On ne pouvait pas dire que j'avais énormément voyagé depuis que j'avais décidé de m'inscrire à cette émission, non, d'ailleurs on pouvait même clairement ajouter que je n'avais pas eu besoin de bouger des états-unis, ce qui, il fallait bien l'avouer, n'était franchement pas trop mal lorsque l'on connaissait les problèmes que je rencontrais une fois assis dans un avion. Le vide n'avait jamais été mon truc, non, j'étais quelqu'un qui aimait la terre ferme, la nature, qui aimait sentir le sol sous ses pieds. Alors forcément, mettez moi à quelques mètres de hauteur et j'avais l'impression de perdre une partie de moi-même. Bon, d'accord, j'exagère peut-être légèrement. En réalité, je ne suis pas aussi peureux, et même si je l'étais, je crois que je ne serais pas du genre à le montrer, ou à l'avouer à voix haute. Aujourd'hui, j'avais choisi de m'engager dans une aventure qui me dépassait complètement. Pour être tout à fait franc, je n'avais jamais réussi à suivre une saison dans son intégralité, principalement parce que je n'avais pas été particulièrement doué pour tout ce qui touchait aux médias, à la télévision. Je m'en passais volontiers. Perdu dans mes pensées, je ne remarquais dans un premier temps pas cette femme tentant de me rappeler à la réalité. Elle était petite, brune, et avait un casque sur ses oreilles, probablement quelqu'un de la production. Elle me faisait signe de m'avancer sur le plateau, tandis que d'un signe de tête, j'accompagnais un simple « Merci. » pourtant je n'avais pas l'impression d'être fin prêt à affronter les regards d'autres personnes. Je ne me trouvais pas particulièrement élégant, certainement parce que je n'avais jamais été de ceux qui rayonnaient de par leur tenue vestimentaire, ou leur sens aiguisé du "style". Ce mot n'existait même pas dans mon vocabulaire. Je préférais porter ce qui me plaisait, quitte à faire tâche dans le décor. Heureusement pour moi, ces vêtements étaient ceux de la production -ils devaient avoir eu sacrément pitié de moi pour m'en prêter dès le premier soir- je n'avais donc pas trop à m'en faire quant à mon image. Silencieux, comme à mon habitude, mes prunelles découvraient l'esquisse d'un nouveau monde, une autre réalité. Je ne m'y sentais pas à ma place, et pourtant, ça n'était que le début des hostilités. Balayant d'un regard les places disponibles, je choisissais un coin de canapé. Je tentais tant bien que mal de suivre le flot de paroles incessantes de l'homme qui se tenait face à nous, mais rien n'y faisait, j'étais ailleurs. J'observais donc les autres potentiels candidats faire leur entrée un à un sur le plateau, sans réellement émettre le moindre jugement à leur égard. A vrai dire, il y avait encore bien trop d'informations pour réussir à remettre de l'ordre dans ma tête. Ça viendrait en temps et en heure, mais pour le moment, j'allais me contenter de nager dans ce néant qui me semblait pourtant si confortable.

