« Il y a au moins l’un de nous deux qui se prend au jeu et qui plus est aime ça… » Déclara-t-il d’un ton volontairement ténébreux.

Il posa sa bière et récupéra ensuite son assiette fumante, remerciant Matthew d’un signe de tête poli.
« Merci, toi aussi Champion. » Répondit-il dans un sourire aimable, se léchant les babines. Avec humour, il reprit un brin provocateur :
« Tu ne m’en tiendras pas rigueur si je mange avec les mains ? Tu es l’unique coupable, c’est toi qui m’as donné l’aile… A moins que tu veuilles vraiment me faire manger ? »

Matthew ne releva pas sa remarque équivoque, c’était peut-être mieux ainsi ? En revanche il lui donna le feu vert pour manger comme un enfant, évidemment Leone ne se fit pas prier. Il décortiqua, avec toutefois un minimum de tenue, l’aile de la dinde pour y porter l’os à la bouche et mordit dans la chair à pleines dents. Après avoir terminé de dévorer avec appétit la volaille, il s’essuya la frimousse à l’aide d’une serviette en papier et s’attaqua désormais aux légumes. Matthew le complimenta. Content, il lui adressa un clin d’œil complice et demanda :

« Alors Matt ça va mieux toi ? Tu te plais dans ce Nid d’Amour ? »

Matthew lui confirmait qu’il allait mieux. Leone n’était pourtant pas convaincu de la véracité de ses dires. Il n’avait pas encore la prétention d’affirmer savoir quand son colocataire mentait mais il pensait le connaître désormais un minimum, surtout depuis leur confrontation dans la cabane en bois. Par conséquent il ne dit rien, ne voulant pas aller contre la volonté de Matthew. Justement ce dernier lui retourna finalement la question. Cet homme avait le don précieux de le faire nager en pleine confusion. Pourquoi mieux ? Avait-il deviné qu’il traversait lui aussi une période difficile ?

« Ma sœur peut être une vraie plaie parfois… »
Puis, se sentant incapable de la faire à l’envers à son ami il éclata de rire. Il ne tarda pas à se justifier, toujours un large sourire dessiné sur ses lèvres :
« Entre nous… Oublie Bilie-Jean, c’était juste une mission. »

Maintenant, libre à lui de le croire ou non. Si Leone avait été attribué d’un secret commun avec la rouquine, il n’en aurait jamais parlé en public. Il n’aimait pas parler de lui, Matthew était d’ailleurs le premier à le savoir.

« Dois-je en déduire que tu as envie de me buzzer ? »

Le beau brun n’avait pas l’habitude qu’on s’inquiète pour lui. En effet que ce soit avec un proche ou un inconnu, il faisait toujours en sorte de paraître suffisamment fort pour ne laisser personne se soucier de son état, qu’importe ce qu’il traversait intérieurement. Non définitivement il n’aimait pas qu’on s’inquiète pour lui ; cela lui donnait la sensation d’être faible, d’être humain. Il se suffisait à lui-même, pouvant se débrouiller seul.

« Tu n’as pas à t’inquiéter pour moi. » Répondit-il d’un ton des plus sérieux. Matthew devait également avoir assez de chats à fouetter avec ses propres problèmes pour en plus se préoccuper de Leone.

Le beau brun répliqua par une citation d’un poète et philosophe grec de l’Antiquité, Hésiode, qu’il approuvait parfaitement :
« Confiance et défiance sont également la ruine des hommes. »

Autrement dit, l’être humain devait savoir et avait besoin d’accorder sa confiance mais uniquement aux plus méritants. De même, Matthew et Leone ne pourraient se méfier indéfiniment l’un de l’autre. Ainsi, le New Yorkais décida de lui prouver définitivement sa bonne volonté. Il délaissa son assiette un moment puis se leva pour se rasseoir à califourchon sur les genoux de son camarade, face à lui. Il le rassura d’un regard insistant et prit l’index et le majeur de Matthew pour les déposer sur la veine de sa nuque, lui faisant ainsi sentir son pouls.

« Je ne sais pas encore mentir via le battement de mon cœur. »

N’importe qui savait plus ou moins mentir dans un sourire crispé ou par un regard évasif. Mesurer la fréquence cardiaque était la base de tout détecteur de mensonges. Leone respira profondément, son pouls était calme, peut-être plus rapide que la normale étant donnée la position qu’il avait choisie mais demeurait relativement lent.

« Demande-moi ce que tu veux, je ne pourrai pas te dissimuler la vérité sans que tu t’en aperçoives. »