Se jeter à la flotte ? Hm, pourquoi pas. Oui mais non, Tweedy savait nager. Peut être pas comme la Manaudou, mais elle savait nager, ainsi donc, il était fort probable qu'elle réchappe de cette tentative de suicide. L'idéal en fait, ce serait tout simplement que quelqu'un surgisse par derrière, muni du nécessaire pour l’assommer violemment et ainsi lui faire perdre connaissance, pour ensuite la jeter à l'eau, où elle aurait déjà beaucoup plus de chance de se noyer. Ouais ou sinon, elle pouvait naturellement arrêter de penser à de telles conneries et se contenter d'observer la vue, c'est sûr. Mais que voulez-vous, quand Tweedy n'allait pas tellement bien, c'était tout un film dramatique qui se jouait autour d'elle. Un vrai drame, oui. Mais alors qu'elle tâchait de chasser ses mauvaises pensées en portant son regard sur le paysage, la jeune femme crut à la réalisation de sa rêverie morbide de tout à l'heure. Car elle sentit quelqu'un se glisser dans son dos, ce qui ne manqua pas de l'effrayer et la pousser à se retourner brutalement. Mais pas de panique, ça n'était qu'Irène, et à moins que la jolie blonde soit armée d'une batte de baseball, tout allait bien. Bon. Tweedy adressa alors un sourire à la jeune femme. Depuis la révélation du secret de celle-ci, elle avait voulu lui montrer qu'elle la soutenait, quoi que certains imbéciles puissent penser. A ses yeux, elle avait beaucoup de mérite d'avoir su préserver un tel secret, et méritait du respect, et non du mépris. Tss. Posant doucement une main sur l'épaule de la jeune femme, Tweedy lui adressa quelques paroles. « Tu n'es pas un monstre » fit-elle alors tout doucement. Par là, elle faisait bien évidemment référence à leur discussion de l'autre jour, durant laquelle Irène avait évoqué la réaction de ses parents. A ce jour, Tweedy comprenait mieux où elle avait voulu en venir, et ça ne manquait pas de la peiner encore un peu plus, hm.

Je n’ai pas l’habitude de fuir les gens. Au contraire, j’aime en être entourée pour faire ma belle, me pavaner et leur mettre mon majeur en pleine gueule. Je suis fière de ce que je sui, quitte à en faire trop. Sauf que maintenant, tout semblait être différent. Enfin non, j’avais cette malheureuse impression : celle de devenir parano et de croire que tout le monde me juge. Ca doit être le cas, à l’intérieur comme à l’extérieur, mais après tout, le jugement des autres, je m’en foutais royalement. C’est le cas lorsque l’on est dans la « vraie vie ». Quand les regards sont braqués sur vous, c’est totalement différent… Au loin, je vis Tweedy sur le pont. Elle était la seule à qui j’avais envie réellement de m’adresser, puisqu’elle était celle me connaissait le « mieux » ici. Bon c’était un peu fort de dire, mais peut-être qu’avoir partagé par exemple l’accès de la salle aux indices avec elle m’avait permis de me rapprocher d’elle et d’avoir confiance en elle. Je mordant un peu la lèvre inférieure, j’allais vers elle. La brunette se retourna plutôt rapidement, ce qui me décrocha un sourire de surprise, qui s’envola très rapidement, alors que celle-ci me souriait. Je m’attendais à ce qu’elle veuille en savoir plus, ce qui était plutôt normal en soit. « Tu n'es pas un monstre » Un de mes sourcils se releva, alors que je la fixais un peu légèrement. Le temps que cela arriva à mon cerveau, j’esquissais un léger sourire en coin, baissant mes yeux vers l’eau. « Si seulement tout le monde pouvait penser comme toi… » Je parlais à demi-voix, un peu à moi-même. Elle ne trouvait pas que j’étais un monstre, je ne le trouvais pas moi non plus, mais bien d’autres, si. Je laissais jouer mes doigts sur le rebord du pont, tapant légèrement du pied. « Ils m’ont dit que j’étais un monstre, en me regardant d’une telle manière. Avec un tel dégout. À leurs yeux je suis devenue une créature diabolique. Ils m’ont jeté dehors, sans rien, sans argent. » Je pinçais mes lèvres, fermant légèrement mes yeux. Mes parents étaient pires que catholique et pratiquant. Ils étaient à tous les coups plus pratiquants que le curé lui-même. J’avais horreur d’être dans un état pareil, surtout que j’avais tourné la page depuis plus de six ans. C’est long six ans… « Tu comprends que la réaction d’Andreas ne me fait rien du tout… » Comparée au jugement de mes parents, même si je ne les ai jamais aimé. Même si je les ai détestés. C’était bien plus important que le jugement d’une bite sur pattes.