(+) tenue

Los Angeles était une destination plaisante. En même temps cela changeait de l'endroit que fréquentait habituellement l'anglais. Sa petite ville n'était rien comparait à Los Angeles qui était une ville incroyable. Addil ne savait pas ce qu'il foutait là. Pourquoi est-ce qu'il avait passé les castings ? Est-ce que c'était réellement une bonne idée de venir ? La plupart des personnes qui étaient ici étaient sans doute des idiots ou des idiotes. Lui ne se sentait pas comme eux, non il est vrai qu'il se sentait même supérieur. Il pouvait analyser en un oeil la personne et comprendre son état d'esprit, si elle se sentait stressée ou sereine. Addil était un parfait psychologue, le visage impassible le regard perçant prêt à entrer dans le nid. Déjà il lui fallut une tenue, pour lui c'était une tenue classe. une tenue qui lui allait bien et qui gardait son air charismatique. Le jeune homme devait marquer les esprits rien qu'en entrant sur le plateau, son air déterminé et froid devait intégrer les crânes des futurs candidats. Être aimé ou détesté ? Addil ne se posait pas cette question, même s'il était sur que son air légèrement supérieur, son côté cynique et moqueur pouvait agacer il était également très frôle. Après sa tenue choisie le beau brun passa par la casse coiffure et maquillage. Le psychologue n'avait pas envie de se ridiculiser devant les téléspectateurs et il avait très envie de paraître beau et classe. Ne prononçant aucun mot il resta dans son coin, mystérieux, secret pour le moment il préférait se taire pour pouvoir faire une entrée fracassante dans l'aventure. Pour lui il ne faisait aucun doute qu'il était censé être choisi. Après tout personne n'était comme lui l'était, voilà ce qu'il se disait dans son crâne pour tenter de se motiver. Enfin prêt dans sa magnifique tenue désormais le temps n'avait plus qu'à s'écouler pour que le prime puisse commencer. Pour l'instant le jeune homme était en phase d'observation, il considérait les futurs candidats comme des patients qu'il ne devait pas soigner, mais plutôt éjecter. Ainsi avec sa force de persuasion il était sûr de manipuler les autres à sa guise. Son métier sera dans l'aventure sa plus grande force, il est sûr qu'il lui servira comme un animal de compagnie. Encore plus que son partenaire s'il venait à intégrer l'aventure. Enfin bref. Addil n'avait plus le temps de réfléchir. Une seule minute restait. Puis le présentateur qui était mignon au passage commença à parler. Tout le monde commença à arriver sur le plateau, c'était le début. Mais pour Addil ainsi que les autres cela pouvait être rapidement la fin.

Los Angeles, difficile de trouver plus belle destination, c’est mieux que Limoges en tout cas. Je ne suis pas fan des strass et des paillettes, de tout ce côté superficiel que possède cette ville. Mais le soleil, Venise Beach, les petites maisons avec leurs gazons, ça fait rêver quand même. Je suis pas encore sûr de ma participation à Fake Lover, dans le pire des cas, je pourrai quand même profiter quelques jours de cette ville, ça me permettra d’oublier un peu Paris et son actuel froid hivernal. Vivement la fin de cette période, l’hiver et moi ça fait deux. En attendant je suis dans la cité des anges, posé à l’hôtel, à lire un ouvrage de Karl Marx pour évacuer la pression. J’avoue, que je lis également parce que dieu sait que si je rentre dans le nid, je passerai plus mon temps à rien glander qu’à me cultiver, il est donc nécessaire de se ressourcer intellectuellement avant la décadence et l’épuisement de mon intelligence aussi peu élevée soit-elle. Non je déconne, ça va je suis pas Einstein, mais je suis pas non plus un abruti, même si je suis policier à la BAC, ça m’empêche pas de me cultiver. Dans le cas de figure où je ferai partie de l’aventure, j’imagine déjà les collègues se foutre de ma gueule à mon retour. Si je participe, autant que je gagne et impose le respect du coup, que je trouve quelques secrets pour promouvoir ma capacité d’analyse et d’enquête. Mais je me fais pas d’illusions, à mon retour on va me taper dessus pour avoir osé la  prostitution télévisuelle. Après ils me connaissent, j’ai toujours été la tête de mule du groupe qui va au bout de ses idées, de ses envies, qu’elles soient bonnes ou non. Je réfléchis pas à l’avenir et à ses conséquences, je vis au jour le jour, tant pis si je dois payer les pots cassés pour la participation à cette émission. Et puis autant je n’y participerai pas, et là pas de problème, ils sauront même pas que j’ai tenté l’aventure, je vais pas aller me vanter d’avoir été refusé à une émission de télé-réalité.

