La Production semblait vouloir s'acharner sur Deirdre en lui confiant le rôle le plus ingrat de cette vaste cour mais, à la réflexion, c'était certainement celui qui lui allait le mieux, tant au corps qu'à l'esprit. En outre, elle faisait peu de frais de son accoutrement vespéral. Quand tous ses camarades se devaient de revêtir de longues robes et de lourds costumes, elle n'avait eu qu'à passer un semblant de haillons. Le tout se résumait à une sorte de chemise de nuit, dépareillée et échancrée de toute part, laissant paraître l'infinité de ses jambes bien maigres et des lambeaux de peau, ça et là, depuis ses épaules jusqu'à son ventre. A tout prendre, Deirdre parut n'être rien de plus qu'un morceau de chair exposé au voyeurisme sordide du monde. Qui plus est, et pour parfaire un déguisement plus vrai qu'une seconde peau, elle s'était maculée le teint, et le corps, d'une poudre noire qui s'étalait d'autant mieux qu'on tentait de l'ôter. Finalement, on eut cru volontiers que le roi l'avait arrachée à ses sombres cachots, putrides et humides, pour la mettre dans sa cage et amuser le bon peuple, affamé qu'il était d'animaux curieux. Deirdre, elle, se prêta docilement au jeu, et rejoignit ce qui serait son rôle pour la soirée : prisonnière de sa geôle mais libre de ses manières. Les mèches retombant peu soigneusement sur son visage (ses cheveux avaient un naturel désordonné), elle scrutait, comme elle scrutait toujours, tandis que ses doigts caressaient doucement son avant-bras qu'elle imaginait mutilé par l'intolérance, l'injustice et le temps.

Spoiler:

Robbie était ravi de voir cette soirée arriver. Après tout, la première nuit dans le Nid avait particulièrement marqué le jeune homme. C'était l'occasion pour tout le monde d'être réuni et de faire connaissance avec des personnes que l'on n'avait pas encore rencontré. En plus, le Londonien n'avait pas écopé du pire costume. En tant que chevalier, il regardait les autres candidats, dans son costume qui lui donnait une certaine prestance. Beaucoup d'habitants étaient déjà présents dans la jardin. Un large sourire aux lèvres, le jeune homme regardait autour de lui pour voir s'il n'y avait pas quelqu'un qu'il connaissait déjà. Après tout, arriver comme un sans ami et s'incruster dans les conversations, ce n'était pas vraiment son truc ! C'est alors qu'il repéra Camille.... qui n'avait franchement pas l'air malin ! Dans son costume de bouffon, il fallait avouer que l'homme, d'habitude très fier, perdait de sa superbe ! Un sourire taquin aux lèvres, le preux chevalier se dirigea vers le candidat pour lui dire. « Mais dites moi, vous avez l'air fin dans cette tenue ! Faites moi rire ! »

Et voilà, la première soirée venait de tomber et c'était avec joie que j'enfilais mon rôle de paysanne. Contrairement à certains, cela ne me gênait pas de ne pas être la plus belle, ou la plus gracieuse, non j'aimais d'ailleurs bien être un peu crasseuse. J'étais vêtu d'un simple bout de tissu beige qui me faisait une robe, déchirée à son extrémité et n'ayant seulement qu'une demi manche, je ne ressemblais pas à grand chose. Regardant toutes les robes des autres, je souriais joyeusement tout en avançant dignement, les pieds dénudés de toute autre matière. La fête pouvait donc commencer, et pour un début, cela en était un. Charlie intervint pour s'en prendre au roi, je me prenais tellement au jeu que je décidais de m'immiscer dans le conflit.

« OUAIS ZIVA LA ! Aboule les sous ! » hurlais-je fière de moi et complètement à fond dans mon rôle, ne remarquant pas que ce langage n'était peut être pas le plus approprié.

Je me pris alors les pieds dans les petits fours d'Alice, en écrasant quelques un au passage. Réalisant tout le travail qu'elle avait, je me baissais pour l'aider à ramasser, en gobant quelques un au passage, après tout, j'étais pauvre, je devais bouffer tout ce qui passait, non ?

Mon dieu. J'aurais mieux fait de me taire. J'allais m'attirer les foudres de la cour entière. Ce fut Franz, soit le fils à papa de Monsieur le Roi qui s'approcha de moi en premier. Le défiant du regard, je repoussais sa coupe, le visage fermé.

« Le Roi devrait s'inquiéter de sa descendance » lâchais-je avant de me décaler avant de lui lancer un regard complice, signe que je m'amusais bien à le repousser. Puis, ce fut au tour du Roi en personne. Je ne pus alors m'empêcher de bouffer de rire de le voir dans son rôle de Roi. Mais, avant que je réplique, ce fut Betty-Jayne qui vint s'incruster. Je haussais les sourcils. Je détestais cette BJ, vraiment. Je préférais la vraie. De loin.

« J'irais, Madame, le jour où vous cesserez de remuer vos fesses contre l'entre-jambe de notre très cher Roi. » lançais-je, sarcastique. « J'ai de la dignité, moi. »

Puis, j'attrapais une coupe de vin, défiant la jeune femme du regard, affichant un sourire amusée. J'aimais particulièrement cette soirée. Manquait plus qu'un prince charmant et c'était parfait.