Pourquoi fallait-il toujours que les personnes comme Irène, qui prennent la décision courageuse de changer de vie, et dans son cas, de changer de sexe, soient si mal vu par la majorité des gens ? A croire que nous vivons encore dans une société où le changement est mal perçu, où ceux qui ne veulent entrer dans aucune boite et ne se gênent pas pour être différents sont perçus comme des parias. Pour le coup, sa dernière discussion avec Irène prenait beaucoup de sens. Déjà, l'on pouvait effectivement dire qu'elle était différente des autres de par son vécu, de par ses choix passés. Mais surtout, Tweedy comprenait mieux le fait que ses parents aient osé traiter Irène de "monstre", une chose qu'elle ne parvenait toujours pas à intégrer. Parce qu'à ses yeux, des parents sont censés être là pour leur enfant, quelque soient les choix qu'il veut faire, quelques soient ses décisions. Elle trouvait juste honteux, oui vraiment honteux, d'en arriver à traiter son propre enfant de cette manière, simplement parce qu'on ne cautionne pas ses choix. Tweedy entendit sa camarade lui répondre d'une petite voix. Pour le coup, et sans lui faire pitié, sachez qu'Irène lui faisait de la peine. Car elle la voyait dans un état de détresse qu'elle ne lui connaissait pas et qui, aussi étrange cela puisse être, lui allait plutôt bien. Par là, comprenez qu'elle se doutait maintenant que tout n'avait pas du être rose dans la vie de cette jolie jeune femme, ne serait-ce qu'au niveau de ce qui concernait son secret, de ce qu'elle avait vécu de traumatisant. Vraiment, elle en venait à penser qu'Irène était du genre à beaucoup intérioriser, à maitrise ses émotions pour ne rien laisser transparaitre. Sans doute cela lui donnait-il une raison supplémentaire de l'estimer. « Je devine que ça a un rapport plutôt direct avec la Religion » soupira Tweedy, comme un constat amer. Soyons clairs, elle n'avait rien contre la religion, loin de là d'ailleurs, mais quand on en arrivait à ce genre de choses, il est vrai qu'elle était lassée. « Je ne comprends vraiment pas comment on peut traiter son enfant de la sorte. Pardonne-moi mais, pour le coup, j'ai presque envie de dire que ce sont eux les monstres ... » Oui bon, pour une fois, Tweedy se permettait un jugement un peu hâtif, alors que ça n'était pas son genre d'habitude. Comprenez bien qu'elle était vraiment attristée par l'histoire d'Irène. « Andreas a été profondément idiot. Il m'a beaucoup déçu quand il s'est adressé à toi de cette manière. Mais bien entendu, je comprends que ça ne t'atteigne pas, enfin ... es-tu sûre que ça ne t'a pas un peu peinée, malgré tout ? » Si Irène voulait se confier, ou même pleurer un bon coup, qu'elle ne se gêne pas, Tweedy était là pour elle.