Bref, le temps passe, la lutte des classes c’est bien sympathique à étudier, mais je peux m’empêcher de penser à la grosse barbe de son inventeur, Karl Marx le gros hipster, donc je décide de fermer mon livre, et il est temps de se préparer pour le prime de ce soir. Pour un premier soir, je vais pas chercher à taper dans l’œil. Une tenue sobre et classe fera largement l’affaire, ça définit assez bien ma personnalité. J’enfile un petit t-shirt, un jean, une petite veste, et la touche finale, le chapeau noir. (TENUE ICI) Je décolle ensuite avec ma valise, mon agent, fin le mec qui m’accompagne quoi, et direction le plateau. Je mentirai pas si je disais qu’en coulisses je stressais un peu, j’appréhendai. Mais il est temps d’y aller, tant pis pour la jolie maquilleuse, j’irai la voir à la fin du prime si je suis recalé, elle me consolera. En arrivant sur le plateau, sensation étrange, j’avais l’impression d’être un footballeur qui rentre dans un stade, un gladiateur dans l’arène, j’avais une certaine adrénaline qui me monter, juste pour ça, ça vaut le détour d’être présélectionné. Je m’installe là où sont tous mes autres concurrents en espérant les voir pleurer à la fin du prime, pendant que je savoure le buffet de bienvenu. Il faut des perdants et des gagnants, j’espère vraiment être des gagnants de ce soir mais ce ne sera pas tâche aisée..

Ça y est, c'est le grand jour, paraît-il. Le jour où nous avons enfin la réponse, on va enfin savoir si on va entrer dans cette maison, ou si au contraire nous allons retourner chez nous comme si de rien n'était. Je suis là, à Los Angeles, enfin. En d'autres termes, j'ai traversé tout le sud des Etats-Unis pour le prime qui se tient dans un peu moins d'une demie heure et une chose est sûre, je ne suis pas venue pour repartir directement chez moi. Non pas que je veuille à tout prix rentrer dans ce jeu parce que j'en ai besoin, ou envie, à ce stade, c'est surtout parce que je suis une mauvaise perdante et être recalée signifierait un échec, et, pour quelqu'un comme moi, qui n'a jamais rien rater, ce serait un coup dur. De toutes façons, qu'ils le veuillent ou non, j'entrerai dans cette maison ce soir. Vu ce qu'ils me font subir en ce moment même, je pense que ce serait légitime : un ennui mortel. Honnêtement. Si j'avais su, j'aurais emporté quelques bouquins ou un peu de musique. À vrai dire, c'est ce que j'avais pris, sauf que, ô, tout m'a été retiré des mains avant même que je puisse “ouf”. Je comprends qu'ils ne veuillent pas que je prenne mon téléphone dans les loges, bien que de toutes façons il ne me restait que cinq pourcent de batterie avant qu'ils ne me l'arrachent farouchement des mains, mais, pourquoi m'ôter les livres ? Ils ont visiblement un problème avec tout ce qui pourrait s'apparenter à une forme “d'éducation” ou quelque chose qui nécessite plus de matière grise que de regarder des femmes à poils faisant du car-washing. M'enfin, je ne juge pas - en réalité, je juge beaucoup, parce que c'est complètement con. Au final, c'est moi qui fais les frais. Parce que je m'ennuies, et Dieu sait qu'une femme qui s'ennuie, ce n'est jamais bon. En clair, je deviens folle. J'ai envie de crier, voire hurler, arracher des choses, taper quelqu'un. Mais je me tiens, j'aime croire que la violence est solution seulement en dernier recours. Comme lorsque la coiffeuse s'entête à vous boucler les cheveux alors que vous lui aurez préalablement délivré une thèse, antithèse, prothèse sur le fait qu'ils soient très abîmés. J'étais à deux doigts, réellement, de la gifler, avec sa tête de caniche qui s'est bouffé beaucoup de pluie. Mais non ; le calme, c'est la clé, Nirvana, tu te calmes. Pour conclure sur cette histoire de cuir chevelu, tout est rentré dans l'ordre, j'ai eu le dernier mot, une fois de plus ; j'aime croire que ce soir, c'est ma soirée, j'ai encore le droit de faire ce que je veux. Enfin, "encore", j'ai toujours le droit de faire ce que je veux parce que je suis une princesse. Quant à la tenue, j'ai pris les devants et ai prit des pièces qui m'appartenaient. Vu l'horreur que la coiffeuse comptait me faire je n'ai pas osé perdre ma salive face aux stylistes qui devaient être encore pire. J'aime croire que j'ai effrayé un peu le personnel puisque personne n'a essayé de me dissuader de laisser mon soutien-gorge presque apparent. Je suis très classe. Je me trouve plutôt pas mal. Toujours assise sur ma chaise, je suis presque surprise par la porte, que j'observais depuis presque quatorze minutes et neuf secondes, qui venait de s'ouvrir, laissant apparaitre ce petit stagiaire blond à lunettes qui devait être sous payé alors qu'il devait travailler avec des cas comme le mien. Très doux, il m'emmène devant la porte du plateau qui s'ouvre tandis que je vois une multitude de candidats devant moi, des candidats qui ne me donnent pas réellement envie de discuter avec eux étant donné qu'il y a une chance sur trois que l'un des mes locuteurs ne rentrent pas ce soir. Ou moi. Mais j'aime croire que ce seront eux qui resteront sur le banc de touche ce soir. Toujours rester positive, c'est la clé. En gros, rien ne sert de gaspiller sa salive avec des gens qui, de toutes évidences, n'apparaitront peut-être plus dans mon champs de vision d'ici trois heures et demies. « Bon. » que je lâche comme ça, à moi-même. On se dépêche, oui ?

