Première fois que j'étais réellement en danger dans le jeu. Si j'avais peur ? Affreusement, et d'autant plus que je me retrouvais face à la plupart de mes proches. Tout allait se jouer ce soir, je le savais, et oui, j'avais affreusement peur. Micah annonçait les numéros alors que j'entrais dans la pièce, une moue au visage, ne sachant trop où m'asseoir. J'avais choisi de revêtir un ensemble que j'estimais plutôt classe, bien que légèrement dépassé pour mon age. Jamais vous ne verriez quelqu'un d'autre que moi porter ce genre de pull ici, haha. Gabrielle, Moore, Jackson, Elvis, Syssoi, Sixtine, Artie, Winifred, j'avais réellement peur qu'un d'entre eux ne quitte le jeu. Mais après tout je ne maîtrisais rien, si nous n'avions pas perdu le jeu la semaine passée, nous n'en serions pas là. Je redoutais ce prime encore plus que n'importe lequel auparavant. A vrai dire, je n'osais même pas dire un mot, me contentant de patienter, tranquillement, à ma place. Tous les candidats entraient un par un, je les suivais donc du regard, se plaçant ici et là dans la grande pièce.

Il était aux environs de dix neuf heures trente et Jackson avait comme l'impression qu'il devait se rendre quelque part. Oui, mais où ? Attendez, puisque nous étions dimanche, il fallait supposer qu'un prime avait lieu ce soir et donc qu'en toute logique, Jackson se devait de rejoindre le plateau du prime le plus rapidement possible. Et c'est donc ce qu'il fit, quoi que pas si rapidement que ça non plus. De toute manière, qu'il débarque là bas à dix neuf heures trente-deux ou à dix neuf heures trente-trois, ça ne changerait pas grand chose. Finalement, lorsqu'il arriva sur le plateau, il balaya du regard tout ce qui se trouvait autour de lui. Un peu comme si il prenait en photo l'endroit avec ses yeux. Parce que Jackson avait passé la semaine à se préparer à son départ. Pour lui, il était évident que ce prime serait son dernier, et il semblait plutôt bien le vivre. Sans doute cela serait-il plus aisé à supporter que le départ de personnes qu'il "appréciait". Oui, sans doute. Après quelques instants, le grand blond partit finalement s'assoir dans un coin, comme à son habitude. Si ce prime devait effectivement être son dernier, il espérait au moins que celui-ci ne l'endormirait pas.

Ce soir, c’est peut-être le dernier. Cette pensée me rend toute chose, je suis toute molle et un peu fébrile, si bien que je manque à deux reprises de me planter le crayon noir dans l’œil, et que je me coince une bout de robe dans la fermeture éclair. J’ai décidé de m’habiller un peu coquettement pour l’occasion, histoire de laisser une dernière image positive en cas de départ. J’achève ma tenue avec un gros collier qui pend dans mon décolleté quasiment inexistant, me dirigeant vers le plateau. Pas mal de candidats sont déjà présents, aussi j’hésite quelques secondes avant de prendre place à côté de mon ancien partenaire, comme au bon vieux temps. Je l’entends complimenter Lhoas sur sa tenue vestimentaire, comme d’hab. Il n’en manque pas une le coco. « Toujours aussi railleur mon petit Milan. Il faut se méfier des lutins tu sais, ils sont fourbes. » Et pour cause, le lutin le menace, mais de quoi au juste ? Est-ce qu’il ne vient pas de suggérer qu’il lui aurait sauté dessus là ? Parce que se faire traiter de troll ça l’excite au Lhoas ? Bizarre. Soit j’ai mal compris, soit j’ai loupé un épisode. Je ne manque pas de lancer un air interrogateur à mon ancien partenaire, le poussant d’un coup d’épaule taquin genre ‘‘ouuh le bourreau des cœurs’’, reportant mon attention sur Connor que j’observe brièvement. Pas trop longtemps non plus, faudrait pas qu’il me surprenne encore, avec ses petits yeux qui voient tout. Je dérive alors vers Oona, et je la gratifie d’un sourire d’encouragement, attendant que Cupicon fasse son intervention. Et voilà que, comme lisant dans mes pensées, le téléphone sonne et que Milan me coiffe au poteau.

