emilien

Je viens souvent à la piscine en fin de soirée. En espérant être seule. Oui, c’est toujours mieux lorsque j’y suis seule. C’est pourquoi je me crois les doigts lorsque j’y descend, ayant enfiler un bikini noir, dans plus simple, prenant évidemment soin de ne pas me regarder dans le miroir, comme toujours. Je soupire presque de soulagement en remarquant que l’endroit est désert et que je vais avoir la paix pour faire quelques longueurs. Je suis loin d’être une grande sportive, c’est par vraiment surprenant. Pourtant, je maîtrise tout de même bien la natation, un petit passe-temps. Faut dire que lorsque j’ai arrêté la danse, il a bien fallu que je me tourne vers autre chose pour me garder en forme. Je laisse tomber mon peignoir par terre, ne prenant même pas la peine de le plier. Y’a personne, on s’en fout. Puis d’une façon bien déterminée, je plonge tête première à l’eau, me décontractant à son contact. Je retiens mon souffle et me laisse couler au fond de l’eau, telle une énorme roche. J’étais venue pour nager mais au fond, je pourrais aussi me noyer. Ça arrangerait bien des trucs. Un peu comme l’autre fois, où je voulais mettre la bibliothèque en feu et moi aussi par le fait même. Je commence à sentir mes poumons se rétracter, ils manquent d’air, je manque d’air. Mon corps me crie de remonter à la surface, ma tête elle décide d’y rester encore quelques secondes. De toutes petites mais très longues secondes. Et c’est les yeux fermés que je remonte à la surface, presque déçue de ne pas avoir le courage de rester plus longtemps. Mon dieu, je suis folle. À bout de souffle, j’essaie de reprendre une respiration normale lorsque j’ouvre les yeux et remarque finalement Emilien. Et je me dis que j’aurais peut-être du rester sous l’eau. J’ai tellement été conne avec lui dimanche. Je ne me le pardonne pas vraiment. Mais d’un autre côté, je sais que je n’aurais pas agit autrement. C’était une question de temps avant que je le repousse. Et là, je ne trouve pas les mots. Je ne sais pas quoi lui dire. De toute façon, il ne doit plus vouloir avoir à faire à moi. Et je le comprend. Je m’exaspère moi-même.

Emilien avait décidé de passer un peu de temps à la piscine. Peut-être au bord, ou bien dans la piscine. Il ne savait pas trop encore. Il avait quand même prévu, au cas où il aurait envie de se baigner. En-dessous de son jean, il avait enfilé son petit maillot de bain. Comme ça, s’il voulait plonger dans la piscine, il n’avait qu’à enlever ses habits. Il ne fera pas comme la dernière fois avec Ezra, et se retrouver en pantalon dans la piscine. Il était hors de question que ça recommence. Lorsqu’il arriva sur les lieux, sa serviette sur son épaule. Il n’y avait pas un bruit. C’était étonnamment calme. Trop calme pour être vrai. Au moins, il aura l’avantage d’être seul, de ne pas être dérangé comme ça. Emilien fit donc quelques pas, en direction de l’un des transats. Avant de s’arrêter net dans sa marche. Il remarqua alors la présence d’un peignoir par terre. Il fronça légèrement les sourcils. Finalement, il ne devait pas être seul. Il devait il y avoir quelqu’un d’autre ici. Alors, le jeune garçon se tourna aussitôt en direction de la piscine. Jusqu’au moment où il croisa le regard de… Harlow. Emilien mit un certain un temps avant de faire un quelconque mouvement. Il fut, pendant quelques secondes, pétrifié sur place. Finalement, son idée de venir là était une mauvaise idée. Il ne savait pas vraiment s’il devait rester ou partir. Il devrait sûrement faire demi-tour, ce serait une sage décision. Le jeune garçon secoua doucement la tête. Il finit par se décider. Peut-être n’était-ce pas la bonne solution qu’il venait de prendre. Mais, tant pis. Il partit s’asseoir sur l’un des transats et y déposa sa serviette. « J’peux rester ou bien tu vas me dire de m’en aller ? » lui demanda-t-il, en lui lançant un regard. Si Emmeline était là, il était certain qu’elle ne serait pas très fière de lui. Peut-être qu’il aurait dû écouter ses conseils…

