Honnêtement, il voit pas du tout son secret comme quelque chose de négatif, qui le fait passer pour un véritable connard. A la base, il ne l'a pas fait pour une noble cause c'est vrai, mais pas pour se faire de l'argent non plus. Il voulait juste aider son pote, c'est tout. Puis après ouais, il l'a fait un peu pour les deux, mais surtout l'argent sans que ce soit une véritable obsession. Si certains voient du mal dans le fait de dénoncer des hôtels discriminatoires... ça doit être eux qui ont un problème, parce qu'Ulysse n'a aucun problème de conscience. « Tu viens de déclencher une vocation chez tous les candidats repartis sans cagnotte, là. » Il est content que Maxence le prenne comme ça, parce qu'après tout, chacun voyait dans son secret ce qui l'arrangeait. Si ça les arrangeait de le voir comme un méchant, il allait jouer sur un point de vue exprès pour. « Je serais leur manager ! » qu'il fait en riant. Blague bien sur. De toute façon, il a arrêté depuis très longtemps, depuis des années même. Il a fait le coup quoi, trois ou quatre fois à des grands hôtels et c'est tout. La mascarade n'a même pas duré une année. Ce serait juste réducteur de dire qu'il passe son temps à arnaquer les gens. « Escroc. » que lui fait Silas. Il se contente d'un sourire, content que Silas le prenne comme ça lui aussi. Entre temps, y a la révélation de Danica qui est assez émouvante. Il le savait. Même pour l'histoire avec Juan, il s'en doutait que ce piratage ne s'est pas fait sans... victime. Silas aussi est émouvant, et il espère qu'il pourra accomplir son but et que l'émission lui aura bien servi.

Finalement Danica et Silas ne plaisantaient peut-être pas entièrement quand ils parlaient de mouchoirs et d'anti-dépresseurs. Parce que bon, c'était pas vraiment la joie notre petit groupe de ce soir, en terme de révélations des secrets. Mais le secret de Silas n'était pas que négatif, à mon sens, parce qu'il partait d'une volonté que je trouvais admirable, celle de tenir la promesse faite à une personne chère même si cette dernière n'était plus là pour en être témoin. Et visiblement Amy n'avait pas trouvé, ou pas validé je ne savais pas trop ... En tout cas, l'annonce de Cupidon faite en début de prime voulait dire une chose, finaliste ou pas il pourrait en tout cas compter sur l'argent de Fake Lover pour réaliser son projet, et ça me faisait plaisir pour lui. Me penchant vers lui j'avais glissé à voix basse, en souriant légèrement « Tu sais ... je crois que Jasmine se dit peut-être à ton sujet la même chose que ce que tu disais à propos d'elle tout à l'heure. » Comme quoi elle n'était pas si conne. C'était bien la preuve qu'il ne fallait pas toujours se fier aux apparences, même si les premières semaines de jeu c'était pratiquement tous ce que nous avions fait à propos de tout le monde ... Peut-être que c'était la nature humaine, ou peut-être que nous étions tous ou presque effroyablement prévisibles. Place ensuite au secret de Jorah, pour le moins ... inattendu ? Cela expliquait le fait qu'il m'ait dit être ici pour voir si la vie en communauté lui conviendrait, en tout cas. Je ne savais pas trop quoi en penser sinon, ça devait vraiment lui tenir à coeur comme projet, pour qu'il soit prêt à tout lâcher de cette façon, y compris sa famille ... J'avais du mal à envisager qu'on puisse faire une croix définitive sur sa famille ceci dit, même pour une passion. Puis ce fut au tour de Jouko de révéler le sien ... Il m'avait fallu un certain temps pour comprendre ses explications, mais j'avais compris qu'il s'agissait d'un secret de famille, une histoire d'inceste ... bref, super joyeux aussi, quoi. Mais il ne semblait pas mal le vivre, sans doute avait-il trouvé la maturité suffisante pour voir cela avec du recul. Quant au secret de Krisjana, il était surprenant lui aussi, et pas inintéressant ... Et puis, le montagnard que j'étais en entendait tellement, des histoires sur les loups, qui bouffent les troupeaux, et ci, et ça ... Alors que les loups avaient un instinct et une façon de vivre, en meute, qui se rapprochait parfois tellement de l'être humain. Bon, c'était mon tour cette fois-ci, en même temps j'étais le dernier à me lancer visiblement. Je ne savais pas trop ce que s'imaginaient celles ou ceux qui auraient essayé de creuser mon secret, je me disais que sans doute le montant de ma cagnotte à une certaine période avait pu donner envie à certains de gratter pour tenter de la récupérer, encore que ce n'était pas certain. Peut-être qu'on s'imaginait que de par mon métier ce serait forcément un truc violent, ou je ne sais quoi … Ça débutait bien avec mon métier, ceci dit. « Y'a six ans j'ai passé plusieurs semaines au Sri-Lanka, pour un reportage, ça fait partie de ces pays qui ont été en guerre pendant des décennies mais dont personne ou presque ne s'est jamais soucié. » Je