La veille, prime éprouvant. Journée éprouvante en faite. Qui avait commencé avec la révélation du secret d'Irène. Qui m'avait comment dire, laissé complètement sur le cul. Non mais vraiment, je m'attendais à tout sauf à ça. Comme quoi, ce jeu n'avait pas fini de me réserver des surprises. Ainsi donc, Irène, dans une autre vie, n'était pas une Irène, mais un Jack ou un Steven, peut importe. Un homme quoi. Comprenez que je sois un peu chamboulé par cette révélation, dans la mesure où j'avais couché avec elle. Vu ma position, on aurait pu croire que je m'en serais aperçu, mais non. Physiquement, c'était juste impossible de se rendre compte que par le passé, elle avait pu être un mec. J'avais toujours du mal à le réaliser d'ailleurs, tant c'était bluffant. Un très bon boulot de chirurgien. C'était fou les merveilles qu'on pouvait faire de nos jours. Mais il n y avait pas que la partie « j'ai changé de sexe » qui m'avait perturbé. Toute son histoire en fait, qui était émouvante. Et qui me touchait particulièrement, dans la mesure où j'étais plus que bien placé, pour connaître les conséquences terribles d'un attentat terroriste. Devais je vous rappeler que j'avais perdu ma femme de cette manière ? Sans parler du fait qu'en Afghanistan, j'avais été blessé par une bombe, qui m'avait valu des mois de convalescence, donc je pouvais aisément la comprendre de ce côté là. D'ailleurs tout ceci avait fait remonté quelques souvenirs que j'aurais préféré garder enfoui. Donc oui, autant vous dire que la révélation de son secret avait eu de quoi me perturber, de bien des manières. En parlant d'elle, je la retrouvais dans la chapelle, seule, assise sur un des bancs. Hm que faisait elle ? Sans même qu'elle ne m'y ai invité, j'allais m'asseoir à ses côtés.  « Ça ne change rien tu sais. » dis je en la regardant. Elle savait bien de quoi je voulais parler. « Pour moi, tu restes une femme. » Peut être qu'elle s'en foutait, mais je tenais à ce qu'elle le sache.

J’étais dans la chapelle, seule. Je détestais ce lieu, comme jamais personne n’avait détesté être à un endroit et pourtant je m’y trouvais. Ce lieu, comme n’importe quel lieu religieux : trop de mauvais souvenirs rodaient dans mon esprit et il m’était à présent impossible de les oublier, maintenant que tout le monde était au courant. Je restée figée, mon regard fixant inlassablement le mur devenant moi, alors que je sentis quelqu’un s’asseoir à mes côtés. Je ne sourcillais pas, ne tournant pas la tête. Ce n’était pas nécessaire, je reconnaissais sa voix. « Ça ne change rien tu sais. » Mon seul mouvement fut de baisser les yeux, sans même baisser la tête, avant d’avaler ma salive. « Pour moi, tu restes une femme. » Je ne pouvais lui dire, mais ça me faisait plaisir de l’entendre dire ça. Non, pas plaisir : ça me réconfortait. S’il y a bien une personne envers qui je me sentais mal, c’était bien Keelan. Autant comme il le disait ça ne changeait rien, autant Santiago m’avait ouvert les yeux : je ne me suis pas mis une seule seconde à sa place. Autant Andreas je m’en foutais totalement, il n’avait ce qu’il méritait. À baiser comme ça et surtout à prendre les femmes pour ses choses, il s’était fait avoir en beauté. Autant Keelan n’était pas comme ça. « J’suis désolée » C’est la seule chose que je pouvais lui dire. Je n’étais pas désolé d’être ce que je suis, parce que je suis une femme, mais j’étais désolé de lui avoir « volé ce moment » et de ne pas avoir été honnête avec lui. Mes sourcils se froncèrent légèrement, alors qu'un frisson parcouru mon dos. Cette fois je baissais ma tête, serrant les dents pour ne pas avoir l'air plus pathétique que je ne l'étais déjà.

