Ces bretelles me compressent mais je suppose qu'il faut que je fasse avec. Je tire inlassablement sur ma clope. J'ai envie de m'approcher de Daphne, cette folle hystérique que tout le monde - ou presque - se plait à trasher mais je me retiens. Elle qui souhaite rencontrer ses "petites salopes" comme elle les appellent, ce serait l'occasion. Je réfléchis un moment à mon entrée en scène et puis, la voix d'Elliot vient me tirer de mes pensées. Je lui souris, la dévisage sans aucune discrétion et sifflote de manière à lui retourner le compliment. Elle est sacrément jolie dans cette robe à poids. « Mais je vous retourne le compliment, mademoiselle. » elle me surprend, me prend ma clope des doigts, tire dessus et me la rend. Je fronce les sourcils et la termine. « Presque aussi sexy qu'avec juste un pull sur toi. » je ne peux m'empêcher d'ajouter avec un clin d'oeil taquin, en prime. La place commence à doucement se remplir, le buffet à être assaillit. Alors, je tends mon bras en sa direction, comme un gentleman. « Allons manger. Et surtout boire. » je lui propose. Et à vrai dire, je ne lui laisse pas le choix. Je l'entraîne et la laisse s'accrocher à mon bras (elle a manifestement du mal à marcher avec ses talons, adorable) et je nous conduit près du buffet où je nous sert deux verres de vin.

Je n’ai pas la moindre idée de ce que peux signifier le mot employé par Cupidon pour représenter la soirée. Guinguette. Je serais même bien incapable de le répéter convenablement, mais je me réjouis tout de même d’avance. Je suis la horde de candidat qui se dirige dès à présent vers l’épicerie et fais des pieds et des mains parmi la trentaine de personnes se bousculant dans la salle pas bien grande pour trouver mon costume. J’enfile un pantalon à pince foncé et après avoir bataillé pendant quelques instants avec mes satanées bretelles, je finis par parvenir à les accrocher. Le canotier en paille de rigueur pour la nuit vissé sur le sommet du crâne, je me dirige enfin vers la place du village, qui me renseigne déjà un peu plus sur le thème de la soirée. Ca doit être une fête typique des petites bourgades françaises, les bouteilles de vins sont alignées au garde-à-vous sur la table et le barbecue couvert de viandes crépitent. Je fronce le nez, me demande si le chérubin a décidé d’essayer de nous tuer en bouchant nos artères et trouve finalement un coin consacré aux crudités. Je m’avance, dépasse MADS qui a cessé de faire la gueule à cause de sa robe, et que j’embrasse sur la joue avant de fuir vers le buffet. Je prends une assiette et jette un coup d’œil à DAPHNE, dont il est difficile d'ignorer le nom, assise quelques pas plus loin entrain de siroter un verre de rosé avec à ses côtés une jeune femme vêtue d'une longue robe à laquelle je ne crois pas m'être encore présenté. Je soulève mon chapeau et fait une légère courbette pour saluer les deux demoiselles, avant de leurs demander dans un sourire, yeux rivés sur les chaussures de la blonde : « Vous n’avez pas peur de vous casser une cheville sur les pavés inégaux avec ça ? ». La plupart des candidates s'entête à revêtir leurs escarpins à talons hauts et faire subir de tels suplices à ses pieds, ça me dépasse complètement.

