Asmaa donc. Je connais son prénom, à présent, tandis que j’ignore toujours celui de Gina. C’est ma faute, j’ai oublié de faire les présentations, mais faut dire qu’elle n’a pas l’air d’être de celles qui s’encombrent de ce genre de futilité. J’apprends aussi qu’Asmaa est arabe, puisqu’elle vient de se plaindre du rapport entre ses origines et sa robe. Sauf que sa robe je la trouve plaisante, bien plus dans le thème que certaines autres. Mais je n’ai rien le temps de lui dire avant que la harpiste n’attire mon attention sur un mec à contretemps. Et voilà, maintenant je ne vais plus penser qu’à ça à moins de le supprimer définitivement, ce qui n’est, si j’ai bien compris, pas acceptable au sein du jeu, c’est bien ça ? Je décide tout de même d’entrer dans le jeu, tendant la main en direction de Gina, et réclamant mon violon. Oui, finalement, je suis Al Capone, je viens de le décider à l’instant. Une voix féminine résonne dans la place, mais je n’y prête pas attention, tant je focalise sur ce bout de pied à contretemps. « Tu ne préfères pas liquider la Paris Hilton du pauvre plutôt ? Elle est lourde... » Gina me désigne la source de la nuisance sonore, et j’arque un sourcil. J’essaye de comprendre ce qu’elle veut, mais j’avoue qu’hormis son regard qui me frôle, le reste ne m’intéresse que peu. Alors je reporte mon attention sur mes accompagnatrices, Gina, Asmaa, et finalement la harpiste, leur offrant à toutes trois un regard interrogateur. « C’est qui elle ? » je fini par demander, perplexe, perdu. C’est la musicienne qui me répond, rafraîchissant ma mémoire et me rappelant une de mes rechutes. « Oh ? Elle ? Je l’avais complètement oublié. » je réalise alors, dans un léger rire. J’aimerais qu’elle en fasse autant, la blonde, son regard qui me suit à la trace ne me rappelant que trop qu’elle est, tout simplement. Aussi inutile puisse-t-elle être, elle est. « Je peux vous en débarrasser, si vous le souhaitez. » j’annonce, alors, le ton léger, comme si je me proposais d’aller chercher de quoi se rafraichir la glotte, les mains dans les poches. S’il n’y a que ça pour les satisfaire, j’y consens.

Evidemment, en Provence il y a beaucoup d’insectes. Que ce soit les fameuses cigales qui chantent, des scorpions dit inoffensifs, des guêpes et frelons dévastateurs, des moustiques de toutes sortes et j’en passe. Aujourd’hui, j’ai affaire à une petite bestiole visqueuse. J’avais pensé à un mille-pattes mais visiblement l’insecte est rampant. Alors peut-être une chenille ? Non, pas assez vert. Le jeune homme se trouvant à côté de moi suppose plutôt que c’est un ver. « Oui, c’est bien ça. » Maintenant qu’il le dit, ça parait évident. En attendant, c’est bien beau d’identifier le spécimen mais ça serait encore mieux de l’exterminer ou du moins de l’éjecter de la salade. Alors je me mets à gesticuler d’un air dégoutée et apeurée en suppliant le candidat de faire quelque chose. Après tout, c’est lui l’homme donc c’est à lui d’agir. D’ailleurs, il semble se prendre au jeu et se donne un nom de super héro. De là, j’en déduis son prénom : Alik. A moins que ça ne soit Malik, je sais pas trop si le « m » comptait dans le superman ou dans le prénom. Qu’importe, le principal est qu’il se soit occupé de l’insecte. D’ailleurs, je suis étonnée de voir qu’il ne l’a pas tué. Visiblement un ami des animaux, ce que je respecte. « Yvonne ! » C’est le premier prénom vieillot et concordant à la soirée qui me vient à l’esprit. J’essaye de garder mon sérieux et de ne pas rire mais un petit sourire se dessine sur le coin de mes lèvres. Gobera-t-il ce prénom ou non ? Telle est la question ! « Merci mon sauveur. T’as été génial ! » Et je lui adresse un petit baiser sur la joue pour jouer le jeu de la blonde écervelée, ce que je suis loin d’être en fait. « Tu sais danser ? » que je demande quelques secondes plus tard après avoir entendue une candidate réclamant tout le monde sur la piste de danse.

