Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette conversation était devenue étrange. Étrange dans le sens où Jackson se retrouvait présentement en train de nier l'évidence, ou plutôt, ce qu'insinuait son camarade. Oui parce que ça n'était pas nécessairement l'évidence, si on y réfléchissait bien. Ça n'était peut être même pas la vérité, d'ailleurs. Ou peut être que si. Allez savoir. Quoi qu'il en soit, lorsque Syssoï déclara que Gabrielle avait de l'importance aux yeux de Jackson, celui-ci s'empressa de nier en bloc, prétextant que personne n'en avait pour lui. Okay, il avait menti. Et après ? C'était tout à fait son genre de mentir. Il ne se considérait pas comme un type honnête, de toute manière. Mentir, ça lui arrivait souvent. Alors, pourquoi pas ici ? Pourquoi pas maintenant ? Pourquoi pas vis à vis de Syssoï ? En plus, parait-il qu'il se débrouillait pas mal à cela. Il excellait souvent dans l'art d'être parfaitement impassible, de ne communiquer aucune émotion, aucun sentiment, rien. Et il avait aussi la chance de n'être que très rarement trahi par des petits détails. Donc, la plupart du temps, il arrivait à mentir sans grand mal. Ici, par contre, cela lui demandait un peu plus d'efforts, de concentration. Disons qu'il n'était pas aussi performant qu'en temps normal, et ça le contrariait légèrement. Mais alors que Jackson se croyait tranquille, son camarade reprit la parole. Argh. La conversation continuait, donc. Cela signifiait qu'il devrait continuer son petit manège, alors ? Sans doute. La déclaration de son camarade le surprit légèrement. Non, en fait, elle le surprit beaucoup. Déposer le masque ? Hm, quel masque ? Qu'est-ce qui lui faisait croire que Jackson portait un masque ? « Je ... » Avant de poursuivre, Jackson réfléchit un instant. Okay, il portait une sorte de masque. Un masque destiné à ne rien laisser paraitre, à rester fermé comme une huitre en permanence. Parce qu'il n'allait bien qu'à cette condition. Parce qu'il n'avait pas toujours porté ce masque. Et parce qu'il était devenu une sorte de soutien, avec le temps. « C'est bon, y'a plus de masque » déclara-t-il subitement. Il prit même la peine de retirer un pseudo masque, d'un geste de la main. Heureusement qu'il ne s'était pas amusé à se décoller la peau du visage, quand même. Puis, Syssoï s'adressa à nouveau à lui. Et voilà qu'il était toujours question de Gabrielle. Ça l'étonnait à peine pour le coup. Jackson laissa s'installer un silence. Là, il aurait été tenté de répondre : « Elle n'est pas importante à mes yeux. Y'a rien du tout, basta. » Sauf qu'il avait enlevé son masque alors, techniquement, il se devait d'être honnête. Pour le coup, il se la jouerait homme de parole. Mais ça, c'était bien parce qu'il s'agissait de Syssoï, hein. Ainsi donc, il prit une grande inspiration. Attention, exclusivité mondiale, Jackson s'apprêtait à être honnête. « En fait, j'en sais rien » commença-t-il par avouer. Pourquoi Gabrielle avait autant d'importance à ses yeux ? Bonne question. Vous croyez peut être qu'il ne se l'était pas déjà posée ? La blague. Bien sûr que si. « J'y comprends que dalle. A mon arrivée ici, j'ai méprisé tout le monde. Sauf elle. Je ne sais pas pourquoi. C'est comme ça. Elle m'a intrigué, fasciné même. Et ça non plus, je ne sais pas pourquoi. Elle ne m'apparait pas de la même manière que les autres. Je l'avoue, j'ai voulu la séduire. Je m'y suis pris comme un pied, ça m'a servi de leçon. Parce que je ne savais pas quoi faire d'autre. Ça m'a paru normal, sur le coup. Et puis j'ai regretté. Après j'ai fait le con, en la traitant de "jouet", tu dois t'en souvenir. » En fait, c'était surtout la joue de Jackson qui se souvenait de ce fameux jour. Mémorable. « Elle m'en voulait, et ça m'allait très bien. C'était tellement plus simple. Mais y'a eu cette histoire avec toi et ... » Il se stoppa net. Ola, est-ce que c'était bien lui qui venait de dire toutes ces choses ? Impossible. On l'avait drogué, ou bien ... ? A croire qu'il se laissait facilement aller lorsque son "masque" n'était plus présent. Jackson lâcha un soupire. « Je ne saurais dire pourquoi elle est importante à mes yeux. Elle l'est, c'est tout. » Okay. Maintenant que tout ça était sorti, il envisageait très sérieusement de sauter. Ouais, maintenant. Parce qu'il était comme ça, le Jackson. Tellement pudique dans ce qu'il pouvait ressentir qu'il avait instantanément envie de mourir quand il en disait trop. Un drôle de type.

