~ Jasmine

C'était une bonne journée, une très bonne journée je pense même. Enfin, j'ai peur d'avoir foirer mon entretien en beauté mais quand j'ai l'impression de louper un truc, en général, il en revient du positif, donc disons que je croise les doigts bien fort. Si mon chauffeur pouvait se pointait maintenant, que je retourne dans ma chambre d'hôtel bien douillette, ça serait plutôt chouette. Non parce que mine de rien, c'est crevant d'arriver tôt, de stresser, de pouvoir enfin passer, de parler de toi alors que les gens qui t'écoutent ont l'air de rien en avoir à faire de ce que tu dis et puis d'attendre encore un peu pour voir si les autres stressent aussi et les rassurer ou les faire encore plus flipper. J'aime pas qu'on me fasse angoisser encore plus, mais j'aime bien le faire aux autres. Je sais, je suis un petit con. Mais le mec que j'ai loué pour conduire ma super bagnole, lui c'est pas qu'un petit con, quoi. Non mais il arrive toujours pas. Je sais pas, il a dû serrer une nana dans une ruelle sombre. Hm, glauque comme vision. Bon, j'ai plus qu'à rentrer à pieds vu que c'est ce pauvre type qui a les clés et qu'il a fermé. Putain, je le savais qu'il fallait pas que je prenne de chauffeur ! Je donne un bon coup de pied dans la caisse et je commence donc à partir à pied, de toute façon il me reste que ça à faire, ou alors le bus mais je déteste ça, et puis j'ai pas de tickets, et puis les taxis ça me gonfle, on sait jamais si on monte dans un vrai ou pas, on sait jamais si le compteur est pas truqué et si on va pas payer deux fois le prix normal du trajet. Non, je ne fais pas confiance aux conducteurs de taxis, ils sont fourbes. Ceux d'Espagne le sont en tout cas, je sais pas pour les Irlandais mais autant se méfier de tous. J'ai même pas fait trois pas que je repère une brune qui monte dans sa voiture, enfin sa limousine plutôt. « Por favor, mademoiselle. » Si elle a pas fermé la porte d'ici à ce que j'arrive à sa hauteur, j'aurais peut-être une petite micro mini chance. « Mon chauffeur s'est barré avec les clés, ce con, du coup je dois retourner jusqu'à mon hôtel à pieds mais disons qu'il fait froid et que j'ai la flemme. Est-ce que par hasard vous accepteriez de me déposer ? » Mon dieu, faites que mes yeux et mon sourire charmeurs la convainquent de me laisser monter. Pitié.

C'est qu'elle est pas dégueulasse la nana sur laquelle je viens de tomber. Elle me dit un truc. Merde. Si ça se trouve on est déjà sorti ensemble, ou j'ai déjà tenté de la draguer, surtout sans succès, comme souvent. Bref. Je lui demande de me dépose à mon hôtel. Elle me dit que j'aurais dû engager un chauffer qui a compris son job. J'acquiesce d'un signe de tête. « Ouais, ouais, je sais, mais j'ai toujours eu du mal à trouver du bon personnel, ça se fait de plus en plus rare. » Non mais c'est vrai. Enfin, je peux pas lui en vouloir au mec non plus, si ça se trouve il avait envie d'aller pisser et il est allé se soulager pile au moment où j'avais besoin de lui. En tout cas, si je le recroise je le vire, ça c'est clair et net. La brune me demande qui je suis, elle ajoute qu'elle doit pas se laisser approcher par des inconnus, que ce pauvre John Lennon est surement mort comme ça. « Je m'appelle Esteban et je vous jure que je vous veux aucun mal, je veux juste retourner dans ma chambre d'hôtel. » Ouais, je suis pas méchant, je demande pas grand-chose, juste un peu de place dans sa grande limousine, c'est pas ce qu'il manque. Sa remarque sur les hôtels de passe et les moins de trois étoiles m'arrache un sourire. Je la regarde un instant sans rien dire. « Vous me dites vraiment quelque chose. Vous êtes célèbre, non ? » Elle est au moins riche, ça c'est sûr puisqu'elle se balade en limousine conduite par chauffeur et qu'elle séjourne jamais dans des hôtels ayant moins de trois étoiles. « Vous avez un prénom de princesse de dessin animé si je ne me trompe pas. Jasmine ? » Oui, oui, ça doit être ça. Je crois discrètement les doigts dans mon dos parce que si je me suis trompé j'aurais l'air d'un immense con et d'un inculte auprès des fans de la "star". Mais peut-être que l'adoration de ma voisine du dessus pour ce genre de starlettes et le fait qu'elle m'en parle dès qu'elle me voit m'auront servi à quelque chose finalement.