Je fixe Emilien, toujours à bout de souffle. J’aurais du rester sous l’eau. J’aurais vraiment. Parce que ça me fait plus mal que je ne l’aurais cru de l’avoir en face de moi. Je sais que j’ai été idiote. Je sais aussi qu’en temps normal, ce serait le meilleur moment pour m’excuser de mon comportement du dernier prime. Après tout, il n’avait rien fait de mal. Absolument rien. Je n’ai rien à lui reprocher, c’est ce qui est le plus fou dans tout ça. « J’peux rester ou bien tu vas me dire de m’en aller ? » Et voilà la preuve qu’Emilien était trop gentil. Il ne devrait même pas m’adresser la parole en ce moment. Il devrait m’oublier oui, ne plus penser à moi. De toute façon, pensait-il à moi lorsque je n’étais pas à ses côtés ? C’est ridicule, c’est moi qui ne devrait pas avoir de telles pensées. « Non... Reste... » dis-je dans un souffle alors que je m’approche lentement du bord de la piscine en ne le lâchant pas des yeux. « Emilien... » Je m’arrête, parce que je ne sais pas ce que je veux lui dire. Je ne sais pas comment lui dire. Pourtant, cela pourrait paraître bien simple pour tout le monde. Pas pour moi. « Je... » C’est pas gagné d’avance. Je soupire et baisse les yeux, me tapant sur les nerfs de ne pas être capable de m’exprimer comme je le sens. « Viens me rejoindre dans l’eau... » Ce n’est pas un ordre, plus un invitation. Je ne veux surtout pas qu’il parte, ce qui est surement très ironique si on pense aux dernières paroles que je lui ai adressé. Mon regard le supplie, mais je ne sais pas s’il va vraiment le faire, s’il va venir vers moi.

Dès la première seconde qu’il avait aperçu Harlow, il aurait du faire demi-tour. C’était le mieux à faire, certainement. Il savait éperdument qu’il faisait une bêtise en restant là. Il n’aurait dû rester. Mais il était trop tard, maintenant. Le voilà qu’il lui demandait s’il pouvait rester ou bien si elle allait lui demander de partir, encore une fois. Une nouvelle fois encore. Il n’avait pas compris pourquoi lors du prime elle lui avait dit de s’en aller, et surtout pourquoi elle était partie comme cela. En soi, il n’avait rien fait de mal. Enfin, il était persuadé d’avoir fait quelque chose de pas bien, de mal… ce n’était pas son genre de faire ça. Il ne comprenait pas, il ne comprenait plus. Il pensait qu’Harlow était différente avec lui, mais il fallait croire qu’il s’était trompé. Elle s’était moquée de lui sur toute la ligne. Elle s’était moquée de lui depuis le début, oui. Il lui en voulait. Et pourtant malgré cela, il était resté là. Peut-être parce qu’il espérait pouvoir avoir un brin d’explication à tout cela. Harlow lui dit alors de rester. Il allait pouvoir rester… même si cela allait être une bêtise. Il le savait lui-même. Il espérait qu’Emmeline ne le sache pas. C’était elle qui lui avait conseillé de s’éloigner d’elle, parce que cette fille risquerait de le blesser, de lui faire mal. Elle avait peut-être raison. Emilien leva la tête en direction d’Harlow lorsqu’elle prononça son prénom. Elle s’apprêtait à lui dire quelque chose, avant de se rétracter. Que voulait-elle lui dire ? Elle… Elle quoi ? Emilien fronça doucement les sourcils. Puis c’est alors qu’elle lui demanda de venir la rejoindre dans l’eau. Il haussa docilement les épaules. Après tout, s’il était venu là, c’était en partie pour profiter de la piscine ? Il fit un petit signe de la tête, et se déshabilla. Il n’allait pas nager, encore une fois, habillé. Il posa dans un petit coin ses habits qu’il avait pliés, puis rejoignit la jeune fille, une fois en maillot de bain. Il s’assit sur le rebord de la piscine, avant de se laisser glisser dans l’eau. Il avait l’impression de faire n’importe quoi. Déjà en restant là, puis en lui demandant s’il pouvait rester, et maintenant en la rejoignant dans l’eau. Il faisait n’importe quoi. Appuyé sur le rebord, il tourna la tête en direction d’Harlow. Silencieux. Pas un mot ne s’échappa de sa bouche. Il aurait pu lui faire partager sa pensée, qu’il faisait une bêtise en restant là. Mais il avait bien trop peur qu’après ça, elle lui demande finalement de partir.

