Ce soir, Mado avait réquisitionné le cinéma, se l'étant en fait quasiment approprié, car ses deux compagnons et elle-même comptaient bien y être tranquilles, ayant prévu d'y visionner un grand classique de l'industrie cinématographe. Ce classique - peut être un peu trop connu, finalement - c'était Titanic. Très honnêtement, ça n'était généralement pas le genre de films que Mado se plaisait à visionner, si tant est qu'elle en ait le temps. Mais tout de même, et même si ça n'en faisait pas son film préféré, elle était forcée de reconnaitre qu'il était bien de l'avoir vu ne serait-ce qu'une fois, pour savoir ce qu'il en était précisément. Et à ce propos, Fitz lui avait précédemment confié n'avoir jamais vu ce film. Genre, jamais. Si elle n'avait pas manqué de s'en amuser et de grossir un peu l'affaire, il est vrai qu'il serait relativement dommage qu'il n'ait jamais pris la peine de visionner ne serait-ce qu'un bout de ce film, il est vrai très long, mais d'une certaine qualité cinématographie tout de même. Tout le monde n'était évidemment pas forcé d'aimer Titanic, mais tout le monde l'avait généralement vu. Et si Mado reconnaissait naturellement que l'on pouvait pourtant s'en passer, disons qu'elle avait quand même envie d'initier son camarade à ce classique, pour qu'il puisse au moins dire qu'il l'avait vu, que le film lui plaise ou non. Ainsi donc, elle l'avait invité au cinéma, en s'étant naturellement bien gardée de lui faire part de la programmation, de peur sans doute qu'il se défile. Ouais non, elle préférait lui faire la surprise, hein. Autre convive également : Rosie, l'ours en peluche rose qu'elle avait finalement fini par adopter, un cadeau de son camarade d'ailleurs, qui le lui avait offert pour le diner de la Saint Valentin. Elle avait envie de lui faire profiter du film, à elle aussi. Ayant tout prévu, du dvd n'attendant qu'à être lancé aux confiseries visant à les nourrir, Mado n'attendait désormais plus que Fitz. Peut être était-elle un peu en avance. Mais peut être pas, car justement, le jeune homme fit son apparition. Ils étaient donc au complet. Parfait. « Ah, tu es là ! » Non sans blague. « Bon bon bon, c'est le moment où tu dois deviner quel film j'ai sélectionné pour nous. » Ah bah oui, sinon ce serait trop simple, évidemment. « Trois indices pour toi : c'est très long, ça finit mal et ça parle d'un gros bateau. » Alors si avec ça il ne trouvait pas, hein, franchement. « Je sais, c'est très fourbe de ma part, mais je me voyais forcée de saisir cette occasion, tu comprends ? » Oh il fallait qu'il comprenne, hein, parce qu'elle voulait bien faire en soi. Bah oui, c'était comme une soirée découverte pour lui, hein. Évidemment. « Tu préfères être assis à ma gauche ? A la gauche de Rosie ? Entre nous deux ? A sa droite ? A ma droite ? Par terre ? Tout devant ? Ou rester debout ? » Okay, la fin n'était peut être pas indispensable, ou très prise de tête en tout cas, mais après le prime de dimanche, disons que tout prétexte était bon pour tenter de détendre l’atmosphère. Oui, voilà, exactement.

