Cette tendance à vouloir devancer les événements causait à Jorah du tort pour la seconde fois, étant donné qu'il avait déjà manifesté une appréhension la semaine dernière. Le fait est qu'il ne pouvait pas s'empêcher de se demander ce que certains prochains événements pourraient changer à sa relation avec Krisjana. Son conseil, il ne tomba pas dans l'oreille d'un sourd, mais il eut un peu de mal à faire autre chose que sourire légèrement. Il lui confia alors que c'était le fait de ne plus avoir grand monde à qui s'accrocher qui l'amenait à vouloir s'accrocher à elle. Il avait beau ne pas savoir ce qu'ils étaient précisément l'un pour l'autre, il savait qu'elle était devenue très importante pour lui. Et il ne pourrait pas attendre d'elle qu'elle se montre plus compréhensive que sa propre famille, même si une partie de lui se disait qu'elle n'était peut être pas spéciale que dans sa façon d'être, qu'elle l'était peut être aussi dans sa façon de voir les choses. « Je te demanderais juste de me faire confiance. J'appréhende ta réaction, mais pas pour les raisons que tu as pu t'imaginer » qu'il souffla simplement, parce que l'inquiéter n'avait pas été dans son intention, et que si elle s'imaginait par exemple que son secret remettrait en question sa sincérité à son égard, il fallait qu'elle sache que ce ne serait pas le cas. Finalement, il profita du fait qu'elle se positionne derrière lui pour la taquiner en laissant entendre qu'elle était très belle lorsqu'elle jouait les jalouses. Dans le fond, il se basait surtout sur le fait qu'elle ait clairement laissé entendre que c'était une bonne chose qu'il ne soit rien passé avec Apolline. Il voulait juste détendre un peu l'atmosphère. Krisjana le fit rire, tandis qu'elle tenta une sorte d'esquive par le biais d'un furtif baiser. Mais lui, clairement, n'en resterait pas là, et afficha un sourire malicieux lorsqu'elle affirma ne pas être jalouse, puis qu'elle apporta même une précision. « Elle appréciera » qu'il souffla, même si bon, lui-même savait bien ce qu'il en était pour elle ces temps-ci et qu'il était peu probable qu'elle ait écho de cette conversation. « Ça j'en sais quelque chose, mais je crois que ça se saurait si on était jaloux que de ceux qui nous ressemblent » qu'il fit alors, en captant son regard, dans un sourire en coin. Il avait même failli ajouter qu'il avait lui même expérimenté le fait d'être très légèrement jaloux de quelqu'un qui était son opposé. Elle reprit et il fit en sorte d'atteindre son cou pour y déposer un baiser, avant de saisir ses mains pour les emprisonner sous les siennes. « Bon très bien, tu n'es jalouse de personne, et encore moins d'"elle" » qu'il enchaîna, en reprenant sa formule, avant de lui adresser un regard joueur. « Et ça tombe bien, parce que je l'ai invitée à notre rencard. Elle s'était planquée en croyant que sa présence te gênerait, mais puisque tout va bien ... » Il relâcha subitement ses mains et se détacha d'elle pour se relever et lui faire face. « Tu bouges pas, je vais la chercher » qu'il lui assura, faussement énigmatique, en marchant jusqu'au bout de l'allée et en disparaissant. Bien sûr, il n'avait invitée ni Apolline, ni qui que ce soit d'autre. En réalité, il s'était bêtement redirigé vers l'entrée en quête d'un interrupteur et avait éteint les lumières de la bibliothèque. Là, il s'était calé derrière une étagère, attendant de voir si elle croirait à un trip façon film d'horreur et se barrerait sans réfléchir ou si elle comprendrait qu'il avait simplement dans l'idée de pimenter un tout petit peu ce rencard.