Chantonnant à voix basse l'un des airs paillard braillé par les marins lors des grandes traversées sous mon habituelle douche glacée, la voix de Cupidon vient me couper la parole, nous annonçant une soirée à thème post-première guerre mondiale. J'hausse un sourcil, puis les deux, avant de semi-hurler face à l'intrusion de shampooing dans mes yeux. Affairées à se pomponner devant le miroir, j'entends mes camarades féminines ricaner, se foutant gentiment de ma gueule: tout aussi ironique que ces demoiselles, je leur fais un superbe doigt d'honneur contre la vitre embrumée, avant d'attraper une serviette, de me la nouer à la taille et de sortir aussitôt. D'un oeil, je balaye la salle du regard, les talons et robes à paillettes me faisant presque saigner la rétine. Ricanant à mon tour, je m'éclipse puis, peu pudique, cours presque jusqu'aux portants sur lesquels sont exposées nos tenues, attrapant la mienne sans vraiment l'inspecter, me redirigeant à la hâte vers les dortoirs. J'hérite donc d'un trois-pièces ressemblant à s'y méprendre à l'un des costumes confectionné par Dame ma mère il y a quelques années de ça, costume qu'elle m'obligeait à porter à chaque grand évènement, en profitant à chaque fois pour me canarder à coup de flash d'argentique. Il ne colle pas franchement à l'esprit guinguette, mais après mûre réflexion, je m'imaginais mal débarquer en espadrilles et short à rayures devant de telles démonstrations de style. Je me débats longuement avec ma cravate bariolée, m'en sors finalement après quelques minutes de combat acharné: Dieu que cette cravate est moche. J'enfile mes chaussures, me visse mon borsalino sur le crâne puis, fin prêt, entreprends de me rendre sur le lieu des festivités. En fond, un accordéoniste; un brin nostalgique du bercail, je revois mon frère tenter maintes et maintes fois de m'apprendre à en jouer, sans succès. Je m'avance vers le buffet, y attrape deux coupes de champagne, reviens sur mes pas et tends l'une des deux à la jolie Mads. "Madame a l'oreille musicale. Vous êtes bien en beauté ce soir, très chère.", lui dis-je en essayant de me donner un air on ne peut plus sérieux et classieux. A fond dans mon personnage? Affirmatif.

« T'es classe dis donc, pour une guinguette. » Je pivote sur mes talons en direction de la voix, et extirpe la cigarette de mes lèvres pour la coincer entre deux doigts. Jolies bouclettes, métissée, et balconnets de robe fleuries bien rempli. « T’es pas mal roulée non plus. » je rétorque alors, jouant d’une attitude que je ne maîtrise pas. « C’est quoi ton p’tit nom, jolie môme, que j’aille remercier ta mère pour tes hanches. » je poursuis sur ma lancée, avant de marquer un temps d’arrêt, les yeux dans le vague. « Ca n’a aucun sens, ce que je viens de dire. » je conclue à haute voix en offrant un sourire à la jeune femme. « Désolé, j’ai bien peur qu’il ne s’agisse pas de mon meilleur rôle. » De manière générale, je ne suis pas bon comédien. Juste le stricte nécessaire. « Je ne sais pas si ça se fait... » dis-je en me courbant pour ramasser sa main et la porter à mes lèvres, l'effleurant à peine comme c’est l’usage. « Otello. » je me présente en relâchant ses doigts. « Et niveau classe, je crois que Fred Astaire n’est pas en reste. » Et d’un mouvement de menton, je lui désigne celui que je connaitrais plus tard sous le nom de Malik. C’est alors que Gina, ou du moins une femme qui pourrait se prénommer ainsi débarque en me réclamant une “clope”. « Je crois que pour bien faire il te faudrait employer le terme “clopot”, à moins que tu sois actuellement dans ton propre rôle, auquel cas, tiens ! » Et d’un mouvement dénué de toute galanterie, je dépose mon paquet contre son buste, le tout sans omettre le petit sourire qui va bien. La voix de la harpiste me percute, et je suis son regard avant de le regretter immédiatement. « Je vais devoir le liquider. » j’annonce à l’assemblée féminine. « Gina, mon étui à violon ! » j’explose en tendant la main en direction de la brune à la cigarette.

