Autant j’adorais parler de moi, sur mes côtés futiles, autant parler de ma vie personnelle était une autre paire de manches. Je le fis tout de même, sans bouder très longtemps en fait. S’ouvrir n’était pas une mauvaise chose, quand l’on a un but à atteindre. Une idée derrière la tête. Evidemment, je n’étais pas devenue coopérative d’une seconde à l’autre, sans penser à quelque chose en retour. Il voulait en savoir un peu plus sur moi. En deux secondes, et croyez moi si vous le voulez, j’avais résumé toute ma vie. Rien de plus qu’une fille qui ouvre les cuisses et qui a la tête plus pleine qu’on pourrait le croire. « Et après tu dis que tu n'es bonne qu'à une chose. » Je souriais, posant une main sur ma hanche. « Ouai… » C’était un peu la vérité. Sur toute ma compétence, je n’utilisais plus que celle d’ouvrir mes cuisses plus vite que mon ombre. Ma licence de commerce international ne me servait plus vraiment. « On peut être danseuse au Crazy Horse jusqu'à quel âge ? » Je pinçais mes lèvres, réfléchissant si je pouvais ou non lui dire et finalement, je m’approchais légèrement pour lui avouer : « Vingt-six ans. » Je le regardais avec un large sourire, avant de lâcher un rire. « J’ai menti sur mon âge. » Lui répondais-je tout simplement, en haussant les épaules. Effectivement, j’avais commencé à l’âge de vingt-quatre en leur faisant croire que j’en avais vingt, avec des faux papiers. Pour le Crazy, je n’ai que vingt-quatre ans cette année. Après tout, on ne m’a jamais rien dit, c’est qu’ils n’y ont vu que du feu. « Maintenant je crois que je suis foutue ! » Disais-je pour moi-même. À tous les coups, ils me regardent à la télé. Ils ont vu que j’avais vingt-huit ans… raaah. Parant sur le côté, je lui laissais le loisir de me parler de lui. Après tout, ça n’allait pas que dans un sens. En gros, je me foutais un peu de sa vie, mais je le laissais tout de même me la déballer. Peut-être était-il plus intéressant qu’un simple mec que j’aimerais avoir à mon tableau de chasse. Je marchais un peu dans le cellier, croquant dans la tablette de chocolat qui se réchauffait dans ma main. « J'ai 30 ans, j'habite à Dublin. J'ai deux petites sœurs et un frère jumeau. » … *Intéressant* … « J'ai fais mes études supérieures à Oxford, en médecine. J'y ai rencontré ma femme. On s'est marié. Elle est morte. Je me suis engagé dans l'armée. J'ai été blessé, et je suis sans emploi aujourd'hui. J'aime fumer, jouer de la guitare, le foot, le tennis, les sports extrême, la littérature, faire chier la gente féminine en leur posant tout plein de questions... » J’eus un sourire. Mon esprit vogua à travers ses loisirs. Fumer/le foot. Nous avions au moins deux points en commun. J’étais même certaine de lui mettre la pâtée au foot : quatre/cinq ans de pratique, ça sert à quelque chose. Puis finalement mon esprit fit une pause sur sa femme. C’est vrai, il avait été marié et sa femme est… décédée. C’était pour ça, hein, l’erreur. Il ne voulait pas se souiller après elle, avec une fille telle que moi. Alors que je me tenais dos à lui, je pinçais mes lèvres avant de lui demander plus solennellement : « Elle est morte comment ? » J’avais un rapport plutôt spécial à la mort ; autant il en fallait beaucoup pour m’attrister, autant il y avait des failles dans mon personnage. Je croquais dans mon chocolat, restant silencieuse, puis je repris avec une nouvelle question: « T'as reconversion a été difficile? » Je parlais de son arrivée dans l'armée.

