Il s'approche de moi, et bizarrement, je ne le vois pas d'un bon oeuil, je m'attends un peu au pire, en fait. On est cruelle. J'ai envie de dire que ce n'est pas nouveau, en même temps, on l'affiche clairement, comme ça il ne peut pas voir une réclamation sur la marchandise. Comme ça, il sait tout. « C'est pour mieux nous protéger » je lui dis alors d'une voix faussement douce, car la plupart des gens en veulent simplement à notre physique alors si on ne peut pas s'amuser, on se fait vraiment avoir jusqu'au bout. Je souffle longuement alors que je vois continuer. J'esquisse un rictus moqueur. Il prend mal mon rejet, en même temps, j'imagine que son ego doit en prendre un coup. Il s'écarte alors de moi.  « Ne te vexe pas mon petit coeur » je dis lorsque je le vois se relever. Je n'ai pas le temps d'en placer une, encore, que je me sens tirée vers l'avant, je suis obligée de me lever, et je m'écrase lourdement contre Jorah, je n'ai pas eu le temps de coordonner mes pieds sur le coup, il m'a un peu prise par surprise si bien que je me rattrape un peu contre lui quoi. Ça fait un peu scène de rupture sur le coup, j'aime bien ! Bien que je ne comprenne pas pourquoi il veut encore continuer le jeu un peu plus longtemps, mais si cela lui fait plaisir, alors, je suis heureuse. Son bonheur fait le mien, c'est bien ce qu'on dit, non ? Bref, j'essaie de faire attention à ce qu'il me dit. Il me défit, ça me fait ricaner quand même, non, franchement, je le trouve assez mignon lorsqu'il est désespéré. Mais franchement. J'esquisse un sourire presque attendri, presque, il ne faut pas pousser non plus. Il me demande de dire qu'il n'y a rien entre nous. « Non, tu as raison, je ne peux pas te mentir » je fais mine de dire, en m'accrochant à lui, prunelles remplies d'une passion dévorante -exactement, ouais- vrillées au sienne. Scène tragique tout à fait parfaite.

Ah, les belles filles. De vrais monstres dépourvus de compassion, pour beaucoup d'entre elles. C'était à croire qu'elles avaient tellement conscience de leurs atouts qu'elles n'avaient absolument aucun scrupule à piétiner les cœurs les plus innocents, à l'image de Krisjana qui ne se gênait pas pour insister lourdement sur le fait que Jorah soit légitimement fou d'elle, comme si ça n'était pas déjà assez douloureux. Et son excuse, parlons-en ! Elle le fit sourire, bien sûr, mais au fond de lui il n'en était assurément que plus mortifié, évidemment. Pour autant il tint bon lorsqu'elle le rejeta sans vergogne, le sommant d'être raisonnable alors qu'il n'en avait aucune envie. Ainsi il se leva, tel un loup blessé mais dont l'honneur était sauf. Il se leva, oui, mais n'alla pas loin puisqu'il revint presque instantanément sur ses pas pour emprisonner de nouveau sa camarade entre ses bras, la tirant contre lui pour lui prouver qu'il avait décidément de la ressource, et que là où l'on pouvait penser qu'il arrivait au bout de son improvisation, il avait au contraire encore bien des choses à montrer. Là, provocateur, il souhaita la confronter à ce qu'elle prétendait, au fait qu'elle se disait absolument insensible à ce qu'il était. Qu'elle lui dise, oui, qu'il n'y avait absolument rien entre eux, et elle aurait la paix. En soi, il devait se tenir prêt à improviser dans n'importe quel cas, qu'elle joue le jeu ou non, puisqu'encore une fois il ne faisait que s'enfoncer dans un rôle dont il ne connaissait lui même pas encore les limites. Et là, étonnamment, la belle lui donna ce qu'il voulait, ou du moins reprit pour un instant son propre rôle de femme troublée. L'opportunité était trop belle, il se devait de la saisir. « Oh, douce Krisjana, serait-ce ... » qu'il débuta, se penchant tout doucement vers elle, jusqu'à venir frôler ses lèvres à l'aide des siennes alors qu'une de ses mains était sournoisement descendue le long de son dos. « ... une table de billard que je vois là ! » qu'il reprit en s'exclamant, se détachant brusquement de la jeune femme et allant jusqu'à la pousser très légèrement pour marquer un rebondissement de taille. Arrivé près du billard, il s'assit machinalement dessus puis prit un ton infiniment solennel. « Ma toute belle, tu m'en vois désolé, mais ton amour n'est déjà plus partagé. Je mourrai en ayant pris ma revanche sur celles qui m'ont brisé le cœur, en espérant ne pas souffrir de ta rancœur ! » Et c'est théâtralement qu'il prit une posture victorieuse, et qui confirmerait certainement à la brune qu'il n'était pas fini, même pas tout à fait commencé à vrai dire.