disais ça un peu avec amertume, mais ce n'était rien de plus que la vérité. Y'avait ni or ni pétrole au Sri-Lanka, rien qui mérite que le reste du monde se préoccupe des massacres qui avaient eu lieu là-bas. « On avait pratiquement terminé, mais la Perahera de Kandy avait lieu la semaine suivante alors on a décidé de rester encore un peu, jouer un peu aux touristes. Un matin je suis descendu au marché avec un collègue … et c'est là que je l'ai vue. » J'avais marqué une pause, et dégluti tandis que cherchais mes mots en essayant de ne pas me perdre plus que de raison dans mes souvenirs. « Un sari vert, une longue natte à moitié défaite qui descendait par dessus son épaule, des gamins qui se chamaillaient joyeusement autour d'elle … Elle était pas juste belle, elle était … hypnotisante. J'avais jamais vu cette fille avant pourtant, mais c'était juste … j'arrivais même plus à réfléchir, je savais plus où j'étais, comment je m'appelais, je voyais plus qu'elle. Juste elle. » Je n'étais plus vraiment là, j'étais perdu dans mes pensées, c'était y'a six ans et pourtant je la voyais toujours aussi clairement que si elle était devant moi, comme si mes souvenirs n'avaient pas pris une ride, et moi non plus. « Sans réfléchir j'ai planté mon collègue au milieu de la rue. Fallait que je la rattrape, mais c'était noir de monde, de gens qui crient, se bousculent … J'ai fini par la perdre. J'ai erré toute la journée, j'arrivais pas à me résoudre à arrêter de la chercher même si je ne savais pas où j'allais, j'avais plus l'esprit très clair. A la nuit tombée j'ai quand même regagné l'hôtel, certains quartiers étaient du genre coupe-gorge et j'avais pas envie de me faire saigner bêtement pour quelques roupies. Mais je ne pensais plus qu'à ça, que mes collègues allaient rentrer en France sans moi, que je ne repartirais pas tant que je ne l'aurais pas retrouvée. » Bref, je ne pensais plus clairement, comme je venais de le signaler. « J'ai rappelé le contact que j'avais en ville, Dinesh, en lui disant de me retrouver à la maison de thé pas loin de mon hôtel le lendemain matin, je me disais qu'il pourrait peut-être me renseigner, me donner une piste, je ne sais pas … C'était qu'à deux rues de l'hôtel alors je suis parti dix minutes avant l'heure, mais j'avais à peine tourné le coin de la rue que … » Je m'étais interrompu, serrant mes mains l'une contre l'autre en réalisant qu'elles tremblaient « Y'a eu une explosion. Et puis de la fumée, les gens se sont mis à crier … C'était le chaos. Attentat. Le LTTE avait fait sauter une bombe en représailles à l'exécution de certains prisonniers … Dinesh m'attendait déjà quand c'est arrivé. Il est mort dans l'explosion. » J'avais baissé la tête, c'était le début des emmerdes qu'avait provoquée cette rencontre. Ce que j'appelais gentiment ma malédiction personnelle. « C'est là que j'ai compris, que si ça avait commencé avec la mort de quelqu'un c'était peut-être un signe. Ma rédaction avait peur que ça dégénère et que les étrangers servent de cibles, alors on a été rapatriés, et quand je suis monté dans l'avion j'ai su que c'était fini, que ma dernière chance de revoir cette fille partait en fumée. Je me disais que je finirais par l'oublier, qu'on ne pouvait pas comme ça s'éprendre de quelqu'un qu'on a vu une seule fois, à qui on n'a jamais parlé, que c'était ridicule … Mais ça va faire six ans que j'attends, et j'ai toujours les mains qui tremblent et le cœur qui tambourine quand j'y pense. » Est-ce que ce n'était pas pathétique ? C'était risible en tout cas, j'avais trente-cinq ans et je n'arrivais pas à passer outre le souvenir d'une femme qui ne savait même pas que j'existais. J'étais pire qu'un adolescent. « Alors voilà, c'est ça mon secret. Depuis mon coup de foudre pour une inconnue, que je n'ai jamais revue, je suis incapable de retomber amoureux. Je sais que ça n'a pas de sens, qu'on ne tombe pas amoureux comme ça en un claquement de doigts, d'ailleurs je ne pense pas que je suis tombé amoureux, j'ai juste eu un coup de foudre, une occasion que je n'ai pas su saisir au vol, le genre d'occasion qu'on n'a pas deux fois dans une vie ... et maintenant il est trop tard, voilà. » J'étais déjà en train de me séparer de la mère de ma fille à l'époque, alors je ne vais pas dire que c'est entièrement à cause de ça, c'était loin d'être le facteur principal … Mais sans doute que ça a joué un peu. Et ce n'était pas plus irrationnel que le fait de se sentir fautif à chaque fois que je posais les yeux sur une autre femme, alors qu'objectivement il n'y avait aucune raison. C'était pas vraiment lourd à porter comme secret, au fond ça ne compliquait que ma propre existence, et comme cela faisait six ans que je vivais comme ça on ne pouvait pas dire que la révélation m'enlève un quelconque poids ... Par contre j'avais soif là, maintenant.

