@Enola

La fin approche. Tout sera bientôt fini et je m'en languis. Depuis lundi matin je ne vois absolument rien, ça peut paraître facile comme ça, mais pendant quatre jours, je te jure que tu deviens fou. La folie s'empare de moi et limite, je sais plus à quoi ressemble le nid ni à quoi ressemble les autres. S'adapter au monde qui t'entoure sans vue c'est vraiment difficile. Respect à Ray Charles et aux autres. Maintenant c'est ça les défi de Rowan. Il y en a d'autres qui ont été difficiles. Comme celui de Lino, Cody ou encore Enola alors on joue le jeu comme tout le monde. Dans tous les cas, demain, je pourrai enlever ce putain de bandeau de merde. J'espère juste que mes yeux se sont pas trop habitués au noir, autrement je risque d'avoir du mal à retrouver la vue. Pire encore, ce serait que je sois vraiment devenu aveugle. Genre que mon cerveau ne recevant plus de signaux visuels décide de mettre en arrêt ma zone de vue. Je sais pas si c'est possible, faudrait demander à un spécialiste, mais je doute qu'il y en ai ici. Bref, après un dernier repas, je décide de rejoindre ma chambre pour aller me coucher. Il est tôt, mais plus vite couché, plus vite réveillé, et plus vite fini ce calvaire. Impatient d'être demain pour pouvoir faire une vraie séance de sport, pour pouvoir revoir à quoi ressemble le monde. Sans images, c'est vraiment bizarre. Tu dois utiliser tes autres sens pour te situer dans l'espace, et quand t'as pas l'habitude c'est pas évident. Tu vois plus le monde pareil, fin ça plus aucun sens, je saurai pas expliquer. Tu deviens bien plus tourné vers tes pensées intérieures à défaut de pouvoir aborder le monde extérieur. Sauf que là, j'en peux vraiment plus. C'est juste horrible. J'étais plusieurs fois pas loin de laisser tomber, d'enlever ce bandeau de merde, mais finalement j'ai tenu. Je suis pas loin d'être devenu fou, mais j'ai tenu. Une dernière nuit et c'est bon, je retrouve la vue. Tant mieux, ça va me faire un bien fou. Déjà qu'ici on a plus la notion du temps, si en plus j'ai plus la notion de l'espace, laisse tomber. C'est comme si plus rien n'était logique. Dans ma tête c'est clairement devenu le bordel et demain en revoyant la lumière du jour, ça y remettra un peu d'ordre. Je monte donc les escaliers, maintenant plus facilement qu'en début de semaine, mais non sans mal. Je rejoins ma chambre – je crois – avant de me coucher sur mon lit – je crois aussi – ce qui est bien avec un bandeau sur les yeux, c'est qu'au moins la nuit, quand t'es le premier à te coucher, t'es pas gêné par quelconque lumière. Pour ce qui est du bruit des autres c'est autre chose. Mais bon je vais pas m'enlever l'ouïe en plus de la vue. D'ailleurs j'entends quelqu'un rentrer dans la chambre. « C'est qui ? » lui demandai-je. Non parce que même si mon ouïe s'est accrue, je possède pas encore le don de reconnaître quelqu'un par le bruit de ses pas. Je suis pas encore Daredevil qui pour le coup est un super-héros moderne complètement  badass pour avoir fait de son handicap un avantage. « Dis moi que je suis dans mon lit. » soupirai-je. Ce genre de trucs ça m'arrivait souvent. Je me trompais de pièce, de lit, de tout ce que tu veux. J'en peux plus vraiment. Je suis pas du genre à me plaindre, parce que je déteste les chouineurs, les pleureuses, mais pour le coup c'est vraiment pas évident. Et je défi quiconque de réaliser ce même défi. Rien qu'une journée ca te rend fou, alors quatre.. On me dira que certains n'ont jamais eu le droit à la vue. Je compatis. Mais ils ne savent pas non plus ce que c'est que de voir. Je crois que la pire des choses c'est d'avoir quelque chose dont tu dépends et qu'on te l'enlève. Quoi que ce soit. Donc si pour moi il y en a vraiment plaindre c'est ceux qui ont connu la vue, et ont du s'adapter ensuite à une nouvelle vie. Je crois qu'officiellement, après cette expérience, je vais m'engager dans des associations pour aider les aveugles. Parce qu'en plus, eux il y a ce côté irréversible, savoir qu'ils ne verront plus jamais rien. Moi encore je m'en branle, demain je revois le monde. Mais pour eux, c'est pas la même. « On pourrait catégoriser les handicapés comme des personnes faibles, mais pour moi il y a pas plus fort qu'eux. » C'était ma petite phrase philosophique complètement bateau, culcul et concon de cette fin d'expérience. C'est tout pour moi.

