Un garçon vient se planter face à Mads et lui tend une sorte de pince. Je regarde l’objet avec attention, curieux, mais ne dit pas un mot en observant l’échange qui se produit entre ma partenaire et le dénommé Sven, comme elle vient me l’apprendre quelques secondes plus tard. Je crois qu’ils parlent cheveux, mais qu’est-ce que j’en sais ? C’est loin d’être mon domaine de prédilection. Ma partenaire se tourne vers-moi et, comme si elle avait lu dans mes pensées, m’éclaire sur le sujet de la conversation. A vrai dire, ça ne m’avance pas tant que ça cette histoire de mèche, mais ça ne m’empêche pas de lui adresser un sourire sincère. « De même. » je réponds, réellement content de faire plus ample connaissance avec un autre candidat du nid. C’est toujours assez triste de se dire qu’on ne parvient pas à retenir les noms de nos colocataires au bout de deux longues semaines, mais le nombre d’habitants n’est pas forcément propice aux réunions communes autour d’un bon petit plat. On a davantage tendance à se regrouper en bande de quatre ou cinq personnes, comme en témoigne la disposition des candidats dans le prime. Il me parle de Corto Maltese, j’esquisse un sourire. « Pas tant que ça en vérité. » je lui avoue, presque avec étonnement de ne pas m’être posé la question auparavant. Sûrement que la bande-dessiné a eu du mal à passer la frontière américaine, que j’ai rarement quittée. « Je ne connais pas de Sven célèbre en revanche. Tu seras peut-être le premier, qui sait… » je constate à voix haute, en haussant les épaules.

C'est bon, elles ont terminé ? Je suis de trop peut être ? Je n'écoute plus. Ce n'est pas utile. Je crois qu'on est pas très bien placé. Je ne sais pas trop, ce prime est étrange. « C'est bon t'a fini ? » Je demande sèchement. A un moment, ça va bien cinq minutes. Je préférais quand elles se jetaient des insultes à la gueule. Candace est tactile, incroyablement tactile. Elle est détaché pourtant elle s'attache, se colle, m'embrasse. Enfin c'était avant que le nouveau ne débarque. J'suis pas jaloux, mais à un moment y'a des limites. Je soupire. Elle presse ma main. Se colle contre moi. Elle s'ennuie. Je le sais. Moi aussi quelque part. Ce prime est ignoble, les candidats sont ignobles. Certains, pas tous, heureusement. Je passe mon bras autour d'elle, comme si le temps s'était arrêté, comme si une bulle nous occultait du reste du monde. De toute façon qui s'en souciera. Ils sont tous concentré sur leur propre personnes. J'embrasse son front, hume son parfum. Il est envoutant. Esther arrive, elle est gentille Esther, j'aurais aimé la connaître davantage. « Je crois que c'est la première fois qu'on ... » Je m'interromps, elle s'est endormie. Bon, ça devient vraiment, vraiment horrible ce prime. Je caresse son visage. Mon visage apparait soit dit en passant. On a gagné, enfin Daphne a gagné, le résultat dépend d'elle, je n'y suis pour rien. Aucun mérite, aucune gloire à avoir. Je m'installe légèrement plus profondément dans le fauteuil et j'attends...

(NB : cette rubrique a été préparée à l'avance, comme toutes les autres, et donc, par conséquent, bien avant les évènements d'hier soir. Merci, donc, de ne voir aucune redondance voir "acharnement" dans nos mots. nous n'avions juste pas envie de tout reprendre à zéro sous prétexte d'un évènement isolé. Merci.)