« Je devine que ça a un rapport plutôt direct avec la Religion » Oh elle ne croyait pas si bien dire. Evidemment à travers mes parents, c’était la religion extrême qui me faisait vomir. Bien des catholiques n’acceptaient pas l’homosexualité, la bisexualité et le mariage de ceux-là, mais quand la pratique virait à l’extrême, comme chez moi, cela devenait un combat contre le mal. Mes parents avaient selon eux tout tenté pour sauver mon âme. En quelques sortes, ils réussirent leur combat durant mon adolescence et le temps passé dans les églises à me « confesser » ne se comptait même plus en minutes, évidemment. Je me contentais d’acquiescer d’un mouvement de la tête. Inutile de lui parler de ça, ou de la pièce spéciale dédiée à Dieu et Jésus et à la Vierge Marie de mère, où elle passait son temps à prier. Si seulement moi aussi j’avais décidé de me dévouer totalement à Dieu, corps et âme, tout cela aurait été plus simple, mais je ne me trouverais pas ici, parmi les autres. « Je ne comprends vraiment pas comment on peut traiter son enfant de la sorte. Pardonne-moi mais, pour le coup, j'ai presque envie de dire que ce sont eux les monstres ... » Tweedy réussit à ma faire sourire, largement et sincèrement. Juger, ça ne semblait tellement pas être son affaire et pourtant, l’entendre parler ainsi de mes parents, me rempli en quelques sortes de joie. Je finissais par hausser les épaules en secouant la tête de droite à gauche pour appuyer ses dires. « Je te pardonne… c’est totalement ça. Mais j’ai toujours mis un point d’honneur à ne… ne pas m’abaisser à leur hauteur. Même si je pense amplement que ce sont eux les monstres, je ne le dis pas. » J’espérais que Tweedy m’avait compris : en gros, je ne voulais pas être aussi ‘cruelle’ qu’eux, en les traitant à mon tour de monstre, même si je n’en pensais pas moins. J’avais une croix sur eux, bien que parfois, ce souvenir douloureux remontait à la surface. « Andreas a été profondément idiot. Il m'a beaucoup déçu quand il s'est adressé à toi de cette manière. Mais bien entendu, je comprends que ça ne t'atteigne pas, enfin ... es-tu sûre que ça ne t'a pas un peu peinée, malgré tout ? » Je laissais mon regard posé sur l’eau, ne sachant trop quoi répondre à la brunette. Nous étions filmé et je n’avais jamais voulu paraitre faible ici. Je voulais faire passer le message à tout le monde : les critiques me révoltent, mais elles ne m’atteignent pas, sauf que parfois si. Dans certains cas, comme ceux de mes parents par exemple, ça me touchait plus profondément. Je n’avais aucune envie de l’avouer, mais Andreas m’avais bien peiné, rien qu’un tout petit peu. Mes lèvres commencèrent à trembler, mais je ne voulais pas me résoudre à pleurer comme une madeleine. Pas pour lui. « On m’a déjà traité de tous les noms, tu sais, tous les noms possibles et inimaginables, mais le fait de l’être en étant filmé… je veux dire, être insulté ainsi devant des millions de téléspectateurs… » Sans me rendre compte, mes yeux s’embuèrent un peu plus pour laisser naître une larme sur ma joue droite. Je ne pouvais me résoudre au fait qu’Andreas m’avait peiné. De toute manière, je le détestais déjà avant de dévoiler mon secret. À présent, j’avais vraiment une réelle raison de le faire.

