La clope au bec, j’accélère un peu plus en appuyant fortement sur la pédale d’accélération de la voiture qui dans un rugissement dépasse la vitesse autorisé, mais je m'en fiche complètement. A quoi sert d'avoir une voiture qui coûte aussi chère si on ne peut pas faire plus que du soixante-dix kilomètres par heure ? J'ai envie de rouler vite, que mes cheveux volent au vent dans ma Chevrolet Corvette, avec la musique à fond. A chaque feu rouge, je remarque les regards des gens qui n'ont pas l'habitude voir passer d'aussi belle et chère voiture. Puis lorsqu'il me voit moi, du haut de mes dix-huit ans au volant de cette voiture, ils ont tous la même réaction. Celle d'être stupéfait. Je sais déjà tous ce qu'ils se disent, mais je ne leur en tient absolument pas rigueur. Oui, je suis une gosse de riche, mais je ne m'en cache absolument pas. Je tire une dernière fois sur ma clope et la jette lorsque je vois que l'adresse indiqué par mon GPS est proche. Mon téléphone sonne et bien que j'essaye de ne pas y répondre, la troisième sonnerie arrive à me convaincre et j'y réponds alors. « Théo, j'ai pas le temps de te parler, je suis pas en France (...) COMMENT CA ? (...) Non, je veux pas. Tu lui dis tout simplement non, pour qui elle se prends celle-là, j'ai ... ATTENTION ! » Je freine alors violemment, me prenant d'ailleurs le front en plein sur le volant. Je sens mon cœur battre très vite et mes mains tremblaient. Oh putain, j'ai faillit écraser ce type, ma mère m'aurait assurément tué. Je raccroche le téléphone, puis je sors de voiture pour voir si le type n'a rien, on sait jamais. « Je suis vraiment, vraiment désolé, tout va bien ? Dites moi pas que je vous ai blessé sinon je vais me mettre à pleurer. » Bon c'est peut être faux pour les pleurs, mais manquerait plus qu'il veuille me faire un procès juste sur le parking de l'émission la plus cool de tout les temps. En plus j'ai mon permis que depuis deux mois, alors c'est sûr qu'avec un accident pareil, je me le ferais retirer à tout les coups. Quelle poisse !

« Ca mère la pute ! » Je m’arrête net. Comme un gros bêta, au milieu de la route, les roues d’une bagnole à une poignée de centimètres des pieds. Putain le con. Putain la conne. Putain ma clope ! Ma vie venait de défiler devant mes yeux. Et quelle vie. Ce jour aurait été un jour de deuil national pour l’état anglais. Putain. Putain. Putain quoi ! Sous le choc, encore la bouche grande ouverte, la clope qui m’avait échappé des doigts se consumant à même le sol. Je regarde autour de moi, m’observe moi-même, vérifiant l’intégrité de mon anatomie. Je lève les yeux. Là, face à moi, une jeune femme. « Je suis vraiment, vraiment désolé, tout va bien ? Dites moi pas que je vous ai blessé sinon je vais me mettre à pleurer. » Me dit-elle. Encore abasourdi, je l’écoute à peine. Je l’observe, inerte pendant un moment. Elle a voulu ma mort ? Qu’est-ce que je lui ai fait putain ? Peut-être une ex ? Merde, elle ne me dit rien. Non, c’était peut-être un accident. Ouais, un accident. C’est bien ma veine. Remarque, elle n’est pas moche. Non, mais non, elle a failli me buter. « Je.. euh… je vais bien » Je m’inspecte une dernière fois, puis relève les yeux vers elle. « Non mais tu as failli me buter, merde ! » Mon ton monte. Mais aussitôt, se calme. Je deviens perplexe. Elle est vraiment pas moche. Peut-être qu’on a déjà baisé, qui sait ? Non, mais non. Je reprends mes esprits peu à peu, me mets sur le côté ; pas qu’une deuxième folle vient m’engloutir sous sa Chevrolet. Une Chevrolet quoi ! Elle se fait plaisir la p’tite. J’observe un instant sa bagnole, avant de remonter mon regard vers la jeune femme, encore présente « On se connait pour que tu veuilles ma mort ? » repris-je, faussement sérieux. J’en doute. Quoique, je retiens difficilement tous les visages que je croise, ça reste donc une possibilité. Même si le monde est vaste, les coïncidences ne sont pas rares, hein.    

