joshua

Je ne sais pas ce qui me prend, j'ai l'impression que ce jeu me pousse à faire des choses que je pourrai regretter d'un moment à l'autre. J'ai toujours été quelqu'un de froussard, je flippe de tout, et de rien aussi. Alors, vous allez me dire : quelle idée d'aller faire un tour au cimetière, le jour d'Halloween, du moins, la nuit, seul ? Surtout avec un temps pareil ? Eh bien, si vous me posiez cette question, je vous répondrai sans doutes que je n'en ai aucunes idées. À vrai dire, c'est comme si ce cimetière, voire ces pierres tombales m'appelaient, non, c'est comme si elle me forçaient presque à venir. C'est ouf, je sais, mais j'ai pas vraiment pu résister. C'est pourquoi je me retrouve là, devant cette haute porte en fer qui me ferait plus peur que le cimetière en lui-même. Je ne sais ce qui se passe dans ma tête à ce moment précis, mais je pousse la porte ; le vent s'étant réveillé me fait légèrement frissonné et instinctivement mes mains viennent se poser sur mes bras et je frotte ; comme si ça allait me réchauffer. Mais franchement je constate pas la différence, du coup je les retire. Je m'avance un peu ; mes pas se veulent hésitants, je n'ose pas vraiment avancer très vite. Pourtant je sais très bien que si quelqu'un me poursuit c'est en courant que j'ai une chance de lui échapper, et pas en marchant comme un escargot comme j'ai l'habitude de le faire. Seulement voilà, j'ai l'impression que ce lieu me bloque, je peux pas vraiment avancer plus vite. Putain, je vais crever, qu'est-ce que je fous là. Finalement arrivé à une tombe qui n'est pas une chose significative pour moi (pour qui de toutes façons?), je décide de m'y poser quelques secondes. Assis donc sur une plaque de marbre où repose surement quelqu'un, voire des os, hein, en dessous, je me dis que je suis quand même taré, putain. Et puis, là, qu'est-ce que je fais ? Bah j'attends. Beh ouais, je suis venu ici, pour rien faire. C'est soit ça, soit je bouffe. Vu mon gros cul le choix était vite fait. Je regarde à gauche, puis à droite, seulement le mois d'octobre qu'on subit ne me permet pas vraiment de bien voir dans le noir. Je plisse les yeux, je ne vois rien. Et puis, d'un coup, je tourne une nouvelle fois la tête à gauche et là, mon coeur s'arrête, je flippe ma race, et puis je crie comme une fillette qui vient de perdre sa poupée préférée - je casse les couilles, en gros. Je m'arrête de crier, ce fut rapide. Je reconnais Joshua qui est debout, non loin de moi. J'aurai pas crié si le type se la jouait pas discret, et qu'il m'avait prévenu de sa présence, et SURTOUT S'IL NE M'AVAIT PAS SURPRIT. Le bougre. « Je. vais. bien. Putain. » Je suis con aussi, moi, de venir ici, en ce jour et à c't'heure. Et puis, lui aussi, hein. Qu'est-ce qu'il fout là. « Tu m'as grave fait flippé j'ai cru que j'mourrai ! » Ouf ce n'est pas le cas. Pas encore.