Il appréhende, moi de même maintenant. Il faut que je lui fasse confiance. Plus difficile à dire qu’à faire. « D’accord » je me contente de répondre en haussant les épaules, je ne vois pas ce que je peux faire de plus. D'accord, je lui fais confiance. Apolline sera ravie de l’apprendre.  Je rétablie la vérité à propos de mon statut de jalouse. « J’en suis certaine » je souffle parce que je sais très bien qu’elle n’en saura rien déjà, et qu’en plus, lorsqu’il s’agissait de moi, elle a toujours été très hypocrite donc, je ne m’en fais pas du tout. « Merci, on est d’accord, ça tombe bien » je conclus alors vivement, discussion close. La remarque suivante de Jorah m’arrache un long soupir de désespoir. « Non mais elle croit bien, tu peux lui dire de partir, franchement » je réponds en ironisant car je sais très bien qu’il n’y a personne d’autre, fort heureusement. Je défais mon emprise lorsque je comprends qu’il veut se relever. Il suffit qu’il me dise de ne pas bouger pour que je fasse, j’attends simplement qu’il soit au bout de l’allée pour me lever en vitesse afin d’aligner quelques pas pressés là où il vient tout juste de disparaitre. Contrariante, je ne pourrais jamais changer et puis ça m’intrigue, aussi. Me penchant vers l’avant, perplexe, je ne laisse que la tête dépasser de l’allée et je l’observe s’éloigner vers l’entrée. Qu’est-ce qu’il fout ? La seconde d’après, je me retrouvée prolongée dans l’obscurité. Pourquoi il fait cela ? Il a vraiment parfois des idées très très étranges. Vraiment. Des vieux réflexes de survie se mettent en place, j’attends déjà que ma vision s’adapte un peu, avant de retirer mes ballerines et de les balancer dans l’allée pour partir du côté opposé au bruit. Je serais bien plus silencieuse comme ça. Mes pieds nus se posent sur le sol froid, je suis un brin désorientée mais je connais la pièce par cœur et dans son intégralité alors je ne m’en fais pas. Je m’échappe par l’autre côté de l’allée, je vais faire un détour pour arriver jusqu’à l’entrée, et le trouver. Rien qu’à cette idée, je lève les yeux au plafond. Ce qu’il ne faut pas faire parfois. Ça craint. J’étends mes bras en croix pour tâtonner ce qui me passe sous la main. Au final, plus j’avance dans ma progression et plus j’arrive à distinguer ce qui m’entoure, les étagères me paraissent bien plus sombres que le reste, de même avec les livres.  Je finis par arrêter car je finis par distinguer une masse sombre à une dizaine de mètres, j’imagine que c’est lui. L’idée de lui lancer un livre pour vérifier qu’il s’agit bien de monsieur est réellement tentante, j’esquisse un rictus mauvais. « Tu sais, j’aurais pu réellement être achluophobe » je me contente de dire à voix basse avant d’avancer en tendant le bras touchant ce qui pourrait bien être son épaule, comme son bras ou bien sa main, aucune idée.

Ça n'était pas évident dans l'immédiat, mais Jorah aimerait que Krisjana lui fasse confiance. Il se disait qu'elle le connaissait peut être suffisamment bien maintenant pour savoir que même pour défendre ce qu'il était censé caché, il n'aurait pas agi autrement qu'avec envie à son égard. S'il redoutait un peu sa réaction, c'est parce que c'est elle qui poserait peut être sur lui un regard auquel il avait déjà été confronté. Mais à cet instant il voulait vraiment qu'elle soit rassurée. Quant au reste, c'est avec pas mal de second degré qu'il se permit d'insinuer que Krisjana était jalouse d'Apolline. Au fond de lui, il avait développé quelques doutes à une ou deux reprises au cours du rencard, mais le but n'était pas de l'ennuyer avec ça, juste de la taquiner. Il finit de toute façon par admettre qu'elle n'était jalouse de personne, mais alors qu'elle dut croire qu'ils en avaient fini, Jorah laissa entendre qu'il avait invitée Apolline à leur tenir compagnie durant ce rencard et que le fait qu'il n'y ait aucun souci impliquait qu'elle n'avait plus à se cacher. Bien sûr, ça témoignait simplement de son envie de pimenter les choses. « Boh, ce sera l'histoire que de quelques minutes, et puis je suis sûr que vous êtes passées à coté de vos atomes crochus toutes les deux » qu'il lança en lui adressant un clin d’œil, le tout sur un ton au moins aussi ironique que le sien. Même si, dans le fond, il avait toujours regretté qu'elles n'aient jamais eu l'air de s'entendre, puisqu'elles étaient les deux candidates de qui il était le plus proche et qu'il aurait aimé qu'elles se tolèrent un peu plus. Il finit alors par