Puis, un hurlement parvint à mes oreilles et tournant lentement le visage vers Héléna j'explosais de rire. Reprenant mon calme, j'ajoutais:

« C'est ma soeur. Elle est un peu dingue. »

Je me retournais alors vers elle et lui accordais un magnifique sourire prouvant que je plaisantais.

Ce fut Poppy qui me tira de ma rêverie, oh non pas elle, je tentais de me dépêcher en la voyant arriver. Elle s'abaissa à son tour, ramassant les petits fours « Mais enfin, tu pouvais pas faire attention un peu. Je prépare pas à manger pour la poubelle. Tsss, et après on s'étonne de la publication des blagues sur les blondes ... » N'ayant normalement pas le droit de répliquer, après tout je n'étais qu'une simple servante, je répondis entre mes dents « Je les aurais servi si tu ne t'étais pas pointé » Levant la tête vers le roi et sa cour, ils étaient apparemment trop occupés à se pavaner, personne n'aurait vu que je servais là des petits fours qui avaient rencontré le sol, si? Betty-Jane avait un sourire moqueur tout en me regardant, elle était bien la seule.

Toute cette épreuve, c'était sans compter sur l'aide utile de la belle Héléna qui piétina le tout, je faillis maugréer lorsque je la fis s'abaisser pour m'aider, un "merci" s'envola de ma bouche à son attention, je la regardais manger les petits fours avec un rire intérieur, un visage malicieux.

Les petits fours sur le plateau, Poppy les avaient dorénavant en main, je fis une simple révérence à la blonde, baissant la tête je lui dis « Je m'excuses, je ferais attention ... » Oui, il fallait jouer la dominée, pour ne pas se faire remarquer, voilà tout.

Sur le moment Leone aurait bien vidé la coupe de vin au visage du Prince mais ravala finalement sa rancœur et prit la plaisanterie du bon côté. Néanmoins, il aurait le droit à une vengeance bien épicée. En bon serviteur, il reprit ses allers-retours en direction des invités, s’appliquant pour n’oublier personne.

Alice renversa un plateau, pourquoi n’était-il pas étonné ? L’élégance n’était pas un don partagé par beaucoup, cette empotée en était la preuve vivante.

« Putain quelle classe… Je ne sais pas ce qui est pire, renverser un plateau pour attirer l’attention ou la maladresse en elle-même. » Lança-t-il avec ironie suffisamment fort pour que la principale intéressée entende.

Le New Yorkais ne s’éternisa pas et se dirigea désormais vers la cage où Deirdre résiderait pour la soirée. Lui adressant un sourire joueur, il déclara avec l’intention d’égayer sa solitude :

« Une beauté sauvage comme toi soumise et derrière les barreaux, c’est plutôt sexy. Je t’offre un verre de vin ? J’ai bien l’intention de garder cette bouteille pour ma consommation perso. »

Mais son vœu venait-il de se réaliser ? Une autre bouffonne fit son apparition, habillé aussi mochement que lui. On pouvait avouer qu'il y avait plus sexy comme habit pour ce type de soirée... Ainsi que des rôles plus "accessibles". Jouer les bouffons, non merci. Il ferait le bouffon à sa façon. Il accueillit le belle Rusty d'un sourire. Je suis heureux de ne pas être le seul ridicule de la soirée. Prête à danser sur les tables et à amuser la galerie, beauté ? C'est alors, qu'à peine sa phrase terminée, qu'un chevalier fit son apparition devant lui. Robbie. Il ne fallait pas nier l'évidence, son armure le rendait irrésistible, même s'il préférait les princes aux simples chevaliers. Ô preux chevalier, êtes-vous vraiment sûr de vous ? Alors, il trempa son doigt dans la crème fouetté d'une des tartes, et l'étala sur la joue du chevalier, près de ses lèvres. C'était drôle ? Désolé, c'est mon premier jour.

Oh la la. Les bévues et les schémas se succédaient, mon fou rire était de plus en plus difficile à contenir. L'apparition de BJ fut le seul moment où je gardais mon calme facilement, tout en admiration devant sa silhouette alors qu'elle se rapprocha de moi pour finalement se coller en douceur, caressant ma main de ses doigts fins. J'aimais son rôle en réalité … Tournant la tête vers le reste de la population, entre mon présumé fils sarcastique qui me fit sourire d'autant plus, les filles maladroites ou celle qui piaillait au milieu du salon pour je ne sais quelle pauvreté à abolir. Oh my god, j'étais vraiment fort de ne pas pleurer de rire au milieu des habitants. Mon self contrôle m'étonnait. Cependant, j'eus l'occasion d'intervenir lorsque Charlie s'attaqua à BJ... et moi même par la même occasion.

-Madame, vous n'avez aucun droit de critiquer la favorite en titre, qui à mon sens, possède déjà bien plus de classe que vous ne pourrez jamais en avoir. Quant à ce qui se déroule dans le lit royale, à moins que vous ne soyez atteinte de quelques perversions, ceci ne vous regarde en rien. Un seul mot encore et je vous fais prendre la place de la prisonnière royale.

Posant la main sur les reins de BJ, je me penchais pour murmurer à son oreille.

-Ton jeu d'actrice est fascinant.

Embrassant légèrement sa tempe, je lui montrais une coupe de champagne tout en la regardant dans les yeux amusé.