Après un petit moment passé dans le patio fleuri avec Greta autour d'une cigarette, la jeune femme se dirige rapidement vers la cuisine pour profiter d'un repas en compagnie des autres candidats du nid. Distraite, Enola n'est rapidement pas à l'aise au milieu de toute cette agitation ambiante, si bien qu'elle prétexte un mal de tête pour aller fumer une nouvelle cigarette salvatrice qui a le don de la rassasier plus que n'importe quel apport de nourriture. Tant pis pour le repas, elle retournera grignoter quelque chose dans la cuisine plus tard dans la soirée. Pour le moment, elle a juste envie de s'allonger quelque part, seule, à l'abri des regards. Elle décide de se rendre dans son ancienne chambre, celle qu'elle a occupé pendant deux semaines lorsque son premier binôme était encore dans le jeu même s'il n'avait pas brillé par son investissement durant cette courte période. La dernière fois qu'elle s'y était rendue, personne n'avait colonisé son lit à elle et Clotaire alors la situation ne devait pas avoir changé depuis, du moins elle espérait. Ce lit elle en avait désespéramment besoin. Lorsqu'elle franchit les portes de la chambre caramel, elle remarque la présence d'Achille allongé sur son lit, les yeux bandés pour son défi. Privé de la vue pendant quatre jours, la jeun femme ne peut que se montrer compatissante à l'égard de son camarade. Elle était passée par là, elle aussi, même si son défi semblait être plus facile à réaliser que le sien. Être privée de la vue, mais quelle horreur. Elle se cognait déjà partout en ayant tous ses sens alors imaginez-la sans sa vue. Chanter à tue-tête était vraiment une petite partie de plaisir en comparaison avec ce défi. Privé de la vue mais pas de son ouie, le coach sportif a tôt fait de remarquer sa présence. De toute façon elle n'est pas vraiment discrète. « C'est Enola ». Elle lui annonce histoire qu'il sache à qui il a à faire, elle ne savait pas si c'était une bonne chose pour lui de se retrouver en présence de la salvadorienne mais puisqu'il n'avait pas d'autres alternatives, il allait devoir s'en contenter. Un petit sourire amusé se dessine sur ses lèvres lorsqu'il lui demande s'il se trouve bien dans son lit. « Je crois que tu n'es même pas dans ta chambre à vrai dire ». Qu'elle répond, sourcil froncé, elle ne sait pas qui peuple encore la chambre caramel à ce stade du jeu. Elle-même avait quitté les lieux à la fin de la deuxième semaine pour rejoindre Salvador dans la chambre guimauve. « Enfin j'en sais rien, tu dors avec Salomée maintenant ? ». Elle l'interroge curieuse, consciente de ne pas s'interesser suffisament aux autres candidats du nid en ce moment. « Dans tous les cas, tu n'es pas dans ton lit » constate-t-elle avant de rejoindre son camarade et de s'asseoir sur le lit qu'elle a partagé avec Clotaire. La salvadorienne est bien consciente que ce défi n'est pas de tout repos et que ce genre d'incident doit se produire souvent dans la journée d'Achille. « Rowan est de plus en plus sadique ou ça se passe comment ? ». Simple question rhétorique, en tout cas elle a l'air d'avoir ses têtes. Achille et Enola en ont fait les frais alors que d'autres se contentaient d'un simple câlin quotidien avec Colin ou des bisous saveur fromage. C'était injuste. « Je croyais que tu ne devais pas utiliser de jokers ? » lui demande-t-elle parce que c'est ce qu'il lui avait dit au moment où elle s'était expliquée avec le coach sportif. Elle aimerait bien connaître les raisons d'un tel revirement de situation. Ses lèvres esquissent un sourire compatissant, un rictus qu'il ne pourra pas voir compte tenu de son état, mais elle est néanmoins assez d'accord avec ses divagations philosophique. « Ca force l'admiration en tout cas ». De se dire que d'autres gens sont confrontés en permanence à cette obscurité, à ce néant dont ils ne peuvent pas se départir.    

