Moi j’aime bien ses tatouages, et je trouve totalement normal et légitime d’ajouter les miens sur sa peau. Parce que, clairement, du cyrillique sur son corps, c’est forcément ma marque, hein, ça risque pas d’être celle de quelqu’un d’autre. Et contrairement à ce qu’elle prétend, y a encore pleeeeeein de place. Trop peut être. J’aurais pas assez de toute une vie pour la noircir de ma plume. Pourtant, je m’y efforce, ajoutant «bonheur» et «je suis française» sur sa cuisse. J’ai déjà un avant-bras et une cuisse de marqués, et il me reste... bah, tout le reste en fait. Alors je poursuis, lui demandant ce qu’elle souhaite pour la suite. Elle en profite pour critiquer ma langue, je ne relève pas. A mes yeux, c’est la plus belle langue du monde, sensuelle et chaude, bien plus que toutes les langues latines qui se veulent chantantes. Nous, dans notre langue, on met toutes la force de ces émotions nées dans le froid et les grands espaces. C’est fort, c’est chaud, c’est puissant, c’est hurlant, c’est ancestral, c’est... Moi. Elle me demande le mot Pompier, et je relève la tête en lui offrant un regard perplexe. Pompier ? Sérieusement ? Et pourquoi pas camion, voiture, et boîte aux lettres ? Bon, je vais lui obéir quand même, comme d’habitude en fait, je suis très obéissant dès qu’il s’agit de Gabrielle, bizarrement. Mais elle m’interrompt avant même que je me lance, voulant connaître “danseur” d’abord. Très bien. J’opte pour son mollet, cette fois, je trouve que ça va bien avec le mot, et j’inscris “танцор” sur sa peau lisse. « Ca se prononce “tantsor”, c’est pas vraiment très compliqué, tu vois ? » Je souffle pour faire sécher l’encre, puis me fais glisser sur le transat, pour me rapprocher encore d’elle, et atteindre son épaule droite. Là, juste sous la clavicule, j’inscris “пожарный”. « Pompier. C’est un peu plus difficile de prononciation. Ça s’écrit pozharnyĭ... Mais ça se prononce un peu comme...» Je réfléchis un instant, levant les yeux vers le plafond, avant de reprendre... « Paojarni... Répète pour voir ? Dis, je suis pompier... ia pozharnyĭ. » Je patiente tout en inscrivant un nouveau mot, juste sous sa clavicule gauche, au-dessus de son sein. Je m’applique encore une fois, et bientôt on peut lire “любовь”. J’observe mon art, puis satisfait, je relève le nez. « Mots suivants ? » Je suis d’attaque, là.

La rouquine observe silencieusement ses nouveaux tatouages éphémères, elle passe son doigt sur le nom de Syssoï inscrit sur son poignet, ça a séché, aucune bavure, elle le contemple avant de concentrer sur son partenaire qui semble vouloir la transformer en dictionnaire géant. Syssoi s'approprit son mollet, en écrivant dessus le mot danseur. Elle le répète silencieusement, bougeant les lèvres, mais aucun son ne sortait. Le russe s'était compliqué, elle trouvait que les consonnances étaient assez étranges. Il s'approche d'elle, s'occupant du cas de son épaule, et ne tarde pas à faire glisser la pointe du feutre contre sa peau. « Pompier. C’est un peu plus difficile de prononciation. Ça s’écrit pozharnyĭ... Mais ça se prononce un peu comme... » Complexe. Elle s'embrouille déjà pour la prononciation. « Paojarni... Répète pour voir ? Dis, je suis pompier... ia pozharnyĭ. » La rousse prend une inspiration, et comme le ridicule ne tuait pas, elle se prêtait à l'exercice. « ...Ia Pozhar ... harnyi. » répète difficilement une première fois. « Ia pozharnyĭ. » finit t-elle par dire correctement. Pendant ce temps, elle avait avait senti le feutre s'activer contre sa peau, près de sa clavicule. « Mots suivants ? » Gabrielle dégage une mèche qui lui obstrue le visage. « J'ai pas le droit à une traduction cette fois ... ? » lui demande t-elle en branquant ses prunelles bleues sur lui. Bah oui, elle attendait qu'il lui apprenne le russe, elle voulait connaître ce qu'il lui écrivait. « Ca veut dire quoi exactement? » finit-elle par lui dire. La rousse s'empare du feutre. « Attends, il faut que je m'entraine. » répond t-elle. D'une main experte, elle fait glisser toute la longue chevelure sur l'une de ses épaules, pour ne pas la gêner. Elle trace une première lettre 'C' sur le torse de Syssoï, et relève les yeux pour avoir son approbation. Il ne répond rien, elle retourne à son activité, et finit de tracer le prénom de Syssoï, en grandes lettres. « Сисой » Elle recule de quelques centimètres pour mieux voir ce qu'elle a écrit.