Putain, ça commence drôlement bien cette journée qui devait pourtant être bonne vue l'endroit où je suis. Le type qui semble pas être tellement plus vieux que moi et que j'ai préféré quand même vouvoyer au cas où il aurait voulu me faire un procès, sait-on jamais. Mais voilà qu'il s'énerve en disant que j'ai faillit le buter. Je baisse la tête, faisant profil bas, parce qu'il a pas tort, d'ailleurs je sais pas trop ce que j'aurais fait si ça aurait été le cas. Surement que je me serais payé le meilleur avocat de ce pays pour éviter la prison en disant qu'avec la mauvaise nouvelle par téléphone que j'ai eu, j'avais bien le droit d'être perturbé. Il me demande ensuite si on se connait pour que je veuille sa mort. Non, mais il est taré lui, si j'aurais voulu la mort de quelqu'un que je connais, je l'aurais fait plus subtilement. « Si j'aurais voulu ta mort j'aurais mis de la mort-aux-rats dans ton café ou j'aurais engagé quelqu'un pour qu'il t’étouffe pendant ton sommeil, mais jamais j'aurais abimé ma voiture pour ... » Je me rends compte que je commence à être beaucoup trop franche et que je vais dire quelques choses que je vais finir par regretter, donc je me tais et lui offre un grand sourire. « Attends, pour m'excuser ... » Je tourne alors les talons pour rentrer dans ma voiture qui n'est toujours pas garé, je rentre dedans et claque la porte. Je fais de nouveau rugir le moteur et je contourne le jeune homme pour pouvoir me garer, histoire qu'un type ne me rentre pas dedans. Je redescends de ma voiture, mon sac à la main et je retourne prêt de lui, sortant mon paquet de Philip Morris. « Tiens, je m'en voudrais à vie d'avoir empêché un fumeur de se bousiller un peu plus la santé. » et je lui offre de nouveau un grand sourire, tendant mon zippo pour allumer sa clope.

Oh la sadique. J’me rends compte qu’elle a vraiment un problème en fait. Mais j’aime bien. En si peut de temps, me dévoiler tant de secrets, je n’en demandais pas tant ! En effet, elle me dicte les différentes méthodes qu’elle aurait mises au point afin de réduire quelqu’un au silence. Soit, moi. Même son intention première, dans ce cas présent, était simplement de répondre à mon accusation. Sa réplique me coûte d’ailleurs un sourire ; une nuance de sadisme se lit sur mon visage. Mais en somme, elle met un point à ma curiosité : non, on ne se connaît pas. Tant mieux. Je l’observe avec insistance, cherchant à ce qu’elle finisse sa phrase. « Pour… ? » Il manquait un mot ou deux. J’attendais qu’elle me les balance en pleine face. Qu’elle m’insulte. Elle a déjà essayé de me tuer, elle ne peut pas faire pire ! Mon sourire ne s’était pas détaché de mes lèvres. Un sourire béat et amusé. Amusé de voir qu’une fille qui était soit disant aux bords des larmes puisse parler avec tant de franchises à sa victime après quelques secondes, à peine. A présent, elle cherche à s’excuser. Curieux, j’attends son offre, alors qu’elle déplace son paquebot pour le ranger sur le côté. Elle en ressort, avec un paquet de clopes. Putain de déception. « C’est tout ce que tu as à m’offrir alors que t’étais à deux doigts de m’éclater le cerveau contre ta Chevrolet ?! » lui demandai-je, prenant un air irrité, perplexe. Je prends une cigarette, le zippo qui va avec, l’allume. Je prends tout ce qu’on me donne. Je ne suis pas difficile au fond. Pourtant, j’insiste. « C’est carrément vexant. » Je soupire doucement avant de tirer une latte de cette cigarette à présent mienne. Bien sur que c'est vexant. Savoir qu'une femme pense acheter ton pardon à l'aide d'une cigarette, ça ne gâte pas particulièrement ton estime personnel. Mais bon, très honnêtement, ce n'est pas comme si mon estime personnelle avait besoin d'être gâtée. « A ce stade, t’aurais au moins pu essayer d’acheter mon silence avec une gâterie. » Je souffle un léger rictus, avant qu’un sourire se réinstalle sur mes lèvres, dérobe tout sérieux à mes mots.