Spoiler:

Je l’écoute. Il paraît que c’est ce que je sais faire de mieux, ça et pousser le gens à se confier, ce qui est assez ironique quand on sait que j’ai une tendance innée a éviter toutes interactions et de surcroit rapprochement avec l’Autre. Cela dit, j’aime l’honnêteté et les situations claires. Tout ce que je ne suis pas, en sommes. Ce qui explique que j’éprouve le besoin de comprendre la moitié des candidats. La moitié digne d’intérêt, puisque les autres semblent n’être ici que pour accumulé le plus grand nombre d’expériences sexuelles diverses et variées. On pourrait trouver étrange que je m'intéresse à Jacko après l’altercation qui nous a opposée, mais au contraire, il me semble digne d’intérêt, car malgré tout, il n’a jamais eu la mauvaise fois de prétendre que moi et les miens ne servont à rien dans ce jeu, ni même que nous nous trouvions forcément privilégiés par la Prod sous prétexte que nos cagnottes engendraient jalousie et envie. C’est vrai qu’un mec qui ne renifle pas les culottes depuis son entrée dans le château pour mettre ce gain de temps à profit pour chercher et buzzer les secrets ne sert à rien dans une émission qui consiste à découvrir les secrets d’une trentaine de candidats. Cohérence du propos : zéro sur l’échelle de Richter. Ces gens-là ne m’intéressent. Alors que le blond, lui... Il a quelque chose de sous-jacent, une âme meurtrie, un instinct de survie qui me pousse à vouloir creuser plus profond, qu’il s’agisse de son secret ou non, soyons clair. Et le fait que tout cela tourne autour de Gabrielle ne fait qu’attiser un peu plus ma curiosité. Il me surprend en tombant le masque comme je le lui ai demandé, et en avouant son incompréhension face à cette attraction qu’il éprouve envers ma rousse. J’imagine qu’il ne s’agit pas d’une simple attraction sexuelle, même s’il doit y avoir un peu de ça aussi, il suffit de regarder Gabrielle pour le comprendre. Il évoque autre chose, quelque chose qu’il ne parvient pas à nommer. Moi je sais de quoi il s’agit, j’ai mis un nom sur cette part d’elle qui m’attire aussi comme un phare dans la nuit. Et c’est exactement ça, un phare dans ma nuit, irrésistible, enjôleur, prometteur... Dangereusement trop prometteur. Je doute qu’il puisse tenir toutes ses promesses, ce phare. Pas avec moi, en tous cas. Jacko évoque l’altercation, me demandant si je me souviens du moment où il l’a qualifié de jouet... Evidemment que oui. J’ai bien faillit lui enfoncer la tête dans le mur pour avoir osé lui manquer de respect de la sorte. Il avoue que cette situation lui convenait, cette guerre froide entre eux, un peu comme celle que j’ai tenté d’instaurer entre Gabrielle et moi... Et l’espace d’un instant je me demande si à réactions similaires il n’y a pas sources similaires. Serait-il possible qu’il ait vécu la même chose que moi ? Serait-il possible qu’il craigne ce qu’il est devenu, ce qu’il est profondément, cet être fatal à d’autres être ? Il aurait voulu laisser la situation pourrir sur pieds, puis il a apprit pour nous, Gabrielle et moi, pour cette erreur de parcours, celle que je regrette tout en ayant du mal à regretter. De la jalousie ? Certainement. Le même sentiment que j’ai éprouvé en le surprenant si proches l’un de l’autre dans la salle de bain, je ne m’en cache pas, le même sentiment que j’éprouverai à nouveau en la surprenant dans ses bras à lui, ou dans ceux d’un autre. Mais quitte à choisir, je préfèrerais que ce soit ceux de Jacko... L’idée fait son chemin dans ma tête, je ne suis pas encore certain de cette décision que je dois prendre. Alors en attendant, je compte éclairer sa lanterne, lui fournir les informations qui lui manque... Je soupire, ce que je sais m’appartient, et c’est difficile d’en faire profiter un autre. « Elle est pure. » Je fini par lâcher, résolu à faire quelque chose de bien pour une fois. « C’est cette pureté qui t’attire. Elle est comme une puissante lumière pour les connards de notre espèce, les mecs cassés, brisés, aux blessures qui suintent , aux plaies ouvertes. Elle est pure, tellement pure, innocente et naïve. Pas cette naïveté niaise, non, celle qui la pousse à chercher le bon dans chacun, même chez ceux qui ont cessé d’espérer. Elle est cette pureté qu’on recherche malgré nous en espérant qu’elle sera suffisamment forte pour ne pas se laisser pervertir. Elle brille au milieu des ténèbres, elle scintille, elle respire l’espoir et la foi. Elle est une religion inespérée, un culte auquel on n'osait plus croire. Elle nous donne envie de nous convertir et d’entrer dans ses ordres... Elle... » Je soupire à nouveau... Elle est tout ce que je n’ai absolument pas le droit de briser. Mon regard, déjà porté sur l’horizon, se perd dans le néant. Les flash se succèdent, me forçant à revivre des scènes que je me rejoue déjà continuellement pour ne pas oublier. Je n’ai pas le droit d’oublier. « Va lui parler. » Je romps brusquement le silence que j’avais moi-même instauré, en me tournant tout aussi brusquement vers lui, mon regard de glace pesant de tout son poids sur l’homme. « Elle pardonnera ta maladresse, elle n’est pas rancunière. Parle-lui, convertis-toi, et... » J’ai mal à l’avance, les mots se coincent dans ma gorge, lacérant ma trachée sur leur passage. « ... et, protège-la de moi. » mon âme saigne, preuve que finalement, j’en avais une, tandis que je tourne les talons et débarrasse le planché, laissant le viking et mon titre de propriété derrière moi, et un peu de ma foi aussi.

