+ Non, je ne l'évite absolument pas depuis la fin du prime, n'importe quoi. Si je me suis dépêchée d'aller me coucher, c'est que j'étais fatiguée, et on a tout simplement pas encore eu l'occasion de se croiser, c'est pas comme si on dormait dans la même chambre. J'ai même pas beaucoup dormi cette nuit. J'ai beaucoup tourné en rond, dans mon lit, puis dans le nid. J'ai fini par m'arrêter dans la salle de musique parce que j'ai l'impression que ça fait longtemps que j'y ai pas mis les pieds et surtout parce que la pièce m'a l'air vide. C'est drôle comme avant que les éliminés ne reviennent je n'attendais que leur retour pour qu'ils réaniment un peu les lieux, et maintenant qu'ils sont là, je cherche souvent la paix et la solitude. Pour ça cette pièce est parfaite, parce que je peux rester isolée tout en comblant le vide du silence pesant sur mes épaules. Les disques, les genres musicaux, les chansons se succèdent les uns après les autres dans la machine. Je ne vois pas le temps passer, je me laisse complètement porter, bercer. Je suis aux bords des larmes après avoir écouté une énième chanson triste. J'attends la suite quand la porte s'ouvre. Et alors je me fige sur place. Mon coeur bat fort à mes oreilles, tellement que je n'entends presque même pas la douce musique qui résonne à présent. Je crois que c'est quelque chose comme du Jazz. Je le dévisage un court instant. Je me doute bien qu'il doit se demander pourquoi j'ai rien dit, et au fond moi aussi un peu, mais je tente tout de même d'éviter le sujet. « Fais-moi danser. » Je demande alors en me redressant, le bras tendu dans sa direction, ma main au bout se voulant volontairement lascive. « S'il te plait. » J'ajoute en faisant la moue alors que ma voix va se briser contre le joli son cuivré et assuré d'une trompette, je crois.

Je sais pas bien pourquoi je me cache comme ça. Je crois que j'ai simplement pas envie de voir trop de pitié dans les yeux des autres quand ils me regardent maintenant qu'ils savent. Je veux pas qu'on ait trop pitié, je veux pas qu'on soit triste ou désolé pour moi, même si je comprends tout à fait qu'on le soit. Je vais juste avoir besoin d'un peu de temps pour m'y faire. Enfin, c'est pas en restant toute seule dans la salle de musique que ça va s'arranger, je sais, mais bon. Je suis bien là. J'affronterai le regard des autres plus tard, demain, après-demain, jamais. Ou tout de suite, puisqu'il est venu me trouver. Je suis un peu prise de court, ça me met un peu mal à l'aise mais j'ai pas envie de cette ambiance bizarre entre nous pour la dernière semaine, les quelques derniers jours qu'il reste, ce serait vraiment nul. Mais c'est moi qui ait commencé en même temps. J'ai rien dit, je savais pas quoi dire, ou comment l’amener sans avoir trop l'air de m'en foutre parce que c'est pas le cas, mais je m'y suis faite depuis le temps, moi, voilà. Sauf que lui, il a dû tomber d'un peu plus haut que les autres, je l'ai tout de suite vu, et je me sens surtout mal vis-à-vis de ça. Alors je pourrais profiter du fait qu'on soit là tous les deux pour lui parler, lui raconter un peu, me confier, je sais pas, ça me ferait sans doute du bien, mais j'ai pas plus envie de le faire aujourd'hui qu'hier soir. Je veux pas encore plus plomber l'ambiance, non, je préfère qu'il me fasse danser. Il ne dit rien, ça m'inquiète un peu, mais il prend ma main dans sa grand patte pour me faire tourner sur moi-même avant de me ramener près de lui. Son autre main sur ma hanche, la mienne contre son bras musclé, il m'entraîne doucement et je me laisse faire, je le laisse m'emporter, et j'essaye d'oublier tout le reste, surtout le pire. Jusqu'à ce qu'il ouvre enfin la bouche pour dire qu'il est désolé. J'aurais presque préféré qu'il reste muet. Je laisse s'écouler quelques secondes pendant lesquelles mes yeux ont le temps de s'embuer encore une fois. « Moi aussi. » Je miaule tout bas avant de me pincer les lèvres pour finalement sourire discrètement. Je suis désolée d'être malade, désolée d'avoir rien dit hier, puis surtout désolée qu'il se sente désolée parce qu'il faut pas. Alors je hausse légèrement les épaules d'un air un peu indifférent. « Mais c'est comme ça, on y peut rien. » Il y peut rien, il y est pour rien, moi non plus, c'est comme ça, c'est tout. Un sale coup du sort, c'est moche, bien moche, mais il faut faire avec. Y a que comme ça qu'on avance. Y a que comme ça que, moi, j'arrive à avancer. « Qui aurait cru que tu dansais si bien. » Non, ceci n'a rien à voir avec une veine tentative de changement de sujet alors que nous continuons d'évoluer au rythme de la musique, rien du tout.