Trop de bruit, trop de monde. Deux données agaçantes lorsqu'elles étaient prises l'une après l'autre, mais qui devenaient problématique lorsqu'on les additionnait. Trop de bruit, trop de monde, et un brouhaha sans queue ni tête auquel Sayid avait échappé presque avec soulagement tandis qu'on lui indiquait le bout de loge qui serait à priori le sien pour les quelques minutes à venir. Minutes ? Tu rêves en couleurs, mon vieux. Et le temps de s'étirer, de minutes en quarts d'heures, de quarts d'heure en heures ... Ou peut-être pas ? Une fois qu'on le laissait se perdre dans son monde intérieur il perdait facilement la notion du temps, et en fin de compte lorsqu'une nana revêche-mais-pas-trop avait fait irruption dans la pièce il était bien incapable de dire avec certitude depuis combien de temps il était là. Elle lui débitait son baratin, et lui l'écoutait avec attention plus par habitude que par intérêt véritable, ses pupilles attirées par un pli mal repassé sur son chemisier ivoire. Il se mord la lèvre, se retenant presque de triturer lui-même ce pli disgracieux pour tenter de l'atténuer, et préférant plaquer sur son visage un sourire engageant pour lui faire gober qu'il était parfaitement attentif à ses babillages. Jusqu'à ce qu'elle ne lui mette sous le nez deux cintres et ne le pousse derrière le portant posé non loin de là, provoquant chez lui une réaction épidermique et un grincement de dents à peine dissimulé, tandis qu'il attrapait à la volée le dossier de la chaise posée non loin de là et l'emmenait avec lui pour y poser ses affaires. C'est une blague ? Si cette fille est styliste, moi je suis professeur de salsa. Et pourtant il s'était exécuté sans un commentaire, pas même lorsque le motif de la chemise lui avait donné envie de vomir son dernier repas. Pas même lorsque fin prêt, et non sans avoir pris son temps, elle était malgré tout venue réajuster le col de sa chemise tandis qu'il serrait les dents en feignant l'indifférence, avant de l'affubler d'une nœud papillon en guise de cerise sur le gâteau. « Qui porte encore des nœuds papillons de nos jours ? Hormis James Bond, j'entends. » A priori lui, ce soir. Mais s'il avait un temps été tenté d'amadouer la styliste lorsqu'elle avait resserré l'accessoire et qu'il avait posé ses mains par dessus les siennes, il s'était finalement ravisé non sans flanquer sur son visage de barbu un sourire qui en disait plus long que n'importe quelle phrase. « Puisque vous m'avez aidé à m'habiller, j'ose espérer que si je dois remettre les voiles à la fin de la soirée, vous viendrez aussi m'aider à me déshabiller. » Toujours équilibrer une équation. Mettant fin à ce contact physique impromptu aussi vite qu'il l'avait initié, Sayid s'était en fin de compte rapidement désintéressé de la présence de la jeune femme et n'avait pas adressé un mot supplémentaire tandis qu'elle quittait la pièce et qu'il se replongeait dans la contemplation de la composition chimique de la bombe de laque posée devant lui. Et voilà qu'on était venu le déloger à nouveau, lui indiquant le chemin à suivre sans trop se soucier de s'il suivait ou non, l'abandonnant finalement à son sort au bord d'un plateau de télévision qui tout de suite lui avait posé problème. Trop de monde, et trop de bruit. A nouveau. Le bruit il savait en faire abstraction généralement, mais il craignait de louper quelque chose d'important s'il n'y prenait pas garde. Quant au monde ... Il s'était finalement contenté de rester dans un coin, les mains vissées dans les poches de son pantalon pour se donner un air nonchalant, mais la mâchoire plus serrée qu'un étau. Et les yeux se baladant d'un endroit et d'une personne à l'autre, scrutant, observant et analysant chaque tenue, chaque visage et chaque comportement comme s'il espérait trouver dans tout ce boxon la réponse à la création de l'univers.