over for me.

Ça n'avait l'air de rien comme ça, mais sans son masque, celui qu'il gardait depuis des années, Jackson se sentait vulnérable. Parce que c'était une chose qui le rassurait, qui le protégeait en quelques sortes. Une chose qui le protégeait des autres. Au départ, il avait voulu refuser d'ôter le fameux masque, parce qu'il ne se voyait pas répondre à la volonté de son camarade. Mais finalement, il l'avait fait. Pourquoi, au juste ? Il n'en était pas certain. Sans doute avait-il envie de tomber le masque de lui même depuis trop longtemps, mais qu'il n'en avait jamais vraiment eu l'occasion, ni l'envie. Aujourd'hui, il tomba donc le masque. Mais ça ne fut pas facile. Parce que quand on vit avec un masque au quotidien, et ce depuis de nombreuses années, sans jamais vraiment envisager de s'en séparer, parce qu'il représente un soutien pour nous, il est véritablement difficile de l'ôter. Et pourtant, il venait de le faire. Devait-on en conclure qu'il était en progrès ? Non, sans doute pas. Parce que ça n'était qu'une étape, au fond. Il avait tombé le masque, certes, mais c'était loin d'être la seule chose qui le poussait à agir de la sorte. Pour autant, c'était un bon début. Jackson se lança alors dans un récit aussi sincère que surprenant à ses yeux. C'était un peu comme si il était lui même le spectateur de ce monologue, qui ne lui ressemblait tellement pas. Ainsi donc, il était bien incapable d'expliquer pourquoi Gabrielle était source d'importance à ses yeux. Et c'était bien vrai. Quand il eut fini de s'exprimer, Jackson réalisa ce qu'il venait de révéler. Vulnérable, il l'était plus que jamais à cet instant précis. Parce que sans une partie de sa carapace si rassurante, il n'était plus grand chose. La sincérité dont il venait de faire preuve le mettait presque mal à l'aise, à vrai dire. Mais il retrouva un tant soit peu de tranquillité d'esprit lorsque Syssoï reprit la parole. Il semblait le comprendre. Parce qu'il était très probablement dans la même situation que lui. Jackson l'écouta attentivement, ce qui ne lui ressemblait pas tellement non plus à vrai dire. Mais il était intéressé par les dires de son camarade. Alors il l'écouta. Et pour tout vous dire, il fut assez surpris par le discours de son camarade. Par sa sincérité, notamment. Il ne pouvait en tout cas qu'acquiescer ses paroles. Oui, Gabrielle était pure. Du moins, s'il n'était encore jamais arrivé à cette conclusion de son coté, il était tout à fait en mesure de le confirmer. Pour le reste, c'était un peu la même chose. Et alors qu'il songea à rebondir sur les propos de son camarade, celui-ci reprit, l'étonnant d'autant plus. Aller lui parler ? Il y songeait déjà. Du moins, une partie de lui y songeait déjà. Une infime partie, disons. Parce que la plus grosse partie préférait éviter. Sans doute de crainte de redevenir le type détestable qu'il était en la présence de la rousse. Et puis finalement, Syssoï partit. Mais avant, il lâcha quelques paroles qui ne manquèrent pas d'intriguer Jackson. Se convertir ? La protéger de lui ? Que devait-il comprendre par ces mots ? Il n'en était pas sûr, pour le coup. Il prendrait alors le temps d'assimiler tout cela. Regardant son camarade s'éloigner, le grand blond resta encore quelques instants ici. Il avait comme l'étrange sensation d'avoir été lobotomisé, ni plus ni moins.