« Vingt-six ans. » 26 ans la date limite ? N'y avait il pas un soucis ? A moins qu'elle n'était l'exception ? Mais elle m'apprit très vite sur le ton de la confidence qu'elle avait menti sur son âge pour pouvoir entrer au Crazy Horse. Et bien, c'était du joli. Mais bon, je comprenais qu'on puisse tricher pour ce genre de choses. Après tout, si on faisait quelque chose qu'on aime, normal qu'on voulait que ça dure le plus longtemps possible. J'esquissai un sourire.  « J'avoue, je crois que t'es grillée d'entrée là » Elle pouvait dire adieu à son job ? Je ne savais guère si ils étaient si exigent que ça concernant l'âge. Pas sur qu'ils apprécient cependant qu'elle les ai bernés.  « Et t'as réfléchi à ce que tu comptes faire après ça ? » Il fallait bien penser à l'après. Un peu comme pour les sportifs, une fois leur carrière pro terminée. Se reconvertir. Peut être mettre à profit son diplôme de commerce international ? Bref, place à mon tour de me confier. J'évoquais rapidement ma vie, dans les grandes lignes. Irène s'arrêta sur la partie « veuf ». Comment ma femme était elle décédée ? Pas mon sujet favoris, vous vous en doutez.  « Tuée dans une explosion. Un attentat terroriste. J'étais juste à une centaine de mètres quand c'est arrivé. » J'avais tout vu. Et à 2 minutes près, j'y passais aussi. « T'as reconversion a été difficile? » Que de questions, ça m'étonnait. S'intéressait elle réellement aux réponses ? Ou faisait elle semblant ? Mais bon, je n'allais pas m'en plaindre. J'avais ce que je voulais après tout. Même si je préférais évoquer sa vie, plutôt que la mienne. Elle devait être dans le même cas.  « A la base ce n'était pas vraiment une reconversion. Juste un moyen d'exprimer toute la colère que j'avais en moi. Et obtenir vengeance en quelque sorte. » Rien de bien noble là dedans. Éventuellement me faire tuer au passage aussi, c'était dans mes plans. Qui avaient changés depuis heureusement. « L'armée a redonné un but à ma vie. Ce qui est difficile, c'set de ne plus en faire parti à présent. »

« J'avoue, je crois que t'es grillée d'entrée là » Effectivement, j’étais grillée comme il disait, mais ce n’était pas trop grave en soit. Il ne me restait que deux ans à « tirer » de toute manière. Mais plus stricte que le Crazy Horse, ça ne devait pas exister. Par exemple : la taille minimum doit être de 1m66. Les filles d’1m65 ne peuvent même pas monter sur scène pour participer au casting. « Et t'as réfléchi à ce que tu comptes faire après ça ? » Je balançais mes épaules, dodelinant de la tête. « Je chante. Peut être que quelqu’un voudra bien me produire en sortant d’ici ! » Je lâchais un rire. On peut rêver... […] Ma question était sûrement déplacée. Il ne voulait peut-être pas parler de la mort de sa femme à une fille comme moi. Dans un sens, ça serait compréhensible et il n’était pas obligé de me répondre. Sauf que je n’ai pas vraiment cette notion de bon/mauvais/déplacé/indiscret ou pas. Pour moi, c’est un peu une question comme une autre. À la base je ne suis pas curieuse, mais c’était une manière d’assouvir périodiquement ma toute petite curiosité. « Tuée dans une explosion. Un attentat terroriste. J'étais juste à une centaine de mètres quand c'est arrivé. » Sans m’en rendre compte, la tablette de chocolat venait de me glisser des mains, tandis que je déglutissais. Je ne savais plus où me mettre. « Ah » Je pinçais mes lèvres. La température de la pièce augmenta en un clin d’œil. Je ne m’attendais franchement pas à ça. J’aurai parié – non pas que je parie sur la mort des gens – plutôt sur une maladie ou peut-être un suicide, aussi triste soit ce geste. Mais pas un attentat. Je fermais quelques secondes les yeux. Pourtant ma raison me revint rapidement et je me baissais rapidement pour récupérer le chocolat. Je changeais alors de sujet, enfin presque… Un nouveau sourire étira mes lèvres, balayant cette pauvre histoire. « A la base ce n'était pas vraiment une reconversion. Juste un moyen d'exprimer toute la colère que j'avais en moi. Et obtenir vengeance en quelque sorte. » Ah le défoulement par la violence. À quoi bon… je touchais des doigts l’étagère devant moi, regardant la poussière qui venait de se déposer contre ceux-ci. « L'armée a redonné un but à ma vie. Ce qui est difficile, c'set de ne plus en faire parti à présent. » Je me retournais vers lui, un peu dubitative, alors que je posais le chocolat sur cette fameuse étagère. « Et tu te sens vraiment vengé ? Tu crois que c’est ce qu’elle aurait voulu ? » Je soutenais son regard… mais à quoi je jouais ? Après tout c’est sa vie, je m’en moque doucement. Je roulais un peu des yeux, haussant les épaules. « On peut baiser, maintenant que l’on connait nos CV ? »