Je passe cette musique inlassablement, en boucle dans ma tête. Elle ricoche d'une oreille à l'autre, sur chacun de mes tympans, mon cerveau s'en imprégnant bien trop rapidement à mon gout. J'ai toujours eu ette fâcheuse habitude à mémoriser la moindre mélodie. Parfois pratique, cela m'handicapait cependant clairement lorsqu'il s'agissait de musiques ridicules, telles la danse des canards, qui m'aura traumatisé à tout jamais. Tant pis. Pourtant, Cupidon avait choisi de me tirer une fois encore de mes rêves, abandonnant mes écouteurs pour sa douce et mélodieuse voix. Entendez là l'ironie dans chacun des adjectifs de ma précédente phrase. Bref, la guinguette. Je ne savais pour le coup pas trop quoi porter, en toute honnêteté, j'avais même décidé d'y renoncer, de ne pas me rendre à cette soirée qui s'annonçait déjà compliquée. Cependant je ne voulais pas paraitre lâche, et manquer une soirée de groupe, où l'on pouvait observer le comportement de chacun n'était pas à envisager. C'est donc en trainant les pieds que je m'étais dirigé vers les costumes. Mes yeux parcouraient chacun d'eux, des costumes, des costars... chose que je ne voulais absolument pas porter, trouvant que ceux ci laissaient apparaitre un côté bien trop "bourge" lorsque je venais à en revêtir un. C'est donc ainsi que je m'étais rendu à la place du village. J'avais légèrement l'impression d'étouffer, mais ouais, silencieux, j'étais maintenant là. Clope, pas clope... Clope, pas clope... Clope, pas clope... Putain.

Ce soir c'est guinguette. Je suis assez impatiente de voir la soirée, de me retrouvé une fois encore en compagnie de tous les candidats. Comme ça je peux discrètement les observer un à un alors que lorsque je suis seule avec eux j'apparais comme une intruse ici je ne serais qu'une spectatrice. Je me rends dans le dressing, y a un portant pour les filles et un autre pour les garçons. Des robes de couleurs pâle et longue. Je touche le tissus de manière assez distraite avant de me retourner pour regarder le portant des garçon et de piquer un pantalon à carreau et une chemise blanche. Je préfère je coté masculin de la guinguette, le féminin est tellement lisse, tellement midinette. Alors ce soir, j'entre dans les vêtements d'un hommes et je le vis très bien. Histoire qu'on oublie pas que je suis une femme, même si j'en doute que ce soit possible j'ajoute une paire de talon à ma tenue et le tour est joué. Un petit ébouriffage de cheveux et je peux me rendre au lieu de la soirée. J'arrive rapidement sur la place du village, il y a déjà pas mal de monde, je suis plus qu'en retard ou juste à l'heure tout dépend de la vision des choses. Mon regard glisse sur chacun des candidats présent jaugeant où je pourrais venir m'incruster. Je repère GT1 dans un coin, ou Lulu pour ceux qui veulent l'appeler ainsi. Je m'approche de lui. « On est pas en Sibérie, je crois... » je lui dis d'un ton plat. Non parce que là vu sa tenue... Puis je lui souris.

