ft. breathe

Engagement ou pas, je m'imagine difficilement rester enfermer ici. Ce lieu m'oppresse, ces gens m'oppresse, je suis sur le point de clairement vaciller. Je préfèrerai être en tôle. Là-bas, au moins, je ne serai pas obliger de taper la discute; inutile discute qui plus est; au premier con qui passe. Mais le pire n'est pas non plus les candidats, non: ça vous branche d'être filmé h24, du moment où vous voulez lever avec les yeux collés et celui où vous gémissez avant de vous coucher, en passant pour vos aller-retours quotidiens aux seuls chiottes du nid? J'ai l'impression d'être épié, mais au demeurant, ce n'est pas qu'une impression. Tiens-toi droit Cæssie, toute l'Irlande te regarde. Bordel, ma mère et ses conseils en bois me suivent jusqu'ici. Alors, abandonnant la petite réception de bienvenue donnée pour mes camarades et moi, je tente de trouver un endroit à l'abri du regard des quelques soixante-dix millions de télespectateurs franco-irlandais. Enchaînant clope sur clope, je m'enfonce plus loin que prévu dans le parc du château, toujours plus sombre, jusqu'à ce que je tombe sur une sorte de chapelle sinistre dont l'entrée paraît comdanné: jésus marie, je vais pouvoir prier. Je tente de forcer la porte, une, deux, trois fois, rien n'y fait; dans un élan de puissance, je me décide à passer la vielle fenêtre à la vitre brisé. MacGyver le retour/la vengeance. Le coin est poussiéreux et moche à souhait, mais qu'importe, l'autel est là, en parfait état. D'un souffle, je m'agenouille, entrelace mes doigts, et marmonne quelques versets bibliques (seul bouquin que j'avais lu en dix-neuf d'existence) pour finalement exprimer clairement mes prières. "Dieu, j't'en pris, sors-moi d'ce trou, j'tiendrais pas! J'sais pas, file-moi un truc, une gastro, une mycose, un truc bien contagieux qui s'rait à même de m'faire quitter c'putain d'nid!" Mes lèvres se crispent: il y a quelqu'un qui rode. "Deux s'condes le tout-puissant, y'a quelqu'un qui a décidé qu'il voulait m'emmerder." Je me lève, passe la tête par la fenêtre brisée mais n'y vois personne. Putain. "J't'ai entendu t'sais! Le fait d'pas casser les couilles aux aut' gens, c'est en option chez toi?!"

J'avais froid. Inexorablement froid. De cet air glacial qui vous traverse, des racines de vos cheveux à la pointe de vos orteils. Mais pourquoi étais-je donc venue ici ? Pour me changer les idées, pour ne plus penser à rien au moins une fois dans ma vie, probablement. Loupé, j'y pensais deux fois plus. Et cette émission diffusée dans plusieurs pays, aux yeux de millions de personnes, ce n'était pas moi. Je n'étais pas faite pour ça, m'exhiber, me montrer la plus intéressante possible, qu'est-ce que j'en avais à foutre des autres et de leur regard biaisé par une paire de seins et un petit cul rebondi ? Je venais d'attendre mon paroxysme du ridicule, réellement. Néanmoins je ne sais pas ce qui à présent me faisait le plus peur. Être ici, ou être là bas … Là bas certainement. Puisque la seule chose qui me gênait ici était d'être filmée. Une future chercheuse dans une téléréalité, ça fait désordre. Et merde, quand j'aurais le prix Nobel ils ne diront plus ça ! Et puis qu'est-ce que je fous ? A une heure du matin, à errer dans le parc du château ? Je deviens folle. Quelle est la partie de l'encéphale qui pourrait être en cause déjà ? Eh merde ma fille, tu dérailles …

Quelques pas de plus et j’aperçois soudainement une … ma parole ! Une chapelle, devant moi. J'avais imaginé une mauvaise blague pendant le prime lorsqu'ils avaient annoncé ça, mais visiblement ils disaient vrai. J'espérais tout de même que le coup du cimetière n'était pas aussi réel, j'en avais déjà froid dans le dos. Lentement, je me mis à faire le tour de la chapelle jusqu'à trébucher sur des débris de verre. « J't'ai entendu t'sais ! Le fait d'pas casser les couilles aux aut' gens, c'est en option chez toi ?! » Il me fit sursauter, mais heureusement pour moi, bien caché dans la chapelle, il ne le vit pas. Mon partenaire, Cæsar. Manquait plus que ça ! « Il paraît. Je l'ai prise exprès pour toi, je savais qu'elle te plairait ! » Puis, plus sérieusement. « Merde tu peux pas arrêter de râler deux minutes ? Tu fais que ça, ça ne t'ennuie pas un peu ? » Prenant mon courage à deux mains, je passais par la fenêtre qu'il avait manifestement éclatée comme il se doit. « Non, tu peux pas. » J'avais envie de sourire, je me retins, il n'aurait pas apprécié et je n'avais pas envie de m'engueuler avec quiconque ce soir.