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Titanic. Probablement le film le plus connu au monde, non ? Honnêtement, elle se passait plutôt bien de le savoir, même si elle avait conscience que c'était là un sacré classique, pour ne pas dire un choix des plus banals. Mais ce qu'elle voulait ici, ça n'était pas verser sa petite larme sur la mort de Jack Dawson, mais bien faire découvrir ce film à Fitz, qui ne l'avait jamais vu. De quoi se mêlait-elle, demanderez-vous ? De tout, comme d'habitude. Parce qu'en soi, s'il préférait ne jamais visionner ce film, ça le regardait. Pour autant, elle voulait lui laisser une occasion de le visionner, en très bonne compagnie qui plus est, puisqu'il serait entouré de deux charmantes demoiselles, Mado elle-même - bah oui, hein, quand même - et Rosie, un nounours tout rose qu'il connaissait bien. Non mais très franchement, si elle voyait qu'il n'était définitivement pas chaud pour Titanic, elle avait heureusement prévu un plan B. Enfin, prévu de prévoir un plan B, plutôt. Ouais donc, hm, s'il pouvait gentiment s’accommoder de son choix de film, disons que ce serait franchement gentil de sa part. Choix de film qu'elle tâcha d'ailleurs de lui faire deviner, peut être un peu trop facilement d'ailleurs. Alors quoi, c'était si simple que ça ? N'avait-il pas pensé à Poséidon, dans le même genre ? Haha, même pas. Pff. Les mouchoirs, disait-il ? Roh mais espérons que ce ne soit pas au programme, tout de même. Ils seraient forts, à n'en point douter. Quoi que, c'était Titanic quand même, et la fin était franchement triste. « Tu aurais du, je te le confirme. Je ne veux pas te spoiler, mais sache qu'à partir d'un moment, les larmes ont tendance à couler toutes seules, sans qu'on y puisse rien. » Bon okay, c'était peut être un peu exagéré. Et peut être cela dépendait-il des personnes. Mais si une personne comme Mado pouvait pleurer devant un film, c'est qu'il devait quand même être peinant, hm. Il disait donc comprendre ce choix, et ça la rassurait. Il aurait vu un film culte, qu'il aurait aimé ou pas, mais au moins il l'aurait vu et ne mourrait pas sans savoir ce qu'était précisément le second plus gros succès de James Cameron. Bon et sinon, qu'en était-il de la place qu'il voulait prendre ? Non parce que Mado et Rosie s'adapteraient, c'était à l'homme de choisir. Et donc, il opta pour le milieu. L'éloignement ? Oh bon sang, elle allait pleurer avant même le début du film. « Ce sera dur ... mais supportable. Ce qui m'inquiète le plus, c'est le fait que Rosie m'ait confié certaines choses pas très avouables te concernant ... T'es pas à l'abri d'un harcèlement sexuel, je pense. Je dis ça, je dis rien ... » Nul doute que ce nounours était effectivement suspect. Ce rose si mignon, c'était forcement pour cacher un coté sombre. Évidemment.

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Techniquement, lorsque l'on visionnait Titanic, on avait tendance à apprécier le film. Déjà parce que c'était une histoire qui ne pouvait que toucher et avait rarement tendance à laisser indifférent. Aussi parce que le casting était relativement prestigieux et la mise en scène franchement efficace. Et puis voilà, c'était un beau film, autant le dire. Même Mado, qui n'était pas franchement la nana la plus sensible au monde, avait été charmée par cette production. Et oui, autant l'avouer, elle avait été amenée à pleurer devant ce film. Plus d'une fois. Elle n'en avait pas honte, étrangement. Parce qu'elle estimait, finalement, qu'il était grandement plus "plaisant" de pleurer pour un film que pour quelqu'un. Et puis, ça n'était pas comme si elle était la seule dans ce cas, hein. La plupart des gens qui avaient vu Titanic n'avaient pu que verser une petite larme, tout de même, à moins d'être relativement insensible, hm. Bref, tout ça pour dire qu'il aurait tout de même été préférable que Fitz se munisse de quelques boites de mouchoirs, au cas où ce serait insoutenable, hein. Surtout que bon, pour lui ce serait la première fois qu'il visionnerait ce classique, alors ça risquait d'être brutal. Et clairement, s'il espérait pouvoir se moucher dans le pull de Mado, il va de soi que ça n'allait pas tellement être possible. Il disait alors être apte à relever le défi. Bien, qu'il prenne le risque alors, mais il ne faudra pas venir se plaindre, au moment où les deux vieux se laisseront mourir sur leur lit, si les larmes sont plus fortes que la volonté, hein. En plus, il insinuait que la fin était prévisible. Ah oui merde, elle en avait presque oublié que le Titanic avait véritablement coulé plus de cent ans plus tôt, hm. Oui bon, admettons. « Et bien, figure-toi que James Cameron savait que tu dirais ça. Oui, il le savait. Du coup, il a fait son petit fourbe et ... et il changé la fin. Je ne t'en dirai pas plus, mais tu risques d'être choqué, clairement. » Oh bon sang, mais à qui ferait-elle croire une telle connerie ? Tous ceux qui avaient vu le film savaient que, bah non hein, le paquebot n'échappait absolument pas à son funeste destin. Mais bon, elle avait encore plus de trois heures pour trouver quoi lui dire au moment où l'iceberg se taperait l'incruste. Ouais, elle allait trouver une explication de folie, c'était certain. Fitz opta alors pour s'installer entre Mado et Rosie, cette dernière étant assez louche dans son genre, ouais ouais. « On s'est donné une chance, elle et moi. C'est quelqu'un de fragile, mais ça n'excuse pas tout. » Et là, elle l'entrainait sur le terrain de sa folie, clairement. Sain d'esprit il ne serait plus, c'est clair. « A manger, oui. A boire ... hm, non. » Zut, il est vrai qu'elle avait oublié ce détail. Peut être parce qu'elle s'était dit que, noyés dans leurs larmes, ils ne risquaient pas la déshydratation. « Je file chercher de quoi nous désaltérer. Je compte sur vous pour ne pas faire de bêtises, hein. » Genre. Donc elle disparut un instant, le temps d'aller chercher trois gobelets. Oui, trois, sérieusement. Ça n'allait pas bien, définitivement. Revenant les mains pleines, et tout sourire, elle leur tendit à chacun leur gobelet. Enfin, elle tendit le sien à Fitz et garda plutôt en main celui de Rosie, hein. « On est parés, je pense. Donc si aucun de vous n'y voit d'objection, je vais mettre le film en route. » Rosie n'en voyait visiblement aucune. Quant à Fitz, elle le saurait bientôt.