Irène baissa la tête, presque comme honteuse. Je suis désolée C’était déjà bien qu’elle le soit. Et qu’elle le dise. Parce que bon, je n’aurais pas tellement aimé avoir droit au même traitement qu’Andréas, du style : ça me fait plaisir que tu sois dégoûté, c’est bien fait pour ta pomme etc. Si elle l’avait fait dans ce but là avec moi, je ne serais pas aussi concilient. « Je t’avouerais que ça m’a perturbé sur le moment… » En même temps, comme ne pas l’être après une telle révélation ? Ça avait de quoi en ébranler plus d’un. « J’aurais pu avoir la réaction d’Andréas, t’en vouloir, crier au scandale… Mais à quoi bon ? » Cela nous avancerait à quoi ? Puis surtout, j'avais eu le temps de prendre du recul sur la situation. « Je ne pense pas que tes intentions étaient mauvaises – je l’espère – en couchant avec moi… » Parce que là, ça ne serait pas la même chose. Mais elle semblait sincèrement désolée. « Au final, t’es toujours la même Irène, chieuse, forte tête, qui n’a pas peur de dire ce qu’elle pense, sexy en diable… » Elle restait qui elle était. Je me fichais bien de la personne qu'elle était il y a 10 ans. Ce qui comptait, c'était celle que j'avais en face de moi. « Tout ça pour dire que je ne regrette rien de ce qu’il s’est passé.  » Autrement dit, malgré les récentes révélations, je ne regrettais pas d'avoir couché avec elle. A la limite la seule chose que je regrettais, c'était la manière. Au beau milieu de la cuisine, exposé à la vue de tous, à la merci qu'un candidat débarque à n'importe quel moment… j’aurais pu éviter ça. Pour le reste, nope, savoir qu'elle avait été jadis un mec ne changeait rien. Après sûrement que si je l'avais connu avant sa transformation, je n'aurais pas vu les choses de la même manière. Mais ce n'était pas le cas. Du reste, je n'arrivais pas à l'imaginer autrement qu'en femme.

Je ne regrettais rien dans le sens où Keelan, bah il a été parfait quoi, même après trois ans d’abstinence. Je regrettais ma « malhonnêteté » légèrement forcée par mon secret, envers lui. Parce que même si je n’étais pas du genre à l’avouer, je trouvais Keelan plutôt sympa et, c’est envers des personnes comme lui, qu’il était plus compliqué d’agir ainsi. « Je t’avouerais que ça m’a perturbé sur le moment… » J’acquiesçais lentement, en silence. Je pouvais comprendre, oui, même si je fonctionnais finalement de cette manière avec tout mes coups d’un soir. Sauf qu’une différence était nette entre eux et ceux avec qui j’avais couché ici : Keelan et les autres, je les côtoyais vingt quatre heures sur vingt quatre. « J’aurais pu avoir la réaction d’Andréas, t’en vouloir, crier au scandale… Mais à quoi bon ? » Je réagissais à la moindre de ses paroles, sans pour autant lui réponde. Là, je me contentais d’hausser les épaules, faisant une grimace, gênée. « Je ne pense pas que tes intentions étaient mauvaises – je l’espère – en couchant avec moi… » Je fermais un instant les yeux, secouant cette fois ma tête de droite à gauche doucement, pour lui signifier que non. Je relevais ma tête vers lui. « Non. » Effectivement, je ne pensais pas à mal en couchant avec lui. Loin de moi-même cette idée, bien que pendant un court instant, je n’avais pensé qu’à mon cul… Mais comme d’habitude quoi… « Au final, t’es toujours la même Irène, chieuse, forte tête, qui n’a pas peur de dire ce qu’elle pense, sexy en diable… » Je me permettais d’esquisser un sourire amusé, mes yeux s’étant embuée pathétiquement, s’adoucirent. « Je suis toujours aussi appréciable. » Je ne savais que faire, quoi dire. Il ne semblait pas plus perturbé que cela et pourtant moi, je l’étais bel et bien. « Tout ça pour dire que je ne regrette rien de ce qu’il s’est passé. » Je fronçais légèrement mes sourcils, mais c’est un souffle de soulagement qui sortait de ma bouche. J’étais totalement soulagée de savoir qu’il ne regrettait pas. Rien de pire pour moi… « Pourtant je comprendrais que tu sois, dégoûté… » Oui, parce que j’avais beau être soulagée, ça n’en restait pas moins… bizarre peut-être pour lui. « Tu ne serais pas le premier… et surement pas le dernier… »

