La soirée me parait interminable, je viens juste d'y mettre les pieds, la musique de l'accordéon n'est qu'un fond sonore. Je me contente de rester debout, près de la rousse, et légèrement appuyée contre mon gigantesque partenaire qui semble être plutôt emballée par la thème de la soirée, contrairement à moi. J'écoute d'une oreille distraite la conversation qui se déroule à quelques pas de moi, finalement les mots s'embrouillent tous seuls dans la tête. C'est trop ridicule, je passe. Je préfère donc me concentrer sur ma clope, fraîchement allumée qui mérite toute mon attention. Je vois Louis qui se sépare de son chapeau pour le refiler à Mads. Je fronce légèrement les sourcils en me demandant ce qu'il fait. Je n'ai pas le temps de dire quoi que ce soit que sa main s'empare de la mienne et qu'il se courbe légèrement avant de m'inviter à danser. Je fais la moue quelques secondes, non, je n'envisage pas de lui foutre un vent, ce n'est pas mon style. J'approche la clope de mes lèvres, puis je tire ce qu'il sera surement la dernière bouffée de ma cigarette avant de la donner délicatement à Mads, je suis sûre qu'elle en fera bon usage. « C'est bien parce que c'est toi. » Je lui réponds, oui, ça voulait dire oui, évidemment. « Et parce que tu me menaces. » J'ajoute, histoire de faire bonne figure. J'ai pas envie d'être virée du lit conjugual dès la première semaine, moi. J'esquisse un léger sourire.

J'écoute d'une oreille distraite ce que me réponds Daphne. « Ma vie sexuelle ne te concerne pas. Tu dois être vraiment à court d’arguments pour mentionner mon vagin. Et toi arrête-toi à la lettre R, pour répartie. » Je continue de sourire, tout simplement. « Je n’ai jamais eu un mot plus haut que l’autre à votre égard, pourtant vous semblez vous plaire à me descendre sur mon blog sans même avoir cherché une seule seconde à faire ma connaissance. » Elle marque un point alors, je ne réplique pas. Le geste qui suit ensuite, par contre, à le don de réellement me rendre fou de rage. Qui est-elle pour me jeter son verre à la figure ? C'est une manie, ou quoi ? Je baisse rapidement la tête afin que le vin s'écoule par terre et j’attrape une serviette afin d'essuyer mon visage trempé. « Putain mais vous nous faites chier là, première soirée et vous foutez déjà la merde alors que vous vous connaissez même pas, à ce rythme là, dans un mois, on est tous crévé. Y'a des trucs pires qu'un blog de merde dans la vie, vous avez qu'à arrêter d'y aller s'il vous fait tant chier que ça. » Je tourne mon regard vers elle puis le détourne. Puisque tout le monde se plaît à prôner l'ignorance, prônons là. Face à Elliot par contre, j'ai du mal à feindre. - Je t'avais dis de ne pas faire attention à elle. Ça sert à rien de te défouler sur elle. Ça ne la changera pas. Je plisse les yeux, vexé. Elle est peut-être déçue par mon comportement, mais moi, je suis vexé par le sien. « Oui, donc blondasse à le droit de donner son avis mais moi, faut que je ferme ma gueule. Non désolé, c'est pas mon genre. Au moins maintenant c'est clair. » Je soupire et regarde Daphne s'éloigner. « On peut essayer de passer une bonne soirée, maintenant ? » ma voix s'adoucit. Je sais que j'ai manqué de répartie, que j'ai été un peu brute. Mais j'ai l'habitude de dire ce que je pense et je ne changerai pas pour quelques candidats mécontents.