Huitième ? Neuvième ? Elle ne savait plus trop, elle avait perdu le compte. Les jours passaient, les semaines passaient. Mais sa notion du temps était plus altérée que jamais. La seule indication qu'elle avait, c'était bien cette soirée qui avait lieu chaque dimanche soir. Le prime. Cela uniquement lui rappelait quel jour de la semaine il était. Et c'était désolant, mais elle était tellement habituée à l'agacement constant que provoquait les candidats chez toute personne croisant leur route qu'elle réussissait à aller sur le prime afin d'y participer – pour le peu qu'elle y participait, à vrai dire – sans réellement ciller. Ouais, maintenant, elle réussissait à les supporter. Puisqu'elle n'en avait plus rien à foutre de leur présence. Oui, à ce point-là. Ils n'arrivaient même plus à l'agacer. Tss. Bande de nases. Elle s'était lassée de leur côté casse-couille, en fait. Passons. Habillée, comme d'ordinaire, simplement, c'est arborant un jean bordeaux, un tee-shirt gris et des talons qui rendaient encore plus vertigineuses ses longues jambes qu'elle foula le sol de la salle. Nonchalante, elle alla s'asseoir distraitement sur le canapé. La suite ? Ouais. Bof. Éventuellement elle l'attendait, mais bon, elle n'était pas non plus excitée comme une puce à l'idée de savoir ce que l'ange de l'amour allait leur réserver. Comment on dit, déjà ? Ah oui. Elle s'en foutait.

Milan, passe le téléphone à la personne la plus proche de toi.

Encore un prime. Un prime auquel je n’aurais jamais du pouvoir assister, et qui, de ce fait, revêt un caractère particulier. Contre toute attente, je ne suis pas récalcitrant à m’y rendre cette fois-ci. Au contraire, j’attends sagement, depuis plusieurs minutes, que ma partenaire daigne sortir de la salle de bain dans laquelle elle se trouve enfermée avec plusieurs autres candidats. Bon, c’est pas que je m’inquiète, mais cette salle de bain commence à jouir d’une réputation particulière. Aussi, assis sur notre lit, triturant les pans de ma veste griffée, j’attends en imaginant toutes sortes de scènes improbables dans ma tête. Probablement que je m’emballe, puisqu’elle ressort prête et pimpante quelques instants plus tard. Habituellement on arrive séparément, mais pas cette fois, je ne me sens pas d’y aller seul, de me poser dans un coin, et d’attendre que ça se passe. Les choses ont changé, j’ai changé. J’ai pas subi une métamorphose, mais à présent j’accepte ce que j'abhorrais hier encore. Je l’observe de pied en cap, et approuve sa tenue d’un signe de tête et d’un sourire en coin. On est assorti, sans vraiment le vouloir, si c’est pas un partenariat parfait, ça. Je me lève, l’attrape par la nuque, et on suit le mouvement, la vague de candidats se dirigeant, rituel du dimanche soir, jusqu’au plateau où nous attendra la sainte trinité. Saint Gay, Saint Bi, Sainte Blonde. En route, rituel oblige, on se grille tous une clope, la dernière cigarette du condamné à mort, des taureaux s’apprêtant à entrer dans l’arène. Moi j’ai plutôt le sentiment d’aller à l’abattoir. Aussi, ma main s’empare de celle de ma partenaire, que je serre, sans même chercher à cacher mon malaise. Des personnes à qui je tiens vont sortir ce soir, peut être moi, sûrement moi, mais aussi deux autres... La populasse est déjà installée, et j’entraine Gaby en direction de Connor. Si j’avais envie d’une chose, ce soir, c’était bien qu’on fasse front ensemble, et pas dispersés comme à notre habitude. Le chacun pour soi, c’est pas ma came. Ça ne l’est plus.

Tirant la langue à Sixtine genre "chut" lorsqu'elle fit une réplique sur ce qu'il avait dit à Lhoas, Milan reporta son attention sur Cupidon et son téléphone de malheur. Le passer à quelqu'un. Bouh. Toujours les trucs nuls. bref, il passa le combiné à Lhoas. « Mon chou c'est pour toi. J'espère que c'est parce que les lutins aussi ont droit à des cadeaux de Noël. »

Contrairement au prime dernier, je n’ai visiblement aucune crainte à avoir vis-à-vis de celui-ci. Je ne suis, en effet, pas en danger et tant mieux. Rien de pire que le stress des nominations. Déjà dans la salle de bain, je me change rapidement pour arborer un look printanier. Je porte pour une fois un jean clair ainsi qu'une chemise bleue par dessus un tee-shirt blanc. Bref, vive le printemps ! Je me pointe donc sur le plateau avec une certaine sérénité. Enfin sérénité c’est un bien grand mot. Tout peut arriver à ce stade du jeu. D’ailleurs à peine ais-je le temps de m’installer auprès des autres candidats sur le canapé que le téléphone rose sonne. Milan décroche. Je sens la mauvaise annonce à plein nez. Pitié qu’il ne me passe pas le combiné. Ouf. Lhoas tiens ! Cela faisait bien longtemps !