Non mais je reconnais que ma remarque est digne d'un pervers. « je vous veux aucun mal », mais pourquoi j'ai dit ça ? Forcément que maintenant elle doit penser tout le contraire. En plus elle me pose une question qui me fait comprendre qu'elle a bien envie de me claquer la portière au nez. « Je ne suis pas un psychopathe, donc comment saurais-je si l'un d'eux te dirais qu'il l'est ? » Hm, j'imagine qu'un psychopathe serait capable de répondre ça ou il dirait que non, ce n'est pas un psychopathe, justement. En tout cas, c'est digne d'un étudiant en droit de répondre à une question par une autre question, surtout une question aussi tordu, hm. Enfin bref, j'ai toujours un léger sourire au lèvre, digne d'un mec un peu sûr de lui et relativement honnête. J'ai juste envie de rentrer chez moi, c'est ma priorité numéro...deux en fait, parce qu'elle me plait bien cette nana. J'ai même l'impression de la connaître. Elle me confirme ce que je pensais, c'est bien cette Jasmine-là. Pas la chérie d'Aladdin, mais la Jasmine Seven, la chanteuse, celle dont la moitié des filles et des gays de la planètes sont fans. Elle joue bien sur son prénom et son statut de diva, elle me tend la main pour qu'en grand gentleman je lui fasse un baise-main. Cela me semble bien normal alors je m’exécute. Je suis espagnol après tout, donc galant et séducteur et si ça peut me permettre de monter dans sa voiture pour retourner à mon hôtel, tant mieux. Elle m'autorise alors à monter. C'est soit disant mon jour de chance. « Gracias. » Que je lance en levant les yeux au ciel. Elle parle d'humanitaire ou je ne sais quoi, mais en fait je l'écoute pas trop parce que j'ai une espèce de son de trompette dans la tête. Je suis trop heureux de ne pas avoir à marcher, dios mio ! Elle me demande alors où se situe l'hôtel. « Dans le centre, je sais plus le nom mais c'est un cinq étoiles, je saurais le reconnaître. » Bah oui, forcément que c'est un cinq étoiles, j'ai des moyens, même sans être une star de la chanson.