La Religion. Ah bon sang, on en aurait des choses à dire à ce sujet. Naturellement, Tweedy faisait partie de ces personnes croyantes mais pas nécessairement pratiquantes qui se plaisaient tout de même à prier de temps en temps, pour une chose ou pour une autre, mais sans jamais faire preuve d'autant de foi que des personnes véritablement branchées religion. De ce qu'elle avait pu comprendre en écoutant Irène lui parler de ses parents, ces derniers étaient justement du genre à donner beaucoup d'importance à la religion. Cela expliquerait d'ailleurs leur comportement vis à vis de leur fille, hum de leur fils, qui avait donc décidé de changer de vie, mais surtout de changer de sexe. C'était l'une des choses que l'on pouvait d'ailleurs principalement reprocher à la religion, mais surtout à la religion catholique : le manque de tolérance. Les homosexuels, les personnes au comportement différents, aux choix discutables ... ils étaient tous généralement mal vus par les catholiques. Mais de toute manière, catholiques ou non, il était certain que la religion avait dicté une certaine conduite aux parents d'Irène, et poussé ces derniers à traiter cette dernière de "monstre", une chose absolument honteuse d'après Tweedy. Quels parents oseraient traiter leur enfant de la sorte, hein ? Aucun, si ce n'est ceux chez qui la religion a une trop grande place et qui ont ainsi tendance à faire preuve de beaucoup d'intolérance. Et visiblement, c'était bel et bien le cas des parents d'Irène. Et d'ailleurs, Tweedy ne se gêna pas pour faire savoir à la jolie blonde qu'à ses yeux, les "monstres" étaient plutôt les parents d'Irène, qui l'avaient alors traité comme une moins que rien, chose inadmissible pour Tweedy. Elle comprenait bien évidemment le point de vue d'Irène, qui ne souhaitait alors pas s'abaisser au bas niveau de ses parents. Respectable. « Et c'est tout à ton honneur » déclara alors Tweedy, dans un sourire, et sur un ton tout à fait sincère. Décidément, cette jeune femme était tout à fait en mesure de nous donner une véritable leçon de vie. Mais qu'en était-il du comportement d'Andreas, qui avait lui aussi eu des paroles extrêmement dures à l'attention d'Irène ? La jeune femme disait ne pas s'en soucier, mais Tweedy pensait que cela l'avait fait souffrir plus que ce qu'elle osait avouer. Et visiblement, elle n'avait pas tellement tort. « Il n'aurait jamais du dire de pareilles choses, c'était on ne peut plus irrespectueux, et ... » Oh attendez, il semblerait qu'une larme vienne de couler sur la joue d'Irène. Oh ... « ... je suis désolée, je n'aurais pas du t'en reparler » reprit alors Tweedy, tout en frottant les bras d'Irène en posant ses mains sur ceux-ci. C'était une manière comme une autre de tenter de la consoler, hm. Et naturellement, une fois de plus, elle ne trouvait rien de mieux à faire que de s'excuser.

Je pouvais m’abaisser à bien des choses, mais pas à devenir aussi bête et méchante que ce qu’on put être mes parents envers moi. Vous savez, ces bons samaritain qui, une fois confronté à différence, n’acceptent absolument rien. J’estimais être une personne devant montrer une certaine tolérance envers les gens, sauf que là, c’était au-delà de mes capacités. « Et c'est tout à ton honneur » J’esquissais un petit sourire. Au moins j’avais une bonne place dans cette histoire : je n’avais absolument rien à regretter, mais je savais bien qu’ils ne regrettaient rien du tout. Ou peut-être qui si : ils regrettaient de ne pas m’avoir formaté plus rapidement et de m’avoir soumis à la parole de Dieu dès mon jeune âge. Visiblement, ça les avait perdu… Rapidement nous nous retrouvions à parler d’Andreas, ce qui me fit légèrement grimacer à force, tout autant qu’à me blesser. Même si je ne pouvais l’admettre. « Il n'aurait jamais du dire de pareilles choses, c'était on ne peut plus irrespectueux, et ... » Je haussais les épaules. Il avait réagit comme il le foulait, il était libre après tout. S’il voulait se donner en spectacle, très bien. Malheureusement, j’avais beau ne pas vouloir me montrer faible et encore moins pour lui, une larme, suivit de quelques autres discrètes, roulèrent sur mes joues. « ... je suis