Comme une envie de remettre son piercing. Ismay avait la fâcheuse tendance à enlever, puis remettre, puis enlever, puis remettre son piercing, selon son humeur, ses envies et, surtout, selon les fringues qu'elle portait. C'était pour elle un accessoire à part entière. Oui. Absolument. Pourtant, dieu sait que c'était mauvais. Le piercing à la narine n'était pas fait pour être retiré et remis trop régulièrement, car ça abimait le cartilage du nez. Il était plutôt cocasse qu'une infirmière se retrouve à passer outre les recommandations médicales de son pierceur, mais tant pis. Aujourd'hui, donc, c'était un jour avec. Comme les jours avec et les jours sans, sauf qu'il s'agissait là de bijou et non d'humeur. Il aurait de toute façon été inutile de parler en terme de taux de sourire, dans la mesure où Ismay était rarement de mauvaise humeur. Comme aujourd'hui, par exemple, elle était plutôt de bonne humeur. Comme toujours. Et allez savoir pourquoi elle s'était retrouvée à se balader. Encore. Elle se baladait beaucoup, dans ce foutu nid. Faut dire que les activités acceptables et amusantes étaient assez restreintes quand les autres étaient occupés à... à quoi d'ailleurs ? à faire ce à quoi ils étaient occupés, disons. Passant devant le cinéma, elle ralentit en espérant entendre l'écho d'un film qui tournait, se pencha au-dessus de ce qu'elle savait être les souterrains, sourit en apercevant la forme sombre du manoir qui se dessinait au loin. Et se retrouva finalement face à... la ferme. La ferme ? Ah. D'accord. Bon. C'était un lieu à gratter comme un autre. S'aventurant un peu plus dans la cour, elle remarqua alors qu'elle n'était pas seule. Non, puisque Branca - qui était bel et bien son prénom - se trouvait là, à faire elle ne savait quoi. Tout naturellement, l'anglaise fit quelques pas dans sa direction tout en regardant autour d'elle et alors qu'elle s'apprêtait à la saluer, des bruits de... sabots ? se firent entendre. Toutes deux tournèrent la tête en même temps et Ismay eu juste le temps de faire un bond en arrière tout en poussant Branca pour que ni l'une ni l'autre ne se fasse percuter par une chèvre. « On vient de se faire courser par une biquette » était-elle toujours ahurie, tandis qu'elle observait encore, sur ses gardes, la chèvre qui se désintéressait visiblement totalement des deux femmes et repartait brouter son herbe à l'opposé de la cour.

Qu'on soit clair, je suis une fille de la ville. De toute ma vie, encore courte certes, je n'ai jamais rien connu d'autres que des buildings, des routes en goudron et l'odeur des pots d'échappement. Je ne m'en suis d'ailleurs jamais plainte, n'ayant connu que ça. La nature est donc pour moi une chose nouvelle, une aventure à elle seule. Pas de voiture, pas de bruit, rien, juste de l'herbe, des arbres, encore de l'herbe et encore de l'herbe. Et pas celle que j'ai pu voir dans ma vie. Ici donc, c'est plus que dépaysant. J'ai cette impression étrange tous les matins de m'être réveillée sur une autre planète, sans aucun bruit, sans rien, juste cette nature... Alors une ferme, ne compter même pas sur moi pour vous en faire une visite guidée. D'une, à part les images que j'en ai vu à la télé, je n'y connais rien et de deux, je n'ai vraiment pas du tout envie de me retrouver dans un tel endroit. Ça pue, y'a des animaux dans tous les coins qu'il faut, en plus, nourrir et surtout, jvois pas à quoi ça sert vu qu'on a une épicerie et des petits plats directement posés sur la table de