« Je chante. Peut être que quelqu’un voudra bien me produire en sortant d’ici ! » Pourquoi pas.  « Je suis d'avis que tu ferais bien d'avoir un plan B » répondis je en souriant. Non pas que je voudrais briser ses rêves hein, mais les chances qu'elle perce dans la musique étaient faibles quand même.  « Tu chantes bien au moins ? » Parce que le nombre de personnes qui se prenaient pour des chanteurs, alors qu'en réalité ils nous cassaient les oreilles... Alors sait on jamais. Chose plutôt surprenante, lorsque je lui appris les circonstances de la mort de ma femme, Irène sembla passablement perturbée, elle en fit même tomber sa plaquette de chocolat. Il est vrai que les gens ne s'attendaient jamais à ce que ça soit aussi...terrible ? Mais venant d'Irène, ça m'étonnait un peu. Évidemment dans ces moments là, les gens ne savaient pas quoi dire. Un simple ah sortit de sa bouche, avant qu'elle ne change rapidement de sujet. Sauf que pas vraiment en fait, puisque le décès de ma femme était intimement lié à mon changement drastique de carrière. Un virage à 180 degrés. « Et tu te sens vraiment vengé ? Tu crois que c’est ce qu’elle aurait voulu ? » Hm elle avait dû mal comprendre ma phrase. Le but que m'avait redonné l'armée, ce n’était pas obtenir vengeance. J’avais finalement dépassé ce stade. « Absolument pas. Mais j'étais dans une phase d'auto-destruction...Je me suis égaré durant plusieurs mois...mais j'ai finalement canalisé ce surplus de rage et de colère pour le mettre à bon escient, et servir au mieux mon pays » Et puis là, Irène sortit une phrase... « On peut baiser, maintenant que l’on connaît nos CV ? » Soupire. On passe d’un sujet sérieux, à ça… Ça devenait trop pour elle, alors revenons à ce qu'elle savait faire de mieux ? Pour être honnête, ça m’étonnait qu’elle n’ai pas fait de tentatives plus tôt. Y avait un peu de progrès par rapport à notre dernière rencontre.  « Et t'as une lettre de motivation ? Il faut que j'examine minutieusement ta candidature avant, tu sais. » Mais qu’est ce que je racontais moi ? Enfin…elle aura compris que la réponse était non. Qu’elle change de cible, c’était peine perdue.

Sérieusement. Exit les petites midinettes de vingt ans où les Lady Gaga ; j’étais la star de demain. Non sérieusement, je n’avais encore jamais chanté devant quelqu’un et s’il cherchait à me le faire faire, il pouvait aller directement se faire foutre du côté de chez Andreas. Il m’arrivait, oui, d’être « pudique » pour quelque chose, effectivement. Pour certain, c’est au niveau du cul. Pour moi, c’est au niveau du chant. C’est comme ça… on est tous différent. Pourtant, comme tout le monde, j’étais munie d’un cœur. La mort de quelqu’un ne me touchait pas moins qu’un autre. Savoir qu’il s’agissait de la femme de Keelan m’importait peu. Savoir qu’elle avait péri dans un attentat était plus tragique. Voir la vie d’un être cher s’arrêter d’une seconde à l’autre, sans avoir le temps de s’en rendre compte. Tout ça pour quoi en plus ? C’est vrai que j’étais loin de m’imaginer qu’un attentat avait pu détruire en quelques sortes sa vie. Loin de moi l’idée de vouloir lui adresser une parole gentille, je savais que je n’en étais pas capable de toute manière. Pas par manque de gentillesse… Heureusement pour moi, je repris rapidement mes esprits. Heureusement aussi que je me trouvais dos à lui : là honte s’il avait vu ma soudaine expression faciale – un peu troublée – que personne ne connaissait ici. Ouai et puis, je ne savais même pas pourquoi je m’emportais sur son engagement dans l’armée. Après tout, il faisait ce qu’il voulait. « Absolument pas. Mais j'étais dans une phase d'auto-destruction...Je me suis égaré durant plusieurs