Bien sûr que c'était gentil. C'était même principalement rassurant, d'entendre Fitz dire qu'il l'appréciait réellement et qu'il ne voudrait en aucun cas perdre son amitié. C'était gentil et rassurant, donc, oui. Mais c'était aussi quelques peu gênant, dans un sens. Parce que Mado, si elle était tout autant désireuse que lui de préserver cette amitié coûte que coûte, n'était pour autant pas du tout certaine que ce soit chose possible. Est-ce que tout pouvait être aussi simple ? Dans les séries américaines, ça ne l'était jamais. Et oui, n'ayant jamais connu ce genre de situations, Mado était forcée de se référer à quelque chose d'autre qu'un vécu qu'elle n'avait pas. Donc oui, elle partait inévitablement du principe qu'il serait tout de même étonnant que leur amitié reste telle qu'elle était par la suite. Soyons sérieux, si les choses prenaient une tournure un peu plus dérangeante encore, Mado aurait peut être autre chose en tête que l'idée de garder Fitz comme ami, non ? Disons qu'elle pourrait tout simplement vouloir le laisser en compagnie d'une autre. D'ailleurs, ça partirait d'une bonne volonté. Pour autant, il est vrai qu'une partie d'elle avait malgré tout envie de croire que c'était possible et que quoi qu'il arrive, ils parviendraient à préserver cette relation qui, personne n'avait le droit d'en douter, était importante à ses yeux. Sans doute l'avenir leur en apprendrait-il davantage sur tout ça. Quant à cette tâche, elle partirait sans nul doute plus facilement grâce à de l'aspirine diluée. Oui, ça devrait fonctionner et permettre à Fitz de récupérer son t-shirt. Mado, une "vraie petite femme d'intérieur" ? Hm, pas tellement. Car s'il est vrai qu'elle avait plusieurs petites méthodes personnelles pour venir à bout de diverses choses, elle n'en était pas pour autant le genre de femmes qui se plaisaient particulièrement à s'occuper de leur maison, des fringues, du ménage, de la bouffe ... Elle avait bien trop besoin de bouger pour rester pleinement enfermée chez elle. Elle faisait ce qu'il fallait faire, mais sans y mettre trop de cœur et sans y passer trop de temps. Le minimum syndical, en fait. Se contentant de sourire, elle ne répondit pas. Il ne faudrait pas casser un pseudo-mythe, tout de même. A noter qu'évoquer Rosie et le petit van fut autant hasardeux que ridicule, hm. Mais c'était comme ça, quand elle ne savait pas quoi dire pour parer à un silence, elle sortait la première idiotie qui lui passait par la tête. Heureusement, elle en vint à conclure qu'il valait franchement mieux se montrer plus honnête, s'ouvrir davantage, quitte à en dire trop, quitte à passer pour une idiote. L'idée, voyez vous, était de parer au manque d'honnêteté de ses réponses de tout à l'heure, en expliquant ce qu'elle ressentait, ce qu'elle pensait de la tournure que pourraient prendre les choses ... Bon, pas sûr que tout ça les aide à se dépêtrer de cette grosse galère, mais au moins, ce serait dit. A la réponse de Fitz, Mado grimaça. Non, elle ne lui demandait évidemment pas de les "tester", parce qu'elle savait qu'il n'était pas comme ça. Et puis, elle n'était pas comme ça non plus, à se laisser traiter de la sorte. Ce serait même le meilleur moyen pour lui de s'en faire une ennemie, alors non, vraiment, elle n'attendait pas ça de lui. « Jamais je ne te demanderai d'aller à l'encontre de tes principes » commença-t-elle, sincèrement. Parce que les principes, c'était justement ce qui importait le plus à ses yeux. Elle-même ne bafouerait jamais les siens, pour tout l'or ou tous les beaux tatoués du monde, soyez en sûrs. « Et tu n'es ni lâche ni agaçant. Pas à mes yeux, en tout cas. J'appréhende simplement ce que tout ça pourrait donner, sur du long terme. Parce que je vois l'état dans lequel si peu de choses ont pu me mettre et que je redoute comment je pourrais vivre la suite. Mais bon, ça c'est à moi de gérer, de contrôler mes émotions, je suppose. » Et sans doute supposait-elle bien. Parce qu'il n'était sans doute pas normal qu'un rien l'affecte à ce point. Elle s'était toujours sue excessive, mais sa réaction de cette semaine la surprenait elle-même, à vrai dire. Fitz disait maintenant qu'il était finalement attiré par elle également, et honnêtement, c'était une chose qu'elle ne s'attendait pas à entendre de sa bouche. Sans doute parce qu'elle avait fini par penser, visiblement à tort, que l'attirance qu'il semblait avoir à l'égard d'Everleigh ne s'appliquait pas à elle. Le problème était donc là. Il disait qu'elle avait posé des barrières, et cela faisait justement écho à sa conversation avec Everleigh. Elle ne se rendait pas nécessairement compte de ce qu'elle était susceptible de renvoyer. Car oui, elle ne voulait pas être prise pour une fille facile et avait beaucoup de fierté, mais ... avait-elle sérieusement imposé une distance, à la base ? Elle ne savait même plus, car l'objectivité était susceptible de lui manquer sur ce coup. « J'ai un peu de mal avec les choses tactiles, je le reconnais. Je n'aime pas spécialement être touchée et je me braque facilement. Pourtant, j'aimerais être un peu moins sur mes gardes et me laisser apprivoiser. Je suis sûre que ça me ferait du bien, que ça m'aiderait à dépasser certaines choses, certains traumatismes. J'ai bien conscience de repousser les hommes, de laisser penser qu'aucune approche ne saurait trouver grâce à mes yeux ... Je le déplore souvent, d'ailleurs. » Car sans vouloir donner l'impression d'être facile à séduire, il est vrai qu'elle voudrait au moins se laisser plus facilement approcher, ne plus avoir l'air aussi froide et aussi distante. Il fallait comprendre sa vie pour comprendre son attitude, c'était un fait, et peut être pourrait-elle s'expliquer un peu mieux d'ici peu. « En tous les cas, sois sûr que je n'ai jamais mordu personne » s'amusa-t-elle brièvement, dans un fin sourire. Juste histoire de détendre un peu l’atmosphère. Elle se sentait mieux, là. Même si décidément, elle redoutait le temps et son effet sur tout ça. Elle le redoutait peut être même plus qu'elle redoutait Everleigh, finalement. « Laissons faire le temps, alors, oui. Et si ça me vaut prochainement une seconde désillusion, je te promets d'essayer de prendre la chose avec plus de calme, ou en tout cas, de me remettre en question. » Nouveau sourire. Elle avait beau être sérieuse et peu optimiste, elle ne voulait pas geindre et se complaire dans un rôle de victime qu'elle n'était pas. Le temps serait peut être sympa avec elle, hein. Ce serait une belle surprise, ça. « Bon, maintenant qu'on est là, tu peux bien me le dire ... Titanic, pour toi, ça a été une putain de souffrance, hein ? » Oui, passer du coq à l'âne était l'une de ses spécialités, elle ne s'en cachait pas. Mais comprenez bien qu'elle ne voudrait pas l'avoir traumatisé avec son film à la noix, hein. Si ça se trouve, elle l'avait dégouté du cinéma pour toujours.