(+ tenue)

5-4-3-221 : Bonne année !!
Quels imbéciles pouvaient encore fêter la bonne année avec le monde qui nous entoure. En tout cas pour moi, 2015 ne pouvait pas être pire que 2014, mais bon passons… 8 Mars 2015, 19h30, j'avais le cœur qui battait la chamade, une goutte de transpiration traçait son chemin le long de ma tempe droite. J'étais, étrangement, stressé et surpris aussi…Au fond, quand j'avais poussé la porte des castings de Fake Lover, je ne pensais pas faire cent mètres à l'intérieur sans me faire virer. Trop banal, trop sombre, trop énigmatique, je ne sais pas quel critère plus ou moins farfelu aurait permis aux casteurs de justifier ma non-sélection… En tout cas, ce qui est sûr, c'est que cela n'arriva pas. Je fus comme une poignée d'autres êtres humains, présélectionnés à entrer dans l'aventure. Je devais donc, ce fameux dimanche soir, me dirigé aux alentours de la cité des anges afin de participer à cette soirée qui risquerait  fort de changer toute ma vie.

Je suis arrivé sans véritables bagages si ce n'est deux petites valises. Persuadé de ne pas passer, si j'étais sélectionné, la première voir la deuxième semaine. Je n'avais rien prévu véritablement, si ce n'est un jolie costumequi fut accepté par les stylistes de l'émission. Une dernière retouche maquillage afin d'effacer les quelques rares imperfections présentes sur mon charmant minois, un petit peu de gel pour rendre le coiffure un tant soit peu plus naturelle et voilà j'étais prêt… Il était temps pour moi, de me lancer. J'alignais ainsi, un pas devant l'autre, pénétrant dans l'aveuglante lumière, suivant le chemin que j'apercevais au loin…; Puis ce fut comme une espèce de libération, un immense plateau, du public, des caméras. Où regarder, que faire, je ne savais pas… Je me contentais de sourire et de m'installer à une place libre… Rester silencieux et observer me semblant, pour commencer, l'attitude la plus adaptée.