J'ai la trouille, je le reconnais. Cette obscurité, cette ambiance citrouilles et morts vivants, cet environnement hostile. Tout, absolument tout, ici est propice à me foutre les jetons. Et pourtant, j'avais toujours rêvé de ce jour. Celui où j'en viendrais à me pavaner entre deux tombes, dans un cimetière, le soir d'Halloween. C'est une chose que je n'avais encore jamais faite jusqu'ici. Avant aujourd'hui. Et je dois avouer que c'est moins beau que ce que j'avais pu imaginer dans mes rêves les plus profonds. Pourquoi me suis-je imposé un challenge pareil, d'abord ? Quelle idée de vouloir se tester UN SOIR D'HALLOWEEN, bon sang ?! Totalement effrayé donc- et au lieu de faire demi-tour, oui-, je continue ma petite promenade, priant intérieurement que le bon Dieu veuille bien m'épargner de toute fatalité ce soir- ou avant mes soixante-dix ans, au moins. Tandis que j'avance, doucement, tentant de ne pas faire de bruit, je perçois toutefois quelques ondes sonores émanant des parages. Je plisse doucement les yeux pour ne serait-ce qu'entrevoir le petit malin qui s'amuse à jouer à cache-cache de si mauvais jour, et je vois son ombre. Dani ou le retour du mort vivant- sachant qu'il a été éliminé il y a quelques temps déjà, puis qu'il a réintégré le jeu avant deux semaines, je trouve le jeu de mots franchement pas mauvais pour un débutant. Je suis fier de moi, oui. Apparemment, ce dernier est tout aussi apeuré que moi. Je le vois à sa démarche nonchalante. D'ailleurs ça m'arrache un maigre sourire. J'ai presque envie de ricaner, mais en fait non. Je n'en ferai rien. J'ai trouvé une nouvelle lubie: jouer au grand méchant loup. Allo, c'est Halloween, pas le Nouvel An. Il n'y a pas de place pour la pitié aujourd'hui. Je l'aperçois donc prendre place sur l'une des nombreuses plaques de marbre. Mauvaise idée. A sa place, je ne poserais certainement pas mon postérieur sur une tombe par un soir tel que celui-ci. Tel que celui d'Halloween, mouahahah. Je m'approche de plus en plus de lui pour ne plus être qu'à quelques mètres, que dis-je, quelques centimètres de sa personne. A trois, je crie pour l'effrayer. Un.. Deux.. AHHHHHH. L'arroseur arrosé. Je n'aurais pas sursauté si monsieur n'avait pas crié tel un déluré avant la fin du décompte. Rohh, c'est nul. « Je. vais. bien. Putain. », articule-t-il, apparemment pas encore remis de ses émotions. Bien fait. S'il savait à quel point il m'a fait peur avec son foutu cri à la con. « Tu m'as grave fait flippé j'ai cru que j'mourrai ! » J'éclate de rire. J'ignore si c'est à cause de sa réflexion débile ou parce que je viens d'avoir une frayeur comme pas possible- c'est bien connu, après ce genre d'évènements, le meilleur comportement à adopter est la dérision-, mais je ris. « Tel est pris qui croyait prendre. », dis-je en faisant référence à ma propre personne. « J'étais venu jusqu'ici dans l'optique de te faire peur, pas dans celle que TU me fasses peur. », renchéris-je en le désignant du doigt, un maigre sourire accroché aux lèvres.

Je suis con, aussi. J'aurai du me douter que quelqu'un allait me faire peur, ici, ce soir. Parce que faut être lucide cinq secondes : je ne dois pas avoir été le seul à penser me promener au cimetière en plein soir d'halloween. Ou peut-être que si.. mais c'est pas grave. En tout cas, j'avoue que tout au long de mon ascension du cimetière, je sursaute de tout ; des bruits, des feuilles qui tombent -n'oublions pas que nous sommes en automne-, ou bien des silhouettes, blanches ou noires, au loin, là bas, et puis aussi à ce qui pouvaient se trouver derrière moi.. attendez, j'ai bien dit des silhouettes ? Blanches ou noires ? Putain, je suis sur que je vais me faire buter, je vais me faire manger par un fantôme, je vais rien comprendre. Et puis, le pire, c'est que personne ne pleurera. Bah non, puisque personne n'aura eu l'idée de venir dans le cimetière le soir d'Halloween parce que PERSONNE N'EST ASSEZ CON QUE MOI. Merde. Je me hais, là. Du coup, je me pose sur une plaque de marbre, et puis j'essaie de deviner qui se trouve en dessous de mon cul. J'avouerai que l'inscription sur la tombe m'aurait bien aidé à deviner l'identité de cette personne, sauf que je suis assis dessus. Du coup, j'en ai aucune idée. Peut-être que c'est une femme, ou un homme. J'imagine une femme, parce qu'on peut encore voir quelques fleurs très mortes tout autour de moi. Enfin remarque, ça ne veut rien dire. On peut cependant remarquer quelques brins