Cette soirée s'annonçait chiante à mourir, autant faire demi tour... Ouais enfin ça c'était avant que Janka se ramène, vêtue d'un accoutrement plutôt agréable à l'oeil, et d'une phrase écorchante. « On est pas en Sibérie, je crois... » je laisse mon regard descendre sur mes vêtements le temps d'une seconde avant de le poser sur la jeune femme « Si mes vêtements te gênent tant que ça, tu n'as qu'à me les enlever. » en conclus-je, un sourire légèrement narquois naissant sur mes lèvres. Je n'ai pas envie de danser ce soir, bien que je sois un plutôt bon danseur en temps normal. Je ne me sens juste pas d'humeur. Plus loin, j'entends des voix s'élever, j'essaie donc de suivre leur conversation. Daphne et Arès, rien de bien étonnant en soit. Je me surprends même à m'intéresser un tant soit peu aux arguments des deux jeunes gens, trouvant le tout bien plus divertissant que la soirée en elle même. « On doit avoir l'air de deux extraterrestres, blasés, à côté de ces deux singes. » lâchais-je alors à ma camarade en un murmure de façon à ce qu'il n'y ait qu'elle qui puisse entendre. Ah et puis voilà qu'Arès se mange un verre. « Souvenirs, souvenirs... » ouais, je pouvais encore sentir ce doux liquide s'écraser joyeusement sur ma face tatouée. Ah et puis Branca s'en melle. « Putain mais vous nous faites chier là, première soirée et vous foutez déjà la merde alors que vous vous connaissez même pas, à ce rythme là, dans un mois, on est tous crévé. Y'a des trucs pires qu'un blog de merde dans la vie, vous avez qu'à arrêter d'y aller s'il vous fait tant chier que ça. » décidément, je l'aime cette petite. Oh, et puis j'ai vraiment chaud.

D'une oreille, j'écoute les joutes verbales s'échangeant à quelques mètres de nous, fixant intensément Arès du regard, pensant peut-être que ça lui transmettrait la force nécessaire au pugilat qu'il livre avec Daphne l'antéchrist. Partout où elle passe, la bonne ambiance trépasse, à tel point qu'elle en est venu à se mettre le Nid complet à dos: pourtant, Dieu sait qu'il m'en faut pour en vouloir à quelqu'un. Cette vulgaire blondasse est juste allé trop loin dans son rôle de biatch prétentieuse. Mais là n'est pas ma préoccupation première: le vrai problème, c'est l'air dépité au possible qu'arbore ma jolie partenaire. Tout sourire de voir qu'elle accepte ma proposition, je la tire vers le centre de la place servant de piste de danse. L'accordéoniste est réapparu, la lumière des lampions tressaute légèrement: l'atmosphère de la soirée est purement parfaite, si l'on occulte les deux belligérants trop occupés à se taper sur la gueule plutôt que de prendre du bon temps. Je pose ma main droite sur la taille fine de Fantine, attrape sa petite main de la gauche, la tenant enl'air au niveau de ses épaules. "Ne fais pas comme si tu étais contrainte et forcée d'le faire, je sais qu'tu mourrais d'envie que j't'invite à danser..." lui dis-je, à moitié ironique. Et nous voilà partis dans une valse à trois temps que nous menons d'une main de maître, je dois dire. Peu de nos camarades dansent, mais qu'importe. "Dis, va falloir que j'te supllie à genoux pour qu'tu me fasses un vrai sourire? Ou un truc plus marrant, du genre, plonger la tête de Daphne dans le punch?" Je suis presque capable de tout. Presque.

J'aime pas rester seule et, puisque la rouquine l'était aussi, je voulais faire d'une pierre, deux coups. Nan parce que c'était dommage de la laisser seule, dans son coin. J'ai trop l'habitude d'être dans le mien quand j'suis normale. Alors j'allais vers elle aussi joyeuse étais-je. « Hey ! » Je regardais sa main se présenter devant moi. J'attrapais alors celle-ci, toujours avec ce même sourire, puis je la secouais vivement. J'aurai plutôt eu tendance à lui faire un bisou, mais c'était peut-être un peu trop audacieux. « Moi c’est Dagga, et toi ? » Mes yeux s'ouvrirent un peu plus largement qu'ils ne l'étaient déjà, mon sourire découvrant mes dents. « Aaaaaaaaah j'me disais bien que j'avais entendu un prénom de ce style. J'me suis dit, ça y est, y'a une nana qui s'appelle Gaga, mais non, Dagga ! J'suis conne ! » M'exprimais-je, en continuant rapidement. « Joli prénom ! Ça vient d'où ? » Ouai j'suis limite pas du tout flippante à la harceler comme ça, dès le début. On ne se connaissait absolument pas, ni d'Eve ni d'Adam, mais j'suis déjà à la saouler de parole. Je ne lui répondait même pas. N'importe quoi. « Et moi c'est Asmaa, avec deux « a » au bout ! » Je lâchais enfin sa main, que je serrais depuis tout à l'heure pour notre poignée de main. « T’es la partenaire de Branca, c’est ça ? » Ouiiii Branca, j'ai retenu son prénom. Elle devrait être fière de moi ! J'étais contente que quelqu'un ai au moins retenu ça, bien que je restais la partenaire de quelqu'un. « Ouai, c'est exactement moi ! T'as une bonne mémoire ! » Ouai parce que je ne savais absolument pas qui été le sien, de partenaire. J'imaginais un mec, peut-être, mais lequel dans tout ceux là ? Je portais mon verre de rosé à mes lèvres, me les essuyant ensuite avec le revers de ma main.