Cette soirée est une grande première pour la jeune femme qui, hésitante, enchaine les pas devant elle. Elle n’avait jusqu’alors jamais pris l’avion. Elle n’a même jamais pris le train, ni le métro. Mis à part conduire, elle marche. Elle marche beaucoup. Parfois elle fait du vélo aussi, elle aime bien sentir le vent mêlé à la chaleur ambiante de son chez elle. C’est la première fois qu’elle quitte son pays. La première fois qu’elle quitte son continent par extension. Les Etats-Unis, elle en a toujours rêvé devant sa petite télé grésillant à chaque humeur du ciel. C’est avec un mordillement de lèvres coupable qu’elle respire le mauvais air américain - loin de ses plaines plus arides et plus naturelles - se sentant pleinement citadine. Sans avoir eu vraiment le temps de profiter de cette nouvelle condition, Imma avait suivis scrupuleusement l’itinéraire et le planning reçu. Première chose, la mise en beauté. Premier obstacle, le regard de l’autre. Alors Imma devient légèrement paranoïaque dans sa chaise, devant le miroir. La coiffeuse ne dit rien, mais elle n’en pense pas moins. La styliste aussi. Seul le maquilleur lui demande comment faire en prenant des pincettes. Trop peut-être. « Laissez… » Qu’elle souffle tout doucement, sa voix cassée de ne pas avoir parlé depuis des heures. Son anglais est très scolaire, mais compréhensible. Sortant de son sac une petite trousse à maquillage, elle passe du blush d’une couleur sur sa peau foncée, d’une autre sur sa peau claire. Du rouge sur ses lèvres, il faut attirer le regard ailleurs souligne le maquilleur derrière lui. Elle baisse les yeux. Elle sait qu’il a raison. Se contentant de deux couches de mascara, elle passe sa main dans sa crinière ondulée sombre. Il ne lui restera alors plus qu’à s’habiller. Elle ne rechigne pas devant ce qu’on lui passe – un pantalon, un débardeur et un beau kimono. Elle est facile à vivre Imma, peut-être trop lisse pour être alors remarquée. C’est à ce moment qu’elle doute. Qu’elle se dit qu’elle n’aura pas fait tache – elle a le droit de le penser, elle trouve ça drôle – qu’elle n’aura pas marqué les esprits. Prenant bien soin de faire tomber ses manches sur ses mains bicolores, elle sort de la loge. Ses poumons remplis d’air, elle essaie de se donner du contenu. Une assurance qu’elle pompe sur une jeune femme venant de passer devant elle. C’est dur. La Namibienne enchaine alors les pas devant elle. Le visage légèrement baissé, elle ne regarde ce qui gravite autour d’elle que par coup d’œil, mais des coups d’œil curieux. Les gens qui se pressent. Les mille lampes braquées sur eux. Elle sent son cœur battre sous sa poitrine. Sa bouche se dessécher. Instinctivement elle se fige dans un coin, les bras croisés autour d’elle. Mais son regard continue de virevolter autour d’elle, à la recherche d’une accroche. Alors elle se retrouve à, maintenant assise sur un fauteuil, dévisager ceux qui l’entourent.