s'éloigner, disparaissant au bout de l'allée et se dirigeant vers l'entrée où il put plonger la bibliothèque dans une totale obscurité. Disons qu'il voulait offrir à ce rencard une tournure un peu inattendue, et qu'il désirait confronter Krisjana à sa folie, voir si elle n'y était pas trop hermétique. Il tendait à penser qu'elle s'était un peu détendue ces derniers temps, et en aurait peut être confirmation ce soir. Ainsi il se positionna derrière une étagère, et après quelques instants, il lui sembla que quelqu'un approchait. Bien vite, c'est la voix de Krisjana qui lui parvint, tandis qu'un sourire amusé se dessina sur ses lèvres. « Je sais, c'est bien pour ça que j'ai attendu une dizaine de secondes avant de m'éloigner de l'interrupteur, histoire que t'aies le temps de hurler, même si maintenant que j'y pense ça doit pas être le genre de la maison » qu'il souffla, amusé. Non, dans une situation comme celle-ci, il l'imaginait plutôt essayer férocement de retrouver la porte de sortie. Toujours est-il qu'il la fit doucement reculer puis qu'il enserra ses bras autour de sa taille, orientant ses lèvres jusque dans son cou pour y souffler légèrement. « Ça te rappelle pas quelque chose ? » qu'il fit, en référence à la fois où il lui avait bandé les yeux pour voir si elle était capable de vivre plus agréablement les contacts physiques. Ici elle était tout autant privée du sens de la vue, même si les circonstances étaient différentes. « Si tu veux mon avis, ce rencard au milieu des bouquins a ringardisé tous les restos et les salles de cinéma du monde » qu'il assura ensuite, dans un léger rire, avant d'apposer ses lèvres sur les siennes. C'avait eu le mérite d'être un rendez-vous original et qui reflétait surtout le caractère peu commun qu'avait toujours eu leur relation.

Je me doute bien qu'elle ne doit pas être présente, elle doit surement se shooter à la poussière de fée dans la salle de bain. Quoi ? Vous avez vu comment elle est surexcitée ? Ça explique tout. J'écoute la réponse de ce cher Jorah. «Je ne pense pas, j'ai pas envie de perdre mon temps » je réponds alors en roulant des yeux. Franchement, je crois qu'Apolline et moi, ça ne passera jamais. On est tout bonnement incompatibles et depuis les castings j'ai décidé que je n'allais faire aucun effort avec elle, décision irréversible. On se retrouve privé de notre vue. J'entreprends alors de tenter de le retrouver dans ce néant, chose qui ne me prend pas beaucoup de temps, quelques minutes tout simplement. Sa voix brise le silence. Tu parles, je suis sûre qu'il n'a même pas pris cette précaution, en plus. « Non, dans certains cas il m'arrive de jouer de mes cordes vocales, détrompe-toi » je relève genre s'il m'arrivait d'être coincée dans un ascenseur, je pense devenir hystérique. Complètement. L'idée d'être enfermée me grille complètement les neurones et me fait faire des choses assez stupides, comme crier. Bref, de toute façon, je vis assez bien le fait d'être plongée dans le noir, je gère. Il m'oblige à esquisser quelques pas en arrière avant de sentir ses bras autour de moi. Si cela me rappelle quelque chose. Quelle question. J’acquiesce. « Je me souviens surtout que j'avais moyennement apprécié ta petite initiative, oui, tout à fait » je réponds donc, sincère. Parce que ce jour là, il avait tout réuni, tout accumulé, me priver de ma vue et faire exprès de me toucher sachant que je venais tout juste de lui que je ne supportais pas trop cela. Bon, maintenant, ça va beaucoup mieux, mais qu'avec lui. Je ne peux que sourire à sa remarque. Ouais. Il n'a pas tord. Je passe mes bras autour de sa nuque alors que mes lèvres réceptionnent en douceur les siennes. D'un mouvement assez rapide mes jambes se nouent autour de son bassin, mes pieds ne touchant plus le sol glacé, je resserre un peu mon emprise sur lui. De toute façon ce n'est pas la première fois qu'il va me ramener comme cela, hm, la dernière si je me souviens bien, j'étais sur son dos, c'est la seule différence.  « Bon maintenant tu vas me raccompagner jusqu'à chez moi, donc on va dire ... jusqu'au salon, sagement, galant que tu es, pour bien finir le rencard » je lui demande avec un léger rictus moqueur au bout des lèvres qu'il ne peut pas voir. Je récupérerais mes ballerines plus tard. « Aller, aller » je sifflote en faisant mine de l'encourager. S'il pouvait quand même faire attention à ce qu'on ne rentre pas dans une étagère, ça m'arrangerait, je suppose qu'il en de même pour lui.