désolée, je n'aurais pas du t'en reparler » Je secouais la tête de droite à gauche pour lui signifier qu’elle n’avais pas à l’être. Elle n’était pour rien dans ces larmes. « Ne sois pas désolé, je dois parler de toute manière… » Oui, bon Tweedy n’avait pas le choix, c’était tombé sur elle. J’effaçais les traces de mes larmes du revers de ma main, prenant un temps de pause. « On est suivi un an, par des spécialistes. Pendant cette année, ils voient si l’on est prêt ou non à subir cette opération lourde de conséquences et pas sans danger pour notre santé mentale. Au bout de cette année là, ils ont trouvé que j’étais très décidée et surtout absolument prête mentalement. Ce que l’on ne nous dit pas par contre, c’est comment réellement réagir suite à ça. Enfin on nous explique certaines choses, mais c’est un peu libre à chacun de faire ce qu’il veut. » Je grattais nerveusement la barrière du pont, avant de continuer. « Au début, j’ai toujours été honnête. J’ai toujours signifié qui j’étais auparavant et je me suis fait… traitée plus irrespectueusement que ce qu’Andreas. J’ai fais une croix sur le mec que j’étais et jusqu’à cette semaine, je n’en ai plus jamais parlé. Je ne sais pas ce qui c’est passé dans ma tête pour vous le dire… » Oui, en quelque sorte mon seul regret fut d’avoir avoué ma différence. Ouai, si j’avais réellement su qu’il agirait comme cela, je me serais gardée de tout dire. Je me serais contentée du secret de base, sans m’approfondir. « Je parle, je parle, mais si je t’ennuie, arrête moi… »

Tweedy avait véritablement beaucoup d'estime pour Irène. Pas seulement parce qu'elle appréciait beaucoup cette jeune femme, mais aussi parce qu'elle avait beaucoup de respect pour ce qu'Irène avait eu le courage de faire. Changer de vie, changer de sexe, voilà une chose peu anodine et que seuls les plus déterminés d'entre nous pourraient parvenir à faire. Car ça n'était pas tout de le vouloir, il fallait surtout en avoir la force. Et Irène avait visiblement eu cette force. Et regardez le résultat. Aujourd'hui, elle était quelqu'un d'autre, une autre personne, plutôt bien dans sa peau et tout à fait respectable, et ce, quoi que puissent en dire certains abrutis. En tout cas, Tweedy considérait cette jeune femme comme une sorte de modèle à suivre, oui vraiment. Parce qu'Irène avait eu le courage d'entrer dans cette émission avec un tel secret, parce qu'elle avait réussi à avancer malgré les critiques qu'elle avait pu recevoir. Alors oui, aux yeux de Tweedy, elle faisait en quelques sortes office de modèle. Parfaitement. Et le fait de voir la jeune femme pleurer de cette manière, parvenir à se livrer aussi sincèrement, ça touchait véritablement Tweedy. Si elle avait osé, elle l'aurait prise dans ses bras, mais disons qu'elle avait tendance à penser que ça ne plairait pas tellement à Irène, déjà que celle-ci devait déprécier afficher son émotion de la sorte. C'est qu'elle commençait doucement à la connaitre, tout de même. La jolie blonde lui raconta alors comment s'était passée la procédure, d'une certaine manière, et lui fit d'ailleurs savoir que de révéler sa véritable identité lui avait souvent valu de dures critiques, ce qui l'avait par la suite poussé à se taire à ce sujet. Hm, compréhensible. Tweedy hocha doucement la tête, pour lui montrer qu'elle comprenait ce qu'elle voulait dire. Et contrairement à ce que pouvait penser Irène, elle ne l'ennuyait pas le moins du monde. « Non, tu ne m'ennuies pas du tout » fit-elle alors, dans un sourire, posant une main sur l'épaule de la jeune femme. Que dire ? Comment trouver les bons mots dans une telle situation ? Difficile de répondre à tout cela. « Je pense que les gens devraient faire preuve de beaucoup plus d'ouverture d'esprit et s'abstenir de juger ceux qui les entourent simplement parce que leurs choix peuvent leur déplaire. Ce que tu as fait était courageux et je pense que la stupidité des gens ne doit pas te dissuader d'en parler autour de toi. » Et elle était sincère. Si certaines personnes étaient trop bêtes pour comprendre que ce qu'avait fait Irène avait nécessité beaucoup de courage, c'est qu'ils n'avaient pas à émettre le moindre avis à ce sujet.