C’est une bonne chose qu’il décide de rester. Non ? J’avais peur qu’il tourne les talons et que je doivent dire au revoir à mon petit Emilien. Enfin, il n’est pas le mien, je le sais, mais bon. Et puis, je veux qu’il vienne dans l’eau, je veux qu’il me rejoigne, qu’il soit un peu plus près de moi. Parce que ça me manque de l’avoir près de moi. Ça ne fait aucun sens de penser ça après que ce soit moi qui l’aie envoyer promener en quelque sorte. Je le regarde entrer dans l’eau en silence, je ne détache pas mes yeux de lui, de toute façon, je n’en ai pas envie. Je crois qu’il y a un certain malaise. Et je ne suis pas douée dans ce genre de situation. Je ne sais pas ce que je dois lui dire. Surement que je devrais m’excuser. Ce serait la meilleure chose à faire effectivement. Mais le mots ne semblent pas vouloir franchir la porte que sont mes lèvres. Ça me reste coincé dans la gorge, alors que j’ai le ventre noué par le stresse. Je déteste me sentir ainsi, avoir cette sensation d’être impuissante et ce, par ma faute. Je m’approche, doucement, tranquillement, de peur de le faire fuir. Je plonge mon regarde dans le sien. Si bleu. Il a de si beaux yeux. Je m’arrête à sa hauteur, je suis surement même trop près de lui, alors que l’envie de lui caresser le visage me prend. Mais je ne bouge pas, pour le moment. « Je... » Bon allez Harlow. Ça va faire les conneries. « Je suis tellement désolée... » De l’avoir repoussé. D’avoir été aussi méchante avec lui. De l’avoir humilié. Il ne méritait pas d’être traité ainsi, et je le savais. Mais cela ne m’avait pas empêcher de le faire. L’eau est calme, la pièce est si silencieuse que j’ai l’impression qu’on est seul au monde. Puis, je lève ma main et avec tout mon courage, je viens effleurer sa joue. Tout doucement, presque timidement. « Tu... Tu devrais écouter ce qu’on dit de moi. Tu ne devrais pas... Je m’excuse... » Tout es confus, et je n’arrive tout simplement pas à dire ce que je veux. Je ne sais pas comment lui faire comprendre que je ne suis pas assez bonne pour lui. Ou qu’il est trop gentil pour moi. Bref, dans les deux cas, ça me fait tellement mal.