Roh mais, c'était quoi cet apriori au sujet de la fin de Titanic ? Pourquoi partait-il du principe que le réalisateur du film avait nécessairement voulu coller à l'histoire originale, hein ? Pourquoi James Cameron n'aurait-il pas apprécié d'en changer l'issue, justement ? Bah oui, c'aurait même été une prise de risque honorable, à n'en point douter. Bon d'accord, il est vrai qu'il était grandement préférable que la fin ne diffère pas des circonstances réelles du naufrage du célèbre paquebot. Aussi, il était certain que Mado avait simplement l'esprit de contradiction. Fitz, lui, avait en tout cas une sacrée imagination. Ce scénario-ci aurait été franchement épatant, c'est clair. « Mais ... mais ... » Oh, lorsque Mado commençait une phrase de cette manière, ça n'était jamais tellement bon signe. « Mais tu te fiches de moi en fait, et depuis le début ! Tu l'as vu, Titanic ! » Parce que oui, elle essayait maintenant de lui faire croire qu'il venait de sortir l'exacte fin du film, là. Ouais, comme par hasard. Car oui, elle préférait continuer sur sa lancée, histoire d'être bien chiante, comme elle aimait tant l'être. En plus, elle savait que ça lui avait manqué, à Fitz. Comment pourrait-il en être autrement, franchement ? Il est en tout cas certain que Mado avait rapidement adoptée Rosie, quoi qu'elle ait pu dire au sujet de l'ours en peluche le soir où elle l'avait reçu en cadeau. « Que personne ne dise que je suis butée, hein. Après Bob, j'ai laissé une chance à Rosie de me prouver qu'elle n'était pas qu'un ours rose. Si ça c'est pas de l'ouverture d'esprit, franchement, je ne sais pas ce que c'est ... » Prière de bien vouloir la laisser nager en plein délire, ça lui faisait énormément de bien. Non, vraiment, ça lui permettait de relâcher un peu la pression. « Roh, tout de suite les grandes formules ... Ouais, il me semble que c'est à peu près ça. Trois heures ou un petit peu plus, ouais. » Elle ne se souvenait pas exactement du temps du film, hein, cela va de soi. Elle savait juste qu'il était, hm, très long. Mado partit alors chercher trois gobelets - histoire de n'oublier personne - puis proposa de lancer le film. Personne n'était contre, alors c'était parti. La douce musique d'introduction, le plan sur les sous-marins ... Ouais, ça commençait là. A la question de Fitz, elle se pinça la lèvre. « Si je compte toutes les fois où il est repassé à la télé, plus celles où j'ai surpris Ezra entrain de mater le DVD, hm ... je dirais sept ou huit fois. Ça peut paraitre énorme, mais crois-moi, c'est peu. » Non mais vraiment, étant donné que le film avait plus de quinze ans et qu'il était multi-rediffusé, elle estimait être dans la petite moyenne, disons. Le début du film continuait, mais ça n'était pas franchement la partie la plus intéressante. Là, ça se passait dans la années 90, donc ça n'avait pas grand intérêt disons. « Ça met un peu de temps à rentrer dans le vif du sujet » confia-t-elle alors, en un fin rictus. Oui parce que là, le Titanic avait déjà coulé. Or le plus intéressant, c'était ce qui s'y passait avant et pendant le naufrage, justement.

