Je suis nerveuse. Tout ce cela me stresse à un niveau pas possible. Je me ronge les ongles et j’attend que Cameron affirme haut et ce qu’il a buzzé. Je ne suis pas vraiment surprise de ce qu’il dit, puisque c’est pratiquement mot pour mot ce qu’il nous a avoué durant la convocation. Bon, je crois qu’il serait temps de parler. Et je suis sur le point de le faire, sauf qu’Everleigh se lance en premier. Je la fixe alors que mon cœur se met à battre à une vitesse folle. Je crois que j’ai attendu des explications toute ma vie, mais maintenant qu’elle est là devant moi, à parler, j’aurais préféré ne pas avoir affaire à tout cela. Parce que tout ce qu’elle dit me donne l’impression d’enfoncer un peu plus profondément le couteau. « Étant donné que l’avortement n’est pas légal en Irlande. » Cette phrase résonne encore et encore dans ma tête me disant que si cela avait été le cas, je ne serais pas assise ici. Elle n’a jamais voulu de moi. Jamais. Je le savais, mais l’entendre le dire est encore plus difficile. Elle continue à parler, des premiers mois de ma vie et de la danse. La putain de danse. Julliard. Je sens ma tête tourner, j’ai envie de vomir. Mais je reste impassible, me mettant à fixer le vide. J’aimerais tellement être indifférente. Avoir cette capacité de ne rien ressentir et de me foutre de tout comme j’ai l’habitude de donner cette impression. Mais jamais je n’y arriverais, pas avec ce qui se passe en ce moment. Surtout qu’elle vient d’avouer qu’elle avait des nouvelles de moi par le meilleur ami de mon père qui est en fait son frère. Puis elle termine en disant que je suis sa fille, mais qu’elle n’est pas ma mère et je n’aurais pu dire cela aussi bien. Je sens les regards sur moi, fermant les yeux un moment, silencieuse, parce que je n’ai pas envie d’éclater en sanglots. Grande respiration, je les ouvre à nouveau en me lançant. « Je ne sais pas si je dois ajouter quelque chose… Je n’ai aucun souvenir d’Everleigh, évidemment. Je me souviens seulement être très jeune, et voir mon père pleurer sans que je ne comprenne pourquoi. Il m’a bien élevé, c’est un fait. Il n’a pas été super présent, toujours entrain de travailler, mais j’imagine qu’à un certain point, je lui rappelais la femme qu’il a aimé et qui nous a abandonné. Alors je ne peux pas lui en vouloir à lui. Et puis il a rencontré une femme, il a été heureux à nouveau et ils ont même eu une petite fille ensemble, ma demi-sœur Kathleen. Encore une fois, je ne peux pas lui en vouloir d’avoir voulu être heureux à nouveau… Mais moi, j’ai toujours eu le sentiment d’être de trop. De ne pas avoir ma place, même s’il m’aime à en mourir. Parce que j’étais un accident. Jamais je n’aurais du être là au fond… Comme l’a dit Everleigh.» Je baisse les yeux et prend une grande respiration. « Évidemment, j’ai posé des questions, par rapport à ma mère. C’est qu’une petite fille, ça a besoin d’une présence maternelle dans sa vie, vous savez. Et comme je n’en recevais pas de ma belle-mère… Je voulais juste comprendre. Je voulais juste comprendre. La seule information que j’ai réussi à tirer de mon père, c’est que cette mère avait voulu poursuivre son rêve de devenir danseuse et qu’elle était partie vivre à New York. » Et moi qui voulait devenir danseuse lorsque j’étais plus jeune… Quelle idée idiote. « Je sais que je n’ai pas été une adolescente facile pour mon père… Je lui en ai fait voir de toutes les couleurs… Puis y’a eu les consultations quotidiennes chez la psy… pour m’aider. Helen, ma psy, est arrivée à la conclusion je suis bordeline. C’est un peu n’importe quoi… Mais selon elle, l’abandon de ma mère est directement liée avec mon humeur changeante, ma colère constante et le vide que je ressens à longueur de journée. Je ne sais pas… Enfin… » Je suis entrain d’angoisser et je ne sais pas pourquoi je parle autant. Je devrais me fermer la gueule. « Bref, je suis venu ici pour la rencontrer… Everleigh. Et pour le dire que même avec son absence à mes côtés, elle a réussi à me gâcher la vie. » Je la regarde, je la fixe. Je tremble et des larmes viennent s’écraser sur mes joues sans que j’en aie le contrôle. Puis je me tourne vers Cameron. « Félicitation… » Je souris faiblement alors que je pleure silencieusement. Bon, je dois sortir d’ici, je suis entrain d’étouffer.

Cameron, en découvrant le secret d'Harlow et Everleigh tu viens de remporter la somme de 21 000€ qui s'ajoute à ta cagnotte personnelle. Bravo à toi.