Ha, c’est à nous ! Je réagis à l’instant même où le logo de notre rubrique apparaît à l’écran. C’est pas compliqué, ils ont compris maintenant qu’on était irrécupérable. Aussi, ils nous ont implanté des mini-taser sous la chemise, pour nous chocker chaque fois que l’envie leur en prend. C’est après un de ces chocs que je réalise que c’est à nous, et me lève rapidement avant de me manger un nouveau coup de jus. « Bon, bon, bon... C’est à nous, et je vois à vos visages anxieux et parfois haineux, que notre rubrique n’est clairement pas le moment que vous attendez avec impatience toute la semaine. Donc avant de commencer, j’aimerais remettre quelques pendules à l’heure. Regardez-nous bien. » dis-je en désignant mon propre visage avant de pincer les joues de Connor entre le pouce et le reste de mes doigts, ce qui lui donne une expression étrange. « Est-ce qu’on ressemble de près ou de loin à des Bisounours ? Attendez, attendez, je vous aide : NON ! » je scande en écartant bien les bras. « Nous sommes dans FAKE LOVER, ici, l’émission la plus sadique de sa génération. Est-ce que vous étiez au courant avant de signer ? OUI ! À moins que vous ayez vécu avec Oussama dans sa grotte pakistanaise pendant les dix dernières années, ce dont je doute fortement. Alors, si vous ne vous sentez pas de taille pour affronter et encaisser les plaisanteries et l’humour de deux présentateurs un peu lourds. » coup d’oeil à Connor qui regarde dans son dos, en direction de Neve et Alix. « C’est de nous, que je parle Coco ! » Je lève les yeux au ciel tout en le désignant aux candidats, comme s’il était la preuve concrète de ce que je viens juste de dire. « Donc si vous ne vous sentez pas de taille, fallait pas vous inscrire, fallait pas vous pointer. Vous connaissiez les risques encourus, vous saviez qu’en organisant une soirée d’inauguration pour chacun de vos pets, vous seriez épinglez par nos soins. Parce qu’ouvrir sa bouche à tort et à travers, c’est une invitation directe à vous dérouler le tapis rouge. L’expression c’est “on récolte ce que l’on sème”, donc si vous ne voulez pas être mis à l’honneur, ne semez rien, et peut être que vous serez épargné. Peut être. En attendant, lorsqu’on demande aux gens de prendre la méchanceté gratuite pour de l’humour, je trouve un peu déplacé d’aller prétendre que notre humour est de la cruauté sous prétexte de deux ou trois larmes versées en direct. Rappelez-vous que vous ne voyez pas tout, nous si. Sur ce, les Teletubbies sont diffusés tous les samedis à 14h sur TIJI, pour ceux que ça intéresse. » Je conclue, avant de me tourner vers mon acolyte. « J’ai tout dit, je crois. On peut y aller. » Oui, on peut, et tandis que l’écran s’anime pour laisser place à l’intérieur du fameux magicobus, nous reculons sur le plateau pour dégager la vue. Ce sont à nos doubles de prendre le relais. Sans trop de mal.


C’est donc sans suspens, ou presque, qu’on me voit apparaître dans le décor en carton pâte, toujours encombré d’accessoires divers et variés, mais surtout très kitch. « Bienvenue dans le Magicobus, amoureux et amoureuse de la science ! » Ouai, au moins, ouai. « Cette semaine, nous avons choisi de nous intéresser, après Barbitch et Papy Joe, à deux autres amis des tout petits. Il s’agit de... » je fouille sous la table qui comporte des tiroirs que le téléspectateur ne peut pas voir. « ... votre attention s'il vous plait : Rahnan l’enfant des âges farouches ! » dis-je en sortant une figurine plastique de ce héros préhistorique sur lequel on n’a pas oublié de rajouter quelques tenues typiques de notre roux officiel. « Et son ennemi mortel de toujours : Danger, le dernier dinosaure ! » cette fois c’est une toute mignonne peluche verte que je sors du tiroir, une peluche sur laquelle Connor a pris la peine de greffer une perruque brune pour plus de réalisme. Oui, parce que c’est certain, comme ça c’est bien plus fidèle à l’original. « En d’autres termes, Gaspard et Janka. » j’annonce en agitant mes deux jouets, Gaspard en blonde, et Janka en vert. « Tout d’abord parlons de Rahnan, si vous le voulez bien. Rahnan c’est quand même le type même du roux qui ne s’assume pas. Parce que oui, Rahnan est roux, Rahnan est même THE roux de l’émission, si on ne compte pas les filles. Et au lieu d’accepter sa couleur de cheveux, il veut faire croire à tous qu’il est blonde. Oui, blonde. Mais il est rouqmoute, le Gaspard, et vous pouvez me croire, je suis passé expert dans ce domaine. D’ailleurs pour ceux qui