Je suis absolument terrorisée. Le prime n’a pas encore commencé et pourtant je suis là, recroquevillée dans le petit fauteuil de la loge, tremblante comme une feuille. Je n’ose même pas imaginer ce que ça sera tout à l’heure lorsque plusieurs caméras seront braquées sur moi. Je me mords la lèvre, presque au sang, je le sais, pour m’empêcher de pleurer, mais rien n’y fait, je fonds. Encore une fois. Je remonte mes genoux vers mon menton, serrant fort mes jambes entre mes bras. Je sais bien que cette position n’est pas la plus délicate du monde lorsque l’on porte une robe, mais pour l’instant je m’en fiche. Je suis seule, la porte est fermée, et il faut que j’arrête de sangloter. Neil a dit que chanter peut réussir à me calmer. Et c’est vrai, ça a déjà marché. J’expire, fort, très fort, puis entonne une mélodie dans ma tête. ♪Well I'll be damned♪ Inspire. ♪Here comes your ghost again♪ Expire. ♪But that's not unusual♪ Inspire. ♪It's just that the moon is full♪ Expire. ♪And you happened to call♪ D’un revers de main j’essuie ma joue humide des larmes qui ont coulé. Sur la peau de mon doigt, c’est une trainée noire qui s’imprime, restes d’un mascara ou d’un eye-liner déchu. ♪And here I sit, hand on the telephone♪ Ma respiration est redevenue normale, lente, et je lâche l’étreinte que j’exerçais sur mes jambes, autorisant la droite à venir se croiser sur la gauche. ♪Hearing a voice I'd known♪ La porte s’ouvre et je reconnais la personne qui pénètre dans la petite pièce à son odeur. J’ai toujours eu un odorat assez développé, allez savoir pourquoi. Je n’ose pas lever les yeux vers elle, je sais ce qu’elle va me dire. « Encore Olivia ? C’est pas vrai... Je ne vais pas m’amuser à recommencer ton maquillage tous les quarts d’heure... » Je sens ma lèvre inférieure trembler. ♪A couple of light years ago♪ Aussitôt, je la mords, ruinant au passage une fois de plus mon rouge à lèvres. D’une voix brisée et étranglée, je murmure : « Je... désolée. » Je finis par la regarder, tout de même, les yeux embués. Non seulement j’ai le quotient émotionnel d’une gosse de deux ans, mais en plus je gâche le travail de cette pauvre Sarah qui n’a déjà pas la tâche facile de devoir me rendre jolie. « Non, ne t’en fais pas, c’est moi qui suis désolée. » Je ferme les yeux l’espace de quelques secondes. Concentration, Liv. ♪Heading straight for a fall♪ En soulevant mes paupières, à nouveau, je lui tends mon visage en murmurant : « C’est la dernière fois, promis. » Je serre les dents alors qu’elle se remet à appliquer de la poudre sur mes joues. Ne. Pas. Pleurer. Olivia. La consigne est simple. ♪ As I remember your eyes♪ Mes doigts se torturent mutuellement. Des os craquent, des ongles s’enfoncent dans ma chair, des phalanges blanchissent sous la pression. Je sens ma respiration qui s’accélère à nouveau. Shht Olivia, shht... Plus tard la crise de panique. Je laisse mon pied battre le sol énergiquement, le plus vite qu’il peut, comme si il faisait une course avec mon pouls. ♪ Were bluer than robin's eggs, "My poetry was lousy", you said. Where are you calling from? A booth in the Midwest.♪ Je sens des mains se poser sur mes épaules. « Hey. C’est bon, ça va aller, d’accord !? » Sur les lèvres de la maquilleuse, je lis un demi-sourire compatissant et plein d’encouragement, mais au fond de ses prunelles, presque trop bien dissimulé, je décèle une petite nuance que j’aurais préféré ne pas voir. Quelque chose qui semble dire : ‘mon Dieu mais qu’est ce qu’elle fait là celle ci ?’. Rassure toi, je me pose la même question.

« Vous êtes à l’antenne dans : 5...4...3...2...1 » Je me retrouve propulsée sur un plateau sans pouvoir répondre de mon corps, de mes mouvements. Je suis persuadée que sous mes couches de fond de teint, je suis livide. Il n’y a qu’à regarder mes mains. En plus de trembler comme jamais, elles sont d’une pâleur encore jamais atteinte. Inspire. Expire. Pied droit. Pied gauche. Ne pas tomber. Surtout Liv, ne tombe pas. Perdue dans la masse de plumes de ma robe et aveuglée par les projecteurs, je sens la panique monter, à nouveau. Où en étais-je dans la chanson ? ♪ Ten years ago, I bought you some cuff links♪ Je finis par réussir à sortir de mon éblouissement et distinguer ce qu’il se passe autour de moi. Les autres candidats, le décor. Mon dieu. Ils sont tous tellement beaux, tellement belles... et moi... ♪You brought me something, and we both know what memories can bring♪ Je me cache derrière ma crinière de feu. Il n’y a que cela qui me plaise. Et encore, c’est teint. Mes cheveux, et ma robe. C’est une stratégie longuement mûrie, peut être l’une des réflexions les plus complexes que je n’ai jamais menées… Si l’on remarque ma coiffure ou mon look, peut être que l’on m’oubliera, que l’on ne pensera pas à me parler. Peut être que l’on me laissera tranquille. D’ailleurs vous voyez cette chaise? Là bas, dans le coin, un peu isolée, un peu moins dans la lumière? Ca, c’est ma chaise.
♪They bring diamonds and rust.♪

7 jours avant le premier prime.