Il n’y avait plus un son, pas un bruit. Tout était devenu silencieux. Tout était devenu étrangement paisible, calme. On ne percevait plus que leurs souffles qui se mêlaient, à présent. Emilien tourna légèrement la tête en direction d’Harlow. Ce silence ne le dérangeait pas, la situation paraissait juste étrange. N’importe qui, à la place d’Emilien, ne serait pas resté là. Et pourtant, il fallait croire qu’il n’avait pas la force de partir. Il posa son menton sur ses bras croisés, appuyés sur le rebord de la piscine. Ce fut Harlow, la première, qui prit la parole. Brisant ainsi cet étrange silence qui venait de s’installer entre eux. Il porta un peu plus son attention sur la jeune fille qui venait de prononcer un mot. Un seul mot. Peut-être cherchait-elle à savoir ce qu’elle allait bien pouvoir lui dire. Ses paroles semblaient saccadées et un peu confuses. Elle était désolée, puis après elle lui disait qu’il devait écouter ce que les autres disaient sur elle, ensuite qu’il ne devait pas. Que ne devait-il pas ? Il devait, puis ensuite il ne devait pas. Emilien semblait se noyer peu à peu dans un bain d’incompréhension. Il fronça un peu plus les sourcils, cherchant une réponse à sa question. Mais rien ne lui vint à l’excuser. Elle s’excusait, finit-elle par lui dire. Il y avait tellement de choses qu’il aurait voulu entendre de sa part. Des excuses, certes. Mais des explications, aussi. « Pourquoi t’as fait ça, Harlow ? Est-ce que j’ai fait quelque chose de mal ? ». Il ne savait pas lui. Il n’avait pourtant rien fait de mal, rien de méchant lors du prime. Enfin, d’après lui. Peut-être qu’elle avait une autre version. « Je ne comprends pas… » souffla-t-il dans un soupir. Il ne comprenait pas, il ne la comprenait pas. Tout semblait lui échapper.

« Pourquoi t’as fait ça, Harlow ? Est-ce que j’ai fait quelque chose de mal ? » Pourquoi j’ai fait ça. La question qui tue. Le problème est que je ne semble pas être capable de lui donner une réponse cohérente. Une réponse qui le rassurera. Je laisse tomber ma main dans l’eau arrêtant de lui caresser la joue, parce que ce n’est clairement un bon geste à poser. « Je ne sais pas Emilien. » Je le sais et je ne le sais pas en même temps. Je suis complètement perdue. Je soupire. « Je crois que je me suis vexée parce que tu semblais plus préoccupée par le fait qu’Ezra ne venait pas te rejoindre que le fait que je sois à tes côtés. Mais ce n’est pas que ça. C’est pas vraiment de ta faute, c’est ce que je veux dire. » Non, lui en soit, il n’a vraiment rien fait de mal. Parce qu’on ne peut pas reprocher à Emilien d’être trop gentil. Personne ne le pourrait. Sauf moi j’imagine. Et je repense soudainement à ma conversation d’aujourd’hui avec Emmeline. Et ça m’embête vraiment. Parce que j’imagine que dans un sens, elle a raison. Et c’est ce qui m’énerve le plus dans tout ça. « Je n’avais pas le droit de te traiter de la sorte. Mais je crois que c’était un mécanisme de défense. » Oui, le blesser pour éviter qu’il ne s’attache un peu plus à moi. De la sorte, je peux fuir et moi-même ne pas m’attacher à lui. C’était comme ça que je fonctionnais, depuis toujours. La seule personne que je ne repoussais pas, ou plutôt, qui n’avait pas accepté que je le repousse, c’est évidemment mon père. Je baisse les yeux un moment, fixant l’eau, légèrement dans mes pensés avant de relever les yeux vers lui. « Je ne suis pas... Je vais te faire du mal Emilien. Je ne suis pas assez bonne pour toi... » Ce n’est pas facile à dire, pourtant, je sais que ce n’est que la triste vérité. Je n’étais pas assez bien pour lui. Il ne devrait pas perdre son temps avec moi.

