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Les températures à Los Angeles sont bien plus agréables que celles d’Austin. Pour peu, cela la convaincrait de déménager. À vrai dire, elle y a déjà pensé, plus d’une fois, mais elle finit toujours par se dégonfler. Parce qu’elle ne peut imaginer quitter sa ville natale pour une autre. Cela voudrait dire s’adapter à un nouvel environnement, et elle en est incapable. Sur le court terme, elle y parvient, non sans peine, mais elle arrive à quitter Austin pour passer quelques jours à l’étranger pour son travail. Cela ne dure jamais longtemps et c’est tant mieux. Même lorsqu’elle voyage, elle s’arrange pour toujours retourner au même hôtel, fréquenter les mêmes endroits, donner rendez-vous aux gens dans le même café. Si elle ne parvient pas à quitter Austin plus de quelques jours sans se sentir perdue, inutile de dire que déménager relève du domaine de l’impossible. Enfin, Fake Lover lui apprend à être loin de chez elle, et même si elle commence à avoir un peu le mal du pays - ou de la ville, dans son cas - il est vrai qu’elle est toujours là, et ce n’est pas anodin. Quoi qu’il en soit, en vue des températures agréables – quoi que fraîches pour certains – elle ne souhaite pas prendre son petit-déjeuner en étant enfermée à l’intérieur. Cependant, avant de mettre les pieds à l’extérieur, il lui faut trouver l’endroit qui l’accueillera. Elle réfléchit quelques minutes, faisant une liste dans sa tête de pour et de contre de chaque endroit. Finalement, le gagnant est le salon de thé. Pas trop loin de l’hôtel si elle vient à vouloir rentrer, pas trop fréquenté par ces heure-là et possédant une décoration plutôt agréable. Enfilant une veste légère, elle s’empare d’une corbeille de fruits – elle a constaté que les gourmandises à leur disposition au salon de thé étaient plutôt caloriques – avant de prendre le chemin du salon de thé. Arrivée à destination au bout d’une petite dizaine de minutes, elle dépose la corbeille de fruits à côté des gourmandises avant de s’approcher vers le bar pour s’y préparer une boisson. Mais elle n’a pas le temps d’étudier les choix qui s’offrent à elle qu’elle distingue la silhouette d’Agata qui arrive en sa direction. « Bonjour. » L’accueille-t-elle poliment avec un sourire aux lèvres. Agata est l’une des personnes qu’elle estime le plus ici, sa présence est toujours appréciée. « Je n’ai pas l’habitude de croiser quelqu’un à cette heure-ci, c’est agréable. » Elle avoue, parce qu’il est vrai qu’elle est réveillée aux alentours de huit heures chaque matin, et qu’elle croise très rarement du monde. « Thé ou café ? » Finit-elle par demander, d’humeur serviable. Cela lui arrive avec les gens qu’elle apprécie, pas souvent, mais quand même. Elle, elle se fera un thé, parce qu’elles sont au salon de thé et que cela lui parait impossible d’opter pour un café.

En temps normal, Mylah n’est pas de ceux qui recherchent absolument la compagnie ou qui entament facilement la discussion quand ils croisent quelqu’un, mais avec Agata, c’est facile, parce qu’elle est l’une de celles qu’elle apprécie le plus ici. Certes, ils ne sont pas nombreux, ceux qu’elle apprécie, mais pour gagner son affection, il faut vraiment être quelqu’un d’agréable. Agata l’est, c’est une évidence, et pas uniquement pour Mylah. Qu’Agata soit matinale ne devrait pas être une surprise pour la blonde, pour autant, c’est loin d’être désagréable de tomber sur elle, alors que la plupart des candidats dorment encore, comme le souligne la brune. « J’ai parfois l’impression d’être en colonie de vacances. » Réplique-t-elle en poussant un léger soupire. Mais c’est vrai, certains se lèvent aux premières heures de l’après-midi, d’autres se couchent au milieu de la nuit, la plupart laisse tout traîner derrière eux, ce n’est pas uniquement une question de réveil à l’aube ou non. Certes, les colonies sont souvent organisées, mais les adolescents ne sont pas connus pour leur mode de vie sain. Agata souhaite du thé, Mylah se charge de faire chauffer l’eau tandis qu’elle écoute attentivement la brune, qui lui parle du calme de l’endroit et de la vie en communauté. « Oui, c’est ce qui se rapproche le plus d’un endroit calme. » Répond-elle dans un premier temps, faisant écho aux premiers propos d’Agata. C’est ce qui se rapproche le plus, car Mylah est incapable d’être parfaitement détendue, peu importe l’endroit. « J’imagine malgré tout que c’est la même chose pour tout le monde, je doute que la majorité soit habituée à être collée vingt-quatre heures sur vingt-quatre à vingt-deux inconnus. » Vingt-deux, car c’est bien le nombre d’entre eux qu’il reste, désormais.  « Certains s’adaptent mieux que d’autres, c’est tout. » Voilà. Des personnes comme Gigi ou Sailor sont sûrement habituées à côtoyer toutes sortes de personnes, la vie en communauté ne doit pas leur déranger ou les faire sortir de leur petit confort. Déposant les sachets de thé dans les tasses, elle y verse ensuite l’eau bouillante avant de questionner sa camarade. « Tu t’habitues ? Cela se passe bien pour toi, jusqu’ici, tu trouves l’aventure que tu recherchais ? » Elle lui a déjà demandé si elle s’habituait aux caractères des candidats, mais jamais sur la vie en communauté en elle-même, ni sur son ressenti, qu’il peut être intéressant de connaître, quelques semaines après leur arrivée. Elle reprend les propos de la jeune femme, datant d’il y a quelques semaines, quand elle lui avait annoncé être inscrite ici pour changer un peu de son quotidien. « Voilà. » dit-elle en déposant les deux tasses fumantes sur la table avant de prendre place en face d’Agata, s’emparant d’une pomme – verte, nous sommes vendredi – dans la corbeille de fruits. Elle ne juge pas utile de préciser à Agata qu’elle peut se servir, la corbeille est sur la table pour une raison.