auraient encore quelques doutes, voici la preuve indubitable. Regardez bien ce générique, ou plutôt la fin du générique. Accélère, Machine ! » j’ordonne à quelqu’un que je ne vois pas, mais immédiatement, sur l’écran que je viens de désigner, le générique du dessin animé passe en avance rapide, et ne s’arrête que sur la partie parlée. « Son père est roux, sa mère est rousse, son frère est roux, et il voudrait nous faire croire qu’il est miraculeusement blond ! Nan, Rahnan ! » Je m’insurge en tapant du poing sur la table. « Bon, hormis cette petite tendance au mensonge capillaire, le Rahnan est un animal sauvage, il est donc fortement déconseillé de l’approcher sans la présence d’un adulte compétent, et si possible armé d’une lance, sauf si vous vous appelez Elliot et que vous êtes gaulé façon liane sur laquelle il aimerait bien jouer les Tarzan. Contrairement à son homologue télévisuel, le Rahnan ne passe pas son temps à grogner, sauf sur sa partenaire, mais nous y reviendrons plus tard. Il maîtrise d’ailleurs plusieurs langues dont l’ancien français, et aimerait se faire passer pour plus con qu’il ne l’est. Il parle peu, et c’est tant mieux, sinon il serait obligé de citer son maître spirituel, Lulu, et ça, on s’en passe volontiers. De quoi nait l’espoir ? De ta propension à garder les lèvres closes, Rahnan ! » J’hoche de la tête tout en tapotant affectueusement le petit nez de la figurine en plastique. « Il n’est pas mal de sa personne, le Rahnan. » j’ajoute en désignant les tablettes de chocolat en plastique toujours. « Et quelque part, c’est peut être ce qui le sauve, parce que la philosophie façon Titanic, je cite “l’espoir c’est la planche de bois à laquelle tu te raccroches au milieu de l’océan” n’a pas encore été approuvé par le ministère de la drague moisie. Cela dit, le Rahnan n’a pas besoin de ça -et heureusement- pour s’attirer les faveurs d’une liane qui ne demande qu’à s’enrouler entre ses cuisses. Et le Rahnan, il dit quoi ? Rah nan ! » Elle est bonne ma blague, non ? Moi je ricane comme un connard, mais c’est peut être parce que je n’ai pas fermé l’oeil depuis un moment. « Le Rahnan est quotidiennement confronté à son ennemi mortel : le dinosaure ! » Je reprends en caressant la perruque brune sur la tête de la peluche. « En l'occurrence : DANGER ! Générique, Machine ! » je quémande à mon assistante invisible avant d’ajouter face caméra, façon Dora. « Toi aussi aide Dora, et pointe le dinosaure chaque fois que tu le vois. » c’est sur ces mots que le générique s’enclenche en arrière plan, tandis que je m’adonne au playback cumulé à de l’air-guitare, avant que la caméra ne revienne sur moi. « TOUS ENSEMBLE ! » je beugle en chantant par-dessus les paroles, alors qu’en bas du grand écran du prime, les paroles s’affichent façon karaoké. « Partout où nous allons, les gens sont sidérés de se trouver nez à nez avec un grand dino ! Depuis la nuit des temps jusque sous les projecteurs.... Il met dans notre vie un peu plus de bonheuuuuuuuur ! » Poings brandis vers le ciel, je suis Freddy Mercury. « ATTENTION, REFRAIN ! » je les préviens, avant de repartir. « DANGER, le dernier dinosaure, c’est mon ami, bien plus encore... » je suis peut-être Chantal Goya, en fait, vu ma danse très... Infantilisante. « DANGER, le dernier dinosaure, vient d’un monde jamais vuuuuuuu encoooooooooore ! » Air-batterie finale et... COUPE ! Je souris en reprenant mon souffle, avant de récupérer la peluche verte à deux mains. « Danger, Danger, Danger... Oh oui, elle vient d’un monde jamais vu encore ! Le monde où les petites filles en mal d’amour se transforme en vilaine kamikaze adepte du SM... Ouai, Rihanna, en fait. » je conclue après un court instant de réflexion. « Danger se décrit elle-même comme descendante de Hulk, et ça tombe plutôt bien, puisque comme son ancêtre, elle est verte. Je suppose qu’elle souhaiterait être plus impressionnante, voir effrayante pour refléter l’animal qui l’habite, mais dommage, on a juste envie de lui faire des câlinous. » ce que je m’empresse de faire, pendant un quart de seconde, avant de la reposer sur la table. « Danger est donc l’ennemi mortel de Rahnan. C’est une lutte de pouvoir continuelle. Danger lui donne un faux prénom, Rahnan la vire du lit, bientôt elle va empoisonner sa bouffe et il pissera sur ses fringues. Des fringues qu’elle n’a pas, car dans le monde jamais vu encore d’où elle vient, on se sape avec des branches d’arbre et des petits tas de mousse, du coup, ici elle semble