J'en avais marre. Marre de lui. Ou plutôt pour être précis, de sa façon de me mettre à l'écart. Sans cesse. Me mettre à l'écart. Ne pas me considérer comme son compagnon. Car c'est ce que nous sommes, des amoureux. À qui le dites-vous, ça ne se voit guère putain. Aucun signe, aucun témoignage d'affection: rien. Je suis à la limite de péter un câble, totalement, complètement. J'ai envie de le taper, de lui cracher à la gueule, là au moins il daignera me regarder correctement plutôt que de m'éviter. Monsieur n'aime pas le contact parce qu'il n'assume pas encore son affection pour les hommes. Merci. Et moi pendant ce temps-là ? Je fais quoi ? Je me contente de faire l'amour avec ma main droite ou il a d'autres idées ? Je commence à en avoir marre, c'est donc pour ça que je lui ai mis rendez-vous ce soir dans le cinéma abandonné. Le mot était explicite et devait sûrement lui avoir mis la puce à l'oreille du fait que j'étais en rage. Sur le petit papier figurait : rendez-vous dans le cinéma vers 19h30. Sans plus. Je n'en pouvais plus de cette non-reconnaissance. Ne pas être reconnu était tout ce qui m'avait préoccupé depuis ma tendre jeunesse. Alors ras l'bol, je ne cautionne plus rien du tout. Je l'attends donc dans le cinéma depuis quelques minutes, j'ai le temps, il a intérêt à s'amener ou sinon cela va aller très mal. Je n'ai pas mérité cet oubli d'affection. Je n'ai rien fait de mal. Je demande juste le strict minimum et je ne le reçois même pas. Excusez-moi mais je n'appelle pas ça une relation de couple. Se toucher les mains, j'imaginais mieux. Vraiment mieux. Et je trouve ça logique. Je l'attends donc, de pied ferme. Puis j'entends des pas qui arrivent et reconnais sa silhouette, celle qui me fait frémir à chaque fois. Tandis qu'il s'approche de moi qui suis assis sur l'un des fauteuils de cinéma, je détourne la tête histoire de ne pas croiser son regard. Mes jambes sont croisées, tous comme mes bras. « Si tu ne me fais pas l'amour maintenant, c'est fini » je lâche soudainement sur un ton totalement neutre et dénué d'intonation. J'espère avoir été assez clair.

Cela fait un petit moment déjà que j'ai le droit aux habituels "ça ne va plus entre Sven et toi ?". Depuis notre entrée dans le jeu, en réalité. Je dois avouer que nous n'avons rien du parfait petit couple banal qui vit simplement d'amour et d'eau fraîche. Et je suis en parti l'unique responsable de notre situation. En effet, je suis pudique. Réellement. Je n'aime pas franchement l'idée d'exposer mon couple et mes sentiments devant les autres. Et encore moins devant des centaine de caméras. C'est le jeu, me direz-vous. Oui, mais non. A la base, si j'ai fais cette émission, c'était pour vivre une nouvelle aventure. Tenter de nouvelles expériences. Pas pour afficher mon couple et déclarer devant le monde entier que je suis un bisexuel qui s'assume complètement. Je ne le suis pas. Je n'assume rien. Je n'ai pas honte de la personne que je suis ou de ma relation avec Sven. Seulement, notre couple reste du domaine du privé. Qu'est-ce que ça peut bien apporter à Lucette ou Jeanine de savoir que nous sommes ensemble ? Rien à ce que je sache. J'arrive donc sur les lieux où le principal concerné m'avait donné rendez-vous, soit le cinéma. L'endroit est charmant. Beaucoup moins que la tronche que tire Svenou. Monsieur détourne le regard. Quoi ? Il m'invite à passer du temps avec lui, puis m'ignore totalement. Qu'est-ce que j'ai fais encore ? Comme si ma semaine n'avait pas été assez difficile comme ça pour qu'il me fasse la gueule, encore une fois. Je m'assois près de lui, puis le fixe un instant. Je suis dans l'incompréhension totale. « Si tu ne me fais pas l'amour maintenant, c'est fini », finit-il par lâcher. Je fronce subitement les sourcils et mon regard sur lui manifeste du dégoût. Alors, quoi ? Il m'a proposé ce rendez-vous pour me poser un ultimatum ? Je soupire, dans un rire jaune, puis tourne finalement la tête vers l'écran. Je suis indigné, outré, offusqué. Les mots ne sont même pas assez forts pour exprimer mes sentiments. « Tu viens de mettre fin à notre histoire. », dis-je dans un mépris total. En prononçant ces quelques mots, ces piètres mots, il a signé la fin de notre couple. Dégueulasse. Ça me répugne. Il me répugne.