Sa prononciation n’est pas mal du tout... pour une novice. Sachant que même moi je galère par moment, avec cette pointe d’accent français dont, paraît-il, je ne parviendrais jamais à me débarrasser, malgré mon apprentissage assidue de la langue, et ce depuis toujours. Ça fait chier, un peu, mais il paraît que c’est tellement léger que ça ne fait qu’ajouter un petit plus. Je l’écoute hésiter, tenter, s’arrêter, recommencer, et finalement se lancer, et sans déconner, c’est vraiment pas mal du tout. Je la gratifie même d’un sourire d’encouragement. Finalement, ça semble pas si difficile que ça, le russe. J’enchaine, ou plutôt, je lui demande d’enchainer. Sauf qu’elle en décide autrement, et m’interroge sur ce que je viens d’écrire au-dessus de son sein. Elle demande si elle a le droit à une traduction. « Non, pas cette fois. » Je lui réponds en cherchant une nouvelle zone à parasiter de mon écriture. Mais elle insiste, voulant réellement connaître la signification du mot. Je lui offre un sourire entendu, avant de me faire arracher le feutre des mains. Elle n’a pas vraiment besoin de moi pour cette traduction. Du coup, en guise de représailles, peut être, elle décide, à son tour, de me marquer le corps. Pour s’entrainer, prétend-elle. Je la laisse faire, et lorsqu’elle lève un regard interrogatif après avoir déjà tracé la première lettre, j’ai presque envie de rire. Puisqu’elle a commencé, je ne vais pas l’arrêter maintenant, n’est-ce pas ? Je me redresse légèrement, histoire de lui faciliter le travail, et je baisse la tête pour voir ce qu’elle fabrique. Même à l’envers, je reconnais mon prénom qu’elle trace avec application. Je vais pas avoir l’air con, c’est bien... « C’est pour quand j’oublie comment je m’appelle, ou bien quand je me perds pour qu’on puisse me rapporter à mon propriétaire ? » ma voix se fait moqueuse, alors qu’elle se recule pour observer son oeuvre. Je finis par m’allonger sur le transat, histoire de lui faciliter encore plus les choses, allant même jusqu’à lui tendre le bras pour lui indiquer la prochaine zone à occuper. Et pendant qu’elle se charge d’écrire absolument ce qu’elle voudra, je l’interroge, parce que finalement, je ne connais presque rien de sa vie. « Comment se fait-il que tu parles portugais, au fait ? C’est lié à tes origines ? » Je tourne la tête et le regard vers elle, glissant mon bras libre sous ma nuque, en le repliant.

Il ne lui donne pas de réponse, enfin, pas de réponse orale, bref, la rouquine n'insiste pas plus que cela, et laisse passer pour cette fois, cela ne sert à rien de savoir. Il se contente de lui sourire, tout simplement. « C’est pour quand j’oublie comment je m’appelle, ou bien quand je me perds pour qu’on puisse me rapporter à mon propriétaire ? » La jolie rousse se marre, levant les yeux au ciel, c'est qu'il était d'hmeur taquine aujourd'hui. « Personnellement je pencherai plutôt pour la deuxième option, te ramener à celui, ou celle, à qui tu appartiens, mais bon, ce n'est que mon avis tu sais. » répond t-elle en vrillant ses prunelles aux siennes, un léger sourire au bout des lèvres. Il s'allonge sur le transat, et lui tend son bras, très bien, puisse ce qu'il en était ainsi. « Comment se fait-il que tu parles portugais, au fait ? C’est lié à tes origines ? » Ha ha, elle laisse involontairement un moment de suspense, puisse qu'elle cherche ce qu'elle va pouvoir écrire sur le bras de son partenaire. Ah merde, c'est quoi la question déjà ? Ah oui, oui, la langue, le portuguais. « Non pas du tout. » commence t-elle parce que Gabrielle était tout ce qu'il y avait de plus française, même dans ses origines. La rousse n'était liée qu'à la France. « Non, j'ai appris le portuguais pendant des longs séjours au Brésil. C'est simple, quand j'en ai marre, et que j'ai besoin d'espace, je pars là-bas. » annonce t-elle avant de poser la pointe de son feutre sur le bras de Syssoi, sans savoir réellement quoi écirire, ni dessiner. « C'est comme ma maison. » ajoute t-elle finalement un sourire aux lèvres. Parce que plusieurs fois, elle avait été tenté de ne pas revenir en France, mais elle était toujours revenue chez elle, pour ses proches principalement. Sinon, elle serait déjà loin. Bien loin. Finalement la rousse dessine un petit mouton, parce que ça lui rappelle la toute première fois où elle lui a parlé. Un mouton. Voilà ce qui les avait lié au début, un simple mouton.