temps à autres. C'est pas comme si on allait devoir se faire un méchoui et tirer au sort celui qui égorgerait l'agneau. Et pourtant, j'y suis dans cette foutue ferme. Ca me fait chier mais soit disant que c'était mon tour d'aller donner à bouffer aux poules, pour ce que ça m'intéresse en plus. Vraiment, moi, donner à manger aux poules ? Vous avez vu ma tête ? C'est certainement pas écrit dessus mais le pire, c'est que je le fais et ça seulement parce que je m'emmerde tellement que même des poules arrivent à m'amuser, un minimum. Mes potes, enfin ceux qui restent, doivent se marrer derrière leur télé, vraiment. C'est pathétique... Ma corvée effectuée, je sors de ce lieu de malheur et découvre alors que je ne suis plus seule, Ismay m'ayant rejoint. Elle s'approche mais n'a pas le temps de prendre la parole que des bruits de sabots se font entendre. Cette foutue chèvre nous course. Mais elle se fout de la gueule de qui celle-là ? On la nourrit et elle nous course. Finalement, jveux bien reprendre l'option méchoui et jme dévoue pour l'égorger. Ismay me pousse, me sauvant d'une collision animale et finalement, cette stupide chèvre s'arrête. Certainement son cerveau qui vient de se réinitialiser. « Elle a un putain de grain cette chèvre, je mets plus les pieds là-dedans, jte jure ! » Je peste, j'en ai marre, ça me soûle. « Merci en tout cas, jte dois certainement mon intégrité physique. » En fait, c'est dangereux la ferme, jpréfère les villes...

Une vraie cinglée, la biquette. D'où on attaquait les gens, sans raison, comme ça, pour le fun ? Elle phasait complètement, elle s'était prise pour la vachette ou quoi ? Un peu plus, et Ismay se retournait le doigt dans le dos de Branca, qu'elle avait expédié un peu plus loin pour la sauver de cette frénésie animale inexpliquée. Bah. Elle avait réussi son coup, c'était le principal. Hochant la tête lorsqu'elle s'offusqua, elle ne précisa pas que malgré tout, elle risquait fortement de repasser dans le coin. Connaissant sa curiosité et tout ce qui s'en suit, il était fort peu probable que, si elle ne pouvait analyser la ferme dans ses moindres détails aujourd'hui, elle s'y glisse de nouveau pour terminer son examens. Riant dans sa barbe des remerciements de la brune, elle hocha les épaules. « Remercie l'une de mes vies antérieures qui devait être toréador... » Oui, parce que non seulement elle avait été chat - encore que ça restait encore à confirmer, elle allait devoir se soumettre à un examen plus approfondi - mais en plus, la voilà qui devenait torero. Peut-être un jour pourrait-elle être une véritable humaine gentille et attentionnée, sans pulsions étranges comme celles d'agiter des draps rouges ou se de lécher la main, par exemple. Et le pire de tout, outre le fait qu'elle ne semblait même pas s'en vouloir, même un peu, c'était que la biquette, elle restait là, mine de rien, comme si elle ne venait pas d'attenter à la vie de deux pauvres et innocentes jeunes femmes sous la juridiction de son maître, Cupidon. C'est pour ça qu'Ismay fixait l'animal d'un air peur amène. Non mais vraiment. Aucun savoir vivre. « Tu crois que ça existe les chèvres schizophrènes ? » l'interrogea-t-elle soudain, d'une voix où se mêlaient la curiosité et le grognement. Un petit malin aurait pu répondre, histoire de plaisanter, un subtil "oui, Janka" mais Ismay était réellement intéressée. Qui sait, peut-êtres les psychoses, névroses et autres psychopathologies existaient-elles également chez les animaux ?