Bien sûr que Fitz venait d'énoncer, et sans le savoir d'ailleurs, la véritable fin du film Titanic. Chacun savait évidemment que l'armée américaine débarquait effectivement au dernier moment pour sauver les passagers de leur terrible destin. A moins, bien sûr, que Mado ait simplement décidé de pousser le vice jusqu'à se moquer gentiment de lui. Mais bon, quand même, ça ne devait pas tellement être son genre ... Si ? Ah, peut être, en effet. Disons qu'elle aimait retrouver la légèreté de leurs premiers échanges, et même que cela lui faisait un bien fou. Donc oui, elle n'avait pas envie de prendre grand chose au sérieux aujourd'hui, avec Fitz. Alors rien ne lui coûtait d'inverser les rôles et de prétendre que le baratineur, c'était lui. Parce qu'au fond, tout le monde savait bien qu'il avait prétendu ne pas avoir vu Titanic simplement pour avoir l'opportunité de le visionner en compagnie de Mado. Bah oui, ça paraissait un peu logique, non ? ... Non ? Hm. Fitz jouait le mec vexé, et elle, elle ricanait comme une bécasse, qu'elle était pour le coup. « Genre. Quel petit susceptible tu fais, parfois. » Et venant de la nana qui s'était emballée pour un rien l'autre jour, non, ça n'était absolument pas malvenu. Bien sûr que non. Il était en tout cas certain que si Mado avait eu de grands aprioris au sujet de Rosie - sa couleur l'avait rendue sceptique - elle avait appris à l'accepter comme elle était, et l'avait finalement adoptée. Et il est vrai, quand on y pense, qu'elle avait plus ou moins procédé comme avec Bob. Ils avaient tous deux bénéficié d'une seconde chance, d'une occasion d'apparaitre à ses yeux sous un jour meilleur et plus honorable, oui. « J'essaie d'être un peu moins inflexible. » Qui était le prochain ? Oh et bien ... Mickey ? Oula, il était peut être un peu trop optimiste, quand même, le Fitz. Parce que bon, si elle n'avait pas l'anglais en horreur - contrairement à ce que certains pensaient peut être - il est vrai qu'elle se voyait mal lui laisser la moindre occasion, au romancier. Il serait capable de philosopher sur sa naïveté, et elle s'en passait plutôt bien. « Je doute que le moindre compromis soit possible avec lui. Il est plus buté que moi, c'est dire. » Parce que butée, elle, elle ne l'était déjà pas à moitié disons. Et puis, peut être certains individus ne méritaient simplement pas de seconde chance. Mickey s'employait quand même à la faire passer pour une cruche depuis plusieurs semaines, alors bon ... « Mais tu vas survivre, tu penses ? » A la durée du film s'entend. Non parce que le but, ça n'était absolument pas de le tuer, hein. Bien sûr que non. Et puis, comment elle expliquerait ça ? Ce serait franchement tordu. Par contre, l'excuse visant à prétendre qu'Ezra était féru du DVD de Titanic n'avait pas l'air d'être franchement crédible ... Bah quoi, elle n'allait quand même pas lui dire que, de temps en temps, elle aimait le visionner en cachette, si ? Ça ferait vraiment vielle fille un peu désespérée, hein. « Détrompe-toi, c'est son petit plaisir inavouable. Il aime le regarder en ukrainien, je n'ai jamais compris pourquoi. » En ukrainien, hm, oui évidemment. Pauvre Ezra. Il avait bon dos son cadet, quand même. En tous les cas, la partie sur les sous-marins et sur la mémé n'était pas la plus intéressante du film. Loin de là. Il est vrai que le début de Titanic aurait pu être raccourci. L'avance rapide, proposait-il ? Pas bête du tout. « Ouais allez, on ne va pas s'embêter, hein. » Alors elle saisit la télécommande et avança un tantinet. Sauf qu'elle avança peut être un peu trop, au point de leur avoir bouffé toute la partie sur l'embarquement. Là, ils en étaient déjà à la tentative de suicide. Problématique ? « Bon j'ai peut être été un peu gourmande ... alors plutôt que de revenir en arrière, je vais te présenter brièvement ces deux-jeunes gens ... Donc, hm, elle c'est Rose, la friquée qui ne se sent pas à sa place, la vieille à l'époque de la traversée donc, et lui c'est Jack, le sans-le-sou qui est toujours là au bon moment ... » Et il en aurait la preuve au moment où mademoiselle glisserait et où il la rattraperait de justesse. « Là, attention, la nana va avoir la peur de sa vie ! » Quoi que peut être pas, vu l'issue du film ... « Oui, j'aime bien faire de petits commentaires complètement inutiles. D'habitude, personne n'est là pour les écouter, donc ça me fait plaisir de ne plus parler dans le vide. » Et c'était vrai. Même si, pour le coup, elle allait être bien chiante. On décernera une médaille à Fitz, après tout ça. « Han, mais ... Rose, Rosie ... Rosie, Rose ! » En or, la médaille.