Je m'approche de la fenêtre, passe ma tête au-delà du verre brisé, puis entends, dans la pénombre, cette voix qui m'est déjà presque familière. Ma partenaire; merde, impossible de mettre un prénom sur son visage... Poumons, Respire, Asthme, un truc du genre. Breathe. Il paraît. Je l'ai prise exprès pour toi, je savais qu'elle te plairait! A croire qu'elle me provoque. Elle a beau avoir une gueule d'ange, elle n'en reste pas moins relou à souhait. Je sers les dents, puis les poings, réflexe d'un bon boxeur: bien entendu, je n'ai pas pour dessein de lui déboiter la machoire. J'ai beau avoir un certain problèmes avec les femmes, ma mère m'a tout de même appris à être un minimum galant. Maman, présentement, sache que je t'emmerde. "Tu m'suis à la trace ou quoi? P'tain, j'ai l'impression d'être un chien pucé, c'est un truc de ouf!" Je reprends mon souffle une minute, manque de gueuler pour une raison semi-obscure. "Tu peux pas m'laisser l'temps d'respirer deux minutes? D'jà qu'on va d'voir partager la même piole, j'aim'rai au moins pouvoir faire une PUTAIN DE PRIERE TRANQUILLE!" Dix secondes passent, je réalise à peine ce que j'ai dit: fuck a duck. En même temps, fallait être sacrément con pour ne pas se douter de ce que je pouvais foutre agenouiller dans une chapelle. Soit. Breathe s'avance, enjambe la fenêtre et me rejoins dans cette endroit à l'espace vital relativement réduit. Merde tu peux pas arrêter de râler deux minutes ? Tu fais que ça, ça ne t'ennuie pas un peu? J'ouvre la bouche mais n'ai pas le temps d'articuler deux mots qu'elle me coupe. Non, tu peux pas. J'hausse les sourcils plus haut qu'humainement possible. "Non mais, t'es qui pour t'permettre d'me juger? T'sais quoi, vu qu'j'suis bien luné ce soir, j'vais t'proposer un truc. Un marché, ça t'branche?" Je me plante alors face à elle, les yeux dans les yeux; les siens sont d'ailleurs salement beaux; attendant qu'elle ne daigne acquieser.

« Tu m'suis à la trace ou quoi? P'tain, j'ai l'impression d'être un chien pucé, c'est un truc de ouf! » Il me fait rire. Dés qu'il ouvre la bouche d'ailleurs, ses airs de chiens de garde prêt à mordre à tout moment me font délirer, clairement. Enfin là, quand même, je crois rêver. C'est pas qu'il exagère mais faut pas pousser mémé dans les orties non plus.
« Non mais t'es sous ecsta ou quoi ? J'ai pas besoin de toi pour vivre, j'ai jamais eu besoin de personne pour vivre d'ailleurs. Je te suis … J'hallucine ! Carrément que je te suis, j'en crevais d'envie, putain comme j'en crevais d'envie ! » Je hausse les yeux au ciel. « N'importe quoi. » Non mais sérieux, j'espérais qu'il ne croyait pas réellement ce qu'il disait !
« Tu peux pas m'laisser l'temps d'respirer deux minutes? D'jà qu'on va d'voir partager la même piole, j'aim'rai au moins pouvoir faire une PUTAIN DE PRIERE TRANQUILLE! » PRIER ? J'avais bien entendu ? J'avais mal entendu ! Mais si bon dieu, j'avais bien entendu ! Prier, il était là pour prier alors que j'étais là histoire de me faire un peu peur. J'eus envie de faire une remarque désobligeante mais me retins. Le religion ça se respecte, et encore plus la religion d'un mec monté sur ressors quelques peu flippant sur les bords. Une fois rentrée dans la chapelle, je m'aperçus qu'il était effectivement à genoux. Si ça se trouve Dieu m'a envoyé suite à sa prière. Non Breathe, dis pas ça, ferme-là. Ca vaut mieux. Il pourrait croire que t'es sérieuse.
« Non mais, t'es qui pour t'permettre d'me juger? T'sais quoi, vu qu'j'suis bien luné ce soir, j'vais t'proposer un truc. Un marché, ça t'branche? » Il venait de lever et de se placer devant moi. Encore plus beau de près, c'était consternant. « Hum, franchement j'le sens pas ton marché là. Tu vas me faire un truc bien naze du genre : tu fais comme si j'existais pas, et j'en fais de même. Si c'est je te préviens, c'est non direct. Je parle si j'en ai envie, et si j'en ai envie je te pourchasse même, jusqu'à ce que tu décides de m'enterrer vivante dans le cimetière même ! » Je lui souris, gentiment. Je suis pas là pour me prendre la tête, sérieusement. Puis, mon partenaire est bougon, c'est vrai, mais aussi foutrement beau et puis ... c'est mon partenaire, autant entretenir des liens pas trop pourris avec. « C'était de l'humour, hein. Et désolée si je t'ai vexé, je voulais pas te juger … mais bon, tu râles beaucoup, c'est vrai. »