La seule réponse à laquelle je ne m'étais pas préparé. La fin. Je déglutis, mon coeur rate un battement lorsque je l'entends prononcer ces mots. Ces mots qui, un par un, me pèsent lourd sur le coeur. Un petit coup de poignard à chaque syllabe prononcée par ses lèvres dégageant du mépris ou je ne sais quoi exactement qui me révolte. Je n'en reviens pas. Je dois me tenir au fauteuil de cinéma. Ma respiration s'accélère, j'halète. Mon regard se veut vide, je m'exile quelque part dans mon esprit pour tenter de digérer l'information inimagineable que je viens de recevoir. Puis je sors de mes songes et une rage s'empare de moi, indescriptible mais incontrolable. Je me lève d'un bond de ce fauteuil et tape dedans, lâchant un cri de colère. « T'es aveugle ou quoi bon sang ? La seule chose que tu trouves à dire c'est ça ? Sérieusement ? Tu peux me rappeler pourquoi on est ensemble si c'est pour que tu réagisses ainsi ? Ce n'était qu'un ultimatum pour te faire prendre conscience que tu me fous mal, Joshua. Tu sais ce que ça fait d'être laissé de coté, h24 ? Si je t'ai fait venir ici pour te dire ça c'était pour que tu réagisses, pas pour que tu le fasses imbécile ! Rends-toi un peu compte du.. du compagnon de merde que tu fais ! Je t'aime bien Joshua mais y a des limites. Que l'on soit en couple ou non cela change-t-il encore à notre relation telle qu'elle est dans ce jeu à l'heure d'aujourd'hui ? Les caméras te rendent encore plus pudique, c'est invivable pour moi. Ne fut-ce que te toucher la main te ferait grimacer, franchement je dois faire quoi ? Dis-moi. Je dois faire quoi ? » je termine, apitoyé, le suppliant de me dire quoi faire. Mais rester dans cette situation ce n'est plus possible. Je m'emporte, ma voix chevrote, je prends cela à coeur c'est normal. Je hurle peut-être aussi. Au moins il est sûr de bien comprendre l'importance de la chose qui se joue, là maintenant.