Spoiler:

On danse et je voudrais que ça dure encore longtemps parce que je me sens à peu près bien, là tout de suite. Mais il se met à parler, à dire qu'il est désolé, et c'est pas grand chose mais ça veut en dire beaucoup trop déjà. Enfin, qu'est-ce qu'on peut y faire ? Rien, c'est comme ça, c'est tout. Je veux pas faire la fille qui s'en fout, comme si ça n'avait rien à voir avec moi, ou comme si de rien n'était, mais je préfère y mettre un peu de distance et ne pas faire dans le sentimental, surtout, même si les larmes me piquent les yeux. Alors je change de sujet, parce qu'il est clairement plus facile de parler de quelque chose d'aussi léger que sa façon de danser plutôt que de toutes autres choses à propos desquelles je sais qu'il aimerait qu'on discute avant qu'on en ait plus l'occasion ni le temps. « J'ai cru comprendre, oui. » Qu'il était plein de surprises. Parce qu'en plus de ne pas danser comme un pied, il serait apparemment blindé, ce qu'il a caché à tout le monde dès son entrée dans le jeu, jusqu'à hier soir. J'hésite à lui dire que moi, je pense pas que ça aurait changé grand chose, qu'il nous le dise ou pas. Je pense évidement qu'on l'aurait pas tous vu de la même manière, moi y compris, mais l'argent ne fait pas tout. Je suis sûre qu'il était déjà drôle et que c'était déjà un homme adorable avant d'hériter, et ce qu'il y a de mieux encore, c'est qu'il le soit resté, même en étant riche maintenant. Enfin, je peux pas me vanter de l'avoir connu avant l'émission alors si ça se trouve je me goure complètement et le fric l'a carrément changé en mieux, mais j'ai toujours douté que c'était possible. Enfin bref. Il comprend que je n'ai pas voulu parler lors du prime, et je lui en suis reconnaissante, je me sens au moins un peu soulagée sur ce point, mais je vois la suite arriver d'un peu trop près. Ce qu'il s'est passé entre nous, samedi matin techniquement mais peu importe, et puis c'est pas comme si je me souvenais de l'heure exacte à laquelle on l'avait fait pour la première, et sans doute aussi dernière, fois. Je sens un truc bizarre me traverser de part en part alors qu'on tourne encore plus doucement sur nous-même qu'auparavant, c'est presque comme si on s'était arrêté désormais. « Et qu'est-ce que tu veux que je te dise ? » C'est presque une vraie question mais ma voix s'est raffermie, parce que c'est compliqué tout ça. « Que c'était rien de plus que du sexe, parce que ça faisait un moment, surtout pour moi qui suis restée ici plus longtemps que toi, et comme toi t'es un mec, t'allais surtout pas dire non. » Première hypothèse tout à fait plausible, je trouve. « Ou que je deviens folle, mais vraiment, à force d'être enfermée ou... Tu sais. » Le bordel qui se prépare déjà dans ma tête, parce qu'elle a bon dos, la maladie. « Ou alors, dans le pire des cas, peut-être bien que... Je suis bêtement tombée amoureuse de toi. » Voilà, je l'ai dit, en hochant la tête, sans doute inconsciemment, avant d'afficher ce sourire légèrement crispé et triste. Et ouais, "bêtement" parce que c'était pas sensé arriver et ça va forcément faire plus de mal que de bien tout ça. Enfin faut pas croire que je suis une blasée de l'amour, hein, non, j'adore ça, tant que ça arrive aux autres mais pas à moi parce que ça se terminerait forcément de façon tragique et prématurée. « Moi, personnellement, je pense qu'il doit y avoir un peu des trois, mais... Je sais pas. » Je conclue en haussant les épaules, l'air de lui demander son avis, en espérant qu'il me dise que selon lui, ça s'explique plutôt par la première, la deuxième ou une quelconque autre théorie qui exclurait toute affinité un peu trop ambiguës de l'équation. Ah, et si je pouvais éviter de pleurer aussi, ce serait bien, mais sens la vague monter et je crois pas que je saurais la contrôler, donc si on pouvait en finir rapidement, que je m'enfuis à nouveau pour trouver une autre cachette, le temps que ça passe, et ensuite je pourrais recommencer à faire comme si de rien était, paraît que je suis douée.