Première soirée du jeu. Oh joie ! Je compte bien évidemment y participer. Une animation au sein du village, ça n’arrive pas tous les jours. D’ailleurs, j’imagine que tous les villageois ou plutôt candidats participeront à l’événement. Ca serait cool. Faire la fête au son de l’accordéon, tel est le thème. La ginguette, un genre de soirée paillarde dans l’entre deux guerres. Original mais très sympathique. J’ai déjà hâte de voir les tenues anciennes proposées par la production. D’ailleurs, je presse le pas pour me rendre dans l’épicerie et choisir un costume sympa plutôt que par défaut. Finalement, pas trop le choix. Les tenues sont pour la plupart prédéfinies. Je me contenterai donc de la robe blanchâtre et des vieilles sandalettes usées. Je me dis alors que j’aurai moi-même pu fabriquer la robe avec une vieille nappe ou un rideau. Mais qu’importe, je suis pas du genre difficile. D’ailleurs, je pioche dans le panier à accessoire la première fleur blanche qui vient et je la glisse dans mes cheveux. Ouai, pas envie de porter de chapeau ce soir. J’imagine que c’est ce que la plupart auront fait. Enfin voilà, je suis fin prête. Direction donc la place du village pour faire la fête. Une fois sur les lieux, je me dirige directement vers le buffet. Morfale et j’assume. Mon petit bidon crie famine. J’attrape alors une assiette en plastique et je me dirige vers la salade déjà occupée par un candidat (MALIK). Je le regarde alors se servir avant de m’écrier soudainement. « Aaaah ! Là ! Y’a un machin bizarre dans la salade ! » Un insecte quoi. Je crois bien que c’est un mille-pattes. Ou une chenille. Je sais pas trop en fait mais ça me dégoute plus qu’autre chose. «Vite, vite, faut la faire partir avant qu’elle ponde des œufs. » J’agite les bras, je secoue vite fait celui du grand black pour qu’il agisse, comptant sur lui pour faire déguerpir au plus vite la bestiole.

« T’es pas mal roulée non plus. (...) C’est quoi ton p’tit nom, jolie môme, que j’aille remercier ta mère pour tes hanches. » Je restais, comme qui dirait sur le cul, en écoutant ce qu'il venait de me dire. On m'a déjà traité de pute. Jamais de jolie môme, AH ! Je laissais échapper un rire, non pas pour me moquer, mais parce que je n'étais pas la seule à m'y croire. Effectivement, ce rôle n'allait pas très bien à l'inconnu, bien que sa classe me faisait rudement rougir. Oui, ma main qu'il prit et qu'il embrassa. « Asmaa, enchantée ! » Disais-je à mon tour, pour me présenter, avec une petit courbette. C'est alors qu'une nana, débarqué de nul par, ce foutait genre de ma gueule ? Non, parce que ma remarque n'avait pas vocation d'en être une, ou en tout cas d'être négative. Au contraire, j'aimais bien sa tenue, c'était juste mal sortit de ma bouche. « Non Kirikou, on t'as simplement refilé la vielle nappe qui traînait... » Heureusement que mes « feuilles de joie » n'avait pas un effet négatif sur mon humeur, sinon j'aurai très mal pris ce surnom qu'elle venait fraîchement de m'attribuer. Quoique je m'attardais dessus quelque instant. « Kirikou, sérieux ? » Lui disais-je, à moitié en riant. Bah ouai, ce racisme savamment caché me faisait doucement marrer, quoique nan, c'pas du racisme. C'est d'la connerie et puis c'est tout. « T'as vu ça, j'suis arabe, allez, on me fringue comme une bonniche ! » Disais-je, offusquée, tandis qu'Otello continuer de jouer son rôle, à la perfection.

Premier mercredi. Première soirée. Mais mauvais thème, enfin, je n'accroche pas. Et c'est ce que je me dis depuis l'annonce de Cupidon, pas positive pour un sou. D'ailleurs, je fais un peu la gueule même, c'est ce que me fait remarquer Louis en sifflotant avec sa bonne humeur habituelle. J'attends juste de voir les tenues pour voir si je peux encore un peu plus grogner. Tout le monde se rend à l'épicier, il y a pile poil le nombre de tenues, et aucun bazar, ça change. J'attrappe le ceintre où je peux lire mon prénom avant de me réfugier dans le dortoir pour me changer. J'ouvre la housse et d'un oeil critique je découvre ma tenue de la soirée. Y a pire, y a mieux. Je pars dans la salle de bain m'habiller, après les autres evidemment, pudeur oblige, et j'enfile ma robe blanche, je chausse les chaussures plates qui vont avec, et je suis prête. Naturellement, je me demande où je dois me rendre, la place du marché, c'est vrai, j'avais oublié. Je m'y rends d'un pas lent, une fois sur place, je scrute la décoration et j'en profite pour sonder les habitants déjà présents. Toutes des têtes inconnues, c'est avec un certain soulagement que je repère Louis, je fonds sur lui tel un prédateur sur sa proie, et je passe mon bras autour du sien.