Cette idée était stupide, non vraiment stupide. Aller à la ferme tout ça... C'est pas mon genre, j'aurais du les renvoyer chier avec leur histoire d'aller nourrir les poules. J'ai vraiment une tête à nourrir les poules ? Je crois pas ? Mais heureusement, Ismay était là, enfin heureusement pour la chèvre, qu'on s'entende bien car seule, j'aurais pu me venger de cet excès de folie. Ça aurait été de sa faute, pas comme si j'avais fait quoique ce soit. Je remercie Ismay, c'est la moindre des choses et même si je me retrouve par terre. C'est toujours mieux qu'avec une corne quelque part dans l'anatomie... Elle me parle de ses vies antérieures ce qui me fait sourire. « Bien certainement oui. Et tu as quoi d'autres en boutique en vies antérieures ? » Parce que ça m'intéresse oui, les histoires de vies antérieures, tout ça et surtout, c'est parfait pour apprendre à connaître une personne. Pendant ce temps, je jette un œil fugace à cette fichue chèvre qui, étonnement, est tout à fait calme, entrain de brouter dans son coin. Ismay me pique alors ma réplique lorsqu'elle se met à parler schizophrénie animale, chose qui, je pense, n'a pas encore été prouvée. Dans tous les cas, on a trouvé le cobaye parfait. « Les vaches sont bien folles de nos jours alors je ne vois pas pourquoi une chèvre ne pourrait pas être schizo. Les caméras la stressent peut-être aussi, sait-on jamais. » Déjà, moi, je sens déjà l'effet que les caméras peuvent avoir sur moi... Paranoïa, mauvaise humeur, envie de solitude, c'est fou ce que des caméras peuvent vous faire ressentir et même quand on était persuadée de supporter tout ça. « Ça vient d'où Ismay ? » Curiosité...

Ça devait être ça. Forcément. Ismay avait beau avoir de pas mal réflexes, parvenir à sauver la vie d'une personne en lui évitant le piétinement chèvresque, c'était jusque là hors de ses capacités. Et pourtant. Ah ! c'était sa bonne action de la journée, parfait. Et puis la demoiselle en détresse semblait intéressante avec sa jolie peau métisse et son style singulier. C'est le truc cool quand t'avais des vies antérieures, ce que tout le monde savait maintenant, haha. T'avais des capacités insoupçonnées. « Un chat, parait-il » répondit-elle en souriant à son tour, se remémorant sa discussion avec Sïana. Bon, ça, c'était sa théorie, mais autant la prendre pour argent comptant, tant qu'on y était. Puis la chèvre était schizophrène aussi, apparemment. Et ça, Ismay, elle connaissait. Les schizophrènes. Elle en voyait souvent, très souvent même. Et il en allait de même pour tout le monde, sauf qu'ils ne le savaient pas. Pourtant, cette pathologie n'était pas si rare que ça, puisque près de 1% de la population était atteinte. Pourquoi cette chèvre ferait-elle exception ? Peut-être son attaque était-elle le fruit de délire, d'hallucination ou de crise d'angoisse caractéristique à la maladie ? La brune rit à la réplique de sa compagne. Oui, au fond. Elle se garda bien, cependant, de ramener sa science et ne la contredit pas sur le fait que les schizophrènes étaient des fous. Les schizophrènes étaient des gens normaux ayant une pathologie et les réduire à cette pathologie était leur enlever leur humanité. Pourtant, elle savait d'expérience qu'on schizophrène pouvait, s'il prenait son traitement et voyait régulièrement son psychiatre, avoir de longues période sans crises. Coupant court aux réflexions d'Ismay, Branca l'interrogea alors sur son prénom. D'où ça venait ? « Euh Angleterre, tout simplement, je crois bien » qu'elle fit, en se tapotant la lèvre inférieure de ses deux doigts, tic qui ne l'avait plus quittée depuis le début de ses études. « J'aurais bien voulu que ça vienne d'ailleurs, d'Afrique du Nord, ou du Moyen-Orient, quelque chose comme ça... » Allez savoir pourquoi. Impossible à dire d'où lui venait ce goût pour les prénoms et les visages arabes. Cette culture aussi l'intéressait beaucoup, et la stigmatisation qu'on en faisait la tuait. Elle-même avait toujours - ou du moins depuis l'adolescence - eu un faible pour le type oriental qu'elle trouvait superbe, et ce simple fait plus sa tolérance presque infinie l'empêchait de comprendre les préjugés qu'une partie de la population pouvait avoir. Reposant son regard sur la brune après ce court instant de réflexion passé presque inaperçu tellement elle avait apprit à penser rapidement, elle sourit. « Et Branca ? tout aussi exotique ? » plaisanta-t-elle. Ismay, ça évoquait fort les cocotiers et les colliers à fleurs, pas vrai ? Branca, pareil. À elles deux, elles faisaient le tour du monde en un mètre carré.