« Non. » dit elle en secouant sa tête de droite à gauche, confirmant ce que je pensais. Je n'avais là, aucunes raisons de douter de sa sincérité. Et puis il n y avait qu'à la regarder pour savoir qu'elle disait la vérité. Ou alors elle était une comédienne hors pair, jouant sur les émotions avec brillot. « Je suis toujours aussi appréciable. » dit elle en souriant, bien que j'avais remarqué que ses yeux brillaient. L'aurais je touché ?  « Naturellement » Un vrai amour cette fille, c'était bien connu. Mais bon, perso, je l'appréciais réellement. Et je n'avais pas attendu la découverte de son secret pour ça. Irène semblait quelque peu déstabilisé par mon comportement. Probablement qu'elle ne s'attendait pas à une telle réaction. Il fallait dire qu'elle devait avoir plus l'habitude de composer avec celles d'Andréas. D'ailleurs elle me le confirma. Ce que je trouvais bien regrettable.  « Bah je suis désolé de te le dire que je ne le suis pas. Va falloir faire avec » répliquais je dans un sourire. Ce qui allait être très compliqué n'est ce pas ? Oh je pense qu'elle s'en remettra. De toute façon pour me dégourer, il allait m'en falloir beaucoup plus. Et puis pour avoir une telle réaction de rejet, de mon avis c'est qu'il fallait être limite homophobe. Moi j'étais plutôt dans l'optique, si t'as pris ton pied, de quoi tu te plains ?  « Tu ne te débarrasseras pas de moi aussi facilement. » Et non.  « Je suis content que tu sois restée. » Vraiment oui. Autant les trois autres nominés, leur sort ne m'inquiétais pas vraiment, mais elle, ça m'aurait emmerdé de la voir partir si tôt. Surtout que maintenant, elle allait enfin pouvoir être elle même, complètement. Sans avoir à mentir, ni se cacher, ni rien du tout.  « Au fait, pourquoi t'es dans cette chapelle ? » Aux dernières nouvelles, elle n'était pas du genre religieuse, à prier, et tout le touticanti. Ce que je comprenais parfaitement.

Mais non

Keelan ne me verra jamais plus sincère qu’à cet instant présent. Alors que je restais catégorique sur le fait que je ne regrettais rien pour Andreas, il en était autrement pour lui et bien que je tente de sourire et répondre à ce qu’il me disait, une chose ne passait pas. C’était bizarre venant de ma part, puisqu’étant plutôt du genre opportuniste. J’aurais très bien pu taper dans mes mains et lui dire chouette, repartons sur de nouvelles bases alors, mais pas moyen. « Naturellement » C’est sûr. Je restais toujours aussi agréable, comme je l’avais été avant et comme je comptais l’être jusqu’à la fin. Je tentais de sourire, le remerciant d’un mouvement de tête, mais c’était plutôt compliqué. Il pourrait se tanner de m’avoir vu ainsi affaibli auprès des autres, parce que je ne comptais pas l’être plus d’une semaine. Sauf qu’en ce moment même, sa réaction me paraissait surréaliste. Que ceux avec qui je n’avais rien tenté manifeste une réaction d’admiration à mon égard m’horripilait tout autant que cela me flattait, autant Keelan, j’avais couché avec lui. Qu’il ne regrette rien me semblait incroyable. « Bah je suis désolé de te le dire que je ne le suis pas. Va falloir faire avec » J’esquissais un sourire amusé : je pense que j’arriverais à faire avec aisément. Simplement, voilà. Je redoutais d’avoir de sa part une réaction