Même si la moyenne d’âge de cette saison se situe plus autour des trente ans que des vingt, il faut tout de même noter qu’une grande majorité de candidats doit provenir de la famille des paresseux plutôt que celle des singes. Alors parfois, Mylah a l’impression d’être entourée d’adolescents bordéliques et désorganisés. Comme une colonie de vacances, en fait, où bien qu’il y ait des règles à respecter et un minimum d’organisation, cela reste tout de même un capharnaüm. La blonde esquisse un sourire à la remarque d’Agata. « Moi non plus et j’en suis bien contente vu la façon dont on me présente les choses. » Bon, ceux qui lui présentent les choses ainsi sont des gens du même milieu qu’elle dont l’enfant devait être puni, les échos qu’elle a eus ne sont clairement pas les meilleurs. Quant à la vie en communauté, Mylah estime qu’aucun d’entre eux n’est vraiment habitué au fait de cohabiter avec une vingtaine de personnes, certains s’adaptent juste plus facilement que d’autres. « Je crois que moi aussi. » Réplique-t-elle, avant de se rétracter, plus ou moins. « De temps à autre, seulement, pas durant toute cette aventure. » Ce serait plus facile si elle mettait ses habitudes de côté pour pleinement s’intégrer à cette aventure, mais pour quelqu’un qui a déjà besoin d’une préparation mentale avant de tirer la roulette, c’est plutôt peine perdue, bien que cela lui faciliterait assurément la vie. Elle observe d’un regard peu convaincu Agata quand celle-ci précise qu’elle n’échangerait pas sa vie contre celle d’un autre candidat. La première semaine ici, Mylah avait cru comprendre qu’Agata n’aimait pas plus que cela la vie qui est la sienne, même si sa camarade a précisé ses propos, la blonde ne voyait pas comme cela était possible de se remettre en question. Aujourd’hui, son discours a légèrement changé, alors elle se tait, son regard parlant pour elle. Mylah la questionne ensuite sur l’aventure qu’elle est venue chercher ici, est-ce qu’elle la trouve ? Il semblerait que oui. Mylah l’écoute sagement. « Une idée positive ou négative ? » Elle est trop vague dans sa réponse, Agata, elle parle du fait qu’elle se soit fait une idée, qu’elle a pu voir ce qu’était la vie en dehors du cercle fermé de la politique, mais elle n’a pas réellement exprimé son ressenti. « Si c’est possible, tu serais prête à garder contact avec certaines personnes ? » Continue-t-elle, curieuse. Peut-être parce que c’est une question qu’elle se pose à elle-même depuis une semaine, mais qu’elle sait que ce ne sera pas forcément possible étant donné son milieu. Et puis, c’est aussi une façon de faire le point sur les affinités d’Agata, c’est toujours bon à savoir. Mylah dépose les tasses de thé et s’empare d’une pomme, elle n’a encore rien mangé, qu’elle croque une première fois tandis qu’Agata lui pose une question qui la laisse muette un instant. « Je ne sais pas. » Elle répond dans un premier temps, une fois qu’elle n’a plus la bouche pleine, se pinçant la lèvre, s’amusant un court instant avec ses doigts, tentant de formuler une réponse plus correcte. Elle ne peut pas ne pas savoir, elle ne peut pas formuler une réponse aussi floue, elle doit savoir. « Je crois que je vois où mon amie voulait en venir en insistant sur le fait que j’ai un problème, mais je ne suis pas sûre que cette émission soit un bon ‘remède’. » Elle croit, elle n’en est pas encore certaine, elle croit déceler où se cache son problème, elle ne met pas encore la main dessus, mais elle l’effleure. Sa conversation avec Leandro quelques jours plus tôt l’a secouée, il a appuyé là où cela fait mal, elle a bien été contrainte d’avouer qu’elle n’arriverait pas à vivre comme la plupart d’entre eux, c’est la partie immergée du problème. Quant au fait que cette émission ne soit pas forcément un bon remède, elle compte préciser sa pensée, car il le faut, elle doit être précise et claire. « C’est extrême, je ne dis pas que je vis cette émission comme une torture, je fais de belles rencontres et j’en suis la première surprise, mais c’est loin de tout ce dont j’ai l’habitude, je n'ai aucun repère, c’est radical comme changement. » Dit-elle, un peu perturbée, avant de porter le thé encore bouillant à ses lèvres, pour penser à autre chose. Pour se brûler et reporter l’attention sur une autre chose. C’est radical, parce qu’ici, elle ne peut pas tout prévoir, beaucoup de choses lui échappent et c’est source d’angoisse pour elle. Elle ne peut pas diriger les autres comme elle le souhaite, elle ne peut pas vivre comme elle en a envie.