décidé à ne rien nous cacher de son anatomie. Alors, bon, ok, elle est pas trop mal foutue pour un dinosaure de plusieurs millions d’années, mais franchement, si j’ai envie de voir du cul, je vais sur Youporn... » silence... Réflexion... « Ou pas ! Non, Gaby, mon ange, je ne fais jamais ça. » sauf quand Connor veut me montrer une nouvelle position qu’il juge impossible et qu’il a besoin de mon avis de danseur... Sauf lorsqu’avec Connor on se fait un plateau télé et qu’il n’y a rien à la télé.... Sauf lorsqu’avec Connor on doit sortir le chien et qu’il pleut dehors... Sauf lorsqu’avec Connor... « Jamais ! » j’insiste bien, face caméra, avant de reprendre. « Bon, on parle de l’italien qui lui sert de balise spacio-temporelle ? Non, on s’en fout, comme lui, en fait. » je suis sur le point de poursuivre quand un bruit de connexion se fait entendre, immédiatement suivi par « Hey, Jamie ! Jamie ! » Je me tourne vers le petit écran où un mini Connor s’agite en sautant sur place. « Ho, salut Fred ! » et j’agite ma main comme un con, avant de préciser face caméra : « Oui, cette semaine c’est lui, Fred ! Suivez un peu ! » puis je me tourne à nouveau vers l’écran. « Alors, Fred, où t’a mené ton immersion, et qu’as-tu pu apprendre sur Danger et Rahnan ? Dis-nous tout ! » Ainsi, la caméra s’approche en zoom avant vers le petit écran de télé que j’observe, pour le laisser envahir le cadre, ne laissant plus voir que Connor à l’air libre...

Dagga et moi étions vraiment sur la même longueur d’onde, par moment, j’en avais bien l’impression. Certains de ses propos se reflétaient dans les miens, et inversement. Elle était bien placée, visiblement, pour me comprendre. Ça faisait chaud au cœur de savoir qu’ici, quelqu’un me ressemblait un tantinet. Je me sentais moins seule, du coup. « Je te comprends complètement. Je sors très peu de chez moi. J'étudie par correspondance, alors ça ne me pousse pas vraiment à me montrer moins casanière. Avant Fake Lover, je n'avais jamais porté de chaussures à talons, ou de robes aussi courtes. » Je souris à sa remarque. La tenue que je portais, lors du premier prime, est probablement le truc plus osé que j’ai, justement, osé avoir sur le dos. Alors imaginez le reste de ma garde-robe… « Si tu veux, on pourra fouiller ensemble dans le dressing et voir ce qui pourrait te convenir parmi les tenues plus excentriques ? Je dois t'avouer qu'il y a plein de choses dans ma penderie que je n'aurais jamais porté dans d'autres circonstances. Mais c'est le moment idéal pour tout oser, pas vrai ? » Ce n’est pas tant une mauvaise idée, et elle n’est point la première à me proposer la chose. Candace m’a fait la même remarque au courant de la semaine, je serais folle de refuser leur aide. Si elles veulent bien m’aider, pourquoi pas. « Oui, on pourrait faire ça. » Je ne dis pas que ça allait être facile, je risquais même de passer un mauvais quart d’heure, mais bon… n’étais-je pas venu pour ça, justement. « Il faut me trouver quelque chose pour le prochain prime… ou la prochaine soirée. Ce serait un bon début. » J’avais de charmants atouts, mais hélas, aucune capacité à les mettre en valeur. Je ne savais point comment le faire, et je ne le désirais pas non plus jusqu’à tout récemment. Mais ma vie allait prendre un certain tournant dans les mois à venir, il fallait que j’assume ce côté plus femme de moi, et que je n’en ressente pas de gêne. Facile à dire, difficile à faire. Les actions des deux candidates attirèrent alors notre attention et nous détournèrent de notre conversation. À l’instar de mon partenaire, j’eus une réaction de dégout face à ce qui venait de se produire. « Il va se passer quoi, pour elles ? » nous questionna Dagga, et j’haussais les épaules, n’en sachant strictement rien. « J'sais pas et je préfère pas savoir, en fait. J'suis trop écœuré là. » laissa entendre Arès. Il semblait encore plus refrogné qu’en début de prime, et je posais doucement ma main sur la sienne, avant de lui sourire d’un air compatissant. Ça me chagrinait de le savoir de la sorte. « Hm, je sais pas, au mieux elles seront juste réprimandées, au pire elles seront nominée d’office ? » avança à son tour Jared. J’étais sceptique quant à la nomination d’office, mais Cupidon semblait être un être plein de scrupule et de sadisme. Ça reste totalement possible. « On l’apprendra bien assez tôt, je pense. » Peut-être même qu’il ne se passerait rien du tout. Parfois, on excuse une première offense. Pas toujours, mais ça arrive.

