait, ni même jamais essayé. Je ne me trouverais pas plus jolie avec. Je n'ai pas besoin de me sentir belle, je n'en ai pas besoin parce que je ne remarque pas ces choses là. La beauté c'est quelque chose de très abstrait pour moi, quelque chose d'inconnu en réalité. Quand une femme se maquille, parfois je ne remarque que ça. Je n'ai jamais réellement souffert de ne pas être aussi féminine que les autres femmes, c'est peut-être un tort aussi. Je n'en sais rien, tout ce qui a attrait à la féminité, la beauté ça me dépasse. Je ne ressens de toute manière pas le besoin de me sentir regardée ou désirée, ça n'aurait aucun sens pour moi. Mais sur le moment j'ai voulu essayer. J'ai voulu savoir ce que ça faisait de se mettre de la poudre aux yeux. Je m'y suis mal prise, ça ne m''aurait pas étonné. J'ai du marron un peu partout sur la paupière, plus autour de celle-ci d'ailleurs. C'est une catastrophe, si je ne savais pas que c'était du maquillage je pourrais croire que l'on vient de me frapper. Il fallait que j'enlève tout ça rapidement. C'est à ce moment-là que Lena choisit d'arriver. Je suis un peu gênée qu'elle me voit dans cet état, mais certainement moins que s'il avait s'agit d'un autre candidat. Je ne pensais pas qu'elle allait me juger, ou se moquer mais alors gentiment. Elle en avait tous les droits après tout. Je préférais également qu'elle m'enlève tout ça, j'allais bien finir par m'en mettre dans les yeux. Il valait mieux qu'elle s'en charge. Je lui souris, et ferme les yeux comme elle me l'indique. J'espère bien que c'est indolore, il manquerait plus que ce truc me fasse souffrir. « Merci. » je dis quand elle a tout enlevé. Je me sens mieux, presque plus légère. Ça fait du bien de ne plus avoir ça sur mes yeux. Puis je lui demande si elle va mieux. Il faut dire que lundi dernier elle n'allait vraiment pas bien et depuis il y avait eu la révélation de son secret. Je me demandais comment elle vivait tout cela, si ça l'aidait un peu que son secret soit révélé, si elle était plus libre désormais. Visiblement la révélation de son secret semblait l'apaiser, l'aider en quelque sorte. « Tant mieux alors, c'est peut-être une bonne chose alors que votre secret ait été dévoilé si ça te permet de te sentir mieux. Et puis il saura te comprendre mieux que quiconque. » Oui c'était mieux si elle pouvait parler plus librement, et puis Sully pouvait la comprendre plus que n'importe quelle personne ici. J'étais contente pour elle si ça lui permettait d'être plus libre, moins triste en quelque sorte, je n'en savais rien. Elle me demande alors si je vais bien. Je suis presque étonnée de sa question. « Oh moi je vais bien tu sais. Je me sens bien ici. J'ai plus de temps pour moi, et ça me fait du bien d'être entourée d'autant de personnes. » Je parle plus, je suis un peu plus ouverte aux autres aussi je crois. Oui je me sens bien ici, je sais pourtant que ça ne durera pas éternellement, mais ça aura en tout cas été une belle parenthèse dans ma vie monotone.

Oh je n'essaierai plus jamais de me maquiller c'était certain. Je ne savais pas pourquoi j'en avais eu l'idée d'ailleurs. C'était stupide, je le savais bien. Je me sentais bête là tout de suite. Lena avait pourtant eu la gentillesse de ne pas se moquer de moi. Elle l'aurait pourtant pu, je faisais peine à voir avec cet œil maquillé d'une façon tout à fait grotesque. Je ne savais même pas comment faire pour enlever ça correctement. Heureusement Lena était là pour m'aider, elle avait gentiment proposé de m'enlever cette poudre. Je lui en étais reconnaissante parce que si je l'avais fait moi-même, ça aurait sans doute été bien pire. J'aurais sans doute réussi à m'en mettre dans l’œil. Tout ça, c'est nouveau pour moi, je n'ai jamais ressenti le besoin de me maquiller, et je ne le ressens toujours pas. Je suis maintenant comme avant ça aucun artifice et ce grâce à Lena. Maintenant qu'elle est là, je m’enquiers de son état de santé, surtout moral il faut bien le dire. La semaine dernière je l'avais trouvé en pleurs dans le hangar, je voulais savoir si tout allait mieux depuis, si elle avait réussi à remonter la pente. J'espérais qu'elle n'avait pas ressenti une nouvelle fois le besoin de s'isoler pour pleurer. Mais elle m'avait promis qu'elle ne le ferait plus. Cela ne voulait pas pour autant dire que tout allait bien pour elle. Je préférais m'en assurer. Et puis son secret