C’est la troisième fois qu’elle compte les lumières au plafond. Quand elle a terminé, elle fait une courte pause dans ses comptes pour prêter attention à la styliste de l’émission qui la sermonne depuis plusieurs minutes sur sa tenue. Mylah ne l’a pas écoutée jusqu’ici, trop concentrée à s’assurer que son compte est bon à chaque fois, sous peine d’être totalement déstabilisée. Sa robe n’est pas assez moderne, pas assez chic, pas assez courte, pas assez décolletée. Elle fusille la styliste du regard et lève le doigt pour l’arrêter quand celle-ci a le malheur de s’avancer. Elle ne se changera pas. Elle a prévu cette tenue depuis des semaines, elle ne peut pas se permettre de changer ses plans à la dernière minute, oh, non, impossible. La styliste insiste, mais Mylah se contente d’un nouveau regard noir, bien plus convaincant que le premier. On ne change pas ses plans en un claquement de doigt. Elle a listé dans sa tête le déroulement de la soirée pour s’y préparer et ne pas se laisser submerger par le stress, et le fait de devoir se changer est impensable. Perdre environ quatorze minutes pour enfiler la tenue de la styliste, adopter une coiffure en harmonie avec la tenue, Mylah ne l’a pas prévu, elle ne peut donc pas s’y résoudre. Elle sera complètement bloquée, sa soirée sera gâchée par cet imprévu. Il faut qu’elle se calme. Elle n’a pas fini de compter les lumières, elle s’y remet, les compter trois fois, affiche un sourire en découvrant que le nombre final est toujours le même. Elle marque une pause, enfile ses chaussures, laisse la maquilleuse s’occuper d’elle. Elle observe un peu les alentours, elle sait comment cela va se passer, elle a regardé les précédentes saisons. Les treize, un marathon prévu chaque week-end entre 11h et 19h pendant des semaines. Elle veut se préparer à chaque imprévu, au sadisme de Cupidon, au déroulement d’un prime, au déroulement des soirées, aux dilemmes qu’on peut leur imposer. Ce premier prime n’est pas compliqué. Elle doit s’installer sur le plateau au même titre que tous les potentiels candidats, et Alix annoncera le principe de Fake Lover, fera une brève présentation de l’émission avant d’annoncer les candidats, deux par deux. Elle ne sait pas qui sera son partenaire, c’est bien ça le problème. C’est le détail qui lui manque. Il faut qu’elle se calme. Mylah compte les lumières du plafond, trois fois de suite. Toujours le bon compte. Cette fois, elle en a terminé des lumières, trois séries de trois, c’est parfait. Alors elle commence à s’intéresser au sol. Cette fois, c’est deux séries de deux. Elle compte le nombre de carreaux au sol. Elle est interrompue lors de sa deuxième série par un producteur qui la pousse gentiment vers le plateau pour lui signifier qu’elle est déjà un peu en retard, que certains sont déjà installés et qu’il faut qu’elle suive le mouvement. Elle grogne, lance un regard noir, perdue dans sa série, ça va la perturber toute la soirée, c’est certain. Elle essaie de négocier encore cinq minutes pour finir son calcul, mais c’est trop tard, elle est sur le plateau. Elle soupire, de mauvais foi, essayant d’imprégner le visage du technicien dans sa mémoire, il va payer cet affront, c’est certain. Elle file s’installer sagement sur l’un des sièges à leur disposition, jambes croisées, dos droit, mains délicatement posées sur ses genoux, la jeune femme fait particulièrement attention à son image. Son regard scrute le plateau, léger sourire aux lèvres. Sourire qui disparait bien vite quand Alix pointe du doigt que certains sont suspicieux et qu’ils ont bien raison de l’être. Ça ne lui plait pas, à Mylah. Pas du tout. Elle a raté quelque chose ? Quelque chose lui échappe, même s’il ne s’agit que d’une bêtise telle un intermède musicale, elle n’avait pas prévu cela au programme, c’est suffisant pour la déstabiliser.