C'est à mon tour d'apparaître à l'écran, Syssoï vient de disparaître dans le générique de C'est pas Sorcier. On me voit d'abord en gros plan, mes cheveux parfaits, mon sourire radieux, et mes lunettes de soleil trop classe. J'suis canon quand même. Et puis le champs s'élargie, le soleil brille, on voit des bateaux derrière moi, un port même. Je suis classe comme d'habitude, en tee-shirt puisqu'il fait chaud. « Exit le village perdu au beau milieu de la campagne, son bistrot sans âge. Nous voici à Marseille les amis, chef-lieu des Bouches du Rhône et qui compte donc, énormément d'habitants, une plage et aussi un port où je me trouve actuellement. » On me voit avancer sur l'avenue, je suis dans un bar restaurant, à deux pas de la mairie, et j'ai rendez-vous avec une famille qui m'attend, Pastis à la main. Yeurk. « Laissez-moi vous présenter Maurice et Janette, les ancêtres des la famille. » Regard noir de Jeannette. Je crois que j'ai fait une bourde. « Grands-parents, les grands-parents, de cette petite tribu. » Je me rattrape dans un français approximatif, j'suis assez novice en la matière. Déjà que leur accent est particulier, tellement plus... Rustre que le parfait accent parisien d'Esther, et l'élocution de Syssoï. Parfaite. Je trinque avec eux, mais pose mon verre sur la table, je n'ai pas osé leur dire que leur "petit jaune" était imbuvable. « Leur petits enfants, très assidu à notre émission ont tenu à exprimer leur avis aussi. Justement les minots - et là, je lance un clin d'oeil à Maurice, preuve que j'ai bien retenu la leçon, très fier de moi, bien que je ne sois pas sûr de la traduction exacte, il est temps de nous parler de Rahnan et Danger, aka Gaspard et Janka, ou encore Connard et Janette. » Je tends le micro aux adolescents qui tirent une tronche d'ado, ils font la gueule en gros. Mais Jeannette attrape mon bras, et mon micro pour répondre. « C'est une bonne minote, je l'aime bien cette Janette. » « Janka » Je reprends tandis que Tonio, le petit fils se met à rire. « Mamie arrête, on sait tous que c'par'que qu'elle s’appelle comme toi eeeeh. » Gloussement d'adolescent attardé. « Moi franchement, je pense, qu'elle est trop fada cette fille. Ça se voit trop quoi. En plus, c'est trop une allumeuse, elle se balade nue tout le temps. C'est vraiment trop dégueu. Il faut l'enfermer, moi j'dis. » Réponds l'adolescente d'un air blasé, tandis qu'elle mâche son chewing-gum avec peu d'élégance. « Par contre son partenaire c'est où il veut quand il veut. Mon numéro c'est le 06 18 95 .... » « Manon, arrête de faire ta cagole, tu vas t'en prendre une tu rigoleras moins ! » Hurle sa mère, outrée. « Non, Gaspard n'a aucune classe, et puis entre nous, il n'est pas très futé le cacou, j'suis allé qu'au Lep, mais confondre un requin avec un loup peuchère. » Elle répond affligée. « Cette petite Jana. » « JANKA ! » Répondent les enfants en coeur. « Rhoo, Janka, je crois qu'elle est simplement en manque d'affection, et lui qu'est-ce qu'il fait ? Il la rejette cette pauvre petite. Aucune manière, je vous jure. » « Ouuuuuuais, mais c'est surtout parce qu'il veut se frayer une entrée dans la culotte d'Eiliot ça, elle est bien roulée la minote faut dire. » Jeanette donne une légère pichenette derrière la tête de son fils. « T'es fada, il est homosexuel, je crois qu'il veut aller au beurre avec le garçon avec tous ces gribouillis sur le corps. C'est pas sérieux peuchère. » « Ils peuvent pas s'marier, c'est pas légal. » « Oh Maurice, y'a pas besoin de se marier pour se chatouiller le trou du cul. » Annonce Gérard, ricanant alors que sa mère plaque sa main sur sa bouche. « Oh Gégé, et les minots, t'y penses toi à tes minots, tu vas encore dire que l'autre Tonio, il va se chatouiller l'asticot toute la nuit peuchère. » « Non mais arrêtez c'est trop dégueulasse, pfff. De toute façon Gaspard c'est le plus beau, et c'est même pas vrai qu'il est roux, il s'intéresse trop aux gens, il est très gentil, et puis même qu'il parle trop bien de toute façon. » « Mais elle va fermer sa bouche c'la ! » Réponds Jeanette légèrement excédé. « Je crois qu'elle est incomprise cette petiote vé, elle est obligé de tout casser pour se faire entendre... » Réplique l'ancienne. « Bhé tu bois pas ton petit jaune, l'Irlandais ? » Demande soudainement Maurice. « Si si bien sûr, c'est bon vous avez fini ? » Je leur demande perplexe en récupérant mon micro des mains de Jeanette bien décidé à garder l'attention sur elle. Personne n'ose parler. J'ai bien l'impression qu'ils ont terminés. J'ai rien compris. « Bon et bien Jamie, je crois que ce qu'on peut retenir de cette interview c'est que la prochaine fois c'est toi qui t'y colleras, puisque la seule chose que j'ai compris c'est que mademoiselle n'aime pas les cagoules que porte Janka, et que Gaspard n'aime pas les dadas. C'est à n'y plus rien comprendre. » J'annonce à la caméra, à l'attention de Syssoï légèrement perplexe, j'hausse les épaules, tandis qu'on voit la main de Maurice à l'écran me tendre le verre de Pastis....