Je sens le regard d'Harlow sur moi. Je le sens tellement que je me sens mal. Très mal. Mais au fond ça n'a pas d'importances. J'en suis la cause, je n'ai que ce que je mérite. J'ai essayé de m'imaginer milles et une choses, ce que je pourrais lui dire, ce qu'elle pourrait en dire elle et plus je l'écoute plus je me dis que ça ne pouvait pas autrement. Elle est là à mes côtés et balancer nos histoires de cette manière à la télévision n'est pas du tout ce que j'avais imaginé. Mais c'est mieux que rien et ça aurait pu être tellement pire. Ma carapace est telle que je ne me laisse pas submergée par l'émotion, de l'extérieur parce qu'à l'intérieur, je suffoque. Je suis entrain de perdre mes moyens et je ne dois pas. Je ne dois pas du tout. Elle pleure, ses dernières paroles s'enfoncent en moi comme un coup de poignard. Je le sais, je le sais que trop bien que sa vie est gâchée et que j'en suis la seule responsable. Je sais pourtant que si j'étais restée le résultat serait peut être pire, parce que son père aussi en ferait les frais. Je sens le regard désapprobateur de Cameron sur moi. Si vous saviez comme je m'en contre-fiche. Je reste silencieuse, parce qu'au fond, si elle est là c'est pour les même raisons que moi, enfin dans les grandes lignes. Cupidon fait son discours et je me lève prête à quitter la pièce loin de tout. De tout le monde surtout. Je tombe sur Fitz, je m'arrête brusquement. - Tu veux sortir ? Je suis tellement étonnée que je réponds pas immédiatement. C'est peut être ce qui le pousse à poursuivre. - Ou seule si tu veux aussi. « Non.. Je... Oui, sortons s'il te plait. » Je sais pas si j'avais besoin de compagnie, je n'y ai pas réfléchi, mais c'est sans réfléchir que j'accepte sa compagnie. Je m'apprête à quitter la pièce sauf qu'il y a un truc qui m'en empêche. « Laissez-moi vous dire que vous êtes deux belles idiotes. » C'est marrant d'un type que personne ne prend au sérieux mais bon. Je laisse Fitz un instant pour me placer devant le connard qui sert de partenaire à Harlow et lui colle une belle gifle dont il devrait se rappeler. Sa claque, il devrait garder la marque quelques temps mais c'est plus impressionnant que douloureux je pense. Je lui adresse un sourire hypocrite. « Tu te souviens du prime qu'on a passé ensemble, tout ce que tu as dit sur Harlow ? Tu as raison, je suis idiote de ne pas l'avoir fait plus tôt... » Ça soulage. Je tourne les talons sans un regard pour elle parce que ce n'est pas la peine. Je retourne auprès de Fitz, je prends son bras. « On y va s'il te plait ? » Mon coeur bat tellement fort qu'il va sans doute exploser.

Je me doutais que Cameron avait le secret de deux demoiselles. Pour quelle raison les buzzerait il ensemble, si ce n’était pour les désigner mère et fille ? Moi qui étais dans la confidence, leur comportement me paraissait plus qu’équivoque. Pourquoi Everleigh serait aussi choquée de voir Cam et Harlow coucher ensemble si il n y avait pas une raison cachée là-dessous ? Et à l’évidence, l’autre con l’avait deviné. Se taper la mère et la fille. Très classe. Certes il ne le savait pas…mais maintenant qu’il était au courant, pas sur que ça changeait quoi que ce soit pour lui. Il serait plus du genre :oups. Et basta. J’écoutai en silence les deux filles raconter leur histoire. Combien la brune avait préféré sacrifier sa fille à sa carrière…Que par conséquent elle avait abandonné Harlow, la laissant à son père. Et comment Harlow avait géré la chose, pas très bien à l’évidence. On pourrait jeter la pierre à la brunette pour son comportement hautement égoïste…Mais quelque part, je pouvais la comprendre. Même si je n’approuvais pas. De toute façon, sachant déjà le secret, cette révélation ne changerait strictement rien pour moi. Les pleurs d’Harlow avaient tendance à m’attendrir. Ouais. Pas au point que je chiale non plus hein. J’étais resté impassible durant toute la révélation. Maintenant que tout avait été dis, c’était l’heure de se barrer non ? Je serais bien aller aux nouvelles de ma partenaire, mais je constatais que la situation était déjà prise en charge. Par qui ? Fitz évidemment. Ce n’était pas forcément plus mal, moi pour réconforter les gens… « Laissez-moi vous dire que vous êtes deux belles idiotes. » La voix de Mickey qui sort de nulle part. Mais quel connard celui là, qui lui avait demandé de donner son avis ? Deux secondes plus tard, il eut le droit à une gifle retentissante de la part de la brunette. Bien joué. Je lui en aurais bien foutu une moi même depuis longtemps, malheureusement étant un mec, on me virerait probablement à coup de pied aux cul du jeu. J’esquissai un léger sourire. « Cela vient d’égayer ma soirée dis donc… » dis je plus pour moi même qu’autre chose. Puisque ma présence n’était plus requise, je quittai finalement le salon, comme tout le monde.