De sa cage, Deirdre avait tout le loisir d'observer les allers-et-venues de ses comparses dans tout le grand salon. Ils se pressaient les uns contre les autres et, souvent, leurs voix se mêlaient sans qu'aucune mélodie cohérente ne parut en ressortir. Finalement, la petite poupée de chiffons vivait une sorte de salut, à force de s'agiter toute seule derrière ses barreaux d'argile. Elle aurait pu contrarier les plans, elle aurait pu offenser la Cour, après tout, ce n'était pas la bienséance qui étouffait la donzelle mais elle se trouvait bien, abîmée et tranquille, assise en tailleur tandis que ses mèches s'enroulaient volontiers entre ses doigts fragiles. Parfois, son regard s'attardait même avec plaisir sur quelques accoutrements, plus ou moins élégants, plus ou moins grotesques. Comme à son habitude, Deirdre remarquait plus aisément les femmes que les hommes, mais le résultat demeurait égal : tout ce théâtre était bien grotesque et, finalement, c'était peut-être elle le défaut du tableau, encore et toujours. Cela ne lui portait aucun malaise, d'autant qu'elle n'était pas tout à fait traitée en paria. Non, Leone s'approcha d'elle, d'un naturel aisé et dégagé, comme il lui en avait montré l'accoutumance. « Je préfère mes chaînes, rétorqua la jeune femme d'un sombre sourire. » Elle alla jusqu'à lui faire signe d'approcher, pour murmurer un ton plus bas : « Ils croient que je suis folle. Mais c'est toi le voleur, dit-elle en parlant de la bouteille, c'est toi qui devrais être là. » Dans un monde parallèle, c'eut été une forme de plaisanterie. Présentement, c'était tout simplement un jeu. « Mais si tu m'offres ce verre, je ne dis rien. » Elle lui offrit une moue qui, si elle n'avait pas été accompagnée d'un regard assombri, eut paru enfantine, certainement.

Alors que Poppy repartait en cuisine avec le plateau, ce fut à Leone de mettre son nez dans les affaires des autres, surtout des miennes puisqu'il lança assez fort « Putain quelle classe… Je ne sais pas ce qui est pire, renverser un plateau pour attirer l’attention ou la maladresse en elle-même. » Un regard noir, les mains sur les hanches, je lui lançais alors, aussi fort que lui peu de temps auparavant « Je pensais que le cul du roi était assez propre après ton passage pour ne pas y ajouter le mien » Il parti avec vers Deirdre, la pauvre, elle passerait la soirée enfermée dans cette cage. Je pris un tout autre plateau de petits fours, en faisant attention cette fois ci à ce qu'ils ne gagnent pas le sol, zigzaguant à travers la pièce, j'arrivais à hauteur des convives qui devaient s'impatienter. « Un p'tit four? »

Madame ? Déjà, c'est Mademoiselle, hein. Premièrement. Lui lançant un regard noir, le fusillant, je restais plantée face à lui, la mine légèrement boudeuse. Non, mais... Sérieux, en y pensant, j'aurais pas aimé être une paysane rebelle à l'époque des Rois et tout le bordel. Je soupirais avant de lever les yeux au ciel.

« Si pour vous se pavaner et utiliser ses charmes féminins pour arriver à ses fins est avoir de la classe alors oui, elle en a plus que moi. » lançais-je d'un ton amer avant de tourner les talons.

« Oh, et la favorite de notre Roi à une langue, non ? D'habitude, elle s'en sert d'après ce que je sais. Mais bon, j'imagine que nous n'en avons pas vraiment le même usage. »

Enfin, je ne battais pas en retraite. Pas encore. J'étais une battante. Portant mon verre de vin à mes lèvres, j'allais m'affaler sur un des canapés. Mon dieu, s'attaquer au roi était fatiguant. Amusée, je regardais les gens se prendre au jeu. Vraiment, j'allais rire en revoyant les images une fois sortie du jeu. Je terminais alors mon verre et me levait pour le poser sur un des plateaux posés sur le bar. Dans un soupire, je croisais les bras. Bon, c'est pas tout ça, mais je commençais à m'ennuyer, là.

La fête battait son plein. Les gens semblaient s'amuser. D'ailleurs, un petit attroupement semblait s'être formé dans leur coin. Rusty était également déguisée en bouffonne du roi. Il ne la connaissait pas vraiment. En fait, Robbie se demandait surtout si ce n'était pas la déchéance pour un chevalier d'être avec le peuple, les gens sensés simplement amusés. Peu préoccupé par les convenances, le Londonien décida d'être un chevalier rebelle et de rester ici. D'ailleurs, Camille ne tarda pas à prendre des initiatives et lui appliqua délicatement de la crème fouettée sur le visage. Le sourire de Robbie s'élargit. Il avait déjà un peu bu et, joueur, il prit la crème entre ses doigts et la lécha doucement. Taquin, il répondit à son interlocuteur. « Moi, j'ai trouvé ça plutôt drôle, refait ça quand tu veux et si on te demande une lettre de recommandation spécial bouffon, je l'écrirai pour toi ! » Puis, se tournant vers les deux candidats, il poursuivit. « Vous devriez aller divertir le Roi, avec toutes ces personnes désagréables et ennuyeuses, il en a bien besoin ! »

La soirée avait commencé et j'avais eu le rôle de chevalier, non attendez de preux chevalier ! Bon ok il n'y avait pas franchement de différence. Avec ce décor et tout ses costumes, j'avais vraiment l'impression qu'on venait d'atterrir en plein moyen-age, l'époque de l'historie que j'aimais le moins. Oui parce que j'aimais l'histoire aussi. J'étais donc descendu de la chambre et constata que la soirée se passait... avec des hauts et des bas ! Je ne fis pas trop attentions au piques qui volait mais arriva près d'Alice, avec un sourire je lui pris un petit four sur son plateau et m'éclipsa un peu plus loin. J'étais à présent près de la cage de Deirdre. La pauvre... Ou pas, j'avais l'impression que le rôle lui allait à ravir enfaite...

Leone écouta d’une oreille la réplique d’Alice, il n’était d’ailleurs pas sûr d’en saisir pleinement le sens. Il ne comprenait pas vraiment le rapport entre le cul du Roi, celui de la blondinette et le plateau renversé. Il ne se tracassa pas davantage, préférant ignorer ces quelques paroles vides de répartie. Non loin, une mini révolution menée par Charlie semblait éclater. Les bribes de conversation qu’il intercepta lui décrochèrent un petit sourire. Décidemment, le Nid d’Amour était agité ce soir.

Intrigué par la prisonnière, le jeune homme décida d’entrer dans son jeu. Il déposa le plateau à ses pieds et se rapprocha d’elle, serrant les barreaux de ses mains. Elle ne ressemblait à aucune femme qu’il avait côtoyée et dégageait une certaine prestance remplie de terribles mystères, il en était persuadé.

« Dire que tu es parfaitement saine d’esprit serait un mensonge, mais je ne pense pas que tu sois folle pour autant. Ne confonds pas fantasme et réalité, le jour où je serai privé de ma liberté n’est pas prêt d’arriver. » Lui confia-t-il en la défiant de son regard azur avec insistance, comme s’il cherchait à la déchiffrer... en vain.

Acceptant néanmoins son offre, il se baissa pour attraper un verre de vin qu’il lui tendit volontiers en échange de son silence.

« J’accepte de partager mon butin, ne suis-je pas le plus galant des voleurs ? »

La production fourmillait visible d'idée, c'est ainsi que nous nous étions tous retrouvé vêtus de costumes d'antan. Pour ma part c'est une robe longue d'un bleu plutôt foncé, même si celle-ci me donnait une certaine grâce ce n'était pas du tout la couleur que je préférais arborer ... Tant pis. Mes cheveux relevés en un chignon bien serré que j'avais fait tenir grâce à de petites barrettes dorées.Je rejoignis enfin les autres, aucun signe de Chloé alors que j'étais censée être sa dame de compagnie. Une dame de compagnie ne me mettait pas au rang de domestique mais bel et bien à celui de noble , bien qu'inférieur à la reine. Cela était logique. L'agitation était déjà faite de toute part de la pièce, je m'avançait alors doucement à travers chacun. Pour une fois que je n'étais pas la serveuse, je comptais bel et bien en profiter. C'est alors que des mots que je jugeais hors contexte pour le coup atteignirent mes oreilles. « OUAIS ZIVA LA ! Aboule les sous ! »Je décidai de tout de suite m'adresser à cette personne qui n'était autre qu'Héléna ayant hérité de l'un des rôles des paysans. « Sacrilège ...De telle paroles ne devraient même pas franchir le seuil de vos lèvres. Maîtrisez votre langage vous êtes à la cours ... » J'avoue que je tentais au mieux d'entrer dans mon personnage. Je ne savais pas trop si j'avais le droit à parler à des gens du peuple ... Tant pis. Celle-ci s'était d'ailleurs rapidement retrouvé sur le sol à avaler tout ce qui lui passait sous la main, pour ma part, je préférais m'écarter d'elle et aller me chercher une coupe de champagne. Je fis comme si boire cette petite fortune était une réelle habitude alors que je n'en avais clairement pas les moyens à Paris

Comme toute femme qui se respecte, j'avais décidé de me faire désirer avant d'être encore plus attendue par le Prince qui aurait toutes mes faveurs. La robe qui m'avait été attribuée était d'un bordeaux exquis parsemé de dorures se mariant à merveille avec le drapé du tissu. J'avais volontairement laissé le haut de ma robe ouverte afin d'accentuer le décolleté initialement inexistant. J'avais légèrement bouclé mes cheveux pour l'occasion, un dernier regard dans le miroir, j'étais parfaite pour me rendre dans le grand salon.

La majeur partie des habitants étaient déjà présents, chacun s'affairant à sa tache avec plus ou moins de talents. Quant à moi, mon rôle ce soir était de séduire le Prince, j'ai nommé Franz, le jeune homme qui m'avait surpris en flagrant délit de roulage de pelle avec Héléna le soir du prime. Il se trouvait non loin d'Alcéo, son père de substitution pour la soirée. La séduction était en quelque sorte inné chez moi. Avec toute la grâce qui m'était possible d'user, je m'avançait vers le jeune prince, l'oeil brillant et ce sourire charmeur que je maîtrisais parfaitement collé sur le visage. Je me prosternais devant lui, avant d'ajouter à voix basse. « Bonsoir mon Prince, j'espère que vous parviendrez à vous substituer à vos obligations princière l'espace d'un instant, j'ai bien reçu votre petit mot et j'aurais quelque chose à vous montrer mon Prince » Je restais mystérieuse pourtant mon visage en disait long sur mes intentions.