Honnêtement, Raphaël n'osait pas se rendre à la soirée organisée sur la place du village. Pour la simple et excellente raison qu'il y serait seul, comme toujours, et qu'il se savait bien incapable de jouer les mecs sociables quand il avait pour seule envie de rester dans son coin, n'osant de toute manière pas approcher ses camarades. Si en ce début de semaine il avait tâché de se sociabiliser un tantinet en apprenant à connaitre certains d'entre eux, il n'en était pas moins vrai que Raphaël pouvait paniquer à la simple idée de se savoir entouré d'autant de monde, lui qui évitait justement de sortir de chez lui pour ne pas avoir à affronter le regard de ses semblables. Pourtant, s'il avait postulé aux castings de ce show télévisé, c'était bel et bien pour tâcher de faire quelques efforts. A vingt-trois ans, il n'allait tout de même pas continuer à vivre comme un mort, comme quelqu'un qui semble se plaire à ne pas vivre, mais qui subit en réalité son triste sort. Parce qu'il n'estimait pas tellement avoir le choix, à vrai dire. Quoi qu'il en soit, Raphaël était étonnement décidé à prendre les choses en main. Cette plaisante résolution ne durerait assurément pas bien longtemps, mais tant qu'il semblait vouloir aller vers les autres, disons qu'il avait plutôt intérêt à saisir l'occasion pour se présenter à la soirée et ainsi tâcher de poursuivre cet étrange processus de sociabilisation qu'il semblait avoir enclenché. Le thème de la soirée avait en tout cas de quoi lui plaire. Pas à la folie, naturellement, mais néanmoins quelques peu. Et c'était assurément une bonne chose pour le motiver. Tant qu'on ne lui demandait pas de porter un accoutrement excentrique, ça lui allait. Il revêtit alors une tenue (à dr.) pouvant correspondre au thème choisi par la Production et gagna discrètement la place du village. Il posa sur ses camarades un regard attentif, mais surtout embarrassé. De là où il était, il pouvait apercevoir Elliot, l'une des seuls qu'il avait véritablement appris à connaitre cette semaine. Mais il n'approcha pas. A contrario, il resta en retrait. Et il continua d'observer ce qui se jouait autour de lui. Parce qu'au fond, le simple fait de faire acte de présence était un progrès à ses yeux. Pathétique, n'est-ce pas.

Une jolie brunette (Penelope) l’aborda poliment. Daphne lui adressa alors un sourire radieux et ne tarda pas à répondre : « Bonsoir. Merci ! Et moi j’adore la tienne ! Le dos-nu n’est pas facile à porter, tu es magnifique. » Oui, la belle avait déjà prouvé à maintes reprises depuis son arrivée dans l’aventure son goût prononcé pour la mode. En revanche elle n’était pas sûre du prénom de son interlocutrice et préféra ne pas se mouiller.

Les deux demoiselles furent bientôt rejointes par un jeune homme dont elle ignorait également le prénom. « Je suis née avec des talons aiguilles Trésor. Marcher avec les chaussures les plus dangereuses qui soient est ma marque de fabrique. » Répondit-elle avec humour. Son regard se porta ensuite vers l’assemblée. « Beaucoup de mes petites salopes sont présentes ce soir. Mais bizarrement aucune ne vient m’adresser la parole. C’est tellement plus facile de le faire sur mon blog derrière un PC. Tous des lâches ! » En haussant le ton de sa voix, elle reprit : « Oui c’est de vous que je parle ! Mes chers détracteurs, mes petites salopes. On rigole moins en face hein ? » Elle s’adressait notamment à Arès, Otello, Louis et tous ceux qui se reconnaîtront. La liste était longue.