Ghika devait bien avouer que cette activité était marrante... au début. Elle commençait à devenir un peu lassante. Ce n'était pas tellement que Ghika n'y trouvait pas d'intérêt, seulement exposer des réponses honnêtes à des gens qu'il ne connaissait pas ne l'enchantait pas. Le commentaire de John, la transexuelle qui avait perturbé la session maquillage d'Hector, était assez juste, ils étaient tous bien disciplinés, répondant à des questions comme de bons élèves mais n'ayant pas nécessairement pris la peine d'engager la conversation les uns avec les autres. Ghika enregistrait les informations -probablement cruciales- que les autres candidats assistant aux castings pouvaient donner aussi vite qu'il pouvait mais il fallait reconnaître qu'il faisait une overdose de renseignements. Ce qui ne pouvait, rationnellement parlant, ne mener qu'à une seule chose : l'implosion cérébrale déclenchant une inévitable explosion verbale indésirable. Explosion qu'il devrait limiter à l'essentiel, les gens semblaient déjà légèrement sur les nerfs. « C'est quoi exactement ton problème du coup ? » demanda-t-il au type à l'atelier de restauration paranoïaque. Quoi ? C'est vrai, qui avait l'idée d'être parano ? C'était une perte de temps considérable qu'il devait consacrer à s'inquiéter de ce que les gens disaient, faisaient et pensaient dans son dos. « Si j'étais un petit défaut je serais l'impatience. » En parlant d'impatience... sa patience commençait à atteindre ses limites. Elles avaient déjà été testées par Pia et son hypocondrie dans les toilettes et par Daniela et ses grands airs. Son thermos de vodka lui manquait un peu à cet instant... et un peu était un euphémisme, il aurait bien bu une gorgée de liqueur pour faire passer le temps et les réponses inutiles.

C'était plutôt intéressant d'écouter les propos de chacun, et ce même si ça en faisait rire d'autres. Je crois que j'aimais bien écouter ce qu'ils avaient à dire, même si j'avais légèrement l'impression d'être en réunion d'alcooliques anonymes (...) non pas que j'étais un habitué de ce genre de rencontres, qu'on se le dise, hm. La jolie blonde qui m'avait l'air ma foi un peu froide reprenait la parole pour nous demander ce que l'on serait si nous étions un vêtement. Alors ça, je n'en avais pas la moindre idée, il faut dire que c'était plutôt compliqué comme question et qu'il y en avait un paquet de disponibles. Mais j'avais finalement capitulé pour « Un bonnet. » j'aurais bien rajouté "avec des cornes de cerf, ou un truc totalement ridicule dessus" mais pas les autres m'auraient probablement regardé de travers, et la dernière chose que je souhaitais était de passer pour le mec un peu bizarre de la bande. Fronçant légèrement les sourcils, j'écoutais donc avec attention les réponses des autres. Seconde question, elle concernait un animal, et je devais bien avouer qu'après que le tatoué ait sorti un "béluga", je n'avais plus franchement envie de prendre la parole. Il avait l'air drôlement cultivé lui, vu que je ne savais pas de quoi il parlait. Et même si je tentais, je ne pourrais que difficilement réussir à imaginer un animal un tant soit peu normal. « Un lièvre ? » parce que je restais plutôt rapide tout de même. Le voleur de foudre répondait qu'il était un puma, et pendant un court instant je m'étais imaginé comme étant sa proie. Autant vous dire qu'il y avait plus agréable comme vision de soi. Pour ce qui était d'une pièce de ma maison, alors ça, c'était déjà plus simple ! « Mon jardin. » J'adorais être dehors, oui, je crois que j'y passais le plus clair de mon temps... Sauf que... « (...) Ça compte bien comme une pièce, le jardin, hm ? » glissais-je à l'oreille de la personne qui se trouvait à côté de moi (JESSICA). A tous les coups j'avais encore misé à côté. Ça ne serait pas la première fois. Allez, allez, concentre toi Adnan, tu peux réussir à arriver au bout de cet interrogatoire. C'était pire que les forces spéciales par ici, et je vous disais ça en tant qu'expert dans la matière. NCIS n'avait plus aucun secret pour moi. Si j'étais un vilain défaut donc ? Il y avait un blondinet qui répondait que son défaut était la paranoïa, alors qu'un autre lui demandait quel était son problème exactement avant de clamer que le sien était l'impatience. Amusé, je ne pouvais m'empêcher de dire -un peu trop fort- « Ça ne serait pas plutôt "la curiosité maladive" ? » Petite pause alors que les regards se tournaient peu à peu vers moi. « (...) Ahem, ahem. » toussais-je un peu exagérément, comme pour leur faire croire qu'ils venaient d'entendre des voix. Oui, oui, tous ensemble. Bon d'accord, j'aurais pu trouver mieux. « La maladresse, assurément. » On venait d'en avoir la preuve en direct. Note numéro sept : Ne jamais se parler à soi en public sous peine de passer pour un retardé mental, doublé d'un asthmatique un peu trop bruyant.

Bon, pour l'instant, personne n'a répondu la même chose que moi à la dernière question. Je suis la seule à vouloir être ma salle de bains si j'étais une pièce de mon chez-moi. Dit comme ça, je trouve les questions un peu étranges tout de même, mais ce n'est qu'un stupide jeu, une simple activité pour que les animateurs et les autres se fassent une idée plus ou moins précise sur nous. Quoi que tout le monde peut bien raconter n'importe quoi, surtout qu'on est même pas sûr d'être pris au final. J'ai à nouveau calé mon menton dans la paume de ma main quand j'entends une voix tout près de moi. Je tourne à peine la tête et me rends compte de la présence d'un jeune homme juste à côté. Il me demande si le jardin est considéré comme une pièce. Je suis un peu étonnée qu'il s'adresse à moi, mais surtout par sa question. Il n'empêche que je ne me l'étais jamais posée avant aujourd'hui. Je hausse donc les épaules, une petite moue incertaine sur le visage. « J'en sais rien. Mais si c'est là que tu préfères être quand tu es chez toi, je pense que ça marche. » Oui, on répond tous un peu ce qu'on veut, tout et n'importe quoi même parfois. Je lui adresse un petit sourire, sans trop savoir pourquoi. Et puis on nous pose une nouvelle question. Encore une. Je me demande quand est-ce que ça va se finir. Je crois bien que beaucoup en ont marre, moi y compris, un peu. Si j'étais un vilain défaut. « L'hypocrisie. » Que je réponds en pinçant légèrement les lèvres avant de les étirant en un petit sourire gêné. Je me dis qu'au moins je le reconnais, et tout le monde devrait, parce que tout le monde l'est, plus ou moins, mais c'est du pareil au même qu'on ne le soit que dans certains cas et pas d'autres. Je ne pense pas que ce soit le pire défaut que j'ai, ou qui soit, mais c'est peut-être celui qui ressort le plus, en société, et que pourtant tout le monde prétend détester.