Vies antérieures donc. Ce qui est bien c'est que je pose la question à Ismay alors que je n'ai aucune réponse pour mon cas. J'ose imaginer que mes vies antérieures auront été agréables mais là encore, aucune certitude. Ismay, elle, semble plus au courant que moi néanmoins et me répond rapidement. Un chat ? Pourquoi pas. « Un chat donc ? Qu'est ce qui te fait dire ça ? Une prédilection pour le lait et les rongeurs ? » Ce qui en soit est vraiment très étrange, surtout quand on essaie de visualiser la chose. Mon imagination... Cette imagination bien trop fertile me tire un sourire, et il n'est même pas tard alors c'est dire à quel point je divague. La chèvre, de son côté, est toujours calme, et il vaut mieux pour elle qu'elle le reste même si, en réalité, j'aurais préféré bouger de cet endroit de malheur. Sait-on jamais. Raison pour laquelle je change aussi de sujet, il est toujours plus intéressant d'en savoir plus sur Ismay que sur les chèvres, c'est mon point de vue tout du moins. Je la laisse me répondre et je dois m'avouer surprise. Elle continue, parlant de ses goûts et préférences ce qui, là, ne m'étonne pas. « En fait, j'aurais pensé à ça plus, Moyent Orient, ton nom. C'est beau en tout cas, j'aime. Et pourquoi tu aurais voulu que ça vienne d'ailleurs donc ? » Qui se soucie d'où ça vient du moment que c'est joli, non ? Elle me retourne alors la question, il faut dire qu'en Angleterre, un prénom comme le mien ne passe pas vraiment inaperçue. « Brésil. Ma mère était brésilienne. » Et c'est bien tout ce que j'ai connu du Brésil d'ailleurs, ma mère.

Une seconde, Ismay s'imagina assise jambes pliées et écartées, mains posées par terre, de longues moustaches et des oreilles de chat. Puis... miaou. Gratte gratte. Son imagination allait au-delà de ses espérances, à tel point qu'elle faillit sourire tant l'image mentale était criante de réalisme. « Pas du tout, en fait, je crois que j'étais plutôt un chat de la race humanus catus. » Avec la prononciation latin, et tout, bien entendu. Oumanousse katousse. Ses cinq longues années en cours de latin lui restaient encore, et elle parvenait encore à traduire un bon tas de mots assez spontanément. Elle qui pensait tout oublier dans les cinq minutes. Les chats, ça oubliait ? Peut-être. Peut-être pas. Ça ferait alors une caractéristique qu'ils avaient en commun. Au moins une. « Il faut demander à Sïana, c'est elle qui a eu cette idée. » Ah oui, car à la base, Ismay n'avait fait qu'émettre sa théorie sur la réincarnation chez les chats, et aussitôt, la candidate en avait conclu qu'un chat devait se trouver quelque part parmi ses vies antérieures. Alors si Sïana avait perçu quelconque symptôme dans l'attitude de l'anglaise, elle ne les lui avait révélés. Et pourquoi parlaient-elles de chat, exactement ? Ah oui. Le toréador. Bref, le sujet changea, la conversation digressa et finalement, ce n'était peut-être pas forcément plus mal. Ça parlait prénom. Branca, Ismay aimait bien. C'était doux et fort à la fois. Et la consonance lui plaisait. « Je ne sais pas, j'ai toujours eu un faible pour les gens, les physiques, les prénoms typés » répondit-elle, pensive, mais avec un sourire. C'est vrai ça, d'où elle le tenait ce goût pour le Moyen-Orient ? Bah. Sans doute avait-elle vu un film quelconque dans lequel un personnage avait attiré son attention, ou peut-être était-ce du au fait qu'elle refaisait entièrement sa culture hip hop, en ce moment. La preuve, autant que les arabes, les noirs attiraient beaucoup son attention en ce moment. Bah. Ça lui passerait. « Brésilienne... » répéta-t-elle, rêveuse. Elle n'avait jamais mis ne serait-ce qu'un demi ongle en Amérique du sud. En Amérique tout court, en fait. « Tu y es déjà allée ? » Sa curiosité la dominait complètement, et elle n'aurait absolument pas dit non à ce que Branca lui raconte deux ou trois trucs sur l'endroit.