Je suis fatigué, fatigué de ce défi. Aussi bien que ce soir, veille de la fin de mon défi, je décide de me coucher tôt pour rapidement en finir. Je me retrouve seul donc dans ce que je crois être ma chambre, allongé sur ce que je crois être mon lit. Seul dans le noir, perdu dans mes pensées, c'est ce que je vis depuis lundi. Bientôt, ce sera la fin. Et bientôt je vais pouvoir enfin reprendre une vie normale. Ca n'aura duré que quatre jours, c'est rien en apparence, mais en réalité c'est plus difficile qu'il n'y paraît. Un bruit se fait donc entendre, je demande qui c'est, c'était Enola. Je me demande du coup qu'est-ce qu'Enola fout dans ma chambre, la chambre réglisse, j'ai surement encore du me tromper de pièce, j'en ai marre. « Enola et sa mauvaise foi. » lancai-je avec un sourire en coin surtout pour moi-même. En fait je crois que je commence à parler tout seul maintenant que je vois plus rien. Je l'ai déjà dis, quand on voit plus rien, plus rien n'a de sens, et même si j'entend des voix, j'ai plus l'impression d'être dans un rêve que dans la réalité.. fin c'est dur à expliquer vu que ce que je ressens c'est juste n'importe quoi. Enlever un sens aussi important ça fait vraiment perdre tous tes repères. « Au fait, tu te doutes que si j'ai sorti ton nom c'est juste pour utiliser un joker hein. » Je préfère lui dire, comme elle, me l'avait dit il ya de ça deux semaines. Histoire que ce soit clair, je pense qu'elle s'en doute, mais autant qu'elle soit sûre. Je savais pas qui mettre à cette question, parce que pour moi, il y a pas plus mauvaise foi que moi, et prétendre que quelqu'un est de mauvaise foi, ce serait l'hôpital qui se fout de la charité. Alors j'ai sorti le prénom d'Enola, comme elle m'avait autorisé à le faire. Elle me confirma ensuite que j'étis pas dans ma chambre. A moins que je ne dorme maintenant avec Salomée. « Non je dors pas avec Salomée. C'est le lit de qui ? » Au pire si c'est un lit libre, ou même le lit de Salomée, la flemme, je bouge pas. Je vais encore galérer, et je vais me retrouver dans la chambre guimauve après. C'est bon j'en ai marre. Sa question suivante me fit sourire. Elle demanda de manière réthorique, si Rowan était devenue de plus en plus sadique. « Je crois bien. Mais bon après ça va, ton défi de chanter en parlant ou même le défi de Cody la semaine dernière, ils étaient bien relous aussi j'imagine. » A la longue, devoir parler une semaine dans une autre langue ou en chantant, tu dois devenir fou aussi. Dans un sens même si je trouve mon défi relou, je suis quand même bien content de ne pas à avoir eu à chanter. C'est que je chante terriblement mal, et je trouve que le chant manque un peu de virilité. Et moi, maintenant on me connait, quand une chose est pas virile, j'aime pas trop la faire. Elle rajouta ensuite, que je ne devais pas utiliser de jokers, c'est ce que j'avais dit en effet. Mais je m'attendais pas à certaines questions. « Je croyais aussi. Mais j'avais juste pas de réponse à apporter, je fais confiance à personne, et personne m'est indispensable ici. C'est un jeu pour moi, à partir de là, je sais pas comment on peut faire confiance à quelqu'un.» Du coup c'est pas vraiment une tentative de mensonge, de dissimulation, juste j'avais pas de réponse à apporter, vu que je donne ma confiance à personne, encore moins dans un jeu comme celui-ci. Faut croire qu'il est plus facile de rentrer dans les autres que de s'ouvrir. Lâcheté d'égo et de fierté disproportionnés. En tout cas, je suis bien content que ce soir, soit mon dernier soir sans la vue, demain sera un jour nouveau et enfin je reverrai ce qui m'entoure. De cette expérience, j'ai quand même appris à ressentir toute proportion gardée – parce que bon quatre jours c'est rien – à ressentir ce qu'on pouvait ressentir quand on perdait la vue. Et je peux dire que c'est un enfer, même si encore une fois, moi je sais que derrière je vais récupérer la vue, alors qu'eux, savent qui ne la récupéreront pas. Du coup je me permets comme une petite phrase de conclusion en disant que ces gens sont quand même vachement fort. Et Enola ne me contredit pas. Comme elle le disait, ça forçait l'admiration. « Bon sinon tu le sens comment pour dimanche ?» L'un de nous allait partir, et il faut bien l'avouer, malgré la revendication de mon côté joueur, les départs commencent à être de plus en difficile. Tant que c'est pas moi qui part je suis content, mais il y en a bien deux ou trois dont le départ m'affecterait quand même un peu.