Sven se lève d'un bond et s'en prend injustement au fauteuil qui ne lui a absolument rien demandé. Il est en colère. Totalement répugné, comme dégoûté de ma personne. Tant mieux, c'est réciproque. Monsieur a posé cette question dans le simple but de me tester ? De voir ma réaction ? Et bien la voilà, ma réaction. Il veut en finir ? Alors finissons-en. A mon tour, je quitte mon siège puis ris nerveusement à son long monologue. « Tu t'attendais à quoi ? Que je vienne te baiser sur ces putains d'escaliers ? » A son instar, je hurle. Il pensait quoi, au juste ? Que je garderais un calme olympien face à ses aboiements ? Je ne m'emporte pas souvent, mais lorsque je le fais, ce n'est pas beau à voir. Alors, je détourne légèrement la tête vers la droite, puis contracte la mâchoire. J'ai du mal à garder mon calme. Et pour cause, sa tête d'abruti faussement offusqué me met les nerfs à vif. « Tu.. » Je tourne machinalement la tête vers lui et tente de reprendre mon calme. Ce n'est pourtant pas une mince affaire. Je le pointe finalement du doigt, la mâchoire toujours aussi contracté. « Tu me connais. Tu me connais très bien, Sven. J'ai toujours été comme ça. Alors arrête ton cinéma. Les caméras ne changent rien à mon comportement. Tu sais très bien que je déteste tout ça. » Mes propos sont confus. J'ai beaucoup de mal à lui faire parvenir mes sentiments. Il devrait me connaître, pourtant. Je baisse finalement le doigt avant de porter mes deux mains à mon visage. Ca me fait chier. Littéralement. Il compte tellement pour moi. Il n'avait pas le droit de faire ça. J'expire donc un grand coup puis redresse légèrement la tête, cette dernière étant toujours dissimulée de mes deux grandes mains. « Ma semaine a été dégueulasse, Sven. Et toi, tu viens avec ton foutu test à la con. Tu fais un partenaire aussi merdique que moi. », dis-je d'une voix brisée par l'émotion. Sentiment de rage, d'amertume. De rancœur, tout simplement. Je laisse finalement mes bras retomber le long de mon corps avant de porter mon regard une nouvelle fois sur lui. « Je ne sais pas ce que tu dois faire, mais je sais ce que tu n'aurais jamais du faire. » Soit, ne jamais jouer à ce petit jeu avec moi. Je me rassois sur le fauteuil complètement dévasté puis me contente de plonger mon regard sur le grand écran. C'était ça le but de son rendez-vous ? Que l'on reproduise une scène de ménage digne des feux de l'amour ? Alors, bien joué, Sven. Tu as complètement réussi ton tour.

Je ne m'attendais pas à ce qu'il s'emporte lui aussi, cela lui était tellement rare de s'emporter de cette façon que j'en fus d'abord surpris. Puis je le laissai continuer, serrant la mâchoire, les idées se mélangeant, explosant dans ma tête. J'ai envie de le tuer, il se la joue grand alors qu'en réalité il n'a aucune couille. Pour rien. Il n'a jamais les couilles pour que dalle. Je le laisse déblatérer tout ce qu'il a envie en prenant sur moi. Je prends sur moi, comme d'habitude. Comme toujours, en somme. Je commence à en avoir une habitude, une sale habitude que je n'aurais pas aimé acquérir. Je ne dois pas m'y faire, à tout encaisser à chaque fois. Il se rassied alors dans les fauteuils de cinéma. Franchement, le film derrière nous qui passe sur l'écran est le cadet de mes soucis, c'est comme si je l'entendais des lieues d'ici. « Mais oui, je suis dégueulasse, je suis merdique, je ne fais jamais ce qu'il faut faire. Tout est de ma faute, bien entendu » je fais ironiquement, haussant les épaules et riant jaune. Je suis un gamin de merde je le sais pertinemment mais lui il est quelqu'un d'effacé, qui n'a aucune jugeote et qui ne sert à rien. « Alors quoi, l'idée c'est qu'on se regarde à deux mètres de distance jusqu'à que l'on se fasse sortir du jeu, c'est ça ? » je m'exclame, indigné d'une telle débilité de la chose. Parce que là franchement, c'était ce qu'il se passait purement et simplement. Un écart de deux mètres, aucun contact. C'était trop demander pour Sven, définitivement trop. « Si je me déguise en nana ça t'aiderait peut-être ? » je dis en devenant moqueur de par la colère et la rancoeur qui m'ont gagné. « Tu crois qu'il se passe quoi dans ma tête quand je constate que tu n'as pas envie de me toucher, ne fut-ce qu'un innocent contact de mains ? Une accolade, un baiser. Ce n'est rien du tout. Et pour toi c'est la mer à boire. C'est juste plus vivable, surtout dans une aventure comme ça où l'on a besoin de soutien, chose que je ne reçois absolument plus de ta part » je constate, les larmes me montant aux yeux. « Je ne sais pas si cette aventure était une bonne idée en définitive » je conclus ne sachant plus retenir mes larmes et me laissant moi aussi tomber sur un fauteuil du vieux cinéma. Fallait-il croire que notre couple n'était pas si tenace que cela.