Il veut qu'on en parle ? Très bien, parlons-en. Même si j'aurais vraiment préféré qu'on se contente de danser jusqu'à ce que la musique s'arrête, puis j'aurais sans doute éclaté en sanglots, il m'aurait consolé du mieux qu'il peut avant de me prendre dans ses bras comme une princesse pour me ramener dans la chambre, dans mon lit, où il m'aurait tendrement embrassée et dit bonne nuit. C'aurait été très bien comme fin de l'histoire, mais ce n'est pas la tournure que prennent les choses, de toute façon rien ne se passe jamais comme on l'a imaginé, ça devrait même plus m'étonner. Enfin bref. Je commence à lui sortir des excuses à ce qu'il a pu se passer entre nous l'autre soir mais il n'y a que la dernière qui le fait vraiment réagir, ou plutôt se stopper net. En même temps, je viens de dire qu'il se pourrait que je sois amoureuse de lui. Oui je comprends, quel choc ce doit être, personne s'en serait douté, hm. Enfin j'ai dit "peut-être" et puis je pense qu'il y a un peu de chaque explication qui pèse dans la balance. Sans doute une plus que les autres, mais j'aime mieux penser qu'elles ont toutes le même poids. Il n'empêche qu'en attendant qu'Eryk dise enfin quelque chose, j'arrive à peine à soutenir son regard. Je garde même les yeux baissé, rivés sur sa poitrine sans pourtant vraiment la voir jusqu'à ce qu'il ouvre la bouche. Il ne pense pas que je sois réellement amoureuse de lui, que mes sentiments sont simplement amplifiés, et je suis d'accord avec ça, mais ça veut bien dire que je ressens au moins un petit quelque chose pour lui. Puis il est vrai qu'on ne se connait pas tant que ça, dans le fond, mais c'est débile comme argument, sans parler de coup de foudre, il y a des gens qui n'ont pas besoin de se connaître pour s'entendre et se sentir bien l'un avec l'autre. Mais c'est vrai, qu'est-ce que je sais de lui, au final ? Pas grand chose, je réponds presque en haussant maladroitement les épaules. En plus de ça, il ajoute qu'en vrai il est pas aussi musclé, et que bientôt, ça aura disparu tout ça. Je le regarde de haut en bas en fronçant les sourcils. « Et alors ? » Putain mais... « Dans quelques mois, on aura changé tous les deux. Moi, je serais un peu plus malade, on sera tout les deux plus vieux, soit plus proches de la mort et toi tu seras peut-être plus gros, d'accord. Mais je m'en fous. » Tellement. « Bon, évidement, comme c'est le premier truc qu'on voit chez quelqu'un, si t'étais pas arrivé dans le nid en ressemblant à ça j'aurais sans doute eu du mal à voir plus loin que ton physique, même qu'au début c'est surtout ça qui m'a attirée, parce que je suis quand même assez superficielle comme nana, c'est vrai, mais... » Petit soupir d'indignation. Parce que voilà, je me limite pas à ça, comme il se limite pas à son apparence, à ses muscles ou à ses kilos en trop. « Et puis, on s'en fout de pas se connaître si bien que ça. J'ai pas besoin de te connaître pour savoir que je me sens bien avec toi. J'ai surtout pas envie qu'on en sache plus qu'on n'en sait déjà l'un sur l'autre, j'ai l'impression que ça pourrait tout gâcher. » C'est débile, je sais. Mais je préfère aimer un parfait inconnu qui sait rien de moi non plus, qu'un type qui sait tout de ma vie et qui pourrait se permettre de me juger, comme je le ferais aussi de mon côté. Enfin c'est