presqu’identique à celle d’Andreas, même s’ils étaient totalement différents. Je trouvais sa légitime, même si je ne pourrais jamais l’avouer à Andreas. « Tu ne te débarrasseras pas de moi aussi facilement. » J’esquissais un sourire amusé en le regardant: ça me rappelais vaguement quelqu’un, mais dans une autre situation. « D’accord, je vais essayer de te supporter alors… mais ça va être difficile. » Je ne pouvais pas parler sérieusement. C’était beaucoup trop lourd pour moi, je me devais de rire. J’arriverais sans aucun doute à le supporter, plus que n’importe qui ici, en plus. « Je suis content que tu sois restée. » Je levais un sourcil, étonnée de nouveau. Oui, encore, parce qu’à mes yeux, j’étais un peu une intruse ici. Enfin, j’avais l’impression que les autres pensaient ça de moi. Pas forcément lui, mais en général. Je me laissais aller à lui effleurer la main qui se trouvait près de moi. « J’suis contente aussi. » Que l’on soit clair : Keelan venait de me faire quelque chose pour que j’agisse ainsi. C’était une première et une dernière, les prochaines fois seront moins « douces ». « Au fait, pourquoi t'es dans cette chapelle ? » Je me réveillais soudainement, regardant autour de nous, lâchant sa main. J’esquissais un sourire amusé, accompagné d’une moue toute aussi amusée. « J’en sais rien du tout… je déteste cet endroit. » Ouai, je détestais ce lieu plus que quiconque ici et dans le monde entier, j’en étais sûre. Ma présence ne pouvait peut-être que s’expliquer par mon besoin de solitude. « Toi? Qu’est-ce que t’es venu faire ici ? Tu m’as suivi ? »

« D’accord, je vais essayer de te supporter alors… mais ça va être difficile. » Hm c'est vrai, ça risquait d'être très compliqué. D'autant que j'étais réputé pour être très difficile à vivre au quotidien, et de terrible compagnie. La pauvre, elle n'avait pas de chance.  « Je suis sur que t'y arriveras » fis je en souriant. A mon avis, elle avait déjà eu à supporter pire que moi dans sa vie hein. Puis je lui confiais être content qu'elle soit resté. La majorité des habitants auraient sûrement préférer voir rester Hamad plutôt que la blondinette. Mais ce n'était pas mon cas. Et on devait bien être quelques autres à être heureux de son retour non ? Hm bon, je ne m'avancerais pas trop là dessus. Je ne parierais pas ma chemise en tout cas. Irène déclara être heureuse aussi. Tu m'étonnes. Remarquez, elle aurait très bien pu en avoir marre de cette aventure et de nous tous, et vouloir se barrer. Et là, fait surprenant, elle initia un geste qui ne lui ressemblait guère : sa main vint rencontrer la mienne. Bon c'était pas très net, elle la frôlait juste, mais c'était déjà quelque chose. M'en voilà tout flatté de tant d'attention. Évidemment, ça ne dura pas bien longtemps, puisqu'elle la retira quelques secondes après, mais c'était déjà ça. Ce qu'elle faisait ici ? Elle n'en savait rien. Elle détestait cet endroit, ce que j'avais pu comprendre en effet.  « Je plaide coupable » dis je dans un sourire, quant à savoir si je l'avais suivi. Je n'étais entré en ces lieux, que parce que je l'avais aperçu à l'intérieur. Donc ce n'était pas vraiment la suivre, mais peut importait.  « Remarque, j'aurais sûrement de quoi me confesser... » Tellement de choses.  « Maintenant que ton secret est révélé, je me rends compte qu'on a beaucoup plus de points communs que je n'aurais pu le croire. » Pas des plus glorieux, mais c'était un fait. Tous deux on avait radicalement changé de vie après un attentat terroriste. Moi j'avais tout quitté, famille, proches, 10 ans d'études, pour aller m'engager dans l'armée. Certes, c'était quand même moins extrême qu'Irène, mais tout de même.