Nous voilà exposés. Bien. Je n'avais absolument pas honte de ce qu'il avait pu se produire dans les souterrains. Non cependant, ce que j'aurais aimé, c'est que cela reste entre nous. Les autres n'avaient pas besoin de savoir, puisque nous ne comprenions nous même pas. Ça ne servait simplement à rien. Alors, je dévisage littéralement et sans m'en rendre compte le jeune homme. Non, au final, je me sers de son visage comme point d'attache, fixant un flou à s'en bruler les yeux. Mais j'ai l'habitude. Branca me sort cependant de mes rêves et ne tarde pas à réagir à cette nouvelle révélation, peu étonnant, qui ne l'aurait pas fait. « Des cours particuliers donc, sacrée révélation. Heureux? Et c'était agréable ? » autant tourner le tout à l'ironie, je ne suis pas prêt à subir une quelconque critique. « Pour lui ? Bien entendu, m'embrasser est toujours très agréable. » sifflais-je avant de reprendre une nouvelle fois la parole « Cependant j'ai le regret de t'annoncer que l'éducation nationale n'approuvant pas mes cours, j'ai du mettre un terme à ma carrière d'enseignant. » j'hausse les épaules « Et travailler au noir, c'n'est pas pour moi. » non, je préfère faire le tout dans les règles, comme toujours. Oui, j'avais toujours été comme ça. Il m'arrivait même de les créer, mais ça c'est une autre histoire. « Tout ça mérite bien un verre Mr. le professeur, non ? » elle se lève et part nous chercher à boire. Moi je reste là, à scruter mon nom apparaitre en bas des deux listes. « Dernier partout. Et bien, je crois que j'ai à craindre pour ma peau le jour où je serai nominé. » simple constatation. La fameuse rubrique tourne à son tour. Mais je ne l'écoute cependant que d'une oreille, n'ayant pas vraiment envie d'entendre quoi que ce soit sur Janka et Gaspard qui puisse fausser mon propre jugement.

J'ai la nette impression que mon visage est en train de se consumer, de bouillir à petit feu tandis que mes joues se colorent d'un carmin bien explicite: je maudis ma peau de blond de tout mon être. Tentant de dissiper ma gêne, je me pince l'arête du nez, me frotte l'arrière du crâne, essaye de penser à autre chose: la pseudo-fièvre semble tomber, mais le malaise grandit au fil des secondes. J'ai beau être quelqu'un d'extraverti, j'ai pour habitude de taire mes sentiments amoureux, aussi futiles soient-ils: voir mon ressenti ainsi affiché m'en retounerait presque l'estomac, même si j'ai conscience que même un aveugle aurait pu voir à quel point je parais attaché à ma partenaire. J'espèrais que Fantine se contente d'un silence radio, mais il n'en ait rien: de l'eau et de l'air s'il vous plaît, l'AVC le guette. Je piétine, lâche sa main et me tord les doigts. Lui mentir et dire qu'Esther n'a pas vu juste? Sans intérêt. Je ne sais pas mentir de toute manière. Je tourne la tête, la retourne, fuis son regard. Me pince les lèvres, fronce les sourcils. "Je- hm, t'inquiète pas, ça va passer. C'est... surement passager," finis-je avec un sourire pire que gêné. Je sais que ça ne passera pas, et tombe de haut. De très, très haut.