Un battement de cils. Deux battements de cils. Trois batt… Le temps fils à une vitesse tournoyante, tout comme l’énergie qui a envie la pièce depuis maintenant plusieurs minutes. L’effervescence, l’anticipation. Tous ces inconnus m’entourant, ayant tous et chacun des objectifs et des motifs pour se retrouver ici, à attendre de savoir ce qui se passera pour eux durant les prochaines semaines, même mois. Je me sens calme. Je ne risque pas de courir dans tous les sens comme la petite blonde qui a fait quatre fois l’aller retour devant moi depuis une courte période de temps. Je ne peux la blâmer de stresser. C’est vrai que l’inconnu peu faire peur. De mon côté, je gère très bien l’inconnu. Jusqu’à un certain niveau. Je détourne finalement mon regard de l’immense horloge pour glisser un coup d’œil à mon reflet dans le miroir, admirant la justesse et l’élégance du maquillage et coiffure que m’ont offert l’équipe de styliste. Et que dire de cette robe. J’imagine qu’elle doit coûter plus cher que toute ma garde-robe au grand complet. Cath sera jalouse. Dans un sens, elle n’avait qu’à participer à ma place. C’était sa décision. Et un peu la mienne aussi. Bref, cette tenue me donne des airs de Jessica Rabbit, la couleur se mariant à merveille avec la rousseur de ma chevelure. Je ne pourrais demander mieux. Et dire que j’ai hésité, me disant que je devrais peut-être y aller plus en subtilité. Puis, je me suis souvenue que ce genre d’expérience n’arriverait qu’une fois dans ma vie et que si j’avais envie de me rendre jusqu’à la fin, je devrais me démarquer dès le début. Et c’est ce que j’ai bien l’intention de faire. Je porte mon regard une dernière fois sur mon cellulaire avant que la production me l’arrache des mains, un triste sourire s’accrochant à mes lèvres, alors que j’admire la photo qui se retrouve comme fond d’écran. Ma petite famille. À moi. Je tape un dernier texto à ma sœur qui le fera lire aux enfants. Maman vous aime. Tout en simplicité, trois mots, qui veulent tout dire. La gorge nouée le temps de trois secondes, je me ressaisie et me dirige vers le plateau du prime, me mêlant à la foule. Tant de personnes qui attendent le même sort.  La chaleur de Los Angeles se fait ressentir, à moins que cela ne soit l’impact de la nervosité qui règne dans la pièce. J’écoute le grand Alix démarrer la soirée, ce qui officialise le tout. C’est vrai. Plus question de retourner en arrière. Enfin, à l’exception que je ne sois pas sélectionnée. Ce que je n’envisage pas une seule seconde. Il faut avoir confiance en soit après tout. Je tente de porter attention aux personnes qui m’entourent, me disant que nous pourrions commencer dès maintenant à faire la conversation. « T’as remarqué à quel point tout le monde est beau… C’est déstabilisant. » Je fais remarquer à mon voisin (CLARKE). Bienvenue dans le monde de la télé-réalité j’ai envie d’ajouter. Je lui souris doucement. C’est une façon de dire bonsoir.

Pendant ces dernières vingt-quatre heures, elle avait eu l'impression d'être passée dans une toute autre dimension. Pour la première fois de sa vie, elle avait quitté sa région de cœur et ses proches pour s'envoler vers un tout autre monde qui l’effrayait autant qu'il l'intriguait. Elle était partie sans un mot pour sa famille et dans le plus grand secret, elle détestait les « au revoir » et ne voulaient pas que ses proches puissent la dissuader de tenter l'expérience. Elle était montée à bord d'un avion, une grande première pour la fille qui n'a jamais quitté son pays natal, et la voilà qui s'envolait maintenant pour Los Angeles, la ville qui en fait rêver plus d'un. Elle est partagée entre l'excitation et la peur, Adélie. D'ailleurs elle n'a pas vraiment dormi de la nuit, ce qui se voit si on croit les soupirs incessants de la maquilleuse qui tente tant bien que mal de limiter les dégâts. Adélie n'aime pas vraiment la maquillage mais elle fait un effort présentation pour le premier prime, même si elle n'a de cesse de froncer les sourcils et de faire la moue quand la maquilleuse s'approche d'elle avec un crayon d'un peu trop près. Dans le monde de la télévision où tout n'est qu'apparence, la savoyarde ne tarde pas à être très vite perdue alors que d'autres candidats ont l'air beaucoup plus à l'aise qu'elle dans cet exercice. Une fois qu'on en a finit avec son maquillage, elle passe entre les mains expertes des stylistes de la production. Les tenues qu'on lui présente sont pour le moins audacieuses et parfois même très osées ce qui lui arrache parfois de drôles de rictus oscillant entre la stupeur et le dégoût. L'équipe de stylistes ne tarde pas à deviner qu'avec Adélie, il allait falloir la jouer fine avec des choses basiques, simples et épurées. A l'image de cette robe qu'elle finit par adopter. Mais l'heure tourne et bientôt tout le monde se presse sur le plateau, elle suit les autres candidats dans le dédale des couloirs avant de s'engouffrer sur le plateau. Elle est d'abord aveuglée par les lumières puis finit par retrouver un champ de vision correct afin d'observer tout ce qui l'entoure. C'est irréel, inimaginable mais aussi terrifiant. Elle n'avait jamais vu un plateau de télé de ses propres yeux, comment pouvait-il être aussi immense et à la fois si oppressant ? Elle se rassure en voyant les autres candidats tout aussi impressionnés qu'elle par l'ambiance qui règne dans cet endroit. La soirée est alors sur le point de commencer et elle espère juste être bientôt fixée sur son sort.

