« Ça passe. » je réponds à Jared, avec un signe de main un peu vague. En fait, je ne suis pas si difficile. Je bois de tout, mange de tout, dans la limite du raisonnable. Il évoque ensuite la Belgique, et j’arque un sourcil, surprise. « En Wallonie… ? Est-ce que tu viens de là-bas ou est-ce que c’était juste histoire d’un… D’un séjour ? Je pensais que tu étais américain. Non ? » j’explique, un peu confuse. Il m’avait confié avoir beaucoup voyagé, alors la Belgique avait peut-être été simplement une étape, mais je ne savais pas vraiment comment interpréter cette information et j’avais besoin qu’il m’éclaire sur ce point. Et puis c’est l’heure de la chronique. Branca et Callan. Candace et Branca. Candace et William. Et puis William et Lulu ? Bon je dois bien admettre que certaines anecdotes m’étonnent. Sven et Joshua. Mais Sven n’avait-il pas quitté le nid ? Et puis Asmaa et Malik – ça, ça m’étonne moins. Je ne sais pas trop que penser de tout ça, entendre toutes ces choses me donnent l’impression d’être une voyeuse, et c’est désagréable. Enfin, Esther termine sur Elliot et Raphaël – ça m’aurait étonné aussi qu’on épargne ma partenaire. Je suis dans un état mitigé à la fin de cette chronique, je me sens furieuse et amère à la fois, et mon cœur est serré, et j’ai de nouveau envie de quitter le plateau. Ça ne s’arrange pas lors des nominations à voix haute. Je dévisage tour à tour les candidats qui prononcent mon nom, m’attardant sur Elliot quand elle élève la voix. Je n’y avais pas songé mais c’était un véritable choix de Sophie pour elle. Je reste suspendue à ses lèvres, persuadée qu’elle va choisir de sauver Arès et… Et non. Je n’y comprends rien. Je ne m’y attendais pas. Je voudrais être heureuse, mais je suis trop méfiante, et je cherche déjà l’anguille sous roche. Elle ne veut peut-être pas avoir de nouveau partenaire. Partager son secret avec une nouvelle personne. Peut-être qu’elle est comme moi, et qu’elle prend notre alliance très à cœur. Je ne sais plus quoi penser. Je n’ose pas regarder Arès, parce que je me sens coupable envers lui, bizarrement. Ma présence est là, entre lui et Elliot, je suis un obstacle à leur relation amoureuse. Et Tris prend la parole. Son dilemme doit ressembler à celui d’Elliot, en tout cas je me plais à croire qu’elle m’estime suffisamment pour hésiter et je me demande qui elle va choisir, elle aussi – est-elle proche d’Arès de la même manière que je suis proche d’Elliot ? Je me dis que si elle devait me nominer, je lui pardonnerais, je comprendrais. Mais quand elel prononce mon nom, quelque chose en moi se brise et je détourne le regard. Je n’ose même pas imaginer ce qu’a du ressentir Arès quand Elliot a prononcé le sien… J’ai envie de quitter les lieux immédiatement et je me lève, pour finalement me diriger vers ma partenaire. Je n’ai pas les mots. Alors je me contente d’une banalité. « Merci. » je murmure d’une voix rauque, consciente de la difficulté de son geste. « Je… Hum… On y va ? » je lui propose, m’imaginant qu’elle non plus n’a pas envie de s’éterniser ici, et je n’ai pas envie de la laisser seule maintenant – sa sœur va sans doute vaquer un peu à ses propres occupations de son côté.

Dès le début, j'ai su que la soirée allait être éprouvante. Je tiens à peine debout. Bien qu'il y ait la présence de ma petite sœur, je ne parviens pas me ôter les esprits les départs de certains candidats. Pour le coup, la pillule est difficile à avaler. Ma main dans la sienne, je couve du regard ma soeur. Je dévisage Arès, avec un sourire mutin aux lèvres en repensant à notre soirée dans cette fameuse baignoire. Les jeux s'enchaînent. Le dernier tourne autour de la poésie. J'attends quelques vers échappés de la bouche du français. Mes joues s'empourprent légèrement. Après le jeu, la chronique de Esther. Et bien sûre, elle parle du baiser. Mes traits se figent et je regarde en direction de Arès. J'espère qu'il tient le coup. Je ne peux pas supporter de voir ces images, je baisse la tête honteuse. La présentatrice a raison sur un point : je suis une des causes de la souffrance du suisse. Je prends conscience que ma présence lui est nuisible. Je préfère me retirer dans ce cas-là et céder la place à une personne plus apte que moi à le soigner. Comme Lulu, par exemple. J'ai l'impression d'être le bourreau et lui, ma victime. Tout ce que je souhaite, c'est son bonheur. Mais avec moi, il ne sera jamais heureux. A cette pensée, mon cœur se déchire. L'angoisse me tiraille. Je n'ai qu'une envie : fuir cet endroit. Je serre la main de Jimmie dans la mienne. Je suis heureuse qu'elle soit là. Très heureuse. Je me dis que tout n'est pas perdu. Il me reste ma famille, du moins une partie. Son soutien, sa présence ne me feraient que du bien. Les minutes défilent. Les estimations, la côté de popularité, etc. L'instant que j'ai tant redouté se confirme. On nous demande de choisir entre Arès et Dagga, Rumer et Gaspard pour la nomination. J'en ai les larmes aux yeux. Le choix est cruel, cornélien. Mais je choisis de nominer Arès au détriment de Dagga. Malgré toute l'affection que je lui porte et toute l'attirance que j'ai pour lui, il m'est impossible de nominer Dagga. Je croise le regard froid de Arès. Je veux me lever pour le rattraper, mais je m'abstiens de faire quoique ce soit. Je suis tétanisée. J'entends la voix de ma partenaire qui m'appelle. Je lève la tête et j'acquiesce. Je lui prends la main et dis bonsoir à ma petite soeur avant de sortir du plateau, en pleurs.