Quand on écoute Ismay parler, il ne fait aucun doute que c'est une personne cultivée. Vies antérieures, schizophrénie et maintenant latin, cette fille est bien loin d'être une idiote et cela ne m'étonne pas tellement en réalité. Le problème c'est que de mon côté, je suis une bille. J'ai arpenté les couloirs pendant très peu d'années et tout ce que j'ai pu faire par la suite, je l'ai fait par moi-même, en autodidacte. Elle est donc impressionnante, en un sens. « Je dois t'avouer que le latin n'est pas mon fort donc je te crois sur parole. » J'ai reconnu le latin, c'est déjà bien pour moi, il ne faut pas trop m'en demander, pas dans ce domaine là en tout cas. Elle m'expose alors l'origine de cette découverte ce qui me fait sourire. Je connais peu Siana mais là encore, je ne suis pas vraiment étonnée, elle a une tête à avoir des idées folles, dans le bon sens du terme. La conversation dérive alors sur nos prénoms. Origines anglaises donc, je n'aurais jamais parié là-dessus mais je ne suis pas non plus une encyclopédie vivante. Elle me parle de ses goûts et ce qu'elle me dit me plaît. Au moins, elle n'est pas du genre à apprécier les clones et copies de bombasses sans intérêt. Chaucn ses goûts certes mais j'ai toujours eu un problème avec le mainstream. Traitez moi de prétentieuse si ça vous amuse, je m'en fiche. De toute façon, avec ma tête et mon physique, ça ferait légèrement tâche si j'étais du genre à apprécier les barbies. « Je trouve pourtant que ton prénom est assez typé dans son genre pourtant. Enfin moi je ne connaissais pas et je le trouve très original. » Toujours mieux que Mary ou Elizabeth comme les anglais ont l'habitude de prénommer leur progéniture féminine. Elle me renvoie la question, à laquelle je réponds rapidement, presque comme un automatisme. Le Brésil... un beau pays, très certainement. Sauf que malheureusement, je ne peux pas en parler. « Mon prénom est tout ce qui est brésilien en moi. Je n'y ai jamais mis les pieds, ma mère si, elle l'a quitté quand elle était jeune je crois. Je dois connaître deux ou trois mots, j'ai jamais été douée pour apprendre cette langue, au grand dam de ma pauvre mère qui a vite jeter l'éponge. » Et tout ce que je connais, ce sont des insultes... « Tu as voyagé toi ? » Même si sa curiosité me laisse à penser que si c'est le cas, ce n'est pas au Brésil.