Il n’avait pas été méchant avec elle. Tout du moins, il pensait. Jamais, il ne lui avait fait une remarque désagréable, ni quoique ce soit. Il avait toujours fait en sorte pour que ça se passe bien entre eux. Et ça se passait bien. Jusqu’à ce fameux dimanche soir. Emilien n’arrivait toujours à digérer ce qu’il s’était passé. Peut-être parce qu’il fut un peu vexé, ridiculisé, blessé au fond. Il devait bien il y avoir une explication à tout cela. Il ne l’avait pas, Harlow devait bien l’avoir cette fameuse explication qui lui permettait de comprendre. Il voulait comprendre. Et pourtant, elle semblait ne pas savoir. C’était ce qu’elle lui avait dit. Comment pouvait-elle ne pas savoir ? Elle ne pouvait pas lui dire cela. Elle devait forcément savoir. Pourquoi ne voulait-elle pas lui dire ? Emilien lui lança un long regard. Elle ne pouvait pas le laisser sans réponse, ou tout du moins avec cette réponse qu’elle venait de lui donner. Elle ne savait pas… Elle lui expliqua alors qu’elle était vexée. Vexée par le fait qu’il fut un temps préoccupé par Ezra. Mais Ezra, ce n’était que son pote. Elle, c’était… Harlow. Mais il n’y avait pas que cela. Emilien ignorait là où elle voulait en venir. Il allait lui demander au même moment où elle continua de parler. Il préféra alors se taire, afin de ne pas lui couper la parole. Ce n’était pas de sa faute, mais alors qu’avait-il fait pour mériter cela ? Vous le savez peut-être, puisque lui ne le savait pas. « Je n’avais pas le droit de te traiter de la sorte. Mais je crois que c’était un mécanisme de défense. ». Emilien cligna des paupières quelques instants, avant de reporter son attention. Elle n’avait pas à le traiter comme elle l’avait fait, c’est un fait. Et une grande majorité des personnes devaient être du même avis que cela. « Un mécanisme de défense ? répéta-t-il alors. De quoi devrais-tu te défendre ? ». Ca n’avait pas de sens ça. Elle devait se défendre de quoi, de qui ? Emilien n’avait rien de dangereux. Il était inoffensif. Il fronça légèrement des sourcils à cette interrogation. Il avait beau réfléchir, il ne trouvait aucune raison. Aucune raison qui pouvait la pousser à se défendre. Et alors qu’Harlow baissa du regard, Emilien porta son attention en face de lui. Posant son attention sur rien de particulier. La voix de la jeune fille retentit alors de nouveau. Il tourna légèrement la tête en sa direction, mais pas entièrement. Il se tourna juste assez pour pouvoir la regarder, la contempler. « Je ne suis pas... Je vais te faire du mal Emilien. Je ne suis pas assez bonne pour toi... ». Emilien fit un léger signe de la tête allant de gauche à droite. Elle allait lui faire du mal. Il eut cru entendre parler Emmeline, un instant. Peut-être qu’elle avait raison qu’elle allait lui faire du mal, mais jusqu’à présent, elle ne lui avait rien fait de mal ? Mise à part lors de ce prime. Il déglutit difficilement, sentant sa pomme d’Adam remontait. Elle n’était pas assez bonne pour lui, lui avait-elle dit. Comment pouvait-elle savoir cela ? « Pourquoi tu me ferais du mal, Harlow ? Tu ne m’as pas fait du mal jusqu’à présent… enfin jusqu’à ce prime. Mais avant ça, ça… se passait bien entre nous, non ? ». Il marqua une pause, se tournant alors en direction d’Harlow. Il la regarda, elle était là en face de lui, de profil. « Et tout ce que tu m’avais dit la semaine passée ? Comme quoi j’avais quelque chose de spécial, c’était quoi ça ? ». Pourquoi lui avait-elle dit tout cela si c’était pour le jeter quelques jours après ? Pourquoi ?