Je parlais à Tweedy, comme jamais je n’avais parlé à quelqu’un auparavant, dans le nid. C’est à mes yeux une personne digne de confiance, à qui je pourrais dire n’importe quoi sans avoir peur de l’entendre s’étaler dans le nid. Mis à part elle, je ne voyais personne d’autre ici à qui en parler de toute manière. « Non, tu ne m'ennuies pas du tout » Tant mieux et en même temps, ce n’est pas forcément cette question que j’aurais du lui poser. Non, j’aurai lui demander si je n’avais pas trop l’air pathétique. Parce que je pleurais tout de même. De petites larmes, mais des larmes quand même, signe suprême d’une faiblesse dont je ne suis pas censée faire preuve. En me répondant que je ne la faisais pas chier, elle me réconfortait tout en me faisant frissonner tout de même. Je ne l’ennuyais pas, mais elle aurait bien quelque chose d’autre à faire que de m’écouter m’apitoyer sur mon sort. « Je pense que les gens devraient faire preuve de beaucoup plus d'ouverture d'esprit et s'abstenir de juger ceux qui les entourent simplement parce que leurs choix peuvent leur déplaire. Ce que tu as fait était courageux et je pense que la stupidité des gens ne doit pas te dissuader d'en parler autour de toi. »J’esquissais un sourire, chassant les dernière traces de larmes de mes joues. Faire preuve d’ouverture d’esprit était bien trop demandé et des personnes visiblement aussi ouverte que Tweedy ne courraient pas les rues. Les gens qui ne changent pas d’opinion non plus. Je fais partit des marginaux de la société et l’acceptation, ça faisait un moment que je l’attendais plus. « Si seulement ça pouvait fonctionner aussi facilement. Si j’ai compris une chose, c’est que parfois être honnête n’apporte rien de bon. J’ai beau être fière de ce que j’ai fais et avoir eu tout le courage pour le faire, j’ai compris qu’il m’était préférable de ne pas en parler autour de moi. Et de faire une croix sur des relations plus sérieuses que le cul. » Parce que celle-ci impliquait de parler de mon passé, passé qui fait fuir les autres. Les hommes et les femmes aussi… « Assez parlé de moi, ça me… ça gêne… » C’est vrai. Je ne suis pas du genre à venir pleurer et parler de moi à la première gamine qui a l’air un tant soit peu fiable et gentille. Je laissais un silence s’installer entre nous, avant de reprendre : « Tu crois que les autres te verront différemment, à l’annonce de ton secret ? » Non ce n’était pas une méthode pour avoir des informations. De toute manière, je ne pouvais plus rien faire maintenant. Je voulais juste savoir si je comptais être la seule à avoir un tel genre de secret.

Non, évidemment, Irène n'ennuyait pas Tweedy. La petite brune était même plus que ravie de pouvoir converser avec sa camarade, qui semblait apte à se montrer sincère et à s'ouvrir à elle. C'était véritablement plaisant de pouvoir en savoir plus sur cette jeune femme visiblement torturée, bien qu'il soit quelques peu difficile de rester pour le moins impassible face à sa détresse, à l'émotion qu'elle ne pouvait garder pour elle. Tweedy essayait alors de faire comprendre à Irène que les gens qui se permettaient de la juger, sans la moindre gêne, étaient des idiots. Cette jeune femme a traversé de dures épreuves, a fait des choix difficiles et s'était même mis ses parents à dos, alors ça n'était pas pour se faire insulter ou traiter comme une moins que rien par une bande d'abrutis, n'est-ce pas ? En tout cas, Tweedy avait beaucoup de respect, beaucoup d'estime également pour sa camarade. Et il était selon elle nécessaire que les gens de notre société fassent preuve de plus d'ouverture d'esprit, qu'ils ne se permettent plus de juger aussi facilement leurs semblables. Parce que les gens comme Irène n'avaient clairement pas besoin de ça. « Je comprends ce que tu veux dire. Mais s'il te plait, ne renonce pas définitivement aux autres, à ce que certaines personnes pourraient t'apporter. S'il est vrai que certains individus ne valent pas la peine qu'on s'intéresse à eux, il y a très certainement des gens gagnant à être connus et pouvant t'apporter du soutien, de l'amour ... » Okay, peut être bien que Tweedy passait pour une gosse trop romantique, trop naïve, mais elle assumait pleinement cette image qu'elle renvoyait. Et justement, elle était heureuse de savoir qu'a contrario de ceux qui la jugeaient à cause de cela, d'autres ne lui en tenaient absolument pas rigueur. Mais visiblement, Irène était gênée de parler autant de sa personne. Ah. « Oh je ... d'accord, parlons d'autre chose » reprit alors Tweedy, quelques peu gênée. Parler d'autre chose, oui, mais de quoi ? Oh, elle n'eut pas à se le demander très longtemps, puisqu'Irène la questionna spontanément sur son secret, enfin, d'une certaine manière. « Je ne sais pas trop, en fait. Peut être que ça n'en surprendra pas beaucoup, mais peut être aussi que certains se verront plus étonnés. Si cela doit changer le regard des gens, leur opinion, c'est juste dommage. » Tweedy ne détenait donc pas un secret aussi impressionnant que celui d'Irène, mais personne ici n'était assurément à l'abri des critiques et des jugements, hélas.