Mon assiette est à présent grâce au métisse garnie de salade. Je profite d’un instant de répit dans la conversation pour y ajouter des crudités telles que des concombres et tomates cerise. Je crois qu’au final, il ne manque plus qu’un peu de viande à mon menu. Des saucisses ! J’ai envie de saucisse ce soir ! Mais elles se trouvent à l’autre bout du buffet. Shit ! Je me contenterai de celle du sosie de Fred Astaire. Ou pas d’ailleurs. Si le jeune homme est charmant et sympathique, il n’est clairement pas mon type d’homme. Tant pis. Il fera parti de mes amis. Mais pour cela, il faudrait encore que j’apprenne à le connaître. Allez, l’interrogatoire commence. Je veux tout savoir de lui. Ainsi donc, il s’appelle Malik, a vingt-quatre piges, est vendeur, égyptien vivant à Londres, et son orientation sexuelle reste indéterminée. Je suppose que ça fait de lui un mec cool. Néanmoins, il manque une touche de fantaisie que le jeune homme n’hésite pas à apporter aussitôt. Le voilà militant pour la cause des cornichons. Whaou. « Sans blague, c’trop bon les cornichons ! La tante de mon patron les cultive elle-même. Du coup, j’ai droit à des bocaux de temps en temps. Mais maintenant, il paraît qu’elle a tout arrachée pour ses plants de cannabis. Une véritable camée cette nana ! Et pourtant, elle à la soixantaine, comme quoi. » Jeracontemavie.com. D’ailleurs, c’est pas prêt de se terminer puisque Malik veut que je lui en dise un peu plus sur moi. Enfin sur Yvonne. « Yvonne, vingt-deux ans, éleveuse d’autruche, naturiste et fière de l’être, j’aime les hommes âgés, je fais du triangle et ma meilleure pote c’est Raymonde, la mémé qui vit à côté de chez moi. » Bon, là, je me retiens d’exploser de rire. Ce que j’ai dis est tellement improbable que je doute que Malik en gobe le moindre mot.

Louis me traine sur la piste de danse, abandonnant Mads avec verre et clope. Je me laisse faire. L'une de mes mains se pose sur son épaule tandis que l'autre va se caler dans le creux de la grande main du blond. La différence de la taille des paumes me choque presque. On commence à valser, je n'ai pas vraiment l'habitude de danser. La voix de mon partenaire m'interpelle et mes yeux qui étaient alors intensément fixés sur nos pieds se lèvent pour l'observer. J'esquisse une petite moue moqueuse avant de lui répondre. « Je n'attendais que cela, j'ai même fais la gueule juste pour que tu m'y invites. Vois comme je suis fourbe. » Je commente, toute aussi ironique que lui. C'est évident que j'avais tout prévu, c'est clair. Je me laisse entrainer dans sa valse, c'est lui qui choisit le tempo, je ne sais que suivre. Mes pieds répondant aux siens. Il semble bien décider à m'arracher un sourire ce soir, je ne vois pas pourquoi. Il me fait une proposition que je refuse. « Ne prends pas cette peine. » Je réponds en douceur, et puis je crois que cela ne me ferait même pas rire. Je lui souris, montrant presque mes dents. « Regarde. » Je lui lance avant que mon regard s'accroche au sien. « Mais la prochaine fois tu pourras te mettre à genoux pour en avoir un. » Je plaisante sans penser un seul mot de ce que je dis, bien évidemment. Je n'ai pas l'habitude de faire payer mes sourires. Là, j'essaie juste me concentrer sur la musique et nos pas.