La honte putain, ma vie est dénifitivement foutue. Breathe sait quel fervent catholique je suis: à tous les coups, elle s'amusera à le raconter à ces trente-cinq boloss qui nous servent de camarades et il en sera clairement fini de ma vie sociale. Non pas que je rêve d'en faire mon cercle d'amis, mais un minimum. Je ne tiens tout de même pas à passer plusieurs semaines à pourrir dans mon coin sous prétexte que j'ai un certain côté asocial et que je compte Dieu parmi mes meilleurs potes. Si elle parle, Ceessie se vera contraint et forcé de faire ses valises, et je ne suis pas venu jusqu'à Dublin pour montrer mon cul et me tirer le soir-même du lancement de l'émission: merde, j'ai ma fierté. Alors je m'avance vers elle, lui fait une offre de marché. [...] Je parle si j'en ai envie, et si j'en ai envie je te pourchasse même, jusqu'à ce que tu décides de m'enterrer vivante dans le cimetière même! Breathe me rappelle mon amoureuse génération école primaire, en bien plus jolie; j'esquisse rapidement un petit sourire qui s'estompe bien vite pour laisser place au plus sympathique de mes faciès tête à claque. "Ecoute, c'que j'veux surtout pas, c'est qu'tu parles de c'que tu viens d'voir, c'clair?" Comme pour appuyer mes dires, je pince les lèvres et plante une nouvelle fois mes yeux dans les siens, cherchant à savoir si elle parait apte à coopérer ou pas. "Si j'te promets d'plus m'énerver sur toi, ça t'va? Ou aut' chose? J'peux pas faire plus sinon, j'ai atteint mon point maximal d'concessions là, j'te l'dis!"

Prier. Sans rire j'en croyais pas mes yeux. Non pas qu'il n'existait plus de fervents croyant de nos jours mais tout de même, vous avez vu sa tête ? On parle de Caesar tout de même. Il aurait plutôt l'air à éclater la gueule des mecs qui refusent de lui donner des tic tac tous les quatre matins plutôt que d'aller à la messe tous les dimanche. M'enfin, ce n'étaient pas mes affaires après tout. Qui 'étais-je pour juger ? Ouais, personne. « Ecoute, c'que j'veux surtout pas, c'est qu'tu parles de c'que tu viens d'voir, c'clair? » Comme si j'avais ne serait-ce qu'une seconde pensé à répéter à quiconque ce que je venais de voir. Je n'avais jamais été du genre à colporter des rumeurs, fondées ou pas. A la vérité je n'avais jamais eu beaucoup d'amis pour en raconter à qui que ce soit. Je trouvais d'ailleurs plus d'importance aux graviers de ma cours de récré qu'à mes camarades. « Si j'te promets d'plus m'énerver sur toi, ça t'va? Ou aut' chose? J'peux pas faire plus sinon, j'ai atteint mon point maximal d'concessions là, j'te l'dis! » Si je m'attendais à ça ! Le meilleur marché du siècle ! Mais j'étais vexée … Sévèrement. Alors il imaginait que j'avais l'intention de répéter ce que je venais de voir ? Tous des cons. Merde, il m'a vexé. « J'aurais rien dit ... » Puis je lui collais presque mon poignet maigrichon sous le nez. « Tu vois là au bout de la cordelette ? C'est un Om. Une syllabe sanskrite qu'on retrouve dans le bouddhisme. Parce que j'adore leur philosophie. Puis en fait j'sais même pas pourquoi je te raconte ça ... T'en as rien à foutre, et c'est un peu ridicule. » Bonne question. « Bref, j'avoue que je suis vexée mais évidemment que j'accepte ! Sans rire tu râles plus ni rien ? Je signe direct ! » Puis, l’œil plein de malice j'ajoutais. « Genre là si je te touche ou que je te fais un bisou, sur la joue évidemment, je suis soft comme nana, t'aurais même pas le droit de râler ?! Bon je te rassure, je vais pas le faire, je suis pas encore tout à fait rassurée avec tes airs de boxeur là ... »