avait été découvert la semaine passée, ça devait aussi être un poids en moins sur ses épaules, je pouvais l'imaginer. Et puis elle pouvait parler librement avec Sully désormais, lui il pouvait la comprendre mieux que personne ici. C'était sans doute pour le mieux que leur secret ait été exposé aux yeux de tous. « Oui tu aurais pu tomber sur bien pire, tu peux t'estimer heureuse. » Enfin je ne pouvais pas m'empêcher de penser qu'il ne devait pas beaucoup avoir confiance en elle pour le faire surveiller de cette manière. Elle semblait tellement amoureuse de lui que je préférais garder cela pour moi, comme les autres questions que j'avais en tête. Si elle était heureuse de cette manière après tout, je n'avais pas à juger. Je me contentais de lui sourire, sans émettre aucun jugement faussé. Puis elle me demande si je vais bien, je lui réponds franchement. Je n'ai pas grand chose à dire là-dessus. Si je ne suis pas très entourée ? On peut dire ça comme ça en effet. « Pas vraiment. La solitude s'est imposée à moi, et puis j'ai fini par m'y habituer. Je ne suis pas complètement seule non plus, j'ai quelques amis, des collègues. » Oui je ne voulais pas qu'elle s'imagine non plus que je vivais une triste vie, toute seule dans mon appartement. J'avais des amis, des personnes avec qui j'aimais passer un peu de temps. J'en avais peu certes. « J'ai pas trop le temps pour c'est tout, tu sais. » Je ressens le besoin de me justifier, je ne sais pas pourquoi, c'est idiot. « D'ailleurs je ne t'ai jamais demandé tu fais quoi dans la vie ? » Je me rends compte que je ne lui ai jamais posé la question, et que c'est quand même une chose essentielle à savoir.

Je me sentais concernée par l'état moral de Lena, je voulais qu'elle aille mieux. Depuis que je l'avais trouvé en pleurs dans ce hangar, je me sentais inquiète pour elle. Je voulais m'assurer que tout allait mieux désormais, qu'elle avait quelque peu laissé sa tristesse de côté et qu'elle profitait de l'aventure. Elle méritait d'être heureuse, et de s'amuser ici plutôt que de regretter. Et puis elle avait Sully à qui elle pouvait parler, à qui elle pouvait se confier. Il était la personne la plus apte à la comprendre, à la réconforter. La découverte de son secret ne pouvait que la soulager. Je devais avouer qu'il ne m'aidait pas tant que cela à comprendre les larmes qui avaient été les siennes la semaine dernière, mais c’était une bonne chose pour elle. Une très bonne elle, elle devait se sentir libéré d’un poids. Je me demande ce que cela me ferait si jamais quelqu’un découvrait mon secret. Sans doute pas grand-chose, ce serait sans doute un peu plus facile pour moi, mais en soit ça ne changerait pas ma vie. En tout cas oui elle pouvait dire qu’elle avait de la chance d’avoir Sully, il était gentil et j’étais certaine qu’il savait s’y prendre pour la rassurer. C’était toujours bon de savoir qu’on avait quelqu’un sur qui compter. Mais je devais avouer que la raison pour laquelle il était ici me dépassait un peu. Si son fiancé lui faisait pleinement confiance, il n’aurait pas envoyé quelqu’un la surveiller. Ce n’était pas la vision que j’avais de l’amour. Pourtant elle semblait tellement amoureuse de lui, que je me voyais mal lui faire part de mes réflexions, et puis cela n’aiderait en rien. Elle risquerait de me mépriser, et je ne le voulais. Il devait sans doute être quelqu’un de formidable, je ne pouvais pas en juger. Le sujet dévia alors peu à peu. Elle m’avait demandé si je n’étais pas beaucoup entourée. Je lui avais répondu avoir quelques amis, et des collègues aussi. Des gens que j’appréciais, mais j’avais aussi peu le temps de sortir, de me faire des amis. Elle n’aurait pas aimé me savoir seule, elle me dit. Je lui souris, elle est adorable. Il ne fallait pas qu’elle s’en fasse pour moi, même si je l’avais été, j’aurais fini par m’y habituer. Je lui demande alors ce qu’elle fait dans la vie, je me rends compte que je ne lui ai même jamais posé la question. « C’est vrai ? Ça te plaît au moins ? Et tu voudrais avoir des enfants ? Enfin plus tard après que ... » Je n’ose pas terminer ma phrase. Je me rends compte que j’ai été maladroite. Je baisse les yeux. Je les relève quand elle me demande ce que je fais. Elle me verrait bien dans le sport. « Pas vraiment, je suis garagiste en réalité. Mais on peut dire que c’est du sport aussi. » Oui c’est physique, c’est éprouvant.