Bon j'avoue que je me suis énervée assez vite, je me suis emportée et voilà que monsieur a l'air d'apprécier mes paroles qui n'ont aucun sens, à part celui de me faire passer pour une vraie folle. Le type continue à me pousser pour que je finisse ma phrase. Je me mets alors à sourire, amusée par la situation. « Pour un merdeux dans ton genre. » Bah quoi, il avait qu'à pas me demander de finir ma phrase. En plus, c'est pas si méchant de dire à quelqu'un qu'il est un merdeux. Bon, c'est vrai que c'est pas le meilleur niveau compliment, mais j'aurais pu faire pire niveau insulte. Le pire, c'est que je lui dis que je vais me faire pardonner en lui offrant une cigarette, mais voilà qu'il a l'air véritablement déçu. Non, mais il pensait quand même pas que j'allais lui tailler une pipe ? Et bah, en fait, si. Monsieur veut une gâterie. Je soupire, gardant malgré tout mon sourire au lèvre et je m'appuie contre l'arrière de ma voiture, sortant mon papier à rouler et mon effriteuse, afin de me rouler un joint. Appuyée à ma voiture, je continue de regarder le miraculé droit dans les yeux, sans me démonter du haut de mon mètre soixante-dix. « Va y, baisse ton calbute, je vais voir ce que je peux faire pour toi. » Ça sonne presque comme un défi à mes yeux, faut éviter de me tester sur ce terrain là. Je lui tourne alors le dos un court instant, pour pouvoir me rouler mon joint en toute sécurité sans que le tabac s'envole à cause du vent. Je lèche le papier et voilà, il est roulé à la perfection. Bon maintenant, je veux récupérer mon zippo, c'est quand même mon préféré.

Moi ? Un p’tit merdeux ? Sa réplique m’arrache un léger rictus. Sérieusement ? Elle aurait pu trouver mieux. Son insulte, si l’on pouvait certes qualifier cela d’insulte, ne m’atteint pas particulièrement. En sommes, elle ne m’apprend rien. D’autant plus que l’air amusé qui se distinguait sur son visage appuyé vainement la sincérité de ses propos. Si en plus elle ne pense pas ce qu’elle dit… « Ca me touche beaucoup. » répondis-je, sarcastiquement, un large sourire sur les lèvres. La cigarette qu’elle venait de m’offrir entre les lèvres, je l’observais trifouiller à l’arrière de son bolide, sans trop me poser de questions. Je retiens pourtant le soupire qu’elle exprima en réponse à ma proposition. Elle n’en perdait pas pour autant l’air amusé qui égayait son visage. Certes, ma proposition manquait de tact, de respect, ou même de politesse, mais bon, elle n’était pas à prendre au sérieux pour autant. Elle sortis une effriteuse, des feuilles à rouler. Tiens, elle commence réellement à m’intéresser, la p’tite. « Va y, baisse ton calbute, je vais voir ce que je peux faire pour toi. » Oui, ça devient vraiment intéressant, là. Le temps qu’elle roule son joint, je m’avance vers elle de quelques pas. Relativement proche de la demoiselle, je me permets de laisser mes yeux glisser discrètement le long de son corps, avant de revenir rapidement planter mon regard dans le sien. « Et si on remettait la gâterie à plus tard ? » lui dis-je, doucement. Je lui adresse un sourire en coin, avant de tirer une latte sur ma clope avant de la jeter plus loin. Quel gâchis. Mais bon, il y avait actuellement