Je le vois clairement sur son visage: Breathe se paye manifestement ma gueule. En même temps, je tente de relativiser, ne lui en veux pas foncièrement: j'aurai réagi de la même manière, si ce n'est que contrairement à elle, je ne me serai pas géner pour lui faire connaître le fond de ma pensée, aussi crue soit-elle. Alors je me contente de baisser la tête, mutin, puis de m'avancer afin de lui la proposition qui me sauvera peut-être la vie. J'aurais rien dit... Elle me pointe son petit poing sous le nez et je me recule d'un pas. A vrai dire, le geste est plus mignon que fondamentelement violent, mais soit, c'est l'intention qui compte... Je reprends mon souffle difficilement, comme si je m'étais foutu en apné plusieurs secondes. Il est vrai que mon raisonnement ne tient pas franchement debout: à la voir, rien ne laisse croire qu'elle est une de ses garces qui s'amusera à divulguer telle ou telle rumeur dans le seul but de se faire bien voir. Je déglutis, l'écoute parler, évite de lui dire que je n'ai aucune idée de ce que peut être le bouddhisme afin de ne pas passer pour le dernier des cons que je suis. Genre là si je te touche ou que je te fais un bisou, sur la joue évidemment, je suis soft comme nana, t'aurais même pas le droit de râler ?! Serveur corporel en alerte maximale, possible tentative d'un contact physique. Toi qui est si à l'aise avec ce genre de chose Ceessie... "Ouais ben, wowowo, on s'calme okay? C'pas parce qu'j'ai dit qu'j'allais prendre sur moi qu'j'vais devenir guimauve et tout niais pour autant." Puis je m'arrête sur l'un de ses mots. Boxeur. Même un aveugle pourrait voir à quel point mes yeux brillent; Lukas, cette hallusion, c'est pour toi. Probablement pour la première fois depuis le début de l'aventure; à savoir trois heures, mais soit, je souris. "Attend mais, comment tu sais qu'j'fais d'la boxe? T'as écouté ma présentation lors d'l'émission? J'veux que j't'apprennes?"

« Ouais ben, wowowo, on s'calme okay? C'pas parce qu'j'ai dit qu'j'allais prendre sur moi qu'j'vais devenir guimauve et tout niais pour autant. » Franchement, y'a pas à dire, je suis bien contente qu'il soit mon partenaire ! Imaginez un peu, j'aurais pu tomber sur Moore … Enfer et Damnation ! Ou sur Lukas ! Je l'aime beaucoup mais je me serais sentie obligée de le suivre partout sans qu'il me voit pour le surveiller, un vieux réflexe que j'ai avec les personnes diminuées … Passons. Caesar avait un caractère de cochon, il est vrai, mais ça lui faisait sortir des phrases assez phénoménales, d'un comique hors norme. Rien que sa façon de parler un peu « gros dur », genre « tu m'touches j'te bouffes », c'était amusant, distrayant, et même attachant. Parce que dans le fond, même s'il n'avait pas l'air très amical ou quoi que ce soit, il n'était pas foncièrement méchant, ça par contre je ne l'aurais pas supporter et qu'il sache boxer comme un Dieu ou non, je me serais armée d'un couteau si cela s'était avéré nécessaire ! « En fait je te fais peur hein ! Avoue ! C'est toutes les filles ou juste moi ? C'est quoi ? Mon regard ravageur ? » Bien sûr, c'était de l'humour, mais sa façon de reculer dés que je m'approchais un peu trop de lui m'intriguais. « J'dis ça parce que dés que je t'approche ... » Je fis un pas vers lui. « … tu recules. » Puis je lui souris, histoire de bien lui spécifier que je n'étais en aucun cas une menace pour lui. « Je te taquine. En plus j'aime bien te taquiner, t'as des réactions marrantes faut avouer. Mais sérieux t'inquiète, quand je te montre mon poing c'est pas pour te montrer la force de mon crochet du droit, j'te veux pas de mal, je suis pas une menace … Bon ok, tu l'avais déjà remarqué à l'épaisseur de mes bras mais je précise au cas où. » Clin d'oeil.

