~ seth, samedi, quinze heures trente
C'est ça en fait : j'ai juste l'impression que tout fout le camp. Charles m'en veut et tout fout le camp. Je ne sais plus tellement quoi penser de tout ça et je me rends compte que ça doit être ça, le retour du bâton en pleine figure. Tout allait bien, trop bien depuis le début et voilà qu'à présent, les choses s'enveniment, engendrant un effet assez désastreux sur mon moral. Du coup, et bien, je me terre. Comme dans la tour de verre, en début de semaine, et comme maintenant, où je déambule dans le hangar à accessoires. En fait, je me rends compte que j'aime bien cet endroit car en plus d'être très intéressant, il est parfait, pour se cacher. Et puis également pour fouiner, l'une de mes activités favorites, il faut bien le dire. Ici, l'avantage, c'est que toutes ces choses n'appartiennent à personne et donc, je peux y jeter un œil sans risquer de me faire taper sur les doigts. Enfin... ça, c'était sans compter ma maladresse plus ou moins légendaire... J'étais donc entrain de plonger mes mains dans un carton rempli d'étoffes, lui même posé sur un meuble assez ancien, à côté de quelques bibelots quand, alors que je trouvais une étoffe dont la couleur m'attirait assez fortement, j'ai eu la bonne idée de tirer dessus. Oh oui, très bonne idée si ce n'est que cette étoffe sortait légèrement du carton et que sur cette dernière était posés plusieurs bibelots qui, suite au tiraillement, commencèrent à chavirer et c'est alors qu'une multitude de petites boites en bois me tombèrent directement sur les doigts. C'est ce que j'appelle le karma. Ce bon vieux karma. La douleur est instantanée et automatiquement, je pousse un petit cri suivi de quelques halètements de douleur. Au bout de quelques secondes, je regarde alors ma main et découvre... du sang... Je manque de m'évanouir... Je hais le sang. Et comme je me suis coupée, ça pisse le sang. Non, non, non... Je hais cette semaine.

J'ai commencé à préparer mes valises pour demain, enfin, "mes valises", c'est une expression, parce qu'en vrai j'ai juste un gros sac de sport, et donc je commençais à entasser tout un tas de trucs là-dedans, et après mûre réflexion je crois que certains des trucs en question ne m'appartenaient pas forcément, mais bref, toujours est-il que j'avais bien entamé les préparatifs d'éventuels départs, sauf que là je réalise qu'il me manque un tas de choses, et que vraisemblablement, en bon bordélique que je suis, j'ai éparpillé mes affaires un peu partout dans le nid d'amour. Du coup, je laisse ça de côté, et je commence l'inspection, l'enquête, ou la quête, je pars en mission en somme, et ma mission c'est de récupérer un maximum de mes effets personnels. Que je sois éliminé ou non, cette nomination aura au moins eu le mérite de me pousser à faire un peu de rangement. Au fur et à mesure de mon avancée, je récupère deux ou trois magazines porno, un tee-shirt déchiré, une chaussette (gné ?) et un collier que j'avais presque oublié, et je m'apprêtais à me rendre à la régie, déjà parce que j'avais sans doute laissé des trucs traîner là-bas, puis ensuite parce que ça me permettrait d'avoir une vue d'ensemble sur le nid, quand j'entends un cri dans le hangar à accessoires, le genre de cri qui me fait un peu froid dans le dos, pour être tout à fait honnête. Bon, ok, admettons que tous les cris me font froid dans le dos en fait. Alarmé, je laisse tout tomber sans réfléchir, et cours vers le hangar, me concentrant pour déterminer avec plus de précision le point d'origine du cri. Ça me faisait un peu bizarre, parce que d'une j'étais en train de courir, et de deux j'étais en train de me concentrer, mais sur le moment j'avais d'autres trucs en tête aussi je remarquais pas vraiment l'absurdité de ma, hum, situation personnelle. Un bout de chevelure rousse apparaît dans mon champ de vision, et j'identifie assez rapidement sa propriétaire. « Hey Odessa, ça va ? je lance, inquiet, en me rapprochant d'elle. J'ai entendu un cri… »

Je suis maladroite, je suis maladroite, je suis MALADROITE. Personne ne peut en douter à présent, pas Sully devant qui je me suis étalée dans la chambre, pas Charles sur qui je suis tombée, surprise par cette lampe immonde, pas Cosmas avec cette fichue corde… Et à présent, cela ne manquera pas de tomber sous le sens à la première personne qui arrivera ici, alertée par mon cri sinistre. Enfin pour ça, encore faudrait-il qu’on m’ait entendu et ai-je vraiment envie que ce soit arrivé ? Je n’en suis pas sûre. Parce que je risque de me payer la honte, d’une et en prime, je risque de m’évanouir étant donné qu’il y a du sang. Partout. Enfin partout, j’exagère mais il y a du sang sur mes doigts. Les extrémités, ça saigne toujours beaucoup, ne me demandez pas comment je le sais, ça vaut mieux. Contemplant mon chef d’œuvre, je lutte contre la menace de tourner de l’œil quand tout à coup, j’entends mon nom. C’est Seth. Bon déjà, c’est une bonne nouvelle, enfin, n’importe qui ça aurait été une bonne nouvelle mais c’est Seth donc bon. Par contre, il a peur des masques de beauté alors le sang… si ça se trouve. Merde, c’est Seth, c’est donc une mauvaise nouvelle. « Non, non, non… Cette connasse d’étoffe a fait tomber les boîtes sur mes doigts et ça fait mal, vraiment, mais VRAIMENT ! Tu te rends même pas compte. Et en plus, je saigne. REGARDE ! » Je lui lance en tendant ma main qui me lance affreusement. Moi, une petite nature ? N’importe quoi. « C’était moi le cri en fait… Ohlala, je n’aime pas le sang, je vais tourner de l’œil… T’as déjà vu du sang ? C’est horrible. » Dans le genre questions stupides, hein.