vrai qu'appendre à connaître l'autre lui permet aussi de mieux nous comprendre, mais à ce stade de notre "relation", que je ne saurais même pas définir en plus de ça, j'ai pas l'impression que ça servirait vraiment à quelque chose. « Tu sais, j'aurais préféré ne pas connaître ton secret et que tu saches rien du mien non plus, parce que t'es quand même un sacré con et moi je passe juste pour une pauvre petite mourante. Puis j'aimerais mieux que tu saches pas que je me déshabille pour vivre à peu près correctement maintenant que je sais que toi, t'as presque de l'argent à jeter par les fenêtre. Et j'aimerais mieux pas savoir que t'es divorcé aussi, c'est peut-être le truc qui me dérange le plus chez toi, même plus que ton secret, ou le fait que t'ai des gosses -en plus je suis sûre qu'ils sont aussi adorables que toi - ou le fait qu'il y a de grandes chances que je revois plus jamais ce corps à moins que je mate les redif de l'émission à la télé. » Ce que je n'ai clairement pas l'intention de faire pour éviter tout relents de nostalgie, mais peu importe. Il est vrai que dit comme ça, on pourrait penser que je prône le mensonge, les cachotteries et l'hypocrisie, mais pas du tout. Je prône l'inconnu. C'est nouveau, c'est beau, c'est l'aventure, c'est excitant, c'est sans doute mieux. Regardez le début de l'aventure, quand tout nous était encore inconnu. C'était mieux. Bah là c'est pareil, sauf que c'est un être humain. Ça me donne l'air insensible de penser comme ça, je m'en doute bien, mais moi par exemple, si je connaissais rien de mon état de santé, si je m'élançais vers l'inconnu, je serais sans doute beaucoup plus heureuse que je ne le suis aujourd'hui, parce que je saurais pas. « Mais je sais tout ça, et c'est pas beaucoup, c'est vrai, c'est trois fois rien même, en plus ça pourrait me donner une image de toi bien pire que celle que j'ai déjà, mais... Je m'en fiche. » Il comprend peut-être pas, je comprends pas vraiment moi-même. Je contrôle rien, j'ai jamais rien contrôlé dans ma petite vie minable au possible. De ma maladie à mes sentiments. Que des conneries ces trucs, toujours là pour foutre la merde partout. J'ai le coeur gros, qui bat vite et fort dans ma poitrine, contre mes oreilles, et je sens des grosses larmes brûlants me monter aux yeux. Je sais pas si c'est de la tristesse, de la colère ou de la faiblesse. Je sais juste que j'ai envie de pleurer. Et de rire. Et de le frapper un peu, aussi. En vrai, je sais absolument pas ce que je veux. Parfois, je me demande même si je veux vivre. C'est que j'ai même pas de bonnes raisons d'être encore là. Et c'est peut-être ce que je venais chercher ici, une bonne raison. Mais c'est tellement égoïste de ma part, quelque part. Je sais pas, je sais plus. Je suis perdue, complètement perdue et pas que depuis dix secondes, là. Depuis un bon moment déjà. Mais la seule chose vers laquelle je peux me tourner est peut-être celle qui me fait le plus de peine à cet instant précis. Pourtant, je me retrouve quand même à le prendre dans mes bras et à le serrer fort contre moi, pour étouffer mes sanglots surtout, et retenir tout un tas de mots, de choses que j'aimerais dire mais qui s'emmêlent beaucoup trop dans ma tête. Je me sens tellement nulle, amère, petite, seule, impuissante et piégée. Je suis fatiguée.