Il y a donc bien un dieu dans ce monde. En l'occurrence, ici, c'est plutôt une déesse puisque la jolie brune, célèbre qui plus est, me laisse finalement monter dans son carrosse. Enfin, ce n'est qu'une fois que je précise que je loge dans un cinq étoiles, bien que je ne me souvienne plus du nom. C'est mon chauffeur qui connait tous les noms des rues et des bâtiments, moi je me repère à la vue, je sais que je séjourne dans un hôtel super grand et super bien éclairé de nuit donc c'est pas dure de le reconnaître. En même temps, même à Dublin, l'Irlande ça reste un pays de paumé donc il doit pas y avoir quarante mille hôtel cinq étoiles dans le centre ville, hm. Même la façon qu'elle a de s'adresser à moi change, du moins un peu, puisqu'elle me vouvoie maintenant. Je dois avouer que ça fait un peu bizarre de passer d'un « tu » limite agressif à un « vous » plus qu'intéressé mais ça veut dire qu'elle reconnait que j'appartiens à son rang social à présent, donc je ne vais pas me plaindre. Je m'installe donc à ses côtés dans sa sublime voiture puis elle indique au chauffeur qu'on va dans le centre. Elle fait remonter l'espère ce vitre qui nous sépare à présent de Darren, le bon chauffeur bien obéissant qui connait son métier. Elle me demande si c'est pas le Merrion Hôtel. Vu la façon dont elle le dit ça doit vouloir dire qu'elle y loge, non ? Le meilleur dans tout ça c'est que je crois bien que c'est mon hôtel. « Hm, ouais, ouais, ça doit être ça. » Au pire, même si c'est pas le cas elle à qu'à m'emmener jusque là-bas et je prendrais une chambre sur place. Puis elle met en route une piste audio. Connaissant un peu ce genre de starlette, je parierais que c'est sa propre chanson qu'elle vient de mettre. Un léger sourire se dessine sur mes lèvres. Puis la brune me demande comment le casting s'est passé. Je suis presque étonné qu'elle s'intéresse un peu plus à moi qu'à elle, mais autant en profiter, quelque chose me dit que cela ne risque pas de durer. « Je pense que ça s'est bien passé, mon père a acheté le jury pour que je sois assuré d'être pris donc je suis surtout venu là en touriste. Et visiblement j'ai bien fait. » Petit souris et regard en coin vers elle, histoire de voir si elle a compris que j'avais bien fait sinon je serais jamais tombée sur elle. Non, en fait c'était un énorme mensonge, enfin, le truc à propos de mon père, il sait même pas que je suis là. Le reste, que ça s'est bien déroulé et que je suis venu en touriste, c'était plus ou moins vrai. « Et vous ? » J'ai déjà une idée de sa réponse, mais j'adore la façon dont elle défend son propre intérêt. Je reconnais que ça pourrait faire chier pas mal de mec, mais moi ça me plait bien, ça me fait vachement marrer, mentalement, parce que si je commence à lui rire au nez ouvertement elle serait capable de me jeter de la voiture en marche et de demander à Darren de me rouler dessus, j'en suis sûr.

Je la drague ouvertement, c'est vrai, mais il faut dire qu'elle vaut le coup. En plus, sans vouloir me vanter, je trouve que c'est plutôt une proie facile pour moi puisque j'ai vécu dix-huit ans avec un père narcissique à souhait. Au moins je connais ce genre de personne, ils aiment qu'on les flatte, qu'on prétende qu'on est super chanceux de les avoir croisés, comme je viens de le faire avec Jasmine, et la flatterie avait pas mal marché vu son petit sourire. Bon, pour le coup, j'ai vraiment eu de la chance de tomber sur elle parce que sinon j'aurais dû rentrer à pieds à cause de ce chauffeur pourri. Si j'avais pu j'aurais bien volé Darren à la brune mais elle nous avait séparés trop vite de lui pour que je puisse lui faire une proposition d'emploi. Bref. Elle me demandé qui était mon père. « Un avocat très reconnu de Barcelone. » Sans grand intérêt en outre, hm. Je lui demandais à mon tour si le casting s'était bien passé pour elle. La brune me demanda si je voulais boire quelque chose tout en prenant une bouteille pour elle. « Non, merci. Je ne voudrais surtout pas abuser de votre générosité. » Super lèche cul, bonsoir. Non mais en fait je n'avais tout simplement pas soif, le truc c'est que j'aurais surement eu l'air d'un mec coincé si je n'avais rien voulu juste parce que je n'avais pas soif. Enfin, je crois. De toute façon je préfère passer pour un flatteur qu'un coincé des fesses. Jasmine me répondit donc que l'entretien n'avait été qu'une formalité, que la production avait besoin d'elle en gros, c'est une évidence, comme elle le dit. « Oui, j'imagine. » Rétorquais-je, un sourire amusé aux lèvres. « Mais dites-moi, vous qui êtes déjà célèbre, que vous apporterait une émission comme celle-ci ? » Bah ouais, je me demande. Elle a déjà la gloire et l'argent, ce qui me laisserait penser qu'elle vient pour l'amour mais...non, ça ne semble pas être son genre. Enfin, je ne la connais pas vraiment donc si ça se trouve en fait, si, c'est son genre. Elle me demande alors si je suis bien espagnol ou si je fais juste comme si. « Bien sûr que je suis espagnol ! Je ne vois pas pourquoi je ferrais semblant. » J'étire une espèce de sourire sur le côté, les lèvres légèrement pincées. Non vraiment, je ne vois pas, ce serait débile de me faire passer pour espagnol alors que je ne le suis pas, hm.