Je suis désemparé. Totalement anéanti. Ses propos sont injustes. Je ne fais peut-être pas les efforts qu'il attendait de moi, mais je fais des efforts tout de même. Alors peut-être que ces derniers ne suffisent pas à Monsieur, mais que cherche-t-il au juste ? Que je lui montre de l'affection ? Aussitôt en a-t-il terminé avec ses accusations impertinentes que je l'attrape par la nuque et vient lui déposer un violent baiser sur les lèvres. « C'est ça que tu recherchais ? », dis-je sur un ton calme, mais toutefois plein d'amertume. « Je t'apporterais volontiers mon soutien, Sven, mais tu ne m'adresses même pas un regard depuis le début du jeu. Tu es trop occupé à me faire la gueule à chaque fois que l'on se croise. Tiens, tu sais quoi ? J'ignorais même que tu m'en voulais, cette semaine. Tu sais qui m'a ouvert les yeux ? Sia. » Mon ton se veut encore une fois totalement méprisant. Aussi, je baisse les yeux, les poings fermés, et la mâchoire toujours aussi serrée. « Si t'arrêtais un peu de faire le gamin, un instant, je pourrais t'en donner de l'affection. C'est toi qui a décidé de jouer aux provocateurs dès le premier soir en m'arrachant carrément un baiser, comme celui que je viens de t'arracher, alors que tu connais très bien mon sentiment sur ce genre de trucs complètement niais. » Mes propos se veulent violents, certes, mais ils n'expriment que le fond de ma pensée. Tout ce que j'ai gardé pour moi depuis le début de cette aventure. D'ailleurs, c'est sans doute la première et dernière fois que je lui parle sur ce ton. Je déteste sortir de mes gonds. Ça ne me ressemble tellement pas. Puis, ça a le don de me mettre encore plus hors de moi. « Et c'est ça ta préoccupation ? Que l'on se fasse sortir du jeu ? Parce que tu préfères que je joue à l'hypocrite et que j'en arrive à te détester pour gagner ce stupide jeu à la con ? », renchéris-je sèchement. Je plonge finalement mon regard dans le sien, cette fois un peu plus détendu. « Ce que tu ne comprends pas, Sven, c'est que tu es une des personnes qui compte le plus, actuellement, dans ma vie. Et je pensais que tu n'avais pas besoin que je t'embrasse devant la Terre entière pour le savoir. Mais apparemment ce n'est pas le cas, et ça me déçoit profondément. » Mes yeux se dirigent à nouveau vers l'écran. Je ne prête pas attention aux images qui sont diffusées, ces dernières sont un simple prétexte pour détourner mon regard du sien. « Tu me déçois profondément. », renchéris-je la voix brisée.

Visiblement aujourd'hui, Joshua a décidé d'être imprévisible. Je ne m'attendais pas à ce qu'il m'embrasse violemment et fougueusement – sans aucun respect par ailleurs – après la deuxième gueulante que je venais de pousser. J'étais essoufflé, le coeur battant par la situation. Mais le contact de ses lèvres contre les miennes m'avait apaisé en moins de deux secondes. C'était enivrant, j'étais dopé, calmé. Rassuré. « Oui » j'approuve en baissant les yeux, en ayant encore envie, encore et même plus. Ce qu'il ne me donnerait pas, je le savais. « Je ne t'adresse même pas un regard ? Mais c'est l’hôpital qui s'fout de la charité là. Dès que t'apparais dans la pièce je suis obnubilé par ta silhouette. Chaque prime je me perds dans mes pensées en te regardant. Je n'ai besoin que de toi dans cette émission et tu le sais. Et tu t'en fous, tu ne fais rien. Je ne te faisais pas la gueule et Sia peut bien la fermer j'en ai rien à faire, je ne te faisais pas la gueule j'avais juste un message à te faire passer et je pense que c'est chose faite » je dis, redevenant de plus en plus en colère après le petit calme qu'il m'avait offert avec son violent baiser. « Un gamin » je relève, ironiquement. Bah oui c'est ce que je suis évidemment. Immature, gamin, niais, je le sais bien. « Je suis pas certain que si j'étais tiré à quatre épingles et sérieux non-stop, tu me donnerais de l'affection » je fais, dubitatif. C'était plutôt une excuse pour me refoutre mes enfantillages sur la gueule, selon moi. Facile, petit. Je le déçois, je le déçois. La situation