Lorsque j'eus prononcer le mot « boxeur », les yeux de mon partenaire se mirent à briller et à s'illuminer comme un phare en mer. J'avais vu juste. « Attend mais, comment tu sais qu'j'fais d'la boxe? T'as écouté ma présentation lors d'l'émission? J'veux que j't'apprennes? » M'apprendre ? M'APPRENDRE ! Mais … carrément ! C'est juste trop cool la boxe en plus, c'est classe de savoir boxer, c'est génial. Dans le fond qu'est-ce que je sais faire moi ? Si j'avais su boxer, au moins un tout petit, peut-être que j'aurais pu faire quelque chose quand j'avais quinze ans … Quoi que certainement pas. Mais peut-être. Au lieu de ça, je connais plein de trucs c'est clair, mais pas la boxe. Je connais les nombres irréels, je sais lire une IRM sans problèmes, les codages et l'informatique n'ont pas de secrets pour moi, écrire le java non plus … Et ? A part me la raconter, pouvoir dire que dans moins d'un an je serai une chercheuse officiellement, un docteur en imagerie médicale, ça me sert à que dalle. « Oh que oui ! » C'étaient mes yeux qui brillaient à présent. On ne m'avait jamais proposé un truc pareil. « En fait non, on ne m'a pas donné l'occasion d'écouter ta présentation. Tu serres les poings quand j'approche, tu recules, t'es presque à deux doigts de sautiller sur toi même et de mettre tes mains devant ton visage. Je m'en doutais un peu, c'est tout, mais j'étais pas sûre de moi. T'as fais de la boxe longtemps ? » C'était vrai, il le portait sur lui. « Tu m'apprends quoi ? » C'était étrange comme l'évocation de la boxe l'avait déridé, d'un coup.

En fait je te fais peur hein! Avoue! C'est toutes les filles ou juste moi? C'est quoi? Mon regard ravageur? Peur..? La blague. Je souris d'un air purement narquois, ne tenant pas à montrer que oui, effectivement, les femmes ont le don de me mettre terriblement mal à l'aise. Et je suis bien incapable d'en expliquer la raison, juste une tare que je traîne depuis toujours. "Genre j'ai peur de toi..." J'dis ça parce que dés que je t'approche... Elle s'avance d'un pas, à quelques centimètres seulement de moi: par réflexe, je calme mon rythme sur le sien et me remplit également d'un pas. …tu recules. Conscient qu'elle a parfaitement raison mais refusant de le reconnaître, je grimace comme un gosse boudeur, tourne la tête et fuis son regard: si en plus de squatter mon espace vital, elle devient capable de me comprendre et de prédire la moindre de mes réactions, ça ne va vraiment, vraiment pas le faire. Elle détend cependant l'atmosphère, tente d'aborder le sujet épineux et captivant qu'est ma passion pour la boxe: bien entendu, je tombe dans le piège et m'enflamme dès la première seconde, allant même jusqu'à lui proposer de lui apprendre l'art de la pratique. Ceessie, tu vas bien trop loin. Oh que oui! Bordel, autant d'enthousiasme ne fait que m'enforcer un peu plus. Et elle m'expose longuement à quel point il est facile de deviner que je suis boxeur: je pue la boxe à ce point-là. "Ca fait, j'sais pas, treize ou quatorze ans qu'j'en fais. J'ai commencé tout gosse." D'où ma passion intarissable. Immédiatement, elle tente de m'arracher quelques techniques. "Eh, va pas si vite, tu peux pas apprendre comme ça, du jour au lend'main! Premièr'ment parce qu'on est dans une chapelle et que j'refuse d'faire ça ici, mais plus principalement parce qu't'es pas formé à la discipline!" Je la toise de la tête au pied, reviens vers ses yeux. "R'garde, t'as un tout p'tit corps, genre, tu tombes tu t'brises! J'prends pas le risque que tu te blesses perso." Je me fourre les mains dans les poches et me mets à regarder mes pompes, comme soudainement gêné. "J'suppose qu'tu fais pas d'sport, vu ta musculature. T'faisais quoi avant d'arriver ici?"