mois...mais j'ai finalement canalisé ce surplus de rage et de colère pour le mettre à bon escient, et servir au mieux mon pays » Je l’écoutais, silencieusement, mes lèvres pincées. Mon Dieu, si je peux dire ça, la conversation devenait trop glauque, trop sérieuse à mon goût. Evidemment que je devais dire autre chose. Faire dévier la conversation. Non pas que sa vie n’était pas passionnante et que la mort de sa femme n’était pas horrible. Je n’aimais simplement pas la tournure des choses : c’était plus fort que moi. Il peut soupirer et se plaindre tant qu’il le voulait, je me lâchais à nouveau, sans plus cacher mon jeu. « Et t'as une lettre de motivation ? Il faut que j'examine minutieusement ta candidature avant, tu sais. » Sa réflexion me fit rire sur le coup. Puis sourire largement. Mes mains longèrent mon corps, de mon cou à mes hanches, sur lesquelles mes mains se posèrent. « C’est ça ma lettre de motivation… examine la autant que tu veux ! » Je suis peut être un peu trop penchée sur la chose, mais il me tendait des perches. Et puis ce n’est pas comme si je ne lui plaisais pas, même si ce n’est que physiquement. Et puis, je lui ai prouvé que je n’étais pas qu’une blonde avec un pois chiche dans la tête (à moins que ce pois chiche soit vraiment super puissant). Je pouvais même le séduire en portugais s’il le souhaitait ou si ça l’excitait…

Irène ne répondit rien lorsque je lui demandais si elle était bonne chanceuse. D'accord, j'avais compris, ce n'était pas demain la veille que j'allais assister à un petit show de sa part. Ça la foutait mal quand même, une chanteuse qui ne chantait pas non ? Dans un petit coin de ma tête, je me mis en idée d'entendre sa douce voix chanter un jour, oui oui oui. Surement possible. Puis je lui parlais de ma femme, de ma carrière militaire...A la base, c'était elle que je voulais connaître ! Ce n'était pas dans mes plans que je parle ainsi de ma propre vie. Peut être était ce sa stratégie. Elle me posait pleins de questions, pour qu'on évide d'évoquer plus amplement son cas. Quoi qu'il en soit, elle décidé de changer de sujet, et franchement, ce n'était pas plus mal. Sauf que évidemment, le seul autre sujet qu'elle semblait connaître, c'était le sexe. « C’est ça ma lettre de motivation… examine la autant que tu veux ! » dit elle en me montrant son corps des mains. Hm non ça ira, je l'avais suffisamment examiné l'autre jour, c'est bon.  « Hm mouais, tu sais, j'ai déjà vu plus convainquant. » ne pus je m'empêcher de répliquer. Faudrait que j'arrête d'ailleurs, parce que je crois que ça allait juste l'inciter. Ce qui n'était pas mon but en fait.

« Hm mouais, tu sais, j'ai déjà vu plus convainquant. » Mes yeux s’arrondirent. Il ne pouvait pas avoir vu plus convainquant que mon magnifique corps de déesse. C’est vrai quoi, dans ce château qui pouvait rivaliser vraiment avec moi ? « Pourtant, ton corps réagissait bien la dernière fois ». C’était une simple constatation. S’il avait réagit aussi bien sans être convaincu ; qu’est-ce que ce cela aurait été si j’avais été convaincante. Je m’approchais de lui, un mince sourire sur les lèvres et mon regard lubrique de sortit, alors que j’avais abandonné ma plaque de chocolat sur le côté. « Tu sais, j’ai compris, tu ne veux pas de moi. D’accord. Mais va falloir te mettre dans la tête que je ne suis pas du genre à abandonner. » J’appuyais mes dire en posant mon index sur son front. C’est qu’il va devoir se le mettre en tête, effectivement. J’avais carrément lâché mon dévolu sur lui et je ne souhaitais pas en rester là. Je ne m’arrête pas sur des échecs… échecs qui me rendent à l’accoutumé plus forte. « Si on le fait pas maintenant, tant pis, on le fera plus tard ! » Lui annonçais-je, avec un large sourire, alors que ma main glissait sur son épaule. Ouai, comme la dernière fois, sauf que je m’en tenais à ça. Je passais à côté de lui, le zyeutant une dernière fois, avant de me diriger vers la porte qui était malheureusement bloquée. « Maintenant libérez-nous. On est coincé !!!! » Criais-je à travers la porte, tapant du poing contre celle-ci. Ouai, j’avais plus trop envie de restée coincée avec Keelan, pour tout dire, il m’avait foutu le cafard…