se retourne encore, comme à chaque engueulade, c'est monsieur le prude qui aura le dernier mot et le gamin immature qui ne demande qu'un peu de réconfort et d'affection, il pourra aller chialer dans son coin, se rongeant les ongles de ne pas être aimé assez, selon lui. J'en ai marre. Plus que marre. « J'en ai rien à foutre de la terre entière, enregistre putain. Ce que je veux c'est tes bras, pas te voir me regarder sans m'approcher à trente kilomètres » je lâche sèchement, levant les yeux au ciel car il ne comprend rien à rien. « Et bien il faut croire que je suis décevant, que j'en ai l'habitude et que toi Joshua, ô grand innocent et irresponsable de tout ce gâchis, n'a rien à se reprocher, c'est moi qui suis à blâmer comme d'habitude, moi qui ne demande qu'une chose : de la reconnaissance et de l'affection » je continue. « Le jour où tu comprendras ça » dis-je pour terminer, ô oui le jour où il comprendra ça sera un grand jour.

On en revient toujours à ce même débat: l'affection que je ne lui porte pas. Mais qu'est-ce qui est vraiment pire ? Agir comme je le fais ou lui donner ce qu'il désire du plus profond de son cœur mais qui ne sera pas fait avec le mien, de cœur ? Je ne veux pas de cela. Je ne veux pas de mots doux susurrés à l'oreille, de baisers langoureux ou d'embrassades généreuses si je ne les lui offre pas avec le cœur. A quoi cela mènerait-il de jouer les hypocrites ? Je l'attrape donc par la nuque et l'embrasse violemment. C'est ça qu'il désirait ? Oui. Je fronce subitement les sourcils et le dévisage un instant. Cela ne rime à rien. Vraiment. « Sérieusement, Sven ? » Je lève les yeux au ciel, stupéfait de cette réponse pour le moins inattendue. Je me tourne à nouveau vers lui puis émets un rire nerveux. « Je ne suis pas capable de te donner cette affection que tu désires tant. Tu.. Tu ne le comprends donc pas ? » J'inspire un grand coup et passe mes mains sur mon visage avant de me lever une nouvelle fois, cette fois, fin prêt à quitter les lieux. Si je ne fuis pas cet endroit, si je ne fuis pas cette personne, je risque de devenir fou. « T-tu.. » L'expression de mon visage reflète mon indignement. Je ne comprends pas comment il peut se contenter de cela. De ce baiser qui n'était même pas sincère, presque aussi brutal qu'une claque en pleine gueule. Je me tourne de nouveau vers lui puis passe nerveusement ma main dans mes cheveux. Je l'entends déblatérer un million de choses, sans réellement l'écouter. Quelques mots parviennent à mes oreilles, d'autres ressortent aussitôt par l'autre. Je suis bloqué. Bloqué sur cet aveu. « Va voir ailleurs. », dis-je sèchement. Je reviens vers lui pour reprendre place sur mon siège, puis le regarde droit dans les yeux. « Je suis sincère. Va voir ailleurs. » J'ai la gorge nouée, fatigué de cette conversation sans fin. On ne s'écoute même plus, on se croirait presque dans un tribunal. L'un avance des arguments, l'autre contredit stupidement. « Tu n'as rien à faire avec moi si tu n'arrives pas à comprendre que ce n'est pas aussi facile pour moi. Je n'ai jamais prétendu être le pauvre petit garçon innocent. Je n'ai jamais prétendu être celui qui n'a rien à se reprocher. Je connais mes torts. Mais si toi, dans ton cœur, tu es persuadé que je ne te mérite pas, que je suis bien trop minable pour toi, alors va voir ailleurs, Sven. Je fais des efforts. Je fais des efforts que tu es incapable de voir tant tu es aveuglé par ce qui devrait être ordinaire et ce qui ne l'est pas. On n'est pas un couple ordinaire et on ne le sera sans doute jamais. Le fait que je sois toujours avec toi, au jour d'aujourd'hui, ne te suffit-il donc pas en guise de preuve d'amour ? Je ne vais te faire l'amour dans un cinéma pour te montrer à quel point je tiens à toi, alors arrête. Arrête avec tout ça, parce que là je suis juste à deux doigts d'exploser. » Mes mains suivent mes paroles. Voila où me mène le surplus d'émotions. Et puis merde, alors. Je n'aurais jamais dû venir à ce stupide rendez-vous. J'aurais dû me douter de ses intentions.