Tiens, une lettre de Fake Lover. Tu l'ouvres, te demandant encore ce qu'on pouvait te demander à ce stade de ton casting. Encore des questions ? Non, pas cette fois heureusement . Tu parcourais la lettre des yeux, n'omettant aucun détail. Outre les formules de politesses basiques, on t'indiquait que le premier prime allait bientôt avoir lieu. Tu sentais la satisfaction t'envahir. Tu lisais aussi que cette nouvelle saison allait avoir lieu à Los Angeles. Parfait, ça t'éviterait les coûts de transports faramineux. Tu reposais la lettre sur le canapé, vacant à d'autres occupations.

Le jour du prime.

La journée est plutôt calme en somme. Tu avais pris le temps pour faire tes affaires, régler les derniers détails avant ton départ. Ce soir, tu y serais. T'emballes pas trop quand même ma fille, il se peu que tu sois même pas sélectionnée. Parmi ce que tu allais emporter et outre les vêtements, tu avais pris le soin d'y mettre ton doudou, Popo, un Winnie l'Ourson en peluche. C'était un peu le porte bonheur de ta vie. Fallait dire qu'il avait le tour du monde lui. De Londres à New York, de New York à Los Angeles, il se mettait bien. Ton avion décollait d'ici quelques heures, il ne fallait donc pas que tu tardes. N'ayant pas de voiture, tu commandais un taxi. Aussi sympathique qu'aimable, percevez ici toute l'étendue de l'ironie,  celui-ci te déposa à JFK. Tu filais donc, à travers les terminaux, pour rejoindre les nombreuses files d'attente que tu devais passer. C'était le truc qui t’agaçait au plus haut point, attendre. Heureusement que ce n'était pas un jour de grand influence, tu aurais passé la nuit ici sinon. Le vol est à l'heure, tout va bien. Peut-être que c'est ton jour de chance en fait et que tu ne t'en rend même pas compte. Nous verrons bien. Passons les détails les plus insignifiants du vol, c'est-à-dire, bouffe dégueulasse, siège peu confortable, rien de bien folklorique en soit. Tu atterris à Los Angeles mais tu n'a pas vraiment le temps de faire une halte de touriste, tu dois direct filer à ton hôtel pour te changer. 1H et te voilà à ton hôtel. Il te restait moins de deux heures pour te préparer. Ça aurait pu être jouable si tu savais quelle robe porter pour cette soirée. Tu passes donc quelques minutes à chercher dans ta valise, que tu n'a pas encore défaite, une robe qui pourrait convenir pour le prime. Tu hésites longuement, indécise. Tu finis par choisir une robe assez simple, rouge mais qui reste tout de même assez moderne à ton goût. Tu ne te maquilles très légèrement, avec du baume à lèvre rose pâle, de l'eye-liner mis en fine couche et du phare à paupière léger qui fait ressortir ton regard. Finalement, plus de peur que de mal, tu réussis à terminer dans les temps. Tu entends déjà la voiture qui vient te chercher en bas. Tu te dépêches donc, prenant ta valise, et dévalant les escaliers qui te séparaient de la rue. Tu vérifiais ne rien avoir oublier avant de te jeter dans la berline. Le temps que celle-ci t'amène au plateau, tu en profites pour observer plus précisément Los Angeles, tu t'émerveillais presque. Hop, on te jettes dans les coulisses, on t'équipe un minimum et on te laisse entrer sur le plateau. La pression montait, tu bougeais tes doigts nerveusement. Ça y est, tu te lances dans cet océan trouble que sont les plateaux de téléréalité. Tu allais t'asseoir sur une des places disponibles près d'un autre homme. (@Clarke) Tu n'osais pas vraiment parler, te concentrant juste sur ce que chaque intervenant disait. Enjoy !

TENUE