Je dormais profondément. Jusque là, rien de bien étonnant à neuf heures du matin et des poussières. M'étant couché tard la veille, j'espérais pouvoir trainer au lit jusque dix heures trente/onze heures, mais une soudaine pression dans le lit, à mes côtés, me tira brusquement de mes songes. Anabel ayant l'habitude de se lever à l'aube, ça ne pouvait être elle. Alors quelqu'un venait de me rejoindre, dans ce lit. Et ce quelqu'un s'avéra être Laoise. « Est-ce qu'on est amis ? » Alors alors, déjà elle pouvait peut-être me laisser le temps d'émerger, non ? Le réveil était brutal, là, vraiment brutal. « Gné ? » Je frottai mes yeux, aveuglé par la lumière du jour. « Je dormais. » l'informais-je, un peu ronchon. Et maintenant j'étais réveillé... à même pas neuf heures trente, quoi. Abusé, vous ne trouvez pas ? Je peux vous dire que si ça n'avait pas été Laoise, y'aurait juste eu un mort. Mais justement c'était elle, et à elle on lui pardonnait tout. Et puis, dernièrement, ça n'allait pas fort. J'avais bien envie de lui demander comment elle allait, si éventuellement elle avait bien dormi... mais je n'en fis rien. Non, voyez-vous, je voulais pas lui rappeler qu'elle était actuellement en plein mal-être. Du coup, j'allais peut-être répondre à la question qu'elle m'avait posée après s'est jetée sur mon lit. Si nous étions amis ? Heu... « Dans la mesure où je n'ai jamais eu d'amis à proprement parlé, Laoise, je saurais pas te dire ce qu'on est. » C'était aussi simple que ça. La logique aurait voulu que je poursuive en lui affirmant que non, techniquement, nous ne pouvions pas être amis, mais avais-je seulement envie de lui dire une telle chose quand je savais que n'importe quelle parole malheureuse ou sortie trop précipitamment pouvait la heurter ? Je ne dis rien de plus, me contentant de la regarder tout en esquissant un sourire en coin. Je m'attendais déjà à une réponse de sa part du genre "c'est oui ou non. tu choisis." Bah je vous le dis tout net, dans ce cas-là, le choix serait vite fait. Hélas. J'entrepris ensuite de passer une main dans mes cheveux, en ne la quittant pas pour autant du regard.

Vraiment, je ne doutais pas du fait que Laoise n'ait pas pensé une seule seconde à me mettre de mauvaise humeur ce matin, mais avouez que me réveiller de la sorte n'était pas une chose à faire à neuf heures du matin. J'étais pas un lève-tôt, je pensais qu'elle le savait. En fait je crois juste que sur le coup elle n'y avait pas songé. Et on pouvait pas lui en tenir rigueur. Pas en ce moment. Après avoir fait sa petite place dans mon lit, elle me questionna sur nos rapports actuels et l'éventuelle "amitié" qui pouvait nous lier l'un à l'autre. Mais je ne savais pas où est ce qu'on en était, tous les deux. Est-ce qu'on était amis ? J'en savais rien. « Hm. » fit-elle. De toute évidence ma réponse avait été trop évasive et l'avait déçue. C'était pas le but, vraiment pas, mais voilà il m'avait fallu répondre et telle avait été la réponse qui me semblait le plus correspondre à notre situation, actuellement. Je n'avais jamais ressenti la moindre affection pour personne, et je mentirais probablement en prétendant que Laoise n'était qu'une illustre inconnue pour laquelle je ne ressentais absolument rien. Après, premièrement je n'avais pas de mots pour décrire mon ressenti. Ensuite, je ne me l'avouerais sans doute jamais. Comme elle se refuserait probablement encore longtemps à reconnaitre qu'il y avait un problème et qu'elle allait mal. D'un coup, Laoise quitta mon lit et rejoignit le sien, un peu plus loin dans la chambre. Ah d'accord, sympathique. Je faisais quoi maintenant ? Je me rendormais histoire de poursuivre ma nuit ? Ou je me levais et je squattais à mon tour son lit ? Même si j'aurais bien dormi un peu plus, je ne pus m'empêcher de me sortir de mes draps et de quitter mon lit avant de ne venir près du sien, pour finalement me glisser sous ses couvertures. Malo avait aussi déserté son pieux, j'en profitais donc. Je me plaçai ainsi derrière elle, me mettant sur le côté, et resserrant finalement mes bras autour d'elle. Ouais je la prenais dans mes bras, et alors ? Ça allait choquer qui, les moins tibétains ? Je restai dans cette position un moment, car après tout je me sentais bien dans ce lit avec elle. Du moins je crois. Et soudain, quelques mots sortirent de ma bouche presque involontairement. « C'est à cause de Malo ?... » Elle n'allait pas bien, on l'avait tous remarqué, mais la cause de tout cela pour le moment nous ne l'avions pas. Il y avait peut-être un rapport avec Malo et son rapprochement avec la jolie rousse Aj, allez savoir. Dans la mesure où Laoise était genre super proche de son partenaire, tout était possible. Je ne bougeai plus, la serrant encore et toujours contre moi, et attendant sa réponse. Celle-ci serait-elle aussi floue que la mienne ?