J’ai l’impression qu’Emilien a des points d’interrogation à la place des yeux. De ses beaux yeux bleus. Il ne comprend rien. J’ai l’impression d’être le plus gros mystère qu’il a rencontré dans sa vie. Enfin, pas moi, mais mon comportement. Et je ne sais pas si je vais réussir à lui faire comprendre. À lui expliquer ce qui se passe en moi, mais surtout, pourquoi j’ai agit de la sorte avec lui. Et lorsque je lui explique que j’avais fait ce que j’avais fait durant le prime comme une sorte de mécanisme de défense, je vois bien qu’il semble encore plus perdu qu’il y a une minute. Et je soupire alors qu’il me demande de quoi je devrais me défendre. Je ne suis pas douée pour les explications. Je n’arrive pas à faire comprendre au gens ce qui se passe à l’intérieur de moi, puisque moi-même je suis embêtée face à ce que je suis et à ce que je fais. Et on dirait que c’est encore plus difficile de le faire avec Emilien. Parce qu’il a cet innocence dans le regard. Cet innocence que j’aimerais avoir mais que je n’ai jamais eu ou du moins, dont je n’ai pas le souvenir d’avoir eu. « Me défendre de toi... De ta gentillesse... De l’attachement que t’as pour moi et de celle que j’ai pour toi. » C’est encore plus difficile de lui dire tout ça. Je me sens fragile, prête à me briser, à éclater en plusieurs morceaux. Et je n’ai pas envie de me montrer à lui de cette façon. Parce qu’ici, Emilien est la seule personne qui m’a toujours gardé calme, tranquille. Et c’est bien comme ça, mais je ne suis pas toujours ainsi. Et j’ai l’impression que c’est ce qu’il a de la difficulté à comprendre. Ou pas. Je ne sais plus. Je sais seulement que je tente une nouvelle approche physique, bien que cela ne soit peut-être pas une de mes meilleures idées. Je viens prendre sa main dans la mienne alors qu’il reprend la parole. « Pourquoi tu me ferais du mal, Harlow ? Tu ne m’as pas fait du mal jusqu’à présent… enfin jusqu’à ce prime. Mais avant ça, ça… se passait bien entre nous, non ? » C’est moi qui fuit son regard maintenant. Je ne le supporte pas sur moi. Et ces paroles ont tendance à plus m’énerver que me calmer, ce qui n’est réellement pas une bonne chose. Il reparle de la semaine dernière et de ce que je lui ai dit. Pourtant moi je pense encore à sa question. Pourquoi je lui ferais du mal. « Ouvre les yeux Emilien, merde ! Je suis complètement folle !! » Je parle plus fort que je ne le voudrais. Mais c’est plus fort que moi. J’ai l’impression qu’il m’idéalise. Qu’il ne voit pas qui je suis vraiment. « Je vais te faire du mal parce que je suis une égocentrique qui ne pense pas avant d’agir. J’ai des putain de pulsions qui me font faire des conneries à toutes les dix minutes. Je ne suis pas une bonne personne. Je suis instable... Et des situations comme dimanche, ça peut se reproduire. » J’ai la voix qui tremble alors que je m’adresse à lui. Que je ne peux plus décrocher mon regard du sien alors qu’en fait, j’aurais bien envie de m’enfuir et de ne surtout pas me retourner. « Oui t’es spéciale... Jamais je ne t’aurais menti, crois moi. Et... et je tiens à toi. » Oui, je tiens à lui. Comment ne pas tenir à lui. Je sers justement sa main un peu plus fort dans la mienne. « Mais voilà... Je ne veux pas te causer des ennuies... Tu ne mérites pas de te faire traiter de la sorte. »