« Non ! Pour toi c’est exceptionnellement gratuit ! » En voila de la chance. « Non je rigole. J’ai une tonne de vrais amis aussi tu sais et tu en fais partie… » Elle est mignonne. « Tant mieux, parce que j’ai déjà assez de prêts sur le dos. » Si il fallait que je m’endette encore plus pour passer du temps avec elle. De toute façon, comme si j’aurais été prête à payer pour passer du temps avec… Je suis pas de ceux désespéré. Je vais au bar du coin, et j’en trouve de la compagnie. Bref les secrets s’enchainent. Le secret de Dani. Elle a été prise en otage par des pirates. Ou son fiancé a été tué dans le processus. Je me doutais bien que c’était un truc dramatique dans le genre. Bien triste quoi. Je comprensd très bien son besoin de se réfugier un peu trop dans l’alcool. Secret d’Archie. Nomade, cool. Et puis celui de Silas. C’est là qu’il va se rendre compte qu’il est toujours riche. Trop tôt si vous voulez mon avis, il aurait mérité de flipper encore plus longtemps. J’écoute le récit. Tout ce que j’entends moi c’est : t’aurais pu avoir 30 000, t’aurais pu avoir 30 000. Ça me trotte dans la tête. J’espère qu’il a conscience du sacrifice que je viens de faire. Sérieusement ce verre j’en aurais bien besoin. J’écoute les autres assez distraitement. Jorah, qui veut aller vivre sur Mars. Hm mouais d’accord. Jouko qui est le fils de sa sœur. Kris une femme loup. Bon ça pas de surprise, je le savais déjà. Et Maxence qui s’est éprit d’une femme qu’il n’a vu qu’une fois. Étrange, mais bon, pourquoi pas. C'est surtout con parce qu'il est condamné à vivre avec son souvenir, et si ça l'empêche d'avancer.

Ça y est, je suis tranquille maintenant, j’ai tout dévoilé. Révélation faite. C’est vrai que ça fait du bien. C’était lourd à porter au quotidien et en particulier ces derniers temps. Je devrais être bien et serein maintenant sauf que c’est pas le cas. J’arrête pas de penser à la MILF et à son buzz. Je comprends pas. Pour moi, c’était impensable qu’elle ne valide pas son buzz puisqu’il était gratuit. Elle semblait décidée à me piquer ma cagnotte car elle avait vraisemblablement besoin de thune aussi pour ses besoins quotidiens. Je pensais qu’elle m’avait écrasée et qu’elle allait tout récupérer ce soir mais non. J’aurai mes trente mille euros apparemment. Ça me fait bizarre. Je suis content et en même temps, je me dis que j’ai pas besoin de tant d’argent. Tout ce que je veux, moi, c’est pouvoir me payer mon voyage et les frais qui vont avec. Même si c’est pas la joie financièrement parlant à coté, je m’en sortirai, comme toujours. Donc je sais quoi faire maintenant. Je me lève, alors que Jorah fait sa révélation sur la planète mars où j’sais trop quoi et je file vers la brune. « J’ai pas l’habitude de dire ça mais merci. » Je baisse la tête, honteux, presque gêné au final vis-à-vis de ce qu’elle a fait. Je sens alors que la candidate s’en balance presque de mes excuses. C’est vrai que c’est facile un merci. J’lui coupe aussitôt la parole. « J’ai jamais fait de virement aussi gros et j’crois que la banquière va tomber de sa chaise mais tu vas me filer ton putain de RIB à la sortie pour que je te file les deux tiers de ma cagnotte. » Non, ce n’est pas une proposition faite à la légère. Je balance pas des choses comme ça moi si j’en ai pas envie. Et puis, j’suis sûr qu’elle doit se dire que bientôt elle aura plus de nouvelle de moi et de la thune que je lui promets. « Et je tiens toujours mes promesses, sache-le. » Je crois que grâce à mon secret, elle peut en être rassurée. Maintenant, si elle le veut, je peux faire ça officiellement mais je doute que Cupidon s’amuse à faire le transfert de cagnotte. Autant faire ça entre nous en plus, les autres candidats ont pas besoin d’être au courant. Ça la concerne elle et moi uniquement.