La deuxième option, évidemment, j’aurais du m’en douter. Et cette simple affirmation fait naître un sourire réellement amusé sur mes lèvres. Je n’ajoute rien, ce n’est pas nécessaire, elle sait déjà ce qu’il en est. Je me contente de m’allonger et de lui tendre le bras, afin qu’elle s’applique à y écrire quelque chose, n’importe quoi, mais continue de faire ce qu’elle est entrain de faire. Je vais même jusqu’à fermer les yeux en sentant la pointe du stylo effleurer mon bras. J’dois être bizarre, mais je trouve ça relaxant. J’en profite pour lui poser une question à laquelle elle ne répond pas tout de suite. Quoi ? La réponse est si compliquée que ça ? Finalement, elle se lance, m’informant que non, son habilité au parlé portugais ne lui vient pas de ses origines. C’est bien ce qu’il me semblait, mais je préfère en obtenir la confirmation. Elle me parle de ses voyages au Brésil, de son besoin d’évasion et d’espace qui ne trouve satisfaction que là-bas. C’est sa maison, dit-elle. « Faudra y aller aussi, alors. » Je lui dis, les yeux toujours clos. Si je lui fais visiter ma maison, elle doit me faire visiter la sienne, c’est dans la logique des choses, à mon sens. Je n’ajoute rien d’autre, je me concentre sur la pointe du feutre qui glisse enfin sur ma peau. Sauf que j’ai beau tenté de visualiser le dessin dans ma tête, à mesure qu’elle le trace, je ne parviens absolument pas à le faire coïncider avec un quelconque mot en cyrillique, ou pas en cyrillique, d’ailleurs. Alors, j’ouvre un oeil, oui juste un, et le jette sur mon bras. J’ai un mouton tatoué sur le biceps... Ça se passe de commentaire... C’est super... viril. Y a pas à dire. Je souris tout de même comme un con, juste parce que j’en connais la signification. De toute manière, le manque de virilité du tatouage éphémère est largement compensé par mon incroyable corps, n’est-ce pas ? Cette pensée me fait sourire un peu plus de ma propre connerie, avant que je ne relève les yeux vers elle, et reprenne mon sérieux. « Lolochka. » Je lui glisse en désignant le dessin d’un mouvement de menton. Mon bras s’étire un peu plus, afin que ma main puisse aller se poser dans le bas de son dos, et y décrire quelques cercles approximatifs du bout des doigts. « C’est le nom du mouton dans un conte pour enfants. Du coup, tout le monde dit Lolochka pour dire mouton. Ça veut dire “doudou” aussi, puisque le lolochka est souvent reproduit en crochet pour servir de doudou aux enfants. » J’esquisse un sourire triste aux souvenirs qui affluent un peu trop rapidement dans mon crâne, puis pousse un soupir censé chasser tout ça. « Bon... Tu veux encore faire mumuse, ou bien je fais disparaitre tout ça ? » Je finis par lui demander, changeant radicalement de conversation, en désignant, son corps noirci de mon écriture, d’un index tendu. J’ai une idée très particulière pour rendre son blanc immaculé à sa peau. Tentée ?