Le bruit. C'est ce qu'elle remarque d'abord, Kiri. Ça bourdonne partout autour d'elle si bien qu'elle sait plus trop si c'est à cause de l'équipe de préparation qui braille ou si c'est dans sa tête. Elle fait machinalement tourner la chaîne autour de son poignet, les yeux perdus dans le vide. Elle est pas stressée non, c'est pas l'excitation, c'est.. Un truc indéfinissable. Elle était contente d'être ici, faut avouer que Los Angeles c'est pas rien, ça pète un peu quand même, puis la styliste est venue lui prendre la tête, soi-disant qu'avec une si belle robe c'est pas possible de porter de telles grolles. Elle a grimacé. Elle y connaît rien, l'autre. Sa robe a du lui coûter une vingtaine d'euros à tout casser, elle allait de toute façon pas claquer une fortune dans un truc qu'elle remettrait probablement jamais. Alors que ses godasses, elles valent le détour. Elle sait pas si c'est un sacrilège modesque d'avoir gardé ses magnifiques rangers, mais elle s'en fou. Elle envoie chier Christina Cordula et l'autre grognasse qu'a décidé de passer à autre chose, par crainte peut être que le manque de goût s'attrape comme la gastro. Elle croise et décroise les jambes, attendant impatiemment qu'on lui dise de ramener son derche sur le plateau. C'est pas son truc à Kiri, l'attente. Surtout qu'au final, elle est même pas bien sûre d'attendre pour quelque chose et c'est encore plus couillon. T'as enfin un type qui se ramène pour lui dire de faire son entrée, pas trop tôt. Elle se lève brusquement, envoyant au passage un coup de coude dans l'ventre de Kelly ( ou Mélanie, ou Virginie, de toute façon elles s’appellent toutes pareil ici ) la styliste. C'est le grand moment. Elle prend une inspiration, comme avant de rentrer dans le grand bain. Pas à cause de la pression, non, elle a simplement peur de pas pouvoir respirer avec tout ce monde qui se serre déjà sur le plateau de l'émission. Toutes ces nouvelles faces, ça lui donne le vertige, d'ailleurs elle se sent trébucher et son pied se pose sur celui d'un type aux cheveux longs ( @Lamine ). « Marche droit, garçon ! » Elle lâche, un peu bourrue, en s'écartant. C'est un peu pour la forme, et surtout parce qu'elle est quasi sûre que c'est lui qui vient de la bousculer.