« Je suis sur que t'y arriveras » Oui c’est vrai. Si j’arrivais à supporter Andreas, parce que mine de rien, je le supportais tout de même, je pouvais supporter n’importe qui. Bon non, ce n’est pas sur que je le supportais en fait, mais Keelan était tout différent, par rapport à lui. Il était au moins… gentil. Même s’il allait jusqu’à mentir – ce que je ne pense pas – il essayait de ne pas s’en prendre à moi comme l’avait fait l’allemand et rien que pour ça oui, Keelan était sur de ne pas me faire fuir. Je lui adressais un sourire en tant que réponse. Réponse d’ailleurs beaucoup mieux que cette main effleurant la sienne. Je ne sais pas ce qui me passa par la tête, sachant que ce genre de familiarité me gênait au plus haut point et que je haïssais ça chez les autres. Rapidement j’enlevais ma main, espérant ne pas recevoir de commentaire sur ce geste : ce serait le pompon. Bon il aura comprit que ce n’était qu’une tentative de geste amical, ce dont je n’étais absolument pas habituée. Comme je n’étais pas habituée à être suivi. « Je plaide coupable » Je fronçais les sourcils avec une expression amusée. Il m’avait suivi ? C’était censé être inquiétant non… d’être suivie... « Tu vas me suivre pendant combien de temps ? Que je ne m’inquiètes pas ! » Lui demandais-je avec amusement. « Remarque, j'aurais sûrement de quoi me confesser... » Je le regardais longuement, finissant par plissait légèrement les yeux. « Quoi par exemple ? D’avoir fait des choses avec quelqu’un… » Je passais pour indiscrète, mais il ne fallait pas commencer comme ça. Et puis je ne parlais pas de moi, évidemment. Moi, j’avais envie de passer au second plan, mais cela ne semblait pas être à l’ordre du jour, ni de la semaine. Ca ne le sera peut-être jamais, ce que je n’espérais pas. « Maintenant que ton secret est révélé, je me rends compte qu'on a beaucoup plus de points communs que je n'aurais pu le croire. » Je me mordillais la lèvre inférieure en acquiesçant d’un mouvement de tête. C’est vrai que nous étions en quelques sortes liés par un attentat, bien que son issue soit plus tragique pour lui que pour moi finalement. « Oui. L’autre jour dans le cellier, quand tu m’as dis que ta femme… j’ai eu peur. J’ai cru que tu aurais compris… » Je ne savais pas si j’étais vraiment clair, je continuais pourtant, triturant mes mains. « Pendant un moment je me suis demandée pourquoi je n’avais pas péri dans cet attentat. Quand je vois que ta vie a été brisée à cause de ça… alors que ma mort n’aurait causé de la peine à presque personne… Je suis désolé, je ne devrais pas dire ça... » J’en étais arrivée à envier, l’espace de quelques secondes dans le cellier, sa malheureuse femme. Raison de plus pour détester Dieu. Il enlevait la femme de quelqu’un, mais laissait une personne qui aurait voulu mourir, en vie.

« Tu vas me suivre pendant combien de temps ? Que je ne m’inquiètes pas ! » J'esquissai un sourire.  « Hm probablement tout le reste de l'aventure. Mais ne t'inquiètes pas, tu ne me remarqueras même pas, j'ai suivi un entraînement pour ça » J’étais passé maître dans l'art de sa faufiler en toute discrétion. Bien évidemment, je plaisantais. J'aimais bien Irène, mais j'en avais pas une fascination, à la limite de l'obsession non plus. Puis je lui confiais, comme ça, que j'avais quelques péchés à mon actif. Si ça impliquait d'avoir fait des choses avec quelqu'un ? Elle parlait sûrement de sexe. « Si seulement... » Si ce n'était que ça. Mais je ne dis rien de plus. Pas tellement parce que je ne le désirais pas, mais plus parce que je ne le pouvais pas. Contrairement à Irène, on était pas tous libérés de son secret. En parlant de secret, j'évoquais d'ailleurs le sien. Et l'attentat. Le fait que nous ayons certains points communs. « Oui. L’autre jour dans le cellier, quand tu m’as dis que ta femme… j’ai eu peur. J’ai cru que tu aurais compris… » Je me rappelais très bien de sa réaction dans le cellier. Maintenant que j'y repensais, cela aurait dû me mettre la puce à l’oreille. Mais non.  « Cela aurait dû en effet...mais non. » En même temps, quelles étaient les probabilités pour qu'elle ai vécu une situation similaire ? Alors évidemment que ça ne m'avait même pas traversé l'esprit. « Pendant un moment je me suis demandée pourquoi je n’avais pas péri dans cet attentat. Quand je vois que ta vie a été brisée à cause de ça… alors que ma mort n’aurait causé de la peine à presque personne… Je suis désolé, je ne devrais pas dire ça... » Je ne pouvais que la comprendre. En revanche moi, si j'avais été amené à disparaître, cela aurait peiné beaucoup de monde.  « Ne dis pas ça. Je suis sur que cela aurait fait de la peine à quelques personnes. » Forcément. Quand bien même, ce n'était pas ça qui faisait sa valeur. Qui rendrait les choses plus justes, que ça soit elle par exemple, et pas quelqu'un comme ma femme. Non.  « C'est le syndrome du survivant. Pendant très longtemps je me suis demandé, pourquoi pas moi ? Pourquoi m'épargner ? Que cela aurait été préférable si j'avais péri avec elle. Parce que la vie sans elle me semblait pire que la mort. C'est pour ça que je me suis engagé dans l'armée aussi...Parce que je n'avais pas le courage de le faire moi même, je voulais qu'on le fasse pour moi... » Je parlais bien évidemment de me tuer. La rejoindre. Quand je disais qu'il n y avait pas de quoi être admiratif face à mon choix de carrière. Fort heureusement, aujourd'hui, je n'étais plus dans cet état d'esprit.  « Mais je suis heureux que mes plans ne se soient pas déroulés comme je l'espérais. » Il aurait été bien dommage que je ne sois plus là aujourd'hui pour embêter Irène n'est ce pas ?