Le nuage du flirt plane sur la place: observez les candidats et voyez à quel point ils cherchent tous à créer plus que de simples amitiés; ou tout du moins, c'est l'impression que j'en ai, et à vrai dire, ce genre d'ambiance n'est pas franchement du genre à me mettre à l'aise. Mais j'essaye d'occulter tout ça, me concentre sur ma clope presque consumée, sur la petite Mads qui ose une remarque sur ma cravate. "Oh ouais, ça. J't'avouerai que j'ai moi aussi failli vomir en la voyant." Je ris sans discrétion aucune, trinque joyeusement à sa demande, manquant presque de faire gouter mon whisky à mes jolies pompes en cuir. Un bruit strident se fait entendre, une tignasse blonde passe, accompagnée d'une robe vulgaire au possible: Daphné, l'antéchrist de cette aventure, la grande amie du peuple. Je ne prends même pas la peine de lever les yeux vers elle tant sa connerie suprême m'indiffère, me contentant de ricaner devant les commentaires de Mads, et d'échanger un regard lourd de sens avec Fantine. Elle pique mon briquet dans la poche de ma veste, allume lentement sa cigarette; même ses gestes sentent la prostration à plein nez. Me décollant finalement du mur sur lequel j'étais adossé, je retire mon borsalino, le pose doucement sur la tête de la jolie rouquine, me permettant au passage un clin d'oeil significatif à son égard, puis attrape la main de Fantine. J'essaye de mimer une révérence, mon quota de classe sonnant déjà l'alarme. L'accordéoniste s'est arrêté, laissant sa place à un bon vieux jazz de la Nouvelle-Orléans: le moment est parfait. "Madame, vous dansez?" Plein d'assurance, je lui souris de toutes mes dents, me redresse légèrement. "Si tu refuses, cette nuit, j'me fous au centre du lit, en étoile de mer, et tu s'ras forcée d'aller dormir sur le canapé. Sache-le." Très honnêtement? Je me prépare mentalement au râteau impérial; mais qui ne tente rien n'a rien.

Au fond, Raphaël n'aurait peut être pas du se rendre à cette soirée. Il va de soi que ça n'était pas tellement le genre de choses auxquelles il se plaisait à participer, vu qu'il aussi sociable qu'un mort et qu'il avait une peur bleue, mais surtout panique, des autres. Pourtant, il avait fait l'effort de revêtir une tenue raccordée avec le thème de la soirée et s'était posé dans un coin, où il avait commencé à observer ses camarades, où il s'était fait discret. Il était présent, c'était au moins cela. Alors ne lui en demandez pas trop tout de même, il ne comptait de toute évidence pas inviter la première demoiselle qu'il oserait aborder à danser ni ne gagnerait subitement en assurance. Raphaël était ce qu'il était, à savoir un peureux maladroit et profondément solitaire. Et cela l'empêchait bien souvent de s'amuser, comme il aurait pourtant pu le faire à cet instant précis. Après tout, il voyait quelques jeunes gens rire, danser, prendre plaisir à se retrouver. Lui, il restait pourtant seul, ne parvenait pas à voir ce genre de réunions comme quelque chose de plaisant. C'était un fait, les autres l'effrayaient et il ne réussissait pas, malgré sa soudaine bonne volonté, à apprécier leur présence autant qu'il aurait du. Mais il n'eut d'autre choix que de remballer son paradoxal désir de solitude lorsqu'il fut rejoint par l'une de ses camarades, Tris, qui n'avait visiblement pas peur de passer une triste soirée en sa compagnie. Parce que bon, qu'on se le dise, Raphaël n'avait rien d'un type enjoué avec qui il ferait bon de passer la soirée, hm. Il reçut alors un charmant compliment de la part de sa camarade, dont le sourire était presque contagieux pour le coup. Parce que oui, mine de rien, il parvenait presque à sourire. Presque, hein. « Je te remercie, tu es très aimable » répondit-il alors, avant d'oser laisser son regard admirer la tenue de sa camarade qui, il fallait bien l'avouer, était ravissante dans cette robe bleue. « Je ne suis pas très doué pour complimenter, mais je dois dire que tu es ravissante » reprit-il, un peu plus bas. Il manquait toujours autant de confiance en lui, mais il faisait des efforts hein. Oui, clairement. A l'arrivée de Lulu, Raphaël se montra pour le moins distrait. Ce jeune homme quelques peu original avait le don de l'intriguer. C'était assez étrange, mais ça ne lui déplaisait pas pour autant. Voyant que leur camarade était maintenant en compagnie d'une jolie brune, il reposa son regard sur celle qui, de même, était à ses cotés. « Tu sais, je doute d'être de très bonne compagnie ce soir. » Pour changer, hm. « Alors si tu souhaites danser et passer un agréable moment, je pense qu'il serait préférable que tu ne perdes pas ton temps avec moi. » Honnêtement, il appréciait qu'elle soit venue vers lui. Mais n'étant pas égoïste de nature, il ne lui gâcherait pas sa soirée simplement pour ne plus être seul. D'autant qu'elle lui paraissait sympathique. Ou disons, peu menaçante.