Cette conversation devient de pire en pire. Si l'on peut considérer cela comme une conversation et non une engueulade ou une troisième guerre mondiale. Je sais pertinemment que j'y vais fort. C'est le but. Cette fois-ci ce sera tout ou rien, et vu comment la roue tourne j'ai l'impression que je sortirai de cette salle de cinéma avec un « rien ». Je fronce les sourcils, ma mâchoire est en rage, les informations se bombardent les unes les autres dans ma tête, mon coeur bat à cent à l'heure. C'est horrible. Horrible comme situation car j'ai l'impression de le perdre. Ou peut-être l'ai-je déjà perdu, toute somme faite. Peu importe, cette histoire commence sérieusement à me gonfler profondément. Et même si je serai malheureux sans lui il faut peut-être que je pourrais trouver quelqu'un qui donnerait de l'affection à revendre. Un homme. Un homme qui s'assume. Pas comme cette mauviette que j'ai en face de moi qui.. qui ne trouve qu'à me dire qu'il ne sera jamais capable de me donner l'affection que je recherche. Je déglutis, mon coeur rate un battement, encore une fois. Cela blesse. De savoir que je n'aurais jamais un tant soi peu d'affection comme je le désirerais, c'est-à-dire une relation normale avec des témoignages d'affection normaux et réguliers. Sans honte. Sans peur. Sans limite. Mais visiblement, il fallait croire que je lui avais demandé de m'enfoncer encore plus bas car c'est ce qu'il fit, sans pour autant penser que cela allait m'envoyer directement six pieds sous terre. Il me somme d'aller voir ailleurs. Alors que je m'étais levé de mon siège, je sens mes jambes manquer à l'appel et je me laisse tomber sans réellement m'en rendre compte dans le fauteuil délabré du vieux cinéma. Les larmes me montent aux yeux mais je refuse de les laisser sortir. Je refuse, totalement. Je ne veux pas lui montrer qu'il me blesse, cela lui ferait bien trop plaisir. Il me sort encore tout un roman sur le fait que c'est de ma faute, que je ne l'accepte pas comme il est : foutaises. J'en ai marre. Le « va voir ailleurs » a été de trop et je suis désormais fermé comme une huître. Plus rien ne sortira. Mais j'ai imprimé le message, ô que oui je l'ai bien compris, c'est très clair. Puis finalement il est trop tentant d'utiliser le peu de salive qu'il me reste. « Oh, ne te sens pas obligé d'exploser, je pense que tout le monde a pu comprendre le message explicite que tu viens de me faire passer, et ne te sens pas non plus obligé de rester avec moi puisque à l'heure d'aujourd'hui ce n'est plus une preuve suffisante » je dis, en réemployant ses propres propos. « Je pense que tu as été très clair » je termine, en me retournant, me dirigeant vers la sortie. Je ne sais pas s'il va me rattraper ou non, même si j'y ai pensé. Le « va voir ailleurs » semblait très clair selon moi. Fake Lover, je te hais, tu m'as fait perdre mon binôme. Ou plutôt non, tu m'as ouvert les yeux sur qui il était vraiment.