w/adnan

Il n’a pas encore pris la peine de s’intéresser à tous les lieux du nid d’amour, c’est à peine s’il a visité les pièces qu’il considère comme inutile, c’est-à-dire toutes celles qu’on ne retrouve pas dans un appartement type. Autant dire que si on enlève les chambres, le salon, la cuisine, la salle de bain et les toilettes, les pièces qu’il considère comme inutile représentent la totalité de ce nid. Mais inutile, peut-être qu’elles ne le seront bientôt plus, même s’il les voit comme telles pour l’instant. Il faut dire qu’il n’a jamais eu de logement rien qu’à lui, ou jamais longtemps, et qu’il se contente très bien des cinq pièces citées plus haut. C’est déjà beaucoup pour lui, il n’en demandait pas autant. S’il n’a pas encore pris la peine de visiter chaque lieu, il prête une certaine importance aux paroles de ces candidats quand ils parlent de ceux-ci, et il lui semble avoir entendu parler d’un karting. Il n’en a pas refait depuis des années, et fut un temps où il adorait ce genre de connerie. Peut-être par élan de nostalgie, peut-être par ennui, il décide de prendre le chemin de l’extérieur pour repérer ce fameux karting, même si cela ne veut pas dire qu’il compte se prêter au jeu. Quand il arrive à destination, il constate qu’il n’est pas seul et qu’un autre candidat est déjà présent. Candidat dont il ignore peut-être le prénom, mais pas le rôle tout au long de cette semaine. C’est le type qui a eu la chance d’être désigné comme serviteur de ses camarades tout au long de la semaine. Merci la tombola. Finalement, une raquette c’est pas si pourri. Il prend la peine de s’approcher un peu, pas trop non plus, juste assez pour qu’il l’entende. « J’aimerais savoir si ça glisse. » Il dit à l’intention du candidat en désignant la piste de karting de la tête, même s’il ne fait pas directement référence au fameux karting, mais plus au chemin qui mène à celui-ci. « Merci. » À comprendre, c’est ton boulot, tu t’exécutes. Alistair n’est pas du genre à profiter des autres, en temps normal, mais là, il ne compte pas laisser passer sa chance. Puisque le larbin de service est là, autant en profiter.

Une chose était certaine, ça n'était pas en une semaine que j'allais avoir la possibilité de ratisser tous les lieux du nid. J'étais même sacrément embêté, puisque j'en étais venu à me persuader que tout le monde connaissait où tout se trouvait sauf moi. Alors forcément, j'avais profité d'un moment de répit -être le serviteur du premier venu n'était pas de tout repos, surtout lorsque l'on habitait avec trente deux autres personnes- pour m'échapper et me rendre à l'extérieur. Oh je priais pour ne rencontrer personne qui serait à même de reconnaitre mon visage. C'est que je les connaissais ces profiteurs à force, et moi, eh bien je ne voulais pas trop me compliquer la vie en ce milieu d'après midi. Aussi, après un petit moment passé seul, j'avais fini par me diriger vers ce qui me semblait être la destination que je n'avais pas encore exploré. Parfois, j'aimais me prétendre grand aventurier, et ce même si tout le monde savait, moi le premier, que je n'en avais pas la carrure. Peut-être était-ce ma manière à moi de rêver un petit peu ? Allez savoir. J'étais tout de même sacrément heureux de ma solitude du moment, même si j'avais conscience qu'elle n'allait très certainement pas durer. Ça serait trop beau, surtout dans un jeu comme celui ci. C'était en marchant vers ce qui me paraissait être le karting du nid que j'avais finalement croisé le chemin d'un grand brun. Avec un peu de chance, il ne me reconnaitrait pas. C'est fou comme j'avais encore pas mal d'espoir, hm. Sauf que voilà, à peine arrivé et le garçon désignait la boue en disant qu'il voulait savoir si ça glissait. Oh non. Pourquoi est-ce que ça devait arriver à moi ? Déjà que je n'étais pas à l'aise sur mes deux pieds... Une légère grimace se dessinant sur mon visage, j'avançais donc prudemment sur le terrain tout en lâchant, pleins d'espoir. « Ça glisse p... ! » Et vlan, tête la première dans la gadoue. J'étais même sûr que j'allais me noyer là dedans. Non, heureusement, après un petit moment de panique, j'avais agité mes bras tellement fort que j'avais réussi à m'en extirper. « Au-cun risque, disais-je ! » oui bon, j'étais recouvert de boue, mais j'avais encore un sourire parfaitement blanc, c'était ce qui comptait. J'avais envie de pleurer. « Autre chose ? Un massage, une manucure, un gin tonic peut-être ? » Non parce que je commençais à en avoir marre moi. J'étais venu pour visiter le nid, et de toute évidence, ma prochaine destination allait être la douche, que je le veuille ou non. « Je suis vraiment un aventurier de pacotille... » soufflais-je alors à moi-même, désespéré.