Elle ne tarda pas à quitter mon lit après que je lui eus donné ce que j'estimais être une réponse à sa question. Mais ne souhaitant pas forcément la laisser se morfondre sous sa couette, je décidais de la rejoindre à mon tour avant de ne me faufiler dans son lit. L'instant d'après, je la prenais déjà dans mes bras et la serrais contre moi. J'ignorais comment elle réagirait face à cette étreinte, peut-être même que je prenais un risque en faisant ça, mais je m'en foutais sur l'instant. Maintenant que nous étions là, tous les deux, l'un contre l'autre, elle pourrait peut-être se confier un peu à moi. C'est ce que j'avais espéré, avant de ne lui demander si Malo était la cause de tout ça. « Non. » répondit-elle, avant de ne poursuivre « C'est à cause de personne. » Bien. Autant dire que ça ne m'aidait pas à y voir plus clair. « C'est à cause de moi. » O-kay... Donc elle se sentait coupable, donc y'avait véritablement un problème et elle se renfermait comme une huître après m'avoir répondu. Mais je ne lâcherais pas l'affaire si facilement. C'était mal me connaitre. « Parle-moi. Je voudrais comprendre. » C'était clair, non ? Elle allait me dire ce qui n'allait pas bordel ? J'en avais assez de la voir dans un état pareil sans comprendre. Ça n'était à cause de personne. Au final c'était de sa faute à elle. « Tu te reproches quoi Laoise ? » poursuivais-je. Pouvait-elle un instant envisager le fait que je puisse vouloir en savoir plus ? Et qu'elle ne pense pas que j'essayais là de satisfaire ma curiosité légendaire, pas du tout. Si elle savait... Je ne faisais que mettre mon petit moi de côté, pour me concentrer sur elle et sur son mal-être. J'estimais ne pas lui demander la lune. Elle n'avait qu'à me parler. Simplement me parler.

C'était de la faute de personne... C'était de sa faute à elle... Bon là, j'avais quand même du mal à suivre le truc. Mais en gros, elle se sentait responsable et se reprochait quelque chose. Après, la question était de savoir ce que Laoise pouvait bien se reprocher pour se mettre dans un état pareil. Se rendait-elle au moins compte du fait qu'elle changeait de comportement depuis plusieurs jours, qu'elle était méconnaissable, qu'on ne parlait plus que d'elle ? Alors, pourquoi cette culpabilité ? « Je ne sais pas. », qu'elle souffla. Alors niveau crédibilité, j'avais quand même vu mieux. Elle avait pas envie d'en parler, je me heurtais à mon mur, c'était évident. « Tu sais pas ?... bah bien sur. » Elle ne savait pas ce qu'elle se reprochait, hm ? Et moi j'étais le prince William, peut-être ? Quand tu te reproches quelque chose, tu sais forcément quoi. C'était tellement logique, faut dire. Mais bon, fallait y aller mollo quand même, ne pas la brusquer. Pourtant ça m'énervait, oh oui. J'en serrais les poings d'ailleurs. « J'aime pas qu'on me mente Laoise. Je déteste ça même. » lui annonçais-je. J'avais sorti la même chose à Irène dimanche - les menteurs, je pouvais juste pas les voir. Alors forcément, j'attendais d'elle qu'elle me crache enfin le morceau, qu'elle se montre honnête et qu'elle m'avoue ce qui n'allait pas. J'avais pas envie de crier, pas envie de perdre mon sang froid. Pourtant dieu sait que j'en étais capable, ce matin-là. J'avais peu dormi, j'étais dans l'incompréhension la plus totale et maintenant Laoise me mentait. À moi. Je ne l'acceptais pas, il en était ainsi. Mais ce fut plus fort que moi. Je terminai par me redresser et m'asseoir sur le lit, me détachant ainsi d'elle. Elle allait parler, qu'elle le veuille ou non. Même s'il me fallait employer là la manière forte. Même si ça devait l'irriter, la contrarier, l'énerver à son tour. « Est-ce qu'il te serait possible, bordel de merde, de me dire ce qui te rend si morose ? C'est quoi le soucis ? » Quand j'y allais avec douceur, ça ne marchait pas. Alors peut-être qu'en y allant cash, j'aurais un résultat. On pouvait toujours espérer, hein.