mieux face à moi. « Pour le moment, je me contenterais de ça. » Je dérobe son bien parfaitement roulé, le glisse entre mes lèvres, fait jaillir de son zippo une nouvelle flamme afin de l’allumer. Avec ou sans son approbation. Je m’en bas les couilles. Elle a failli me tuer, elle me doit bien ça. Je tire longuement dessus, profite intensément de cette fumée malsaine mais si délicate, avant d’expirer cette dernière sur le côté. Je lui tends son dû. Oui, bon, déjà que c’est le sien, je me montre généreux…

Je peux être très grossière quand je veux, mais sur ce coup-là, je préfère rester soft pour qu'il évite de me coller un procès au cul. Ouais, c'est moi qui suit en tort dans l'histoire, le téléphone au volant est interdit. D'ailleurs j'aurais très bien pu mettre en route le kit main libre, mais je réfléchis comme d'habitude après mes conneries. Enfin, il n'est pas mort, on va pas non plus en chier une pendule. Il ne prends pas mal ma pseudo-insulte et c'est normal, j'ai pas sorti ça pour être méchante du tout. Il commence à jouer le type pervers en disant que j'aurais pu lui proposer une gâterie, sauf qu'il ne sait pas à qui il s'attaque, puisque je reste vague dans mes propos, je ne refuse pas. Je lui demande même de baisser son pantalon histoire de lui faire comprendre que je n'ai pas froid aux yeux. Il s'approche de moi, j'attends de voir ce qu'il compte faire, d'ailleurs il s'approche toujours de plus en plus, au point que je n'ai qu'à bouger un genou pour le taper droit dans ses bourses, je m'y prépare au cas où, mais monsieur se défile au dernier moment en disant qu'on remettra sa gâterie à plus tard. Je hausse les épaules, avec un sourire moqueur. Petit joueur. « Comme tu le sens, je ne suis pas pressée. » Et puis je ne lui ai rien promis, il n'aura rien du tout plus tard pour qui il me prends celui-là. J'ai faillit l'écraser, je n'ai pas tué sa mère non plus, n’exagérons rien. Il dit alors qu'il se contenterait de ça et alors que je fronce les sourcils, ne comprenant pas de quoi il parle, il me dérobe ce que j'ai de plus précieux actuellement auprès de moi et là, je suis sûr que mes sourcils se touchent tellement je ne suis pas d'accord. « Hey ! Ça c'est le genre de truc que je ne partage pas même pour tout l'or du monde. » Je le laisse cependant tirer dessus, d'ailleurs c'est bien la première fois que je montre autant de bonté, ça n'arrivera certainement plus jamais. Il finit par me le rendre et je retrouve alors très rapidement le sourire. Je tire dessus de la même manière que lui précédemment et je recrache la fumée quelques instants plus tard, tandis que le mal s'infiltre dans ma gorge petit à petit. J'adore cette sensation malsaine. Je me recule alors de ma voiture, puis je saisie brutalement de ma main libre le bras de mon interlocuteur. Je n'ai aucune force, donc je ne dois pas trop lui faire mal, mais bon ce n'est pas le but non plus. Malgré le rapport de force de mon geste, j'ai toujours un fin sourire narquois sur les lèvres. « Ceci m'appartient. » Et puis je fais glisser ma main le long de son bras, pour finir par lui saisir la main plus délicatement et je finis par rompre le contact avec lui en saisissant mon zippo.