Ah franchement, si le latin n'était pas le fort de Branca, ça n'était franchement pas celui d'Ismay non plus. Elle était certaine pour "humanus" mais que "chat" se dise "catus" alors là, elle n'en avait aucune idée. Elle n'avait fait qu'adopter la technique du français essayant de parler espagnol, à savoir, rajouter des "o" et des "i" à tous les mots. Alors elle avait plutôt intérêt à ne pas du tout la croire sur parole. Les seules fois où elle pouvait être certaine de ce que racontait Ismay, en terme de mots latins, c'était lorsqu'elle parlait de "flumen" qui voulait "fleuve", "micare" qui voulait dire "briller", "magister" qui voulait dire "le maître d'école" ainsi que les expressions passées dans le langage courant. Allez savoir pourquoi ces mots en particulier lui étaient restés. Bref, Ismay confia à Branca son goût peu clair pour les individus un peu typés. Que ça soit les arabes, les noirs, les métisses, bah, quelle importance, ils étaient dépaysants et elle adorait ça ! Elle-même étant très "british" question physique, avec ses yeux bleus et sa peau pâle, avaient tendance à plus remarquer les plus communément et vulgairement appelés "étrangers". Un peu comme Branca, en fait, puisqu'elle venait de lui avouer qu'elle était en partie brésilienne. Quelle chance. D'autant plus que le Brésil était un superbe pays, de réputation. La jeune femme, cependant, ne pouvait lui en dire grand chose, car elle n'y était jamais allée. C'était dommage. À sa place, Ismay aurait sans doute tanné ses parents pour y aller dès que possible, et pour les forcer à lui apprendre parfaitement le portugais. Souriant en entendant les anecdotes d'Asmaa, elle secoua la tête lorsqu'elle la questionna. « Un peu, mais pas de grands voyages comme je rêverais d'en faire. Je ne pas encore dépassé les limites de l'Europe, par exemple. Mes parents n'ont jamais été de grands aventuriers dans l'âme. » Et c'était peu dire, puisque c'était toujours elle qui les poussait à bouger un peu de leur Angleterre natale, qu'elle avait assez vue et qui ne lui suffisait pas toujours. « Pour eux, l'Écosse, c'était déjà un vrai périple » rigola-t-elle. Pas qu'elle n'aimait pas l'Écosse elle-même, hein, mais disons qu'on avait fait plus... dépaysant comme voyage. Non, elle, elle aspirait à un vrai tour du monde, à voir d'autres cultures, comme c'était le cas lorsqu'elle avait en Turquie, par exemple. « Mais j'adorerais voir la Jamaïque, le Maroc, l'Inde, l'Israël, l'Argentine, le Sénégal. le Brésil... » fit-elle en souriant. Alors là, elle ne dirait franchement pas non à un petit voyage au Brésil, quitte à prendre Branca dans ses bagages, ou, a contrario, à se cacher dans les siens.

Les voyages... En réalité, le seul et unique voyage que j'ai jamais fait, c'est celui qui m'a emmené ici, enfin en Angleterre il y a un an maintenant. Autant dire que je n'ai pas franchement vu grand chose, géographiquement parlant. Ni Brésil, ni gens typés, non rien, tout ce que j'ai pu apprendre à connaître, c'est ce qui est venu vers moi, pas grand chose donc. Alors Ismay peut bien s'émerveiller devant mon prénom et mes origines, pas sûr qu'il y ait matière a. Un prénom, c'est si facile à donner. Ma mère aurait très bien pu choisir autre chose, un prénom oriental, un prénom nordique, un prénom japonais, ils n'auraient jamais dicté ce que je suis, ce n'est qu'un nom et à mes yeux, qu'il soit brésilien ne représente pas grand chose. Mais je ne dis pas que jamais je n'ai eu l'envie d'en savoir. Ce serait faux. Et encore à présent d'ailleurs mais on n'a pas toujours le choix, pas toujours la liberté de faire ce que l'on veut, d'aller où l'on veut et me concernant, il est clair que je n'ai jamais rien eu de tout ça. Ismay parle alors de ses voyages, jugeant ses parents peu aventuriers ce qui me fait légèrement sourire. Elle aurait au moins eu la chance de pouvoir voyager avec eux, et ce même si elle n'a pas été plus loin que l'Europe, ce qui en soit est déjà bien. « Tu peux toujours partir sans eux, tu en as encore largement le temps ! » Puis elle m'énonce sa liste, sa longue liste, en effet, la jeune femme a des envies de voyages bien précises ! « Je vois que tu as de quoi occuper tes futures années ! Mais en ce qui concerne le Brésil, je ne peux malheureusement pas t'être d'une grande aide comme je te l'ai dit. Mais il paraît que Rio n'est pas sûr... » C'est ce qu'on voit à la télé... Mais en même temps, c'est à se demander quel endroit sur cette Terre est encore sûr.