S'en était trop. Je décidai de me faire entendre, une bonne fois pour toute. Elle me mentait, ça je le voyais bien, et je détestais ça. Mais le pire n'était pas là. En effet Laoise se mentait également à elle-même en prétendant ne pas savoir ce qu'elle se reprochait. Une réponse qui me fit juste halluciner. Quel était le problème bordel ? Qu'est ce qui justifiait le fait qu'aujourd'hui elle n'était plus la même ? « Rien du tout, d'accord ? » Non pas d'accord. Bordel, ça voulait dire quoi ça ? Y'avait donc aucun soucis ? Ah mais oui, quel con, c'est vrai que tout allait bien dans le meilleur des mondes avec elle. Toujours. Vous savez, Laoise était une fille vachement compliquée. Quoi qu'on en dise. Et à l'heure d'aujourd'hui je ne la comprenais tout simplement plus. Fallait la voir aussi : elle ne reconnaissait même pas l'évidence. On voyait tous ici que quelque chose n'allait pas depuis quelques jours, mais non mademoiselle tentait encore et toujours de sauver les apparences. « Laoise je... je... » Je n'en trouvais pas mes mots, à vrai dire. J'entrepris alors de me lever d'un bond, totalement exaspéré par la situation. Pas moyen de rester assis sur ce lit à la regarder fuir l'évidence - je ne tenais désormais plus en place et cette fille était en passe de me rendre fou. « J'en ai marre, que dis-je, j'en ai ras-le-cul ! » C'était on ne peut plus clair, là, non ? Fallait que je lui fasse un dessin pour qu'elle comprenne au mieux ? Là elle m'énervait, vraiment elle me foutait en rogne. J'en avais marre de ses cachotteries, de ses mystères... de ses mensonges. Putain, je pensais qu'on pouvait se dire les choses clairement nous deux, mais en fait je m'étais gouré comme un couillon. « T'arrives à comprendre que tout ça me fasse éperdument chier ? J'ai eu envie de t'envoyer bouler y'a de ça cinq minutes quand t'es venue me réveiller. Mais je n'ai rien fait, et tu sais pourquoi ? Parce que je me suis dis que t'avais pas besoin qu'on te crie dessus, que t'avais plutôt besoin qu'on te ménage. Mon cul ! T'en fais qu'à ta tête, tu joues les ignorantes. Tu continues de faire comme si tout allait bien. T'es désolante comme fille. Je perds mon temps là, clairement. » Je pourrais dormir au lieu de lui dire mes quatre vérités, mais je me sentais trop "concerné" à présent. La vérité c'est que j'avais pas envie de la laisser dans sa merde. Sans doute étais-je trop optimiste, à croire que j'étais le seul ici à pouvoir la comprendre et, éventuellement, l'aider. C'était tout moi ça, fallait que je me crois au dessus des autres mais dans ce genre de situations. Je fis bientôt les cent pas devant son lit, tout en espérant que mes paroles la feraient réagir. Mais que ce soit bien clair, j'allais pas m'égosiller pour ces beaux yeux encore longtemps. Comme je le lui avais signifié, j'avais l'impression de perdre mon temps.