J'avais rapidement retrouvé mes marques, en fin de compte. Faut dire que je ne les avais jamais vraiment perdues, dans un certain sens, parce que douze semaines ne suffisaient pas à gommer des habitudes vieilles de plusieurs années, voir de décennies. Pourtant ce serait mentir que de dire que les douze semaines en question n'avaient pas changé bien des choses ; Et non, je ne parlais pas uniquement de la somme plus que conséquente qui s'était ajoutée sur mon compte en banque. Même si forcément je n'allais pas cracher dessus, d'autant plus quand on savait à quoi cette somme se destinait. Pour ce qui était des retombées médiatiques j'essayais aussi de prendre tout cela avec un certain recul ; Je savais que cela ne durerait pas, et j'avais déjà eu l'occasion il y a six ans de tester la chute brutale que constituait le fait d'être remis au placard du jour au lendemain et de tomber dans l'oubli. Alors j'avais pas l'intention d'attendre de me prendre le revers de médaille en pleine face cette fois-ci, c'était au moins l'avantage d'avoir vécu si jeune une exposition médiatique. Et autant dire qu'il n'y avait pas eu que des avantages, à l'époque autant qu'aujourd'hui, mais je supposais que c'était le jeu. Dès que j'en avais l'occasion j'essayais en tout cas de me raccrocher à ma petite routine, ce qui ce matin-là sous-entendait de me sortir du lit à quatre heures cinq - non sans m'avouer que pour une fois je serais bien resté couché encore un tout petit peu, ne serait-ce que pour écouter Ben dormir, parce que bon dieu ça m'avait manqué ça aussi - et d'enfiler mes affaires de jogging avant de rejoindre en petite foulée le bar du boss sur Keeaumoku street, où fidèle à lui-même il m'attendait avec un mug de thé à la menthe et une boite de malasadas. Le paradis, quoi. Et c'est précisément dans ce même bar que j'avais donné rendez-vous à Sven en milieu d'après-midi, après n'en avoir bougé que pour déjeuner avec une de mes sœurs le midi. Pas de plongée aujourd'hui, c'eut été un véritable souci si je n'avais pas d'ores et déjà prévu d'aller surfer en rentrant chez moi. Mais pour l'heure je n'en étais pas encore là. Au lieu de ça j'aidais l'employée du bar à réajuster les décorations de Noël, et c'est donc debout sur une des tables du fond de salle que j'avais vu le jeune homme débarquer, dans un bar on ne peut plus désert comme souvent en pleine semaine à cette heure de la journée. « T'as vraiment une dégaine de touriste. » que je lui avais alors lancé avec ironie, tandis que d'un air amusé je descendais de mon perchoir pour retrouver la terre ferme. C'était plutôt une constatation qu'un reproche ceci-dit, parce que bon justement c'était le cas, c'était un touriste ; Alors c'était un peu normal qu'il ressemble à un touriste, forcément. « J'vais prendre ma pause, je peux ? Bonjour. » balance alors la serveuse dans le désordre, s'adressant d'abord à moi puis à Sven avant de disparaitre dans l'arrière-boutique sans vraiment m'avoir laissé le temps de répondre. Enfin c'était pas comme si elle avait des comptes à me rendre de toute façon, moi j'étais juste là pour filer un coup de main parce que j'avais rien de mieux à faire, mais j'étais ni son boss ni son collègue, hm. « Elle est, hm, un peu timide. » avais-je alors ajouté comme pour tenter de justifier de la disparition soudaine de la jeune femme, avant de réaliser que j'avais oublié le B et A BA de ce qu'on demandait à un client qui se pointait ; Certes c'était moi qui lui avais filé l'adresse, mais n'empêche. « J'te sers un truc à boire ? » que j'avais alors demandé tout en repassant derrière le bar en lui désignant un des tabourets de comptoir. Il avait plutôt intérêt à vouloir boire un truc en fait, que je puisse m'occuper un peu quoi. Oui verser un truc dans un verre je considérais ça comme une occupation, je ne vous avais pas dit que j'étais du genre à me contenter de peu ? C'était un peu bizarre en tout cas, qu'il soit la première personne en rapport avec Fake Lover que je sois amené à revoir, alors qu'il ne faisait même pas partie des candidats avec lesquels j'avais participé.