On jetait quelqu’un lorsque ce dernier avait fait quelque chose de mal ? On se défendait de quelqu’un lorsqu’il nous faisait du mal ? On ne faisait pas tout cela lorsqu’une personne ne vous voulait que du bien. C’était comme cela que ça marchait. Tout du moins, normalement. Avec Harlow, ça ne semblait pas être comme cela. Emilien avait du mal à la comprendre. Elle disait vouloir se défendre. C’était pour cela qu’elle l’avait jeté. Pour se défendre. Il ne put s’empêcher de lui demander en quoi elle devait se défendre. Il ne devait bien il y avoir une raison à cela. Une raison qui l’obliger à se défendre. Elle lui expliqua alors qu’elle se défendait de… lui. Lui, Emilien. Mais aussi de sa gentillesse et de leur attachement respectif. Emilien baissa les yeux un instant, tentant d’encaisser la nouvelle. Doucement son regard se reporta sur le visage d’Harlow, sentant à ce moment sa poitrine se resserrant. Etrange sensation. Il eut voulu lui demander pourquoi. Pourquoi elle devait se défendre de tout cela ? En soi, ça n’avait pas de sens de vouloir se défendre de tout cela. Une personne normalement constituée ne se chasserait jamais tout cela de son quotidien. Il eut voulu trouver le courage nécessaire pour cela. Mais aucun son ne réussit à s’échapper de sa bouche. Aucun. Il resta muet. De toute façon, elle avait repris la parole. Ca ne servait plus à rien à présent. Il l’écouta parler. Elle ne lui apportait rien de nouveau. Emmeline lui avait dit quasiment la même chose, lors du prime. Qu’elle lui ferait mal. Mais pourquoi ? Pourquoi ferait-elle cela ? Et dans quel but ? Trop de questions d’un coup. Ses pensées se mélangèrent et il tenta malgré tout à prendre la parole. A ce même moment, il sentit la main d’Harlow au contact de la sienne. Un léger rictus vint très légèrement étirer les lèvres d’Emilien. Rictus qui disparut aussitôt lorsqu’elle prit la parole. Parole peut-être un peu trop forte. Emilien crut que son cœur, son petit cœur, allait rater un battement. Il fallait qu’il ouvre les yeux. Il fallait qu’il se rende à l’évidence, sûrement. Mais lui, il ne voulait pas. Il voulait écouter les paroles d’Emmeline à la ligne, quand elle lui disait qu’il devait s’éloigner d’elle, qu’elle lui ferait du mal, qu’elle était instable. Son inconscient en avait décidé autrement. Il sentit Harlow presser un peu plus fortement sa main. Il ne savait pas pourquoi elle faisait cela. Pourquoi elle lui tenait la main. Enfin ça n’avait pas d’importance. Emilien aimait bien ce contact. Il ne voulait pas qu’elle lâche sa main. Non, il ne le voulait pas. Harlow le rassura en quelque sorte. En lui disant qu’il était spécial, mais surtout qu’elle ne lui avait pas menti. Elle ne s’était donc pas moquée de lui, enfin c’était ce qu’il en avait déduit de tout cela. Il la regarda longuement, sans ciller. Il ne pouvait plus détacher son regard du sien. Il était comme captiver. Capturer. Elle tenait à lui. Il tenait à elle aussi… Elle ne voulait pas lui causer d’ennuis. Il ne voyait pas où elle voulait en venir. Des ennuis ? Pourquoi aurait-il des ennuis ? Une expiration un peu forte s’échappa entre les lèvres du jeune garçon. Toujours main dans la main, il tenta de s’approcher légèrement d’Harlow. Il ne comprenait pas vraiment pourquoi il faisait cela. Mais fallait-il une explication concrète ? Il voulait la sentir près de lui. Sentir son souffle, son parfum. Il aimait bien cette proximité qu’il pouvait avoir avec elle. Elle était là, en face de lui. A quelques centimètres. « On ne peut pas se priver des personnes auxquelles on tient, que l’on aime. ». Tout du moins, Emilien ne le pouvait pas. Il cligna des paupières une fois. « Je tiens à toi aussi… et je continuerai à te le montrer. Tant pis si tu me feras du mal… Oui, tant pis. » souffla-t-il. Des paroles peu raisonnables. Heureusement que jamais sa partenaire ne pourra entendre cela. Elle lui en voudra sûrement d’avoir dit cela, ou elle essaierait peut-être de le ramener à la raison. Oui, voilà. Le ramener à la raison.