J'ai l'impression qu'il a raison, et ça m'agace. Je ne suis sans doute pas réellement amoureuse de lui, vu la vision que je peux en avoir. C'est vrai, à la fin, qu'est-ce que je lui trouve ? Il me fait rire, je l'apprécie, j'aime être avec lui parce que tout à l'air plus simple, facile et léger. Il est gentil. Il ne m'a jamais fait trop de mal, mais en même temps, on a été séparé un bon mois et si ça n'était pas arrivé peut-être que ce ne serait pas la première fois qu'il me fait vraiment de la peine ce soir. Remarque, je dois lui en faire un peu aussi, c'est donnant-donnant. Mon regard se détache du sien pour aller s'échouer sur le sol. J'essaye de me défendre d'une petite voix tremblante en hochant la tête. « C'est pas ce que je voulais dire... » Un peu quand même, sinon j'aurais fermé ma grande bouche et j'aurais rien dit du tout. Mais c'était maladroit, et je le regrette amèrement maintenant. Surtout quand il résume assez parfaitement la chose. Je veux rester ici avec lui pour toujours, parce qu'on est bien, même lui, il le dit, ce qui a pour effet d'allumer une toute petite lueur d'espoir dans mon regard, mais je sens le "mais" pointer le bout de son nez, et tout va se casser la figure. Il m'explique le pourquoi du comment on peut pas rester ensemble, être ensemble dehors. On est trop différents, voilà tout. Et même si je trouve que c'est trop facile de dire ça, c'est vrai. Y a qu'à voir nos vies. Moi je suis seule, stripteaseuse et malade à en crever. Lui, il est divorcé, père de deux monstres et riche. Si c'est pas du contraste ça, je sais pas ce que c'est. Mais moi je pense qu'il faudrait passer au-dessus, parce que j'ai souvent pensé que l'autre devait être quelqu'un de presque radicalement opposé et complémentaire. Mais ce n'est peut-être pas le cas d'Eryk finalement, encore une fois, je le connais pas assez pour le savoir, et ça me frustrerait presque. Et à tout cela s'ajoute le fait qu'on habite pas vraiment à côté. La belle affaire. « Y a rien qui m'a jamais vraiment retenu à Chicago. » Ma mère est morte, mon père n'y vit plus depuis longtemps, mon job est pourri et bientôt je pourrais même plus l'exercer, mais maintenant j'ai un peu d'argent, moi aussi, au moins je peux aller presque n'importe où, ne serait-ce que pour quelques semaines ou mois, histoire de voir le monde, ou pourquoi pas carrément refaire ma vie ailleurs. Après tout, j'ai plus rien à perdre, je crois. « Mais tu sais, j'ai pas dit que je voulais pas te connaître. Simplement que j'en savais assez pour t'apprécier, et que j'avais peur qu'en en sachant trop l'un sur l'autre, on se rendrait compte qu'on est vraiment trop différents pour que ça fonctionne entre nous, sans même qu'on se donne rien qu'une petite chance d'essayer. » Je veux dire que si on avait appris à se connaître pendant l'aventure, aujourd'hui on en serait pas là, et on serait sans doute fixé sur notre avenir ensemble. Ou pas. « Alors je comprends, t'as déjà fait ta vie une fois et ce serait dur de passer après la mère de tes enfants, comme une sorte de remplaçante. Puis d'accord, tu veux une relation stable. Moi tout ce que je veux c'est être heureuse. Et si être heureuse ça veut dire être avec toi, tes gosses et ton ex-femme dans un coin, je prends. Même si je me suis persuadée de ne plus rien vivre de sérieux depuis un moment. C'est que... Je voudrais pas entrer dans trop de vies, comme la tienne, m'y installer confortablement, puis devenir un fardeau et m'en aller en laissant un grand vide. » Donc là, on à l'impression que j'ai pas envie de m'engager. « Mais j'ai pas envie de rester seule, et de finir seule... » Autrement dit, je sais pas ce que je veux. Un infirmier, quelque chose comme ça. Quelqu'un qui s'attache pas trop mais qui serait là pour me tenir la main. Ce serait sans doute le mieux. Mais j'aurais bien aimé avoir une famille aussi. Un homme assez fort pour me soutenir jusqu'au bout, des enfants même. Jusqu'à ce qu'on m'annonce que j'étais malade. Et je me suis dit que j'avais pas envie d'infliger à un môme l'atroce vision de ce qu'il pourrait lui arriver en vieillissant, presque comme moi j'ai vécu. Finalement, je me mets à pleurer pour de vrai parce que j'arrive plus à rien retenir. C'est trop, trop compliqué dans ma tête. Je sais plus où j'en suis, ce que je ressens, ce que je veux. J'ai jamais su grand chose, à part que je voulais être heureuse jusqu'à la fin de mes jours, mais j'ai pas l'impression que ça finira par m'arriver. Enfin Eryk, il me dit que je suis une fille exceptionnelle. C'est bon, pas la peine de me raconter des conneries pour me remonter le moral. Je suis qu'une fille parmi tant d'autres, une Jessica parmi tant d'autres, une malade parmi tant d'autres. Je suis pas exceptionnelle. Alors je fais non de la tête contre son épaule. Et il me sort qu'il y a plein de belles choses qui m'attendent dehors. Je retiens mon souffle une seconde, je me mords la lèvre, presque trop fort. « Ouais, comme par exemple une mort lente et tout ce qui a de plus tranquille. Chouette, j'ai trop hâte ! » Putain, ce que je peux avoir peur.