Je ne pouvais pas me mettre à la place d’une personne « normale », mais j’enviais leur situation : il pouvait décider de chercher l’amour, ou de rester ou… moi j’ai appris à détester l’amour, à détester toutes ces petites attentions qui me font grimacer et fuir. Je sais que je n’aurais pas le droit à avoir ce genre de privilèges et pour une fois, je me livrais à quelqu’un sur le sujet, sans pour autant m’étaler et lui expliquer que pour moi, finalement, le sexe était une façon de rencontrer des gens et de me sentir en vie, tout simplement. Sans ça, j’étais bonne à finir seule, bien que je tendais à ça. « Je comprends ce que tu veux dire. Mais s'il te plait, ne renonce pas définitivement aux autres, à ce que certaines personnes pourraient t'apporter. S'il est vrai que certains individus ne valent pas la peine qu'on s'intéresse à eux, il y a très certainement des gens gagnant à être connus et pouvant t'apporter du soutien, de l'amour ... » Je fronçais les sourcils, avec une légère grimace. Ces personnes doivent bien exister, mais pas ici, ni ailleurs, enfin si, mais en si petite proportion, que je risquais de mourir avant de rencontrer vraiment quelqu’un qui pourrais… m’apporter son amour. « Tu comprends pas. Je ne cherche pas l’amour, parce que personne ne pourra m’aimer, jamais. En général soit on n’accepte carrément pas ma transsexualité, soit on l’accepte, mais de loin. ‘Je me fiche que tu sois transsexuelle, mais non, il ne pourra jamais rien se passer entre nous… t’es malade !’ Je préfère autant ne plus avoir d’illusions. » Je secouais légèrement la tête de gauche à droit, avec un léger sourire forcé. C’était gentil de la part de Tweedy de me dire ça, mais ce n’était qu’utopie. Il existe évidemment des transsexuels qui ont trouvé l’amour, mais en général avec des hommes qui ne trouve pas chez les « vraies femmes ». Vous voyez le truc, pathétique. « Oh je ... d'accord, parlons d'autre chose » Je laissais échapper une sorte de rire, un peu gêné en la remerciant d’un mouvement de tête. Non, je ne dis toujours pas merci, non non. Maintenant, même si cela restait dans les secrets, je préférais me diriger vers celui de Tweedy. Je n’avais aucune idée et même si j’en avais une, je n’avais aucun moyen de la buzzer. « Je ne sais pas trop, en fait. Peut être que ça n'en surprendra pas beaucoup, mais peut être aussi que certains se verront plus étonnés. Si cela doit changer le regard des gens, leur opinion, c'est juste dommage. » Cela avait l’air d’un secret mystérieux et plutôt compliqué alors, si cela ne nous étonnera pas, tout en nous étonnant… Je plissais légèrement mon nez. « J’espère pour toi que… ton secret ne sera pas découvert avant la fin. » C’est ce que j’aurai voulu. La suite de l’aventure aurait eut un meilleure goût que maintenant.