Si j'avais su ô combien j'allais prendre cher, je me serais abstenu de m'en prendre à Artie. Car très vite se fut Moore qui s'en prit à moi. « Quelles sont tes dernières volontés ? » Je n'eus même pas le temps de répondre, la jeune femme me fusillant à deux reprises. J'allais bientôt ressembler à un arc-en-ciel, ou à un clown je sais pas trop en fait. Bref tout cela pour dire que je n'avais plus rien de l'ange au costume immaculé du début de soirée. Ou alors on avait saccagé Cupidon bis. Ce fut ensuite au tour de Connor de s'acharner sur moi. J'avais mon arc en main, et j'étais prêt à m'en servir. Il l'avait bien vu, mais sur le coup il fut plus rapide que moi. « N'essaye même pas Cupidon ! » Une fois encore on venait de m'asperger de rouge. Et le calvaire n'était pas terminé, oh non alors, puisque Syssoi décida de m'achever. « Fuite urinaire, papy ? » Celui-ci venait de tirer par dessous ma tunique, ce qui n'était pas très agréable il fallait bien l'avouer. Mon dieu, ils s'étaient donc tous passé le mot pour s'en prendre au chef des chérubins en puissance. Tous les petits anges du nid étaient victimes des pistolets à peinture des démons. Et vous croyez que le grand Cupidon aurait bougé le petit doigt pour venir en aide à ses semblables ? Et bien non ! On devait se débrouiller tous seuls. Je m'en souviendrais. Je me serais bien battu jusqu'au bout, mais j'avais l'impression de ne pas faire le poids avec mon arc et mes flèches. Jackson venait d'arroser Siomha de peinture. Si je ne la portais pas franchement dans mon cœur, il me fallait agir pour protéger les miens. Ni une ni deux, je lançai une flèche qui resta coincée dans son col de dentelle noire. « Ça t'apprendra à t'en prendre aux miens ! » Nous ne devions pas nous laisser faire. Il nous fallait nous battre, résister, leur faire passer l'envie de s'en prendre à nous. Avec les moyens du bord, je faisais ce que je pouvais mais j'avais comme l'impression que le combat n'avait rien d'équitable.

Franckie me suit et arrivé dans un lieu à l'écart des regards indiscrets -Sixtine est super flippante quand elle précise qu'elle trouve quelque chose excitant- je le pousse doucement contre le mur. « Et maintenant ? Que me réserves-tu ? » Si face aux autres candidats je m'étais adonné sagement à mon rôle de démon à la perfection, seul avec Franckie je me sentais presque redevenir aussi doux qu'un agneau. Plus la moindre lueur de perversité ne brillait dans mes yeux. Alors à la place de me la jouer décadence totale comme notre isolement dans un coin pourrait le suggérer aux yeux de n'importe qui, je me contente de passer mes bras autour de son torse pour l'entourer comme un koala souhaitant se coller à sa branche, et je pose ma tête à même sa peau dénudé. Je reste comme ça quelques instants, reposant mon cerveau de toute l'agitation ambiante à laquelle il n'est guère habitué. « J'aime bien être avec toi » je souffle, avant de déposer un rapide baiser chaste sur sa mâchoire. Parce qu'il faut bien que je rétablisse un équilibre, après avoir manqué de lui avaler les amygdales. Je me redresse, ébouriffe ses cheveux pour ne pas griller nos couvertures de diables à la libido malsaine, puis file rejoindre les autres habitants, armé l'air de rien de mon faux fusil d'assaut. Sauf que voilà, il ne reste plus grand chose à repeindre en rouge, les autres membres de mon équipe s'étant déjà généreusement occupé des anges entourant le bassin. J'observe les alentours et mon regard est happé par l'affreux blanc aveuglant de l'autre côté de la pièce. Un vide absolu. Je cligne des yeux. Je me fais presque l'impression d'être perdu dans un néant aveuglant. Je me la joue sniper et parcours la salle sur la pointe des pieds en longeant le mur, avant d'atterrir à quelques pas du buffet immaculé. « SAY HELLO TO MY LITTLE FRIEND ! » je m'écrie en dégainant mon arme, pour me la jouer à la Al Pacino dans Scarface, bombardant de peinture le mur et accessoirement les quelques habitants s'étant attardé près des bouteilles de jus de fruit.