Il n’a pas la prétention de dire qu’il est en mesure de reconnaître chacun des candidats qu’il croise. Tout d’abord parce qu’il essaie de les éviter un maximum, ce qui n’arrange pas les choses quant au fait de les identifier, mais surtout parce que jusqu’ici, il ne s’est pas vraiment intéressé à eux. Mais le type qu’il vient de croiser a suscité un certain intérêt chez Alistair. Ou du moins, son rôle. Un rôle attribué lors de la fameuse tombola maudite, où Alistair a beau avoir gagné une foutue raquette, c’est plutôt un beau cadeau en comparaison de sur quoi est tombé son camarade ici présent. Pendant une semaine, celui-ci doit être au service des autres. Et autant dire que ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. En temps normal, Alistair n’est pas du genre à profiter des autres puisqu’il ne ressent pas le besoin d’avoir de contact avec lesdits autres. Mais cette fois, il veut bien. Plus pour l’emmerder que par réel intérêt quant à l’état du terrain boueux. Parce qu’au final, il ne compte pas s’aventurer jusqu’au karting, l’idée lui a traversé l’idée une fraction de seconde, mais finalement, c’est pas vraiment son genre de distraction. Plus maintenant. Peut-être qu’un autre jour, il aura un  besoin presque vital de s’exercer au karting, mais ce jour n’est pas encore venu. Et puis, voir son camarade s’écraser – probablement – dans la boue, et bien plus intéressant que faire des tours de karting comme un hamster tourne dans sa roue. Le servant s’exécute – bien qu’Alistair ne l’aurait pas mal pris s’il avait refusé – et ne tarde pas à s’écraser, la tête la première s’il vous plait, dans la boue. Le candidat ne semble pas parvenir à s’en sortir dans cette boue compte tenu de ses mouvements paniqués, mais Alistair, plutôt que de l’aider, se contente d’afficher un très léger rictus à la vue du spectacle. « Très crédible. » Il balance, quand son camarade lui assure qu’il n’y a aucun risque. Oui, bien évidemment, c’est pas comme s’il venait de le voir s’écraser dans la boue, hein. Quant à savoir s’il désire autre chose, il aurait mieux valu pour lui qu’il ne pose pas la question. « Je n’ai pas vraiment vu si ça glissait ou pas. » Recommence. Après tout, il n’y a pas de raison pour qu’Alistair ne martyrise pas un peu les autres, juste retour des choses avec quelques années de retard, même si sa pauvre victime ne lui a jamais rien fait. « Oui, tu l’es. » Il confirme quand le servant déclare être un aventurier de pacotille. C’est tout ce qu’Alistair a capté de sa phrase, mais c’est bien suffisant. L’avantage de ne pas parler lui-même très fort, c’est qu’il est bien souvent en mesure de comprendre les autres, sans qu’ils aient besoin de hurler. Par la suite, Alistair se contente de croiser les bras, de taper du pied pour signifier son impatience, en désignant la boue d’un geste de la tête. Il faut qu’il recommence. Il ne voudrait pas se mettre Cupidon a dos pour ne pas avoir rempli son rôle au maximum, non ?