« Genre j'ai peur de toi ... » Je lui souris. Bien sûr qu'il avait peur ! Enfin peur, c'était un bien grand mot, mais j'étais intimement persuadé qu'il n'était pas spécialement à son aise ainsi en face de moi, surtout quand je m'approchais de lui. « Bien sûr que tu as peur de moi … » Finalement, même si j'avais apprécié Caesar dés le départ, j'avais crains ne pas m'entendre à merveille avec lui, que son côté rebelle m'exaspère, qu'il me trouve … relou, qu'il soit désagréable puis que je l'envoie se faire voir, parce qu'il faut être clair, je suis d'une nature gentille, mais pas patiente, pas du tout. Et finalement c'est tout le contraire, j'aime bien son côté ultra franc, du genre s'il a quelque chose de désagréable à dire, il le dira (alors que je préfère personnellement mentir et ne pas dire la vérité si cette dernière est susceptible de vexer quelqu'un).

Je l'avais questionné sur la boxe, et il avait l'air vraiment passionné, littéralement fasciné par ce sport ! « Ca fait, j'sais pas, treize ou quatorze ans qu'j'en fais. J'ai commencé tout gosse. » Il ne précisa pas le niveau qu'il avait. Pure modestie à mon avis, vu l'éclat dans ses yeux, ses réflexes de fou et sa façon d'en parler, il devait être bon, très bon. « Eh, va pas si vite, tu peux pas apprendre comme ça, du jour au lend'main! Premièr'ment parce qu'on est dans une chapelle et que j'refuse d'faire ça ici, mais plus principalement parce qu't'es pas formé à la discipline! » J'allais vite, certes, mais je marchais à pile et même à cette heure tardive elles étaient loin d'être vides. Ou je crois plutôt que j'ai des périodes, certaines d'une presque léthargie, et d'autre d'excitation intense. En ce moment j'étais dans la deuxième période, l'euphorie des débuts de l'émission … « Faudra bien commencer par quelque chose, un jour, quelque part ! » Ah non, s'il espérait s'en sortir comme ça, c'était perdu d'avance. J'étais pire qu'une petite fille à qui on promet des bonbons.

Il me regarda, ou plutôt me toisa, entièrement. « R'garde, t'as un tout p'tit corps, genre, tu tombes tu t'brises! J'prends pas le risque que tu te blesses perso. » J’arquai un sourcil. Non sérieux ? Touchée. Coulée. « Genre ! Mais genre ! Mais n'importe quoi toi ! Puis d'abord t'es pas beaucoup plus épais que moi hein … » Non mais ! « Ceci dit t'as pas tord. Je me suis déjà battu, ou plutôt défendu dans la rue, y'a pas très longtemps d'ailleurs, quelques mois. Ben je me suis cassé le poignet et j'ai perdu mon sac dans l'histoire. » Mauvais souvenir. Passons. « Mais le fait que tu ne veuilles pas prendre le risque que je me blesse me va droit au cœur Caesar. » Je lui fis sourire, mi complice mi taquin. Évidemment, j'avais compris qu'il n'avait aucunement dit ça pour me flatter, ou au contraire pour encore plus enfoncer le clou sur ma fragilité.

« J'suppose qu'tu fais pas d'sport, vu ta musculature. T'faisais quoi avant d'arriver ici? » Hum … Et là Breathe, tu fais quoi ? C'est vrai ça, je dis quoi ? Je me la pète en mode « ouais mon petit laisse tomber on vient pas du même monde, dans moins d'un an je serai chercheuse tu vois » ou je lui balance seulement un « je bosse dans les IRM ». Non, le premier fait condescendant et le deuxième fait plouc. Bon … « Je suis doctorante en neuroimagerie médicale. Alors non j'aime pas le sport, j'aime pas trop les sorties non plus, j'ai pas énormément de vie sociale, y'a rien de plus que je hais au monde à part les boîtes de nuit … Mais bon, dés mon premier Prix Nobel, je me suis promis que j'aurai de nouveau des amis. » La dernière phrase était purement humoristique, évidemment ! Et là, forcément, il allait se demander ce qu'une nana peut bien foutre dans une émission comme celle-là. Et finalement, en tant que mon partenaire, il le savait mieux que personne, il était même le seul à savoir. Peut-être seulement qu'il ne se doutait pas que je fuyais mes problèmes, comme une lâche.