Aujourd’hui : premier jour de toute la saison où j’avais presque oublié de faire ma petite prière. Seulement, comme le redoux se faisait sentir, je ne voulais pas le faire dans la chapelle et en profitait pour aller aux falaises. Il était déjà relativement tard et c’est pourquoi j’apportai avec moi une lampe de poche, on ne voyait plus rien. Je m’installai sur un rocher et fermai les yeux pour commencer ma prière journalière. Quand j’eus finis je rouvris les yeux et vis Winifred juste devant moi « Doux Jésus ! » criais-je, surprise. « Ne fais plus ça hein… Stp… » Dis-je en faisant la moue. La jeune femme, qui était ma partenaire (enfin sauf cette semaine) était de nature taquine si j’avais bien compris. Elle pouvait le faire autant qu’elle voulait, taquiner les gens, même moi, mais là elle m’avait fichu la trouille surtout qu’elle avait la lumière de la lampe de poche juste en dessous d’elle.

J'étais dans la cuisine, initialement, et cette pièce était d'un ennui complètement frustrant. Il ne se passait jamais rien ici, au moins pas quand je me tenais dans les lieux et j'en étais sidérée. Je n'avais pas mangé ce soir et ma faim n'avait tout de même pas vu bon de se montrer. Mais, histoire de dire que j'avais quand même quelque chose dans l'organisme, je me préparais un chocolat chaud. Le truc con, c'est qu'en fait je n'aimais pas ça. Je n'aimais pas le lait en général, sous n'importe laquelle de ses formes, je détestais ça. Mais bref, ce soir je voulais en boire un. Ou me forcer à en boire. Faut être tordu pour vouloir s'obliger à boire un truc qu'on pourrait rejeter en trois secondes de temps, je veux bien l'admettre, mais bon. Ma tasse prête, j'enfilais un pauvre gilet, attrapais ma tasse entre mes mains et sortais. L'odeur du lait me remontait douloureusement au nez tandis que j'avançais ici et là sans trop savoir où je me rendais, finalement. C'est en passant près d'une lueur jaune, projetée je l'imagine d'une lampe, que mon esprit m'indiquait le chemin à suivre. Et silencieusement, je me retrouvais face à Zhara, ma partenaire. Je me demandais bien ce qu'elle foutait ici, mais je me taisais et me contentais de l'observer. La réaction qu'elle adopta d'ailleurs en relevant le nez dans ma direction me fit rire, bien qu'elle n'avait apparemment pas pris la chose sur le même ton. « Au contraire, j'ai trouvé ça fort amusant. J'avais presque l'impression que tu étais en train d'implorer ma pitié, une connerie de ce genre. Ou même que tu m'adressais ta prière. Ca me plaît d'être une icône, dans tous les cas. » Mimant ainsi la jeune candidate, je me posais sur un rocher, sirotant un peu du contenu de ma tasse. C'est fou ce que j'avais l'impression que l'on m'arrachait le palais à chacun des gorgées qui finissaient par s'enfoncer à travers mon oesophage. « J'ai le droit de me la jouer curieuse, genre, pourquoi tu pries, tout ça ? » demandais-je. Je sais pas, je trouvais ça curieux les gens croyants. Ne pouvaient-ils pas simplement se contenter d'eux-même au lieu de se penser surpasser par un homme dont jamais personne n'aura une quelconque preuve d'existence ?

« Au contraire, j'ai trouvé ça fort amusant. J'avais presque l'impression que tu étais en train d'implorer ma pitié, une connerie de ce genre. Ou même que tu m'adressais ta prière. Ca me plaît d'être une icône, dans tous les cas. » je ne pus m’empêcher de lâcher un petit rire en l’imaginant dans la tenue du christ avec un couronne d’épines et l’air implorant vers le ciel. « Je t’imagine très bien dans le rôle ! » avouais-je en riant franchement cette fois. La jeune femme s’installa alors également sur un rocher et se mit à siroter son breuvage, qu’elle semblait ne pas aimer d’ailleurs, je fronçai les sourcils « Tu fais une drôle de tête en buvant ce truc, je sais pas si t’es au courant mais en tant que partenaire je me dois de te le dire. » dis-je en souriant à moitié, amusée. « J'ai le droit de me la jouer curieuse, genre, pourquoi tu pries, tout ça ? » je hochai doucement la tête de haut en bas. « Oui, c’est tout à fait légitime de vouloir savoir de la part d’une hérétique… » Dis-je en lui lançant un regard de coté avant de sourire, amusé. Ok elle ne comprendrait surement pas ce qu’il y avait de fun la dedans, blague de religieux bonsoir. « En fait, c’est un peu comme si je te demandais… Pourquoi tu respires mais pas… aussi poussé je veux dire tu me répondrais ‘pour vivre’ alors que moi c’est pas tout à fait pour ça… Je pense qu’il n’y a pas de mots. » dis-je simplement.