S’il se souciait du futur de sa dulcinée, c’était tout simplement parce qu’il le fallait. Elle reposait principalement sur l’argent offert à la fin du jeu qu’elle avait carrément oublier de produire un plan B comme compensation à une élimination qu’elle n’avait pas vu venir, malheureusement. « Oona est une excellente danseuse. » Artie porta un instant son attention vers lui, quittant des yeux la table de jeu. Il faut dire que Syssoï arriva à cet instant à attirer son attention, mais ce n’était pas tout, il semblait avoir beaucoup à dire. Syssoï était du genre franc donc tout ce qu’il allait débiter ici allait être direct, car beaucoup aurait loué ses performances juste pour ces beaux yeux, ou celle de la jeune irlandaise, et pour ''jeune'', il le pensait vraiment, jusqu'a ce qu'il entende ''ça''. Il l’écoute attentivement, ne lâchant aucune bride, essayant de stocké le plus d’informations possibles, car dans le domaine de la danse, il craignait et un gramme de connaissance n’allait pas lui faire de mal. Il se sentirait moins con lorsqu’il lui parlera de son domaine, à elle. « Maintenant, si tu veux savoir si elle pourrait intégrer un corps de ballet prestigieux du style Opéra de Paris, la réponse est non, malheureusement. » Voilà. C’était ce qu’il redoutait. Savoir qu’elle ne pourrait pas briller dans un style plus prestigieux, apparemment le même que celui de Syssoï. Il pose son pion et poursuit. « Pour entrer dans ces corps de ballet, il faut passer un concours à l’âge de 11 ou 12 ans, comme moi. C’est triste à dire, mais quelque part, Oona est trop vieille, déjà. » Trop vieille ? Elle semble plutôt jeune, mais à priori, elle avait dû rater la chance de passer une sorte de test qui lui donnait l’accès à une nouvelle branche, encore plus prestigieuse. Une chance qu’on ne pouvait plus avoir ? C’est quoi cette pratique alors ? Le camping-car le projette alors vers la réalité et les possibilités qui lui sont offertes. Des bonnes, ou des mauvaises ? Excusez le mais il n’a pas assez gobé le lexique pour comprendre « Comment ça, des bonnes ou des mauvaises ? » Y’avait il du moche dans la danse ? Il ne se l’imaginait pas vraiment, il ne comprit même pas en quoi « mauvais » ferrait-il allusion… « Sinon je te remercie, elle aura vraiment besoin de ton aide. Je peux compter sur toi ? » S’il y’avait bien quelqu’un pour la conseillé, c’était bien lui. Il se sentirait du coup plus à l’aise car elle sera surement entre de bonnes mains. « C'est que... Si elle reste assez longtemps avec moi, j’ai peur qu’elle oublie… Je veux dire… Sa danse ! » Il soulève gracieusement son cavalier et le porte dans la même case que celle du pion. D4. Il libère la case d’un geste simple cherchant à faire tomber le pion pour le recueillir et le poser du côté des Black stars. Et hop, un esclave blanc du coup !

« Comment ça, des bonnes ou des mauvaises ? » Sa question me fait relever les yeux vers lui. Il imagine quoi ? Que le milieu de la danse est épargné de tout escrocs et crétins en tout genre ? Non, bien au contraire, comme partout, il y a du bon et du mauvais dans la danse. Les propositions sont souvent stupides, rarement intéressantes, surtout qu’il ne faut pas oublier d’où l’on vient. « Comme partout... » Je finis par répondre. « On sort d’une télé-réalité, alors il y a fort à parier que certains producteurs cupides auront pour ambition de surfer sur sa notoriété toute neuve et lui feront des propositions alléchantes niveau financier, mais peu glorieuses niveau image de marque. Une danseuse classique a le devoir de rester irréprochable, d’honorer une certaine aura de prestige froid et distant, si Oona se retrouve à faire un tableau particulier dans un cabaret type Lido ou autre, même en étant totalement vêtue et en dansant sur un air de Chostakovitch, elle sera assimilée, à jamais, au cabaret, et ne pourra plus être crédible dans le milieu élitiste du classique. Elle doit absolument rester irréprochable... Et en ça, je peux l’aider. » Oui, parce que je connais les bonnes personnes et je possède une expérience certaine qui me permet de repérer les évènements qui font décoller une carrière de ceux qui la font stagner ou la ruine définitivement. On est formé à ça, à l’Opéra, parce qu’après, lorsqu’on sera trop vieillissant, moins attractif que la dernière recrue en date, il nous faudra bien, comme les autres, nous reconvertir, et danser ailleurs et autrement pour poursuivre notre art. « Sinon je te remercie, elle aura vraiment besoin de ton aide. Je peux compter sur toi ? » N’est-ce pas justement ce que je viens de proposer ? J’hoche la tête dans un sourire. « Je connais quelques personnes qui seraient ravis de la faire danser... Je pense notamment à un gala prestigieux qui se produit une fois par an à Paris et à Tokyo. Richard me sollicite chaque année pour que j’y participe, mais ça fonctionne par couple, et je n’avais pas encore trouvé, jusque là, ma partenaire féminine. » Sous-entendu que maintenant, c’est fait. Pourtant j’ai dansé avec de nombreuses étoiles, que j’ai toute dénigré et dédaigné. Avec Oona, ce fut différent, j’ai pris plaisir à danser avec elle, plus qu’en dansant seul. Ce qui, en soi, est un véritable petit exploit. « C'est que... Si elle reste assez longtemps avec moi, j’ai peur qu’elle oublie… Je veux dire… Sa danse ! » Je ne comprends pas tout de suite, tant sa réflexion me surprend. J’hasarde un regard perplexe sur lui, puis réalise que sa crainte est réelle. « Aucun risque. » Je le rassure immédiatement, mon sourire réapparaissant sur mes lèvres. « La danse elle l’a dans le sang, elle ne pourra jamais l’oublier. Elle l’a mettra de côté pendant un temps si tu le lui demandes, mais... Ne lui demande pas ça. Jamais. » Simple conseil de danseur. Je ne pourrais jamais me passer de la danse, qu’importe qui me le demande, la danse passera toujours avant toute chose. M’empêcher de danser ce serait comme m’interdire de respirer. Je ne pourrais pas survivre. Comme mon pion qui vient de rendre l’âme sur le champ de bataille... So long, my friend ! Pas grave, j’en ai d’autres, et j’avoue totalement être un peu déconnecté de la partie. Hop, A3. « On disait ? »