« Faudra y aller aussi, alors. » Hm pourquoi pas. Elle étudierait cette proposition avec une certaine attention, mais au fond, elle était sûre qu'au fond, elle finirait par l'y emmener. S'il l'amenait en Russie, elle l'emmenerait au Brésil. « Oui, un jour, on ira. » confirma t-elle en hochant doucement la tête. Elle s'est bien appliquée pour lui dessiner son monton, bon, certes, il n'est pas réaliste, mais ça reste son mouton. Il ressemble trait pour trait à son tout premier mouton, la même taille, et tout le reste. « Lolochka. » La main de Syssoï arrive au niveau de son dos, elle continue à l'écouter. Cela voulait dire mouton, elle écrit donc le mot mouton en dessus de son dessin, comme une légende, elle l'écrit en français, russe, et portuguais. Les langues qui lui semblent importantes, pour elle et pour Syssoï. « Bon... Tu veux encore faire mumuse, ou bien je fais disparaitre tout ça ? » Hein ? Elle est légèrement perturbée par ce changement brutal de conversation, mais l'information ne met qu'une seconde supplémentaire à arriver à son cerveau, elle comprend assez rapidement. Sa bouche s'entrouve, formant un 'o' parfait, et outré. Puis elle jète un regard craintif vers l'eau, non, ça ne lui pas du tout envie. La rouquine ne veut pas finir à l'eau, ça ne lui inspirait pas vraiment. Elle jete un regard à Syssoï, puis vers l'eau, et fait quelques alles et retour ainsi, non, elle ne veut pas. Il ne peut pas lui faire ça. La rouquine lui lance un regard suppliant. Elle blottit sa tête contre son épaule, et ses petits bras s'agrippaient au niveau de son cou. On aurait dit un chaton qui ne voulait pas être lâché dans l'eau. Elle n'a plus qu'à sortir les griffes, et elle est parfaite dans le rôle. « Pas ça s'il te plait, j'irai prendre une douche, c'est plus simple. » tente t-elle d'argumenter de sa voix douce, son front est appuyé contre son épaule, et son visage est cachée par son épaisse crinière flamboyante. Elle était tellement agrippée à lui qu'elle se disait que si elle tombait, il la suivait dans sa chute, c'était son lot de consolation.

Non mais c’est quoi ce regard ? On est à la piscine, autant en profiter, non ? Visiblement, ce n’était pas l’avis de Gabrielle à en croire son regard de chatte échaudée et son expression de stupeur. Je ne vois pas trop où se situe le problème, mais puisqu’il n’est pas dans mes habitudes de torturer volontairement les gens et encore moins la rouquine, on va éviter d’aller nager, alors. Je m’apprête à le lui dire, lorsqu’elle se jette sur moi, enroulant ses bras autour de mon cou, me faisant frôler l’asphyxie en serrant de toutes ses forces, tandis que son visage échoue contre mon épaule. Elle insiste, suppliante, me promettant qu’elle ira prendre une douche, me reléguant au rôle du père autoritaire punissant son enfant pour manque d’hygiène ou autre. Je lâche un rire. C’est plus fort que moi, la pauvre semble si désespérée que cette situation - pour si peu- me tire un rire qui n’a rien de moqueur. Mes bras s’enroulent autour d’elle, protecteurs et rassurants. « Ok, ok, du calme, petite chose, on ira pas à l’eau si tu ne veux pas aller à l’eau... » Est-ce que je l’ai déjà forcé a faire quelque chose qu’elle ne souhaitait pas faire ? « Sinon... Tu peux aussi garder tout ça à vie. » j’ajoute, un peu moqueur, il faut bien le dire, en laissant mon index courir sur l’une des écritures. Ce ne serait pas pour me déranger, à condition qu’elle me laisse me débarrasser au moins du mouton. Mes avant-bras glissent sous les fesses de la belle, tandis que je me relève, facilitant, de ce fait, son transport. Parce que oui, j’ai décidé que le jeu était terminé, alors on a plus aucune raison de rester sur ce transat. Je la sens paniquer à nouveau, alors je la rassure immédiatement, histoire qu’elle ne s’imagine pas que je m’apprête à la jeter à la flotte, ce qui, en soi, est assez insultant en fait. « On va juste à la douche, puisque tu préfères. » Ce transport n’étonnera plus personne, Gabrielle est depuis longtemps assimilée à un petit singe que je trimballe sur mon dos ou autre, en permanence. J’sais même pas pourquoi. Toujours est-il, qu’encore une fois, c’est en la portant contre moi, que je quitte la piscine, laissant esther et elvis, derrière nous, patauger dans la flotte.

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