J’esquissais un sourire amusé, alors qu’il me disait me suivre jusque la fin de l’aventure et qu’il était entraîné pour ça. C’est vrai l’armée. Non, de toute façon il ne pourrait pas me suivre, je suis trop vive, rapide, même l’armée ne peut les entraîner à me suivre moi. Bon j’arrête de penser des conneries pareilles. « Si seulement... » Je faisais un peu ma curieuse, mais je ne comptais pas lui en demander plus. En quelques sortes, il avait répondu à ma question. Après tout, les confessions, ça se fait en silence et je n’étais pas la mieux placé pour les écouter. D’ailleurs, je ne sais pas écouter les autres. Je parle sans cesses de moi et, même lorsque ma vraie ‘nature’ apparait, j’ai tendance à tout reporter sur moi. Non pas que ça me gêne en général, il ne faut pas se méprendre, mais quand je suis en compagnie d’une personne que j’apprécie – grande nouveauté pour moi – rien était pareil. Comme je l’ai déjà dis, je n’aime pas parler de moi et ce n’était pas pour rien. Maintenant l’on pouvait s’en rendre compte. Ca ne me plaisait pas alors de parler de l’attentat, mais comme il avait lancé la conversation, je ne pouvais me résoudre d’en parler… et quand je commence… « Ne dis pas ça. Je suis sur que cela aurait fait de la peine à quelques personnes. » Je soutenais son regard en faisant aller ma tête de droite à gauche. Malheureusement non, cela n’aurait peiné pas grand monde…en fait si, à bien y réfléchir si. J’avais perdu mon entourage suite à mon changement de sexe et donc, si j’avais péris dans l’attentat, cela aurait été encore sous forme masculine… Je baissais un peu les yeux. J’avais honte aussi de penser parfois, que ma meilleure amie aurait été mieux s’il n’avait pas survécue. Coincée avec ses deux jambes coupées et voir sa volonté décliner de jours en jours et ce depuis sept ans. « C'est le syndrome du survivant. Pendant très longtemps je me suis demandé, pourquoi pas moi ? Pourquoi m'épargner ? Que cela aurait été préférable si j'avais péri avec elle. Parce que la vie sans elle me semblait pire que la mort. C'est pour ça que je me suis engagé dans l'armée aussi...Parce que je n'avais pas le courage de le faire moi même, je voulais qu'on le fasse pour moi... » Je l’écoutais avec ma tête baissé. Je me sentais pareille… le syndrome du survivant alors. Malgré ce que l’on pourrait croire, son histoire me touche et je la trouvais plus tragique que la mienne. Cet attentat avait mit fin à son bonheur. Moi il aurait juste mit fin à mon malheurs. Une différence, mais de taille. « Mais je suis heureux que mes plans ne se soient pas déroulés comme je l'espérais. » J’esquissais un sourire, avant d’avouer. « Sans ça on ne se serait pas connu… » Rah non, c’est nul de dire ça et sentimental et faible… « Enfin, moi aussi je suis finalement contente de ne pas être morte… même s’il m’arrive parfois de le regretter encore… » Je me pinçais un peu les lèvres, avant de lui demander. « C'était quel attentat? »