Je ne savais pas s'il se rendait réellement compte ou s'il s'en fichait, mais c'était tout de même assez dégradant de devoir se jeter dans la boue juste parce que le premier venu nous le demandait. Dans tous les cas je n'étais clairement pas habitué à ça. Je lui faisais donc comprendre qu'il n'y avait aucun risque et qu'il pouvait y aller ce même si j'étais recouvert de boue. Déjà que je ne tenais que rarement debout, alors si on m'envoyait à la pâture à la première occasion, il y avait de grandes chances que je ne sorte pas de ce nid en vie. Non mais même, je ne comprenais pas l'idée qu'il avait, vous savez, celle de faire souffrir le premier inconnu qui avait le malheur d'être handicapé dans son aventure. Personnellement, je n'aurais jamais osé le faire, mais j'imagine que nous avions une conception totalement différente de ce qui se faisait et ce qui ne se faisait pas. Il me répondait que c'était très crédible, et ce avec toute l'ironie qu'il avait à disposition. Pour clôturer le sujet je lui demandais ainsi si il avait besoin d'autre chose... Et ce à quoi je ne m'attendais pas, c'était assurément qu'il me demande de retester le terrain... encore. « (...) T'es pas sérieux ? » Et pour le coup voilà qu'il enfonçait le clou une nouvelle fois. C'était quoi son problème exactement ? Etait-il le genre de gars à se prendre un souffre douleur à chaque récrée juste pour lui piquer son argent de poche et son goûté ? Et ça faisait donc de moi la victime, c'est ça ? Autant vous dire que malgré mon caractère plutôt laxiste, je ne m'étais jamais considéré comme tel, et encore moins laissé faire. Mais pour le moment, je n'avais simplement pas le choix. Alors, j'étais revenu sur mes pas, mes pieds s'enfonçant quelque peu, et je manquais de tomber une nouvelle fois, réussissant cependant à me rattraper à l'aide de ma main, finissant accroupi. Un long soupir s'était échappé de mes lèvres. « Satisfait ? » repris-je quelque peu agacé par le comportement du brun avant d'ajouter « Maintenant, si tu permets, je vais aller prendre une douche. » Clairement pas ce que j'avais prévu en me baladant par ici, mais j'étais au moins au courant de quel genre de gars trainait dans le coin maintenant. Et autant vous dire que ça n'était pas mon genre favori.

Peut-être qu’il passe pour un véritable monstre aux yeux de téléspectateurs qui observent la scène à travers leur écran, un monstre qui prend plaisir à s’amuser avec sa pauvre victime qui ne lui a rien demandé. Sauf que, jusqu’à preuve du contraire, il ne l’a jamais forcé à faire quoi que ce soit. Il n’aurait pas insisté outre-mesure si le larbin de service s’était montré réticent, parce que même s’il semble cruel à ce moment précis, ce n’est pas pour autant qu’il veut l’obliger à faire quelque chose qui va à l’encontre de sa volonté. Mais comme le candidat n’a montré aucune réticence – ou du moins, il ne l’a pas exprimée – il n’y aucune raison pour qu’Alistair se prive de profiter du rôle de larbin que s’est récupéré le type durant la tombola. Et puis, il ne lui a jamais demandé de se rouler dans la boue, il voulait simplement savoir si le terrain était glissant. Si le pauvre type s’est éclaté par terre, c’est uniquement à cause de sa maladresse. La boue, d’ailleurs, n’a jamais tué personne, c’est pas comme s’il lui avait demandé de se couper avec un couteau pour le simple plaisir de le voir saigner. Mais à voir la tête du type quand il lui demande de s’exécuter une nouvelle fois pour voir si le terrain est réellement glissant, c’est tout comme. S’il est sérieux ? Oui, tout autant que sa question est stupide. « Si. »  Il précise quand même, même si à première vue le candidat devrait comprendre qu’il est très sérieux, il lui semble que ça se voit sur lui qu’il n’est pas du genre à faire des blagues. Il pourrait avoir de la peine pour le pauvre type qui s’exécute sans grand enthousiasme. Il pourrait, mais comme il ne lui a jamais interdit de refuser, il ne comprend pas pourquoi il devrait le prendre en pitié. Alistair l’observe attentivement tandis qu’il se rend à nouveau sur le terrain, manquant seulement de tomber cette fois, sa maladresse étant un peu moins prononcée. Dommage. Ça ne lui a même pas arraché un rictus cette fois-ci, signe que la plaisanterie n’a plus de saveur et que ça ne servira à rien de lui demander de tester le terrain encore une fois. « Très. » Il ment, il aurait réellement été satisfait s’il s’était à nouveau étalé dans la boue. La boue qui l’a d’ailleurs bien sali, raison pour laquelle il compte partir prendre une douche. « Sauf que je ne te permets pas. » Il en profite un maximum. Il veut voir jusqu’où vont les limites du jeune homme. Si vraiment il est aussi passif ou s’il compte quand même réagir. Pour l’instant, c’est la première option qui l’emporte. « Tu fais vraiment tout ce que les gens te demandent. » Il aurait pu dire cela sous forme de question, mais c’est inutile, il a eu la preuve que c’est le cas. « Ça t’es pas venu à l’esprit de dire ‘’non’’ ? » Parce qu’à la rigueur, ce qu’il risque s’il ne s’exécute pas, c’est de perdre sa cagnotte fictive, d’être éventuellement nominé, mais Alistair doute que la punition puisse être violente, du genre élimination sur le champ. « En fait, c’est ton truc d’être soumis. » Bon, là il les a atteint ses limites ou faut qu’il continue pour que le type se rebelle un peu ? Il va finir par croire qu’il a une prédisposition à être dominé.