de lavande, peut-être que cette personne les affectionnais tout particulièrement, je sais pas. Ca devait être une vieille dame, assez âgée, peut-être qu'elle s'était laissée emporter, elle se savait peut-être condamner. Peut-être même était-elle déjà morte bien avant soixante-huit. J'en sais trop rien, à vrai dire, j'ai jamais été bon pour deviner ce genre de chose. Faut dire que ça m'arrive pas souvent, hm. Et puis, alors que je cherche toujours l'identité de cette fameuse personne, j'oublie presque qu'on est le trente-et-un et que, par conséquent, je vais me chier dessus un jour ou l'autre. Parce que je suis dans un cimetière, et que je suis quand même vachement con, et que ça me désole, d'être aussi con. Et c'est pas la présence de Joshua qui me fait penser le contraire. Un cri pour moi, un sursaut pour lui, et puis un rire plus tard, voilà où nous en sommes: j'ai, faillit, me, faire, dessus. Charmant, je sais, mais si vous voulez vous plaindre, il faut aller voir Joshua. « Est-ce que ça te fait rire ? » dis-je d'abord, bougeant légèrement la tête. Et puis il m'annonce que je lui ai fait, également, peur. Bon tout ce manège aura au moins servit à quelque chose. « Bien fait. » dis-je, avant de rire à mon tour. Faut savoir que je ne suis pas sérieux, lorsque je lui parle "mal" -du moins c'est comme ça que je le ressens, hein- je lui en veux pas du tout, ça me fait rire au fond. Mon coeur, lui, hm... non. Mais ça, hein. Maintenant que je ne suis plus seul, cela serait dommage de rester assis et de converser. Je ne dis pas que j'ai pas envie d'en savoir plus sur Joshua, non, pas ça du tout, mais à vrai dire j'aimerai voir jusqu'où ses nerfs pourraient tenir. Du coup, je me lève, et puis, je l'attrape par le bras. « Viens, Yoshi, » qu'il n'y voit pas là une comparaison avec son physique -hm hm c'est un peu le mec auquel je veux ressembler-, mais plutôt par rapport à son prénom, « on va faire un tour. » Peut-être va-t-il refuser, je m'en fiche. Je le tire toujours et puis, le force à marcher avec moi, dans le cimetière. Des tarés, si si.

J'aurais dû m'en douter. Me douter que de jouer au plus malin un soir d'Halloween se retournerait contre moi. C'était presque couru d'avance. Tandis que j'ai foutu les jetons, par ma seule présence, à Dani et que de son côté, son cri m'a valu un sursaut, j'en viens doucement à rire de tout cela. La situation est risible. Dérisoire. « Est-ce que ça te fait rire ? » J'ai envie de rétorquer haut et fort que oui, ça me fait rire, mais je n'en fais rien. A la place, je continue de ricaner comme un bougre. Je ne sais pas si c'est sa réaction ou la mienne- ou peut-être même les deux- qui me met dans cet état, mais oui, je ris. « Bien fait. », renchérit-il tandis que je lui avoue avoir été pris à mon propre jeu. Sa réflexion est légitime, ce qui me pousse à rire de plus belle. D'ailleurs, j'en ai presque les larmes aux yeux. Mais rira bien qui rira le dernier, c'est bien connu. Le jeune homme m'attrape par le bras, je m'attends au pire. Peut-être n'est-ce pas Dani, en fait ? Qui sait, un fantôme a peut-être pris son apparence pour m'appâter vers lui ? En tout cas, je peux vous dire qu'en cet instant, je ne ris plus du tout. Au contraire, j'affiche un visage totalement décomposé. « Viens, Yoshi, » Ouf, fausse frayeur. Cependant, ce surnom m'arrache un sourire. Quelque part il me rend maussade, voire mélancolique aussi. Yoshi. C'est la première fois qu'on m'appelle comme ça dans ce jeu. C'est le surnom que ma mère et la plupart de mes amis m'ont attribué pendant des années. Il a une signification toute particulière. Mais je ne veux pas y penser. Au lieu de cela, je suis Dani, intrigué de savoir ce qu'il entend par : « on va faire un tour. » Ça promet. « Si je meurs, ici, dans ce cimetière à la con, aujourd'hui, je te préviens: je reviendrai te hanter toute ta vie. Jusqu'à ta mort. » Mon ton se veut neutre et, pourtant, je plaisante. Quoique.. Tandis que nous avançons doucement, je me mets soudainement à hurler et pointer quelque chose du doigt. Ce qui a le don de faire réagir Dani. Non, je n'ai absolument rien vu. Mais j'avais juste envie de le faire peur. Encore une fois. J'adore Halloween, vraiment. Surtout depuis ce jour, en fait. La réaction de Dani m'arrache un fou rire. Franchement, j'ai envie de me rouler par terre tellement c'était drôle à voir. « Ta tête. », dis-je, plié en quatre. Je vous jure, vous auriez dû voir la gueule qu'il a tiré. RI-SI-BLE.