Elle a chaud, terriblement chaud. Sa robe de couturier est longue, d'un rose flamboyant, elle la couvre totalement alors qu'elle se tient immobile en coulisses. Du haut de son mètre quatre-vingt-dix, dont dix centimètres sont des talons, Ranja regarde la scène et l'agitation sans bouger, elle profite des dernières secondes de chaos. Le vol en jet a été rapide, elle était arrivée à New-York trois jours plus tôt. Un dernier baiser à Lauridtz, une bise à son ex et la voilà débarquant dans toute sa grâce et sa volupté. On les invite à pénétrer sur le plateau, elle les laisse entrer, pas tous cependant, il ne faut pas être la première sur le plateau, elle paraîtrait trop pressée à se faire remarquer, mais pas la dernière pour ne pas disparaître dans la foule des corps. Son premier pas révèle la fente longue et large dans le tissus rendant la robe bien moins conservatrice, quoiqu'on aurait pu dire que la couleur extrêmement flashy était en elle-même suffisante à briser le conservatisme de sa tenue. La lumière, les projecteurs, les caméras, tout ça est nouveau pour elle, son métier de femme d'affaires, comme on se plait à le dire dans son milieu, se passe principalement en coulisses. Elle a bien passé quelques heures à s'entraîner devant son miroir, tester ses expressions pour être sûre de ne pas être ridicule lors du premier prime-time de l'émission. Un prime qui sera probablement son dernier, mais si ça venait à être le cas, elle compte bien leur faire regretter de ne pas avoir choisi de l'intégrer au casting. Par sa beauté, sa prestance et son charisme. C'est tout ce qu'elle a comme arme, sa chaleur humaine n'a pas sa place sur le plateau, non, elle attendra d'être dans les murs pour la montrer. Et si elle n'entre pas... eh bien si elle n'entre pas il vaut mieux qu'elle soit restée de marbre que de s'être ridiculisée en sympathisant à tort et à travers avec les gens qui auront eu l'opportunité de montrer ce qu'ils valent. Son regard céruléen se pose sur les deux personnes qui ont déjà eu la confirmation de leur participation. Claudia, la jolie black de la saison, visage innocent et pourtant porteur d'un possible vice, et Istv
án le jeune éphèbe au visage si semblable à ceux des gens du Nord qui comme elle a de grands yeux bleus, des cheveux blonds, des traits marqués. C'est étrange de se reconnaître dans des personnes simplement parce qu'elles sont issues de la même ethnie, c'est ce qui fait le racisme, mais Ranja ne veut pas croire qu'on puisse un jour détester un visage aussi beau que celui d'Istv
án. Elle n'ira pas lui parler, pas tout de suite, ils auront l'occasion plus tard, si elle rentre, sinon, ils se retrouveront probablement à la sortie, ou du moins elle l'espère. Les visages sont flous, elle n'arrive pas à identifier. « Il y a à boire quelque part ? » demande-t-elle a un des assistants derrière les caméras qui lui pointe une sorte de buffet froid du doigt. C'est déjà ça, elle attrape une flûte de champagne, il n'est pas très bon, mais elle ne pouvait pas s'attendre à mieux, le budget alcool ne doit pas être leur principale source de dépense, c'est logique mais un peu dommage, la quantité de boissons c'est bien pour la variété des goûts, mais la qualité a aussi son importance pour Ranja, habituée qu'elle est aux bons vins, m'enfin, elle va devoir s'habituer. Bon, il lui faut trouver des gens pas trop surexcités avec qui passer la soirée, histoire d'être exposée mais pas agacée par leur caractère trop enjoué. Lui (@Allen) là-bas, il a l'air d'être relativement intéressant, il est agréable à l'oeil et puis il n'a pas le profil du foufou de service. Très bien, cible en vue, elle fend la foule, un léger sourire aux lèvres. « Je t'ai vu tout seul et je me suis dit qu'un peu de compagnie ne te ferait pas de mal. Ranja » dit-elle avec une certaine amabilité, tendant sa main libre en direction de l'homme. Avec un serrage de mains il y a peu de chance de causer une catastrophe, à moins qu'il ait une phobie du contact humain ou des microbes, mais il n'aurait rien à faire là si c'était le cas. Ranja est la reine des premières impressions, c'est tout ce qui compte quand elle rencontre un client, le convaincre qu'elle est la fille pour le job. Mais elle n'est pas en réunion professionnelle et même si gagner Fake Lover sera peut-être son job dans quelques heures, elle doit se détendre, montrer qu'elle a les nerfs pour supporter l'aventure tout en restant agréable. Tout un programme...  

On prenait place à mes côtés, une très belle femme, rousse flamboyante à la tenue des plus ahurissante. (Olivia) Je me sentais tout petit à ses côtés. Un enfant un peu gauche ne sachant quoi dire exactement. Je lui souriais, posais une main sur son épaule et déclare :

Vous allez bien ? Vous avez l'air ailleurs ?

On ne choisissait pas une chaise à l'écart par hasard. Si elle était venue ici, qu'elle s'était installée à cette place. C'est qu'au fond, elle devait me ressembler un tant soit peu. Je tentais ainsi de continuer la conversation quitte à me prendre une veste… Si telle était le cas, j'aurais au moins eu le mérite d'avoir essayé. D'ailleurs, c'était quoi le proverbe déjà : c'est l'intention qui compte ? Oui cela devait-être ça.

Je suis Diego et toi ?

Je la regardais sans véritable expression qu'un regard vide, fixant ailleurs. En vérité, je la détaillais, intrigué, surpris. J'avais envie de mieux la connaître, mais ne voulais pas brusquer les choses. Tout arriverait à point, si je savais attendre. En tout cas, cela, c'est ce que je me disais.