En soi, il était évident que ça n'était pas maintenant, et alors qu'Apolline se faisait discrète, qu'une quelconque entente serait possible entre les deux jeunes femmes. Jorah avait bien compris qu'elle n'inspirait pas beaucoup de sympathie à Krisjana et même s'il n'avait jamais été directement témoin du contraire, il imaginait que c'était assez réciproque. Ici, il ne prétendait qu'elles étaient peut être passées à coté de leurs atomes crochus qu'avec humour, car quand bien même il leur serait possible de se découvrir des points en commun, il ne se permettrait pas de les inciter à se rapprocher. Ainsi il n'insista pas et profita du fait de disparaître au bout de l'allée pour éteindre les lumières. Pas facile de s'y retrouver, mais puisque le rencard touchait de toute façon à sa fin, ils pouvaient bien le terminer sur une note un peu décalée. Krisjana ne mit pas bien longtemps à le retrouver en dépit de l'intense pénombre qui avait envahi les lieux, et Jorah laissa entendre qu'il avait tenu compte du fait qu'elle puisse avoir peur dans le noir, ce qui était faux, parce qu'en réalité ça ne lui avait même pas traversé l'esprit. Peut être parce qu'il partait du principe que si quelqu'un comme lui pouvait gérer cette situation, n'importe qui en était capable. « Voyons, tu me gênes, il est encore un peu tôt pour ce genre d'invitations détournées, tu crois pas ? » qu'il souffla, en se retenant de rire, comme s'il était sérieusement du genre à avoir l'esprit suffisamment mal tourné pour sortir des propos de leur contextes à la moindre occasion. Toujours est-il qu'il fit en sorte de l'avoir tout contre lui, autant parce qu'il avait envie de retrouver une certaine proximité avec Krisjana que parce que c'était plus pratique de savoir exactement où elle était. Ses bras entourant sa taille, il souffla dans le creux de son cou à la manière dont il l'avait fait la fois où ils s'étaient retrouvés dans le restaurant et qu'il lui avait bandé les yeux. Elle s'en souvenait, et pas seulement en bien, ce qui le fit rire. « Je pense que j'aurais jamais autant mis ta patience à l'épreuve, mais dans le fond je suis sûr que ça t'a un peu servi » qu'il répliqua, parce qu'elle était quand même beaucoup plus à l'aise avec les contacts physiques, du moins quand elle était avec lui - et à vrai dire, ça ne le dérangerait pas qu'il soit le seul avec qui elle gère ça mieux - et qu'il avait un peu tendance à penser, c'est vrai, que son initiative n'avait pas été inutile. Peut être qu'indirectement il avait réussi à lui prouver que les contacts du genre pouvaient être autre chose qu'absolument dérangeants, même si effectivement sur le moment elle n'avait pas apprécié. Il sentit alors ses bras passer autour de sa nuque tandis qu'elle répondit à son baiser et que lui, de son coté, eut le réflexe de la réceptionner lorsqu'elle noua ses jambes autour de son bassin. Ses mains placées dans le bas de son dos, il le caressa légèrement avant d'émettre un rire. « T'as de la chance que je sois 'galant', raisonnable surtout, car j'en connais qui se seraient pas contentés de te raccompagner après ça » qu'il souffla, malicieux, parce que bon la position se voulait quand même un peu équivoque et si lui savait effectivement se tenir, d'autres auraient pu saisir l'occasion pour tenter quelque chose. « Cela étant dit, je décline toute responsabilité si on ressort pas d'ici en un seul morceau » qu'il ajouta, tandis qu'elle le pressait. Il parvint heureusement à rejoindre la porte, quittant ainsi la bibliothèque, Krisjana toujours agrippée à lui, non sans avoir la satisfaction d'avoir passé une très belle soirée.