Je suis là, au milieu d'un cimetière. On est le trente-et-un octobre, j'ai froid, j'ai faim, j'ai soif. J'ai laissé une soirée en plan pour ça. Et le pire, c'est que c'était de mon plein gré. Je suis venu dans un cimetière le trente-et-octobre. Putain, je suis complètement taré. Mais heureusement, je suis avec quelqu'un. Avec Joshua. Enfin, "heureusement", ça reste encore à voir. Parce que le bougre, il m'a fait peur, et c'était pas marrant, ça. D'ailleurs, je ne vois pas en quoi cette situation mérite autant de rires de sa part, parce qu'honnêtement, je flippe ma race. Ou alors ce n'est qu'un rire de façon, un rire jaune parce que je lui ai fait peur aussi, sans le vouloir. Mais bon, j'avoue que ça me fait plaisir de l'avoir glacé de peur ne serait-ce que pendant cinq secondes, parce qu'au moins je lui ai rendu la monnaie de sa pièce, à ce con. Pardon je suis vulgaire, en plus je suis sûr qu'il est super sympa comme type. Le problème, voilà, le problème c'est que je ne le connais pas, mais alors pas du tout. Il est beau gosse, j'avoue. C'est pourquoi je l'attrape par le bras, après m'être levé, le gratifiant d'un surnom tout à fait charmant, lui annonçant qu'on allait faire un tour. Je ne lui laisse même pas le choix, en fait. Pas que je suis du genre à donner des ordres, non, pas du tout. C'est plutôt que j'ai juste trop peur et que c'est soit ça, soit rentrer. Mais même rentrer seul je ne le pourrai pas, je serai presque capable de dormir ici s'il le fallait. Du coup je l'emmène avec moi. Et puis il parait que la peur, ça forge les liens. Ca tombe bien, il a l'air d'être cool. Par contre, là, on l'entend plus, hein. Pas un son, pas un bruit. Il rigole plus, tiens, tu m'étonnes. Dès qu'il s'agit d'un peu d'action, hein, plus rien. Mais bon, c'est pas grave, je suis pas mieux au fond. Parce que là, je suis gelé, frigorifié, et puis j'ai peur aussi, mais j'essaie de ne rien laisser transparaitre pour faire genre je suis un mec, un vrai, qui n'a peur de rien. En vrai je stresse à mort. Et il me prévient que s'il décède, là, il reviendra me hanter. Personnellement, s'il meurt, je me barres en courant. Pas grave, hein. « Han il a peur, c'est mignon ! » dis-je, n'hésitant pas à lâcher quelques rires ici ou là. Je rigole pas longtemps, puisque quelques temps plus tard Joshua hurle et ça me fait sursauter, je lâche son bras et je me recule, la peur peut clairement se voir sur mon visage. J'ai trop peur, je flippe trop, je veux rentrer. Mais c'est en entendant les rires de Joshua que je me rends compte que ce n'était qu'une mise en scène. Je tire la gueule, là, parce que ça me fait chier. Deuxième fois qu'il me fait peur, la troisième fois je l'assomme et je lui pique sa tronche, il aura trop le seum. « Et la tienne alors ! » dis-je en le tapant sur le crâne. Pas un truc méchant ou violent, non, rien de tout ça. Et puis, je lui attrape le bras une nouvelle fois. On va tenter un truc. « Quand j'étais petit, j'ai noyé mon petit frère. Mais les médecins ont décélé un trouble psychologique après le départ de ma mère. J'ai grandit avec ce drame, et j'ai vécu avec mon père toute ma vie. J'ai toujours cru qu'il me détestait pour ce que j'avais fait, en même temps tu vas me dire c'est totalement logique et compréhensible. Et puis, un jour, enfin, il y a deux mois, il est devenu fou et il m'a fait peur, alors je me suis barré de la maison. J'ai voyagé jusqu'en Irlande pour essayer de retrouver ma mère, parce que vu qu'elle était née là-bas j'ai jugé bon d'aller y faire un tour. Mais ça n'a servit à rien, alors je suis rentré. Et quand j'ai vu l'état de mon père, j'ai décidé que je devais vraiment changé d'air. Alors je suis venu ici, un peu sur un coup de tête. » et je reprends mon souffle. « Mais je te rassure, psychologiquement je vais bien, enfin je suis sûr que j'ai pas de problèmes. Je suis juste incompris, c'est tout. Allez, on continue. » sourire.