we've all got something to hide
ft. Tilda & Andreja

Parfois, l'humour d'Andreja se rapprochait de celui de ses neveux et nièces en cela qu'il était digne d'un enfant de dix ans. Et il n'en avait même pas vraiment honte, non, il était capable de voyer du noir pendant des semaines autant qu'il était capable de s'amuser avec presque rien, et aujourd'hui justement c'était un jour de presque rien. Un jour à chaparder le bouquin sagement posé sur la table de chevet de sa partenaire tandis qu'elle finissait de s'attacher les cheveux, et à déguerpir en gloussant tout en l'entendant proférer des menaces en se lançant à sa poursuite. Un rien l'amusait parfois, le serbe, et cette semaine particulièrement tant il essayait de chasser de son esprit chaque tracas qui aurait la mauvaise idée de s'insinuer un peu trop dans ses pensées. Ils approchaient de ma fin, doucement mais sûrement, ils entraient dans cette phase de jeu ou pour tous chaque semaine pouvait être la dernière, et Andreja ne voulait pas regretter plus tard de n'avoir pas profité de ce temps là pour motif de mauvaise humeur, ou d'état trop soucieux. Alors il était là, le livre objet du délit dans une main, à parcourir les pièces et les étages du nid pour le simple plaisir de faire courir un peu Pia parce qu'il était comme ça parfois, mignon mais un brin relou. Passant devant la porte du placard à balais il avait eu une idée soudaine, celle de transformer cette bête course poursuite en partie de cache-cache, et ni une ni deux il avait ouvert la porte du placard pour s'y engouffrer et refermer derrière lui, sans même prendre le temps d'analyser l'espace. « Aoutch ! » Il avait buté contre quelque chose, ou plutôt contre quelqu'un. Quelqu'un qu'il ne s'attendait pas à trouver là, mais qui réciproquement ne devait pas non plus s'attendre à être importunée de la sorte « Pardon, je pas te voir, c'est qui ? » Il pourrait de nouveau ouvrir la porte pour laisser pénétrer un brin de lumière et découvrir ainsi le visage de l'occupant du placard, mais Pia risquait d'apparaitre d'une seconde à l'autre et il n'avait pas envie de se faire avoir maintenant, ce serait vraiment trop bête. Et finalement il était peut-être en mesure de deviner dans le noir ? Il y avait cette odeur, ce parfum, à moins qu'il ne s'agisse d'un shampoing il ne savait pas trop, mais cette odeur là il la connaissait et après quelques instants il avait demandé « Tilda ? » à voix basse toujours. Il était pratiquement sûr en fin de compte, et il aurait sans doute entamé la discussion sans attendre si la voix de Pia n'avait pas retenti à nouveau « Shhhht ! » avait-il alors intimé à l'occupante du placard dans un murmure, tandis que la voix de Pia se rapprochait pour passer, il le devinait, juste devant le placard sans penser s'y arrêter. C'était sa vaine aujourd'hui, que Pia ne soit pas une experte en partie de cache-cache. Au lieu de ça elle avait continué son chemin, tout en lançant ce qui, au ton semblait être une gentille menace, mais formulée dans un italien qu'Andreja n'avait aucune chance de comprendre. Elle s'était éloignée pourtant, assez pour qu'enfin Andreja pousse un léger soupir de soulagement, et ne finisse par se mettre à rire, tant la situation était ubuesque. Reprenant néanmoins son calme, il avait adressé « Je croire je préfère pas savoir ce que elle juste dire. » Il ne doutait pas que Tilda avait une idée sur la question, elle dont l'italien était aussi la langue, mais enfin. « Tu faire quoi ici toute seule ? Ça va pas ? » Le comique de sa propre situation passé il remettait enfin les choses à leur place et en effet il y avait matière à se poser la question en trouvant la jeune femme enfermée ici dans le noir. Peut-être qu'elle se cachait elle aussi, ou peut-être qu'elle cherchait simplement un peu de solitude avant qu'Andreja ne fâche tout avec ses gros sabots. Peut-être qu'elle broyait du noir, aussi, et pour toute ces raisons le ton du serbe en posant cette dernière question s'était fait plus soucieux.

Ce n'était vraiment pas un endroit pour lequel il témoignait le moindre intérêt, ce placard à balais. Faut dire qu'il ne contenait pas le moindre balai, alors c'était à se demander ce qu'il venait foutre ici, même si les caméras disposées à l'intérieur suffisaient à mettre la puce à l'oreille quant aux volontés et espoirs de la production à ce sujet. Pourtant il s'y était déjà enfermé une fois, la semaine précédente à vrai dire, par besoin soudain et inexpliqué de se trouver un coin vide de tout candidat où il pourrait faire le vide et croire l'espace d'un instant qu'il était tout seul, vraiment tout seul. De cette solitude qu'il avait fini par trouver écœurante lors de ce séjour en prison que le détecteur de mensonges avait si délicatement remis sur le tapis. Mais nulle envie de solitude aujourd'hui, non, s'il avait retrouvé le placard à balais c'était uniquement parce qu'il n'assumait pas d'être parfois un emmerdeur et que le courroux de Pia risquait de s'abattre sur lui à tout instant s'il ne trouvait pas un endroit où se planquer. Très mature comme solution, vous en conviendrez. Manque de chance (ou pas) pour lui, le placard n'était pas aussi vide qu'il s'y était attendu et au lieu de ça il était rentré en collision avec quelque chose, ou plutôt avec quelqu'un qui non content de se trouver là avait en plus fait tomber quelque chose à ses pieds. D'accord, tout ça était un peu la faute d'Andreja, et d'ailleurs il s'était excusé avant de s'encquerir de l'identité de la personne qu'il venait de déranger en pleine sieste ou peu importe. La réponse pourtant lui était apparue claire comme de l'eau de roche au moment où la question avait franchi ses lèvres : Tilda. Il était certain qu'il s'agissait de Tilda. Et elle aurait tout le temps de lui confirmer, mais après, une fois que la tornade Pia serait passée sans se rendre compte que celui qu'elle cherchait était sous son nez. Malgré l'air menaçant et les paroles qui semblaient aller de paire avec. « T'as bien raison de pas vouloir savoir. » A ce point-là ? Bon d'un autre côté il s'agissait de Pia, il trouverait bien un moyen de se faire pardonner, tant qu'il ne commettait pas l'erreur fatale de la priver de son café du matin. De sa drogue du matin faudrait-il dire. « Du moment qu'elle pas me virer du lit. » C'était tout ce qu'il demandait. Il pourrait se trouver un lit de remplacement facilement, avec le nombre de candidats ayant quitté le nid, il n'aurait même pas à tenter de prendre Alistair de vitesse pour récupérer le lit de la loveroom, mais il ne dormait pas bien tout seul, ce n'était plus un secret. Bref, ce n'était pas vraiment le sujet, à vrai dire il était plutôt curieux de savoir ce que faisait Tilda toute seule dans ce placard. « Ben ça allait avant que tu ne fasse tomber mon assiette, j'étais entrain de manger un super gâteau au triple chocolat, mais comme j'ai l'impression qu'on me regarde comme si j'avais pris dix kilos quand je mange et bien maintenant je me cache. Je sais c'est stupide. Fais attention de pas marcher dedans quand même. » Oups. Enfin non, il n'avait pas encore marché dedans, mais il savait maintenant que le truc dans lequel venait de butter son pied, c'était probablement une assiette. Mais quelle drôle d'idée aussi, de se cacher dans un placard pour manger. Repoussant l'assiette sur le côté avec son pied il avait fait remarquer « Tu devois manger pour deux, ça plutôt être si tu rien manger du tout que les gens se demander des questions. » Et puis sincèrement, Tilda devait être la femme enceinte la plus mince qu'il ait jamais vu, et pourtant entre ses soeurs et ses belles soeurs il avait de quoi comparer. « Dis t'as un truc avec les italiennes ? » Dans le genre virage à cent quatre vingt degrés en terme de conversation. D'ailleurs s'ils n'avaient pas été dans la pénombre sans doute aurait-elle remarqué qu'elle le prenait un peu au dépourvu, mais toujours est-il qu'il avait fini par répondre « Peut-être, je jamais rencontré des autres avant ici. Peut-être ça être comme toi avec les accents qui coupent. » Ce n'était pas ça l'expression ? Tant pis. Elle comprendrait bien ce qu'il voulait dire. Mais bon, il osait aussi espérer qu'elle ne pensait pas vraiment qu'il se sentait proche d'elle et de Pia uniquement parce qu'elles avaient un prénom et un accent fleurant bon la pizza et les oliviers. « Alors t'es déjà amoureux d'elle ou pas encore ? » Bon, de toute évidence maintenant qu'elle était lancée sur le sujet Pia elle ne semblait pas vouloir en démordre. Il aurait presque préféré que ce soit les questions concernant son secret qui l'aient marquée, il aurait eu une bonne excuse pour ne pas répondre. « T'es obligé de me répondre parce que t'as ruiné mon goûter. » Il avait roulé vaguement des yeux dans le noir ; C'était une des pires excuses qu'il ait jamais entendu, le genre que sortaient ses neveux et nièces avec toute la candeur dont ils étaient pourvus. « On vraiment avoir ce conversation ? Dans un placard pour ranger des balais ? » C'était assez rhétorique comme question en fin de compte, en neuf semaines il avait fini par comprendre que Tilda n'était pas du genre à lâcher l'affaire quand elle voulait savoir quelque chose. Pour lui c'était une qualité, mais dans cette situation précise il aurait préféré que l'italienne n'en soit pas pourvue. « Je déjà te dire. Je sais pas être amoureux. » Ça avait sans doute l'air con dit ainsi, mais il ne voyait pas comment se justifier autrement. Y'avait peut-être quelque chose qu'il faisait mal, ou qu'il envisageait de travers, peut-être qu'il était trop difficile, peut être qu'il n'était pas fait pour ça, peut-être qu'il n'avait pas assez confiance en autrui. Il y avait sans doute un peu de ça. « C'est juste ... avec Pia ça être pas pareil, parce que je sais elle pas changer comment elle me regarde quand je révéler mon secret. » Et cela créait forcément un lien particulier entre eux, parce que même s'il avait vraiment envie d'y croire et qu'il priait pour qu'il en soit ainsi, il n'avait pas l'assurance totale qu'il en serait de même pour Tilda, ou Lou, ou même Jessica qui contrairement aux autres avait aussi une vague idée de comment il était à l'extérieur. Pas très différent d'ici, un peu plus renfermé peut-être. « Je pas mentir dans mon détecteur. Pas à ce question là, pas à la tienne, et pas aux autres. » Quel intérêt à le faire, après tout. S'il avait répondu non aux questions sur son secret et sur la prison le détecteur aurait révélé qu'il avait menti, il ne comprenait déjà pas où était le doute dans ses problèmes de langage, il ne trouvait pas ça charmant, il trouvait cela stupide, il avait l'air stupide, il en était le premier conscient. Et il n'aurait certainement pas menti concernant Tilda et Pia